489 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [31 mars 1790.] M. Garat, contre les plans proposés par MM. Duport et Sieyès.) M. de Cri lion demande aussi que l’ordre du travail proposé par M. Barrère de Vieuzac soit adopté. M. Démeunier. Avant de mettre aux voix l’ordre de travail proposé par M. Barrère de Vieuzac, je prie cet orateur de considérer que sa première question ne doit pas être posée ainsi qu’il l’a lui-même demandé : Etablir a-t-on , ou n' établira-t-on pas des jurés ? car il paraît que tout le monde est d’accord sur la nécessité d’en établir; mais il faut savoir aupara\ant s’il est possible d’en établir dès à présent. Je demande donc qu’on ajoute à la question ces mots, dès à présent. Votre comité ne l’a pas cru possible ; et puisque j’ai la parole, je vais vous offrir quelques-unes des réflexions qui ont déterminé son opinion. (On interrompt l’orateur, en criant que ce n’est pas le moment d’ offrir des réflexions.) M. Barrère de Vieuzac. C’est un principe constitutionnel qu’il s’agit de décréter en ce moment. Quand on aura décidé s’il y aura ou non des jurés, on discutera les moyens de les établir: par exemple, on cherchera, comme je l’ai posé dans une de mes questions, à déterminer si l’on peut, dès à présent, les établir en matière criminelle, comme le pensent beaucoup de gens, et pas encore en matière civile, comme le pensent aussi beaucoup de gens. On demande à aller aux voix. L’ordre de travail proposé par M. Barrère de Vieuzac est relu et adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète qu’avant de régler l’organisation du pouvoir judiciaire, les questions suivantes seront discutées et décidées : « 1° Etablira-t-on des jurés ? « 2° Les établira-t-on en matière civile et en matière criminelle ? < 3° La justice sera-t-elle rendue par des tribunaux sédentaires, ou par des juges d’assises? « 4° Y aura-t-il plusieurs degrés de juridiction, ou bien l’usage de l’appel sera-t-il aboli ? « 5° Les juges seront-ils établis à vie, ou seront-ils élus pour un temps déterminé ? « 6° Les juges seront-ils élus par le peuple, ou doivent-ils être institués par le roi ? « 7° Le ministère public sera-t-il établi entièrement par le roi ? «r 8° Y aura-t-il un tribunal de cassation, ou de grands juges? « 9° Les mêmes juges connaîtront-ils de toutes les matières, ou divisera-t-on les différents pouvoirs de juridiction pour les causes de commerce, de l’administration, des impôts et de la police ? « 10° Etablira-t-on un comité chargé de présenter à l’Assembléé un travail sur les moyens d’accorder les principales dispositions des lois civiles et criminelles avec le nouvel ordre judiciaire. » La motion de M. Bouche faite au commencement de la séance, et qui a pour objet de ramener la discussion concernant le privilège de la compagnie des Indes, est reprise. M. AKadier de Alonjau. Vous avez décrété hier soir l’ajournement de l’affaire de la compagnie des Indes jiisqu’après la Constitution ; il me semble qu’il vaudra bien mieux entendre alors ces députés qu’aujourd’hui. M. le Président. Plusieurs membres ont réclamé ce matin contre le décret qui a prononcé l’ajournement de l’affaire de la compagnie des Indes ; ils appuient leurs réclamations : 1° d’abord sur ce qu’ils n’étaient pas hier soir à la séance; 2° sur ce qu’il existe deux décrets antérieurs de l’Assemblée qui fixent la discussion de cette affaire à aujourd’hui mercredi ; 3° et enfin, sur ce qu’il a été annoncé, dans la séance d’hier matin, que ce matin elle serait mise à l’ordre du jour. L’Assemblée, prenant en considération les réclamations que je viens de vous énoncer, Messieurs, et ne voulant cependant pas annuler son décret d’hier soir, tant qu’elle ne serait pas complète, a décrété que cette affaire serait représentée à l’ordre de deux heures. J’ai cru devoir vous instruire, Messieurs, de tous ces objets. Un membre propose de renvoyer cette affaire après l’organisation judiciaire. L’Assemblée, consultée, décide que le privilège de la compagnie des Indes sera mis à l’ordre du jour. M. Duval d’Eprémesnil dit qu’il a des vues à présenter sur cette question et demande l’ajournement de la discussion à demain. (Cet ajournement est prononcé.) M. le Président annonce que M. de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre, lui a écrit pour le prévenir qu’il sera en mesure d’envoyer sous peu, a l’Assemblée nationale, avec l’assentiment du roi, un projet sur l’organisation de l’armée. M. de Bonnal, évêque de Clermont. Personne ne désire plus que moi l’accélération des travaux de l’Assemblée ; mais j’ai l’honneur de vous dire, parce que je crois devoir le dire, que le jeudi et le vendredi de cette semaine doivent être exclusivement consacrés à la religion, et que ce serait un scandale de ne pas les donner au culte; cependant, comme je crois aussi que les meilleurs chrétiens sont aussi les, meilleurs citoyens, je soumets à la sagesse de l’Assemblée mon observation, et la demande que je fais de la voir adoptée. M. d’Ailly. C’est avec peine que je contrarie l’opinion de M. l’évêque de Clermont ; mais j’y suis forcé, parce que les besoins urgents des finances ne permettent pas les délais que le préopinant demande. Nous avons vendredi une question bien importante à vous présenter ; c’est celle de l’émission de 500 millions de billets; donnons donc la matinée à la religion, mais la soirée à la patrie. M. Camus. Je crois, avec le préopinant, qu’ilne serait pas décent que les séances fussent ouvertes demain et après-demain matin ; mais elles peuvent l’être le soir : je demande donc qu’on s’assemble demain et après-demain, depuis quatre heures après-midi jusqu’à neuf et dix heures du soir. — Cette motion est décrétée. M. le Président annonce que la séance de demain s’ouvrira à quatre heures et que la discussion portera sur le privilège de la compagnie des Indes. La séance est levée à trois heures.