[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLE31ENTA1RES. .19 mars 1791.] 199 les injustices de l’ancien régime : doit-elle profiter dans le sens contraire et revenir contre des jugements définitifs, ou autoriser à revenir sur des jugements définitifs? Je crois que la même loi doit être pour et contre. D’après cela je crois que l’article du comité est de toute justice, qu’on ne doit pas étendre les précautions plus-loin, et qu’on doit l’admettre tel qu’il est. Je demande la question préalable sur les amendements. Plusieurs membres appuient la question préalable. (L’Assemblée rejette les amendements et décrète l’article 1er du projet du comité.) M. Boutteville-Dumetz donne lecture de l’article 2 du projet de décret, ainsi conçu : « Seront aussi exécutés, quoique non revêtus des formalités ci-dessus : « 1° Les baux emphytéotiques qui subsistaient depuis 40 ans sans réclamation au 2 novembre 1789; « 2° Les baux moins anciens, mais passés à la suite d’un bail de 92 ans, ou de deux baux de plus de 27 ans, chacun à une redevance au moins égale à celle poriée aux baux antérieurs et faits du consentement, soit des supérieurs, soit des corps ou communautés, avec lesquelles la propriété élait originairement indivise; « 3° Ceux dont la redevance n’excède pas la somme de 100 livres ; « 4° Enfin, lorsqu’il sera prouvé que par des constructions, plantations, ou autres améliorations faites aux dépens du preneur, les biens ont acquis une valeur quadruple de celle qu’ils avaient à l’époque du bail. » M. Despatys deCourteîlIes. Mon observation porte sur la première exception visée dans l’article. J’insiste particulièrement sur la distinction faite par M. Martineau et qui me paraît avoir été accueillie par l’Assemblée : celle des baux emphytéotiques faits parles ci-devant corps et communautés, et celle des baux emphytéotiques faits par de simples bénéficiers. Je proposerai à l’Assemblée de laisser l’exception telle qu’elle est proposée par le comité, quant aux baux emphytéoiiques faiispardes bénéficiers et de maintenir à 40 ans la durée d’exécution nécessaire pour les rendre valides. Mais je demande que, pour les baux emphy-théotiques consentis par des corps ou communautés, en vertu d’actes capitulaires, la durée de 20 ans sans réclamation suffise pour la validité. M._ Martineau. Sur la première exception, voici l’amendement que je propose ; c’est celui de M. de Courtedles : « 1° Quant aux baux consentis par les corps et communautés, en vertu d’actes capitulaires, ceux qui sub-istent depuis vingt ans, et quant à ceux consentis par des bénéficiers, ceux qui subsistent depuis quarante ans sans réclamation >•. M. Boutteville-Dumetz, rapporteur. J’adopte l’amendement. M. Lavie. Je m’oppose à l’amendement. (L’amendement de M. Martineau est décrété.) Un membre propose d'excepter aussi les baux emphytéotiques à portion de fruits. M. Boutteville-Dumetz, rapporteur. J’adopte l’amendement. (Cet amendement est décrété.) Un membre. Je propose, par amendement au 2® paragraphe, de retrancher les mots : de plus, et de dire : «... ou de deux baux de vingt-sept ans chacun... », attendu qu’il n’était pas d’usage de faire des baux de vingt-sept ans, lorsqu’ils n’étaient pas de quatre-vingt-dix-neuf. (Cet amendement est décrété.) M. Goupil-Préfeln. Je propose un amendement au second paragraphe; c’est qu’à la place de ces mots : « à une redevance au moins égale à celle portée aux baux antérieurs », on mette : « une redevance au moins égale au véritable revenu, pourvu qu’il ne soit pas inférieur de plus d’un quart ». M. Boutteville-Dumetz, rapporteur. J’observerai à l’Assemblée qu’un des grands inconvénients à éviter, c’est celui des contestations. Le fond de l’amendement de M. Goupil est bien sage ; mais il pourrait donner lieu à d’interminables difficultés. M. Defermon. Si vous adoptez l’amendement de M. Goupil, vous allez faire abandonner dans plusieurs parties du royaume la culture des vignes qui sont en bail emphytéotique; car il y a beaucoup de parties du royaume où on les a arrachées, parce que le produit n’était pas équivalent aux dépenses et que le cultivateur ne voulait pas cultiver à moiiié, au tiers, comme il y était obligé par son bail emphytéotique. Qu’ont fait les propriétaires dans ce cas-là? Ils ontdonné au quart. Eh bien ! vous allez annuler tous ces baux-là. De là je conclus à rejeter l’amendement. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement' de M. Goupil.) Un membre propose d’ajouter au 2e paragraphe la condition que la redevance soit au moins égale à celle portée aux baux antérieurs, lorsqu’elle était en nature, ou supérieure de moitié à cette redevance, lorsqu’elle était en argent. (Cet amendement est décrété.) Un membre propose d’étendre l’exception pré vue par l’article aux baux, moins anciens que ceux mentionnés dans le 1er paragraphe, qui se trouveraient faits du consentement soit des supérieurs, soit des corps ou communautés avec lesquels la possession était originairement indivise. (Get amendement est décrété.) M. Billet-La Jacquemïnière. Je demande, par amendement, que le paragraphe 3 soit ainsi conçu : « 3° Ceux dont la redevance n’excède par la somme de deux cents livres, si le bail a été fait à un particulier; et à quelque somme qu’elle puisse se monter, si l’aliénation a été faite à une communauté ». Plusieurs membres demandent la division de l’amendement. (La division est adoptée.) La priorité est demandée pour le chiffre d« [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 200 100 livres proposé par le comité et pour le chiffre de 200 livres proposé par M. Gillet-La Jacqueminière. (L’Assemblée accorde la priorité au chiffre de 200 livres et décrète ce chiffre.) Plusieurs membres demandent à aller aux voix sur la seconde partie de l'amendement de M. Gillet-La Jacqueminière. M. d’André. Il n’y a rien de si mal administré que les propriétés appartenant à des corps ou communautés. Il faudrait détruire tous les biens communaux, bien loin de faire une faveur aux communautés d’habitants; et je prétends, moi, qu’il convient plutôt de rendre la loi plus rigoureuse envers eux. D’après cela, je demande la question préalable sur la seconde partie de l’amendement. