[Assemblée nationale,] 15, 16, 17 dU premier titre, et du 18 du présent titre, M. le Président consulte l’Assemblée sur l’ouverture immédiate de la discussiqu qui est ordonnée. M. Chnsset, rapporteur, relit l’article premier du premier titre en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète qu’elle entend par biens nationaux : « 1° Tous les biens des domaines de la couronne; « 2° Tous les biens d’apanage; « 3Q Tous les biens du clergé; « 4Q Tous les biens des fabriques ; « 5Q Tous les biens des fondations; « 6° Tous les biens des séminaires, collèges et établissements d’étude ou de retraite destinés à l’enseignement public; « 7° Tous les biens des hôpitaux, maisons de charité, même celles connues sous le nom de monts-de-piété, et de tous les établissements destinés au soulagement des pauvres, ainsi que ceux de l’ordre de Malte et de tous ordres religieux et militaires. >> M. de Lachèïe. Le projet de décret que nous présente M. Chasset doit être examiné sous le rapport des hôpitaux, des collèges, des établissements de charité, des fondations pour lesquels j'aurai à proposer des exceptions; mais comme il est impossible, sur une simple lecture faite par le rapporteur, de saisir tous les détails de son projet, je demande l’ajournement. fi M. de La RocIiefoncauLl-LIaneourt. Le projet du comité est une mesure nécessaire, je dirai indispensable, pour secourir la grande famille des indigents dans tout le royaume, soit dans les villes, soit dans les campagnes. L’Assemblée ne saurait trop se hâter de le discuter, M, Vieillard (de Saint-Lô). Je propose de consacrer le principe posé par le comité, mais de maintenir provisoirement les établissements de charité et d’instruction en l’état où ils sont. M. Bouche. Il faut excepter les maisons des Doctrinaires et de l’Oratoire et rendre un décret sur le sort des boursiers dans les collèges. Je crois aussi que, si l’article du comité est adopté, les hôpitaux se trouveront bien abandonnés. M. Madier de DM