[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 77 bien s’occuper du soin de les faire diminuer et pourvoir d’une manière efficace à ce que tout citoyen puisse manger du pain. Signé Deschamps ; Lemaire ; Haquet ; L. Deschamps ; Pierre Mouzon ; Geoffroy ; Huré ; Pierre Petit; Rabaut; Gandrille. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances de la paroisse de Saint-Germain-lès-Arpajon (i). L’ordre du tiers-état de la paroisse de Saint-Germain-lès-Arpajon, pénétré de reconnaissance pour les bontés paternelles du Roi et prêt à tout sacrifier à la gloire de la patrie et au service de Sa Majesté, la supplie d’agréer les doléances et remontrances qu’elle lui a permis de porter au pied du trône, et de n’y voir que l'expression de son zèle et l’hommage de son obéissance. Son vœu est : Art. Ier. Que les sujets du tiers-état, égaux à tous les autres citoyens par cette qualité, se présentent à leur père commun, sans aucune distinction qui les avilisse. Art. 2. Que tous les ordres déjà réunis par le devoir, comme par le vœu commun, de contribuer également aux besoins de l’Etat, délibèrent aussi en commun sur leurs besoins. Art. 3. Qu’aucun citoyen ne puisse perdre sa liberté qu’en vertu des lois ; qu’en conséquence, personne ne puisse être arrêté en vertu d’ordre particulier, ou que, si des circonstances impérieuses nécessitent ces ordres, le prisonnier soit remis dans un délai de quarante-huit heures au plus tard entre les mains de la justice ordinaire. Art. 4. Qu’aucune lettre ou écrit intercepté, à la poste ne puissent motiver la détention d’un citoyen, ni être produit en justice contre lui, si ce n’est dans le cas d’une conjuration ou entreprise contre l’Etat. Art. 5. Que les propriétés à tous particuliers soient in violables, et qu’on ne puisse en exiger le sacrifice au bien public, qu’en les indemnisant à dire d’experts librement nommés et au comptant. Art. 6. Que tous les impôts établis depuis 1614, n’étant point revêtus du consentement de la nation, soient corrigés et néanmoins le maintien de la chose publique exigeant un revenu actuel, les-dits impôts soient fixés par les Etats généraux. Art. 7. Que la dette nationale soit vérifiée ; que le payement de cette dette soit assuré par des impôts indirects, mais tels qu’ils ne puissent nuire ni à la culture, ni à l’industrie, ni au commerce, ni à la liberté et la tranquillité des citoyens. Art. 8. Qu’il soit établi un fonds annuelderem-boursement pour éteindre le capital de la dette. Art. 9. Qu’à mesure que la dette sera éteinte, une partie correspondante de l’impôt direct s’éteigne aussi. Art. 10. Que tout impôt soit direct, soit indirect, ne puisse être acèordé que pour un temps limité. Art. 11. Qu’il ne puisse être formé, sous tel prétexté ou gage que ce soit, aucun emprunt, que du consentement des Etats généraux. Art. 12. Que toute anticipation, que toute émission de billets de trésorier ou .autres pour le compte de l’Etat, sans une fonction publique, soit regardée comme une violation à la foi publique, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives dé l’Empire. et que les administrations qui les auraient ordonnées ou autorisées soient punies. Art. 13. Que tout impôt personnel soit anéanti; qu’ainsi la capitation, la taille, ses accessoires soient confondus avec les vingtièmes, en un impôt sur les terres et les propriétés réelles et fictives. Art. 14. Que cet impôt soit supporté également par toutes les classes de citoyens sans distinction, et par toutes les natures de biens quelconques sans aucune exception. Art. 15. Que tout privilège, de quelque nature qu’il soit, soit aboli. Art. 16. Que l’impôt représentatif de la corvée soit supporté indistinctement et également par toutes les classes de citoyens, sans qu’ils puissent néanmoins être forcés d’en faire en nature , comme il se pratique sur la route d’Orléans et ailleurs, et comme cet impôt, dans l’état actuel, est au-dessus des forces de ceux qui le payent et des biens auxquels il est destiné, qu’il soit réduit de moitié. Art. 17. Que tous anciens chemins, routes, anciennement entretenues au compte de l’Etat , soient rétablis de préférence, après examen fait à ce sujet par des commis envoyés par le gouvernement. Art. 18. Qu’il ne soit fait aucun chemin, de fantaisie ou de plaisir, par quelque personne que ce puisse être, sans le consentement de l’assemblée de l’arrondissement du bailliage où on doit former ledit chemin. JUSTICE. Art. 1er. Que l’administration de la justice soit réformée en abrégeant ses expéditions; en limiter le temps et les épices. Cet article demande beaucoup d’attention. Art. 