46 [Coimntio» nationale.] ARCHIVES -PARLEMENTAIRES, j Tarit» commandait la frégate F Uranie; dans l’espace d’un mois, il venait de faire qdurieurs prises intéressantes, et particulièrement une corvette espagnole, dont l’équipage était com¬ posé de deux cent cinquante hommes : Tartu, suivi de sa prise, attaqua une frégate anglaise, et déjà le sang ruisselait de toutes parts des sabords de cette dernière ; elle était sur le point d’amarrer lorsqu’un boulet vint emporter la cuisse de Tartu; il survécut quelques quarts d’heure à sa blessure, -et n’employa ces der¬ niers moments qu’à encourager son équipage et à donner à son fils, mousse à son bord, dés leçons de patriotisme et de vertu : « Je meurs content, mon fils, j’ai -combattu pour la liberté de mon pays : apprends à la défendre et à savoir mourir pour ta patrie. » Telles furent les dernières paroles de ce héros répu¬ blicain. Ces deux braves marins étaient tous les deux néa plébéiens ; ils ont tons les deux com¬ mencé par être mousses, et sont montés, par leur civisme et leurs talents, au grade de capi¬ taine de vaisseau, qu’ils n’auraient jamais atteint sons le règne des despotes, et dans lequel ils ont si glorieusement terminé leur carrière. Les citoyens de R o chef or t, justement épris de reconnaissance envers ees deux sans-culottes, dont ils avaient si souvent admiré les vertus, ont voulu élever un monument à leur mémoire. Toutes les autorités constituées, tous les corps civils et militaires, la société républicaine, et de nombreuses députations cir-convoisines, composaient cette fête mémorable, à laquelle s’étaient réunis les représentants du peuple entourés des enfants de Mulen et "Me Tartu. L’urne funéraire, simplement semée de fleurs et ombragée d’une couronne de chêne et de laurier était posée sur un brancard porté par huit officiers de la marine, et négligemment soutenue par des rubans tricolores, à un support en forme de dôme, surmonté d’une pique et du bonnet de la liberté. Le cortège parti à une heure après midi de la maison commune, an bruit d’une musique guerrière, se rendit sur la place de la liberté oh 1 ’nrne fut déposée sur l’autel 4© la patrie. Le président de la société, placé sur les marches de l’autel, au milieu des représentants du peuple, prononça un discours animé de toute l’énergie républicaine. La haine des tyrans de toute espèce, le mépris des grands et de leurs titres fastueux, s’imprimèrent dans tous les cœurs. Les citoyens qui portaient les noms proscrits de roy, gentilhomme, etc., sollici¬ tèrent de ne plus eu être flétris et de leur substi¬ tuer ceux que nous chérissons tous. Les repré¬ sentants du peuple et la municipalité arrêtent cette demande et donnent, par le baptême civique, une existence nouvelle, en quelque sorte, à ees citoyens indignes de leur ancienne dénomination. Les cris répétés de Vive la Mon¬ tagne! Vive la République ! firent parler les airs, et cette scène attendrissante fut suivie d’un autodafé de différents titres et monu¬ ments du fanatisme et de la féodalité. Le cortège dirigea ensuite sa marche vers le Temple de la Vérité, un peuple immense s’y porta en foule : jamais les mômeries évangé¬ liques, jamais les fêtes des tyrans mitrés ou couronnés n’attirèrent une telle affluence. Un citoyen prononce l’oraison funèbre de Mulon et Tartu. Un profond silence, et quelques soupirs mêlés de larmes, annoncent les regrets et font entendre Fexpressîoa de la douteur. Un des représentants mont© à la chaire de tel vérité, jette quelques Sears sur la tombe de ees deux victimes de la liberté, et bientôt sa voix consolante fait taire la douleur, électrise toutes les âmes, et chacun n’éprouve plus que te double sentiment de la vengeanee et de la haine des tyrans ; il finit, en prononçant l’arrêté pris par son collègue et lui, de faire porter à fa frégate F Uranie le nom de Tartu. L’autre repré¬ sentant le remplace à la tribune; la supersti¬ tion, le fanatisme sont vivement attaqués, vivement combattus; la morale éternelle Fera-porte, la superstition et te fanatisme sont terrassés, la lumière pénètre davantage, cinq prêtres, entraînés par la force de la vérité, se dépouillent de leurs trop vieilles erreurs, les protestants imitent leur exempte, et tous, à