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la seconde partie de l’amendement de M. Gillet-La Jacqueminière.) M. Gillet-JLa Jacqueminière. La mesure proposée par le comité, dans son quatrième paragraphe, me paraît excessive. Je désirerais que la disposition de l’article fût la suivante : « 4° Lorsqu’il sera prouvé que, par des constructions, plantations ou autres améliorations faites aux dépens du preneur, les biens ont acquis une valeur double de celle qu’ils avaient à l’époque du bail. » M. Boutteville-Bninetz, rapporteur. Le comité est convaincu qu’admettre une exception aussi étendue, c’est admettre tous les baux emphytéotiques; et il m’a formellement chargé de la maintenir dans les bornes d’une valeur quadruple. M. Gonpll-Préfeln. Il est bien étonnant qu’après avoir montré de l’iodulgence pour la première exception, on montre de la rigueur pour celle qui est la plus importante. (L’Assemblée, consultée, décrète l’amendement de M. Gillet-La Jacqueminière.) M. Boutteville-Diimetz, rapporteur , fait lecture de l’article 2, avec les amendements : Art. 2. « Seront aussi exécutés, quoique non revêtus des formalités ci-dessus : « 1° Les baux emphytéotiques faits à portion de fruits, ceux passés par les ci-devant chapitres, corps et communautés, subsistant depuis vingt ans, et ceux passés par de simples bénéficiers, depuis quarante ans sans réclamation ; « 2° Les baux moins anciens, mais faits du consentement, soit des supérieurs, soit des corps et communautés avec lesquels la possession était originairement indivise, et passés à une redevance au moins égale à celle portée aux baux antérieurs, lorsqu’elle était en nature, et supérieure de moitié à cette redevance, lorsqu’elle était en argent ; « 3° Ceux dont la redevance n’excède pas la somme de 200 livres; « 4° Enfin ceux faits au profit des preneurs qui prouveront que, par des constructions, plantations ou améliorations faites à leurs dépens, les biens ont acquis une valeur double de celle qu’ils avaient à l’époque du bail. » {Adopté.) [19 mars 1791. J M. Boutteville-Dumetz, rapporteur , donne lecture de l’article 3 du projet de décret. M. d’André. Je demande, par amendement, l’ajournement de la dernière phrase de l’article, qui est ainsi conçue : « II en sera rendu compte dans une séance publique, après laquelle les membres du directoire se retireront pour délibérer sur ladite indemnité. » Je dis que la question de la publicité des séances des départements et des districts est une question trop importante pour être traitée incidemment dans un décret sur les baux emphytéotiques. Je demande que cette question soit renvoyée au moment où elle sera discutée dans l’Assemblée. M. Mon gins de Roquefort. Les changements faits à l’article 2 rendent absolument inutile l’article 3; ainsi je demande la question préalable sur l’article. M. Boutteville-Dumetz, rapporteur. Nous consentons à retirer l’article. (L’article 3 du projet de décret est retiré.) M. Tronchet. Messieurs, j’ai une observation à vous faire. Il est certain que lorsqu’on évinçait un homme dont le bail n’était pas légal, on ne lui refusait pas l’indemnité des améliorations qui augmentaient la valeur du fonds; mais alors on le condamnait à la restitution des fruits, et il se faisait une compensation. Je crois donc que, très sagement, vous avez dû rejeter ces indemnités, mais que, dans ce cas-là, il faut dire que ceux qui ne seront pas dans le cas des exceptions ci-dessus, et qui seront évincés, le seront sans restitution de fruits. M. Bontt evilIe-Bumetz, rapporteur. J’adopte cet article additionnel qui deviendrait l’article 3 ainsi conçu : Art. 3 {nouveau). « Il ne sera exercé aucune restitution de fruits contre les détenteurs qui, n’étant dans aucune des exceptions ci-dessus, ne se trouvent pas maintenus dans leur jouissance. » {Adopté.) M. Boutteville-Bumetz, rapporteur , donne lecture de l’article 4 du projet de décret. M. Tegrand. Je demande, par amendement, qu’il soit ajouté à la tin de cet article une exception en faveur des baux à cens, rentes foncières locatives et autres de cette nature, de biens rentrés dans les mains de possesseurs ecclésiastiques et dont les lois les obligent à les vider incessamment. M. Tronchet. En adoptant cet amendement, il faut y ajouter cette disposition : « ... pourvu néanmoins que les nouvelles redevances ne soient pas inférieures à celles qui étaient payées antérieurement, » parce qu’alors l’aliénation ne vaudrait rien. M. Boutteville-Dnmetz, rapporteur. J’adopte l’amendement de M. Legrand et le sous-amendement de M. Tronchet, et je propose pour l’article la rédaction suivante :