2. Que toute charge vénale soit supprimée, comme étant à charge au public et à la liberté des citoyens. Art. 3. Que toutes les juridictions d’exception, élections, intendances, maîtrises, surtout eaux et forêts, greniers à sel, bureaux de finances, soient supprimées, comme inutiles, multipliant les procès et accablant le peuple. Que leurs attributions soient renvoyées au bailliage dans le ressort desquels elles sont situées, et les officiers composant ces juridictions incorporés à ces bailliages, ou remboursés de leurs finances. . Art. 4. Qu’il soit dressé un corps de droit coutumier, unique et général pour tout le royaume. Art. 5. Que tout citoyen, de quelle extraction qu’il puisse être, soit admis dans les courd et compagnies de magistrature, pourvu qu’on reconnaisse en sa personne lumières, mérite et vertus, même de préférence à ceux qui n’y sont admis que par leur1 naissance et sans aucun mérite. Art. 6. Qu’il en soit de même pour l’ordre militaire. FINANCES. Art. 1er. Que tous impôts sur les vins et boissons soient réunis en un seul qui pourra être fixé à l’inventaire, à une somme quelconque par muid, avec liberté au cultivateur ou autre citoyen de vendre, transporter et agir à cet égard en toute liberté. Art. 2. Que surtout cette quantité innombrable de commis de la gabelle qui viennent visiter et remuer jusqu’à nos lits, ne respirant que la ruine et la vie des citoyens, ainsi que pouf les cuirs, soient annulés à jamais. Art. 3. Que tous offices de jurés-priseurs onë- 78 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] reux au public dont ils gênent et trompent souvent la confiance, soient éteints et supprimés ainsi que tous offices inutiles, soit à la police, soit à l’administration de la justice. AGRICULTURE. Art. 1er. Que les lettres. patentes du 26 août 1786, qui fixent les droits de commissaires à terrier, au triple et quadruple de leurs anciennes rétributions, soient révoquées, ou réduites à de justes limites, et qu’il ne puisse être procédé à aucun renouvellement de terrier, qu’au bout de cinquante ans et sur de nouvelles lettres. Art. 2. Que le gibier de toute espèce qui dévaste nos campagnes soit totalement détruit, surtout les lapins qui sont une peste publique et dont plusieurs seigneurs font commerce au détriment au cultivateur. Art. 3. Qu’il soit défendu à toute personne, et avec des chiens, de se transporter dans les campagnes pour y chasser dans les temps de la maturité des grains et des vendanges. Art. 4. Qu’il sera permis à tout cultivateur de se transporter à sa volonté et au besoin sur ses terres ensemencées, d’y mettre du monde pour en extraire les mauvaises herbes, nuisibles aux grains, de faire les récoltes de fourrage et grains à volonté, et dans les saisons convenables. Art. 5. Que toutes personnes, sans exception, qui ont des pigeons de colombier ou de volière, les renferment depuis le 1er avril jusqu’au 1er novembre; autrement que celui qui s’en trouvera endommagé, les détruise de la manière qui lui paraîtra la plus convenable. Art. 6. Que tous les baux généralement quelconques, même desgens de mainmorte, subsistent jusqu’à leur définition, ne pouvant être interrompus par mort ou échanges de bénéfices ou autrement, ni sous quelque prétexte que ce soit, à moins que ce ne soit du consentement réciproque des deux parties, et que tout bail soit au moins de neuf ans. Art. 7. Que les plaintes en fait de retirage de terrain et dégâts de bestiaux ou autres natures soient portées préalablement aux municipalités des paroisses qui constateront les délits, et concilieront à l’amiable les parties si faire se peut, le tout sans frais, sinon les renverront devant leurs juges ordinaires. Art. 8. Que les milices qui dévastent les campagnes, enlèvent des bras à la culture, forment des mariages prématurés et mal assortis, imposent à ceux qui y sont sujets des contributions secrètes, soient supprimées et remplacées par des enrôlements volontaires, aux frais des proviuces. Art. 9. Qu’il ne soit accordé aux gens de mainmorte aucun quart de réserve sans qu’une partie du produit soit destinée à la replantation de leurs bois ou des terrains en friche dépendant de leurs propriétés. Art. 10. Que la largeur des grandes routes, celle des chemins ruraux et vicinaux, soit déterminée d’une manière fixe, invariable et uniforme. Art. 11. Qu’il soit imposé des peines contre ceux qui laboureraient des chemins ruraux et vicinaux. commerce. Art. 1er. Que tout règlement qui tendrait à gêner l’industrie et le commerce des citoyens soit révoqué. Art. 2. Qu’au moment où le blé-froment aura atteint dans les marchés la