F envi, jurent de ne faire qu’une même famille, et de ne reconnaître qu’une religion : celle de la liberté et de la fraternité. Aussitôt, les repré¬ sentants du peuple, aussi attendris que l’assem¬ blée entière, de cette salutaire conversion, et pour montrer que la nation française est toujours grande et généreuse, arrêtèrent, au bruit des plus vives acclamations, que ces cinq prêtres philosophes jouiraient de leur pension leur vie durant, et contractèrent l’enga¬ gement solennel de faire ratifier cet arrêté par la Convention nationale. Des cris prolongés de : Vive la Montagne! Vive la République ! se firent entendre dans toutes les parties du Temple, qui ne contient plus qu’un peuple de frères réunis sous l’étendard de la liberté,: on y brûle les lettres de prêtrise; le peuple impatient de¬ mande à grands cris que te tabernacle soit remplacé par le tableau des droits de l’homme et l’acte constitutionnel, et eette belle journée, qu’on pourra appeler le triomphe de la morale sur la superstition, a fixé dans tous les coeurs le sentiment inextricable de la haine pour tons les tyrans de l’univers. Signé : Lequinio, Laigneeot, représentants du peuple; Legrand, président du district; Gruee, premier juge du tribimal du district; Hugues, président du comité de surveil¬ lance révolutionnaire; Sert ou y, président de la Société républicaine; Faurès, juge du tribunal de commerce; Charegt, prin¬ cipal chef de l’Administration civile de la marine; Ledale Keon, commandant des armes; Delisle, maire; Texier-Perraïn fils; Jossand aîné; Leloup aîné; Bour-rassand; PEELÉpère; Savigny aîné; Con-foulant, officiers municipaux; Aunay ; Goueard; Dumas; Prueat aîné; Rangé; Gaget; Vrigneaux; trésorier; Cochon; Bonneau; Gond aîné; Gqduc;. Minguet; Turpeau; Deschamps; Braud; Garin ; Vivez aîné, notables; André, procureur de la commune; Barraud, substitut; Joyeux fils, secrétaire-greffier. Profession de foi de plusieurs prêtres de la eommune de Rochefort et eireonvmsines. Nous, prêtres assermentés sur la constitu¬ tion républicaine de France, et attachés de cœur et d’affection à toutes les lois de la Répu¬ blique, reconnaissant l’évidence des vérités philosophiques qui ont donné lieu à ce régime [Convention natioaale.] ARCHIVES P&RbEMffcV'FÀIRES. 24 n™embrTi793 * destructeur de toute» les espèces de-tyrannies, et voulant donner une preuve non équivoque de notre patriotisme et de notre amour poux la liberté, et du désir dont nous sommes ardem¬ ment animés de concourir d’une manière franche et ferme au bonheur de tous les hommes, de quelque religion qu’ils pidssent être, nous promettons, ainsi que nous venons de le jurer en chaire, en présence du peuple dans le temple de la vérité, autrefois l’église paroissiale de cette ville, de n’être désormais que des prédi¬ cateurs de morale, de n’enseigner d’autres maximes que celles de la droite raison, de ne développer et de n’apprendre à tous les hommes, de quelque pays qu’ils puissent être, qu’à s’entr’¬ aimer, à s’ entre -secourir et à défendre leur liberté contre les tyrans politiques et religieux de toute espèce. A Rochefort, ce dernier jour de la lre décade du 2e mois de la 28 année de la République française, une et indivisible. Signé : François Masdebord, ci-devant au¬ mônier au 4e régiment de la marine ; Laydet, ev-devant curé de Notre-Dame; Guesnet, ci-devant curé de Saint-Hippolyte; Guy BeaupoiIi, ci-devant vicaire de Marennes et desservant de Boursefranc, annexe de Marennes/ Baril, ci-devant curé de Saint - Namire; Chemineau, ci-devant curé de Fouras; Bonneau, ci-devant cure J donne; J. -F. Arnoult, ci-devant vicaire épiscopal; Barreau, curé de Soubise; Nicolas Plu-Chonneau, d-devant aumônier de rhôpitcd de la marine; René Lapaix, ci-devant appelé René Roi, ex-curé du Thon; Forget, ci-devant vicaire épiscopal. Nota . Depuis cette profession de foi, la muni¬ cipalité de Rochefort a reçu les lettres de prê¬ trise des citoyens Jean-Louis Doussin, ci-devant curé de la Tremblade;. Pierre Dulac, ci-devant curé de Bolus, île d’Oléron; Pierre Favre, ci-de¬ vant curé de Surgères; Jean Paulier, ei-devant curé de Saint-Pierre, pTès Sur gères; Jean-Baptiste Bar don, ci-devant curé de Ciré; Jewn-Jacques Allion, ci-devant curé de