somme de 25 livres de setier, il soit défendu à toutes personnes d’en acheter pour le revendre sur le môme marché, et de la main à la main, ce qui est un monopole manifeste, mais seulement pour leur subsistance. Art. 3. Qu’il soit néanmoins permis à tous marchands fariniers, fournissant la ville de Paris, d’acheter sur les marchés du grain pour la fourniture de ladite ville, ou autre province du royaume, après celle de Paris fournie. Art. 4. Que toutes personnes commises pour l’approvisionnement de Paris et les hôpitaux, par le gouvernement, qui les paye en conséquence, pour mouture, voiture et soins desdites marchandises, soient choisies dans des gens de l’art, et non parmi des bourgeois ignorants dans cette partie, qui les laissent gâter faute de soins, en font des échanges à leur avantage, au détriment du public. Art. 5. Que ces commis soient garants des marchandises qu’on leur confie d’après un procès-verbal en bonne forme, soit par gens expérimentés qui constatent la nature des grains qu’il reçoivent, et qu’ils donnent caution de leur commission et gestion. Art. 6. Que, comme sujets, ils supportent par proportion les impôts tant pour le commerce qu’ils font aux dépens de l’Etat que pour l’ouvrage qu’ils font pour les plus forts boulangers de Paris. Art. 7. Que les charges de visiteurs des grains et farines de la halle de Paris et ailleurs ne soient confiées qu’à des personnes consommées dans cet art, et non à des ignorants, qu’on ne considère que par rapport à leur argent. Art. 8. Que tous banqueroutiers frauduleux soient regardés comme des criminels publics; qu’il soit enjoint au ministère public de les poursuivre comme tels, non de les autoriser, et que les lieux privilégiés ne puissent plus servir d’asile aux banqueroutiers. Art. 9. Que tous droits de péages et autres semblables et banalités soient supprimés dans le royaume. ■ Art. 10. Que dans un délai fixé les poids et mesures soient rendus uniformes dans tout le royaume. MOEURS. Art. 1er. Que le saint concile de Trente soit adopté et mis en vigueur contre les ecclésiastiques de tout ordre, surtout contre les archevêques et évêques qui ne résident pas, et ceux qui ont plusieurs bénéfices dont d’aucuns font commerce. Art. 2. Que tous abbés commendataires, qui n’ont d’autres charges que de recevoir leurs revenus et abbayes, qui sont presque tous seigneurs et en même temps inutiles au public, et qui ont des biens immenses, soient réduits à des pensions honnêtes et le surplus employé au bien de l'Etat, et nommément pour que les maîtres d’école puissent instruire les enfants des pauvres gratuitement. Art. 3. Que tout archevêque ou évêque, ou autres ecclésiastiques qui ont des revenus considérables, soient réduits chacun à proportion de son rang, de manière à pouvoir vivre très-honnêtement mais sans profusion, et que le surplus rentre aux besoins de l’Etat. Art. 4. Que toutes loteries ou ce qui les concerne soient supprimées. Art. 5. Que tous blasphémateurs de tout sexe et ceux qui jurent le saint nom de Dieu, soient punis corporellement, et que les lois de nos anciens rois, et notamment de saint Louis, soient remises en vigueur et exécution à ce sujet. 79 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] Art. 6. Que tous huissiers ou notaires, chargés de faire des partages d’héritages entre famille, ou autres expéditions, soient promptement expédiés, et que le temps en soit limité. Art. 7. Que lorsqu’il y aura des réparations à faire à quelques presbytères ou églises, les personnes chargées d’en donner ordre ou permission les expédient plus promptement que par le passé, et que le temps en soit limité et les frais réduits à de justes limites. Fait et arrêté en l’assemblée de l’ordre du tiers-état de la paroisse de Saint-Germain-iès-Arpajon, tenue cejourd’hui 16 avril 1789. Signé Chevallier; Thiercelin; François Boileau; Potin; Beuce ; Blot; Foucbard; Baron; Pelletier; Corqueville; Durand; Rousseville; Brisard ; Gha-ligne; Jeurunion; Rochet'ort; Louis Bucheutte; Nivet Rochas; Brisset Galine; Jean-Jacques Bedeau; François Bary et Biseau Demeneuvizy. CAHIER Des doléances , ou projet d'instructions à donner par l'assemblée du tiers-état de la prévôté et vicomté de Paris , à ses députés aux Etats généraux, proposé par l’assemblée de la paroisse de Saint-Gratien et remis aux deux députés de ladite paroisse le lundi 13 avril 1789 (1). DES ÉTATS GÉNÉRAUX ACTUELS. Les députés proposeront, avant toute délibération subséquente, que l’assemblée actuelle des Etats généraux soit déclarée légale, et que, dans les délibérations à prendre relatives à l’intérêt général, les suffrages seront comptés par tête ; qu’il sera dressé acte de ladite délibération qui aura force. Ils requerront que tout ce qui se proposera dans Rassemblée des Etats généraux soit rendu public avec toute la fidélité et l’exactitude possibles par la voie des journaux ou par un journal particulier. DES IMPÔTS ACTUELS. Les députés requerront que les Etats généraux suppriment et anéantissent, comme illégalement établis, tous les impôts actuels quelconques ; ils consentiront ensuite que ces mêmes impôts soient provisoirement rétablis pendant la tenue des Etats généraux seulement, à moins qu’il n’en soit par eux autrement ordonné avant leur séparation. DES LOIS FONDAMENTALES ET DE LA CONSTITUTION. Les députés requerront qu’il soit rédigé et publié, avec toute la solennité possible, une charte déclarative des lois fondamentales et constitutionnelles du royaume, qui sont : Art. 1er. Que la France est une monarchie gouvernée par le Roi suivant les lois. Art. 2. Que la couronne de France est héréditaire de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l’exclusion des filles et de leurs descendants mâles ou femelles. Art. 3. Qu’arrivant l’extinction de la ligne masculine de la maison régnante, la couronne est élective par Rassemblée des représentants de la nation. Art. 4. Qu’au Roi seul appartient toute la puissance exécutrice. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Art 5. Que les parties constitutives des Etats généraux sont ; 1° le Roi; 2° les représentants de la nation. Art. 6. Qu’aux Etats généraux ainsi constitués appartient toute la puissance législative, c’est à savoir aux représentants de la nation, le droit de proposer et faire des lois, de les abroger et interpréter, et au Roi de les sanctionner ou rejeter. Art. 7. Que la puissance judiciaire doit être confiée par le Roi aux tribunaux avoués et reconnus par la nation. Art. 8. Que les cours souveraines sont tenues d’enregistrer et faire publier purement et simplement, sans modification, les lois arrêtées en Rassemblée des Etats généraux , pour être exécutées suivant leur forme et teneur, et copies envoyées aux tribunaux inférieusr, sauf aux cours souveraines à présenter aux Etats généraux, après l’enregistrement et publication des lois, les observations qu’elles jugeront convenables. Art. 9. Qu’à Rassemblée seule des représentants de la nation appartient de conférer la régence, dans tous les cas possibles. Art. 10. Qu’aux Etats généraux seuls appartient le droit d’accorder et de refuser les impôts et subsides. Art. 11. Qu’aucun emprunt ne peut être ouvert qu’après avoir été constitué et consenti par les Etats généraux. Art. 12. Que les impôts et subsides ne peuvent être accordés et consentis par les Etats généraux que pour un temps très-limité et au plus pour deux ans. Art. 13. Que toute personne qui aurait perçu ou tenté de recevoir d’autres impôts que ceux accordés dans la forme ci-dessus, ou au delà du terme fixé par les Etats généraux, sera déclarée criminelle de lèse-nation et poursuivie comme telle, soit par les Etats généraux eux-mêmes, soit par les Etats provinciaux, soit par les cours souveraines, sans que ladite personne puisse alléguer aucun ordre pour sa justification, et sans que la peine qui sera prononcée puisse être commuée ou remise. Art. 14. Que tous les subsides et impôts seront également supportés par tous les citoyens, proportionnellement à leur fortune et facultés, sans que, sous prétexte d’usages, privilèges ou immunités, aucune personne de quelque rang, qualité, condition et religion qu’elle soit, ou aucune province puisse se soustraire à l’égalité proportionnelle des contributions, lesdits usages, privilèges et immunilés étant dès ce moment à jamais révoqués et abolis. Art. 15. Que Rassemblée des Etats généraux ne peut être dissoute ou se séparer qu’après avoir déterminé le jour précis auquel les représentants de la nation seront de nouveau assemblés. Art. 16. Que les élections des députés aux Etats généraux seront renouvelées immédiatement après chaque dissolution ou séparation des Etats généraux. Art. 17. Qu’arrivant le décès du Roi ou une cause quelconque qui donne lieu à la régence, les députés ainsi élus à l’avance se rendront incontinent au lieu de leur assemblée générale, dont 1 ouverture sera faite aussitôt l’arrivée de la majorité desdits députés. Art. 18. Que dans le cas d’une guerre imprévue ou d’une circonstance extraordinaire, les députés ainsi élus à l’avance seront incontinent assemblés pour prendre les délibérations que le bien et le salut de la nation exigeront. Art. 19. Qu’à tout citoyen appartient le droit de