la paroisse de Saint-Mare; Jacques Ponet, ex -capucin. Arrêté des représentants du peuple. Nous, représentants du peuple français, en¬ voyés dans le département de la Charente-Inférieure, rendant avec satisfaction hommage au courage et à l’esprit philosophique des citoyens François Masdebord, .aumônier du 4e régiment de la Marine; Jean-Robert Guesnet, curé de Saint-Hippolyte; Guy Beaupoil, vicaire de Marennes et desservant Boursefranc, annexe de Marennes; Nicolas Pluchonneau, aumônier de l’hôpital de la marine; Français-René-Au¬ guste Laydet, curé-de Notre-Dame de Roche-fort, lesquels sont venus aujourd'hui dans-le Temple de la Vérité, autrefois l’église parois¬ siale de cette ville, rendre hommage à la raison et à la vérité, brûler leurs lettres de prêtrise, en présence de tout le peuple,, devant lequel ils ont juré de n’être désormais que des prédicateurs de morale, de n’enseigner d’autres maximes que celles de la droite raison* de, ne développer d’autre» principes-que ceux de la saine philosophie, et de n’apprendre à tons les hommes, ' de quelque pays qu’îfe puissent être, qu’à s’entr’aimer, à s’ entre-seeourrr erfe à défendre leur liberté contre les tyrans poiiïr-queset ret�feux* de toute espèce; et considérant que la nation française, toujours généreuse et juste, ne peut refuser une subsistance honnête à des citoyens qui, conduits par les Circons¬ tances et tous les vices de l’ancien régime*. et ayant embrassé une profession qui -ne re¬ posait que sur l’ignorance du peuple et le besoin de soutenir le despotisme du trône en trompant les' hommes simples et sans lumières,. se trouveraient maintenant hors d’état d'ap¬ prendre une autre profession r désirant d’ail¬ leurs récompenser ces citoyens vertueux, qui,. les premiers, ont osé secouer le joug de la superstition et domination papale, nous arrê¬ tons que lès citoyens dénommés ci-dessus, joui¬ ront, leur vie durant, d’une pension de douze cents livres qui leur sera payée par quartier*. et qu’ils pourront se retirer en tel lieu: qu’ils voudront de la République*, en. se mettant sous la surveillance des municipalités, et se conformant d’ailleurs à toutes* les lois? de là République; les autorisons à développer par¬ tout ces grands principes de lu raison et de la philosophie qui les ont portés à la démarche courageuse qu’ils viennent de faire, et à se présenter au district duquel ressortira la muni¬ cipalité où ils existeront, lequel nous requérons d’enregistrer le présent sur la copie qui leur sera délivrée, signée de nous, et de leur faire compter la pension ci -dessus mentionnée. Nous rendons cet arrêté commuât anx citoyens An¬ toine Chemineau, curé de Fouras; Baril, curé de Saint-Nazaire, district de Marennes, et Bonneau, curé de la commune d’Olonne, dont le premier nous a fait passer ses lettres de prê¬ trise, pour être brûlées, ainsi qu’elles l’ont été en présence du peuple, et les deux autres nous ont écrit qu’ils renonçaient à une profession mensongère, et de laquelle on s'est si longtemps servi pour tenir le peuple dans F aveuglément*. F esclavage et la misère. A Rochefort, le dernier jour de la première décade du second mois de l’an deuxième de¬ là République, une et indivisible. L’original de la profession ei-dessus mention¬ née, remis en nos mains et déposé à la muni¬ cipalité de Rochefort, que nous chargeons d’en délivrer copie à ceux des prêtres assermentés qur viendraient faire, dans-son sein, la même* profession que celle faite par ceux énoncés ci-dessus, et y déposer leurs lettres de prêtrise. - Cette copie leur servira de titre pour jouir du traitement et de la liberté accordés par lé présent. La municipalité nous fera passer les lettres de prêtrise qu’elle recevra, afin que nous lès envoyions à la Convention nationale. Nous rendons dès à présent cet acte commun. aux citoyens Jean-François Arnaud, ci-devant vicaire épiscopal de Saintes; Trichon, ci-devant curé de Charente, et Charles Thomas, faisant les fonctions de vicaire au même lieu de Cha¬ rente, lesquels nous ont remis leurs lettres de prêtrise et la déclaration de leur profession philèsophique. Signé : Laignelot ; Lequinio. A Rochefort, chez J.-B> Bonhomme, impri¬ meur-libraire, l’an IX de là République, fran¬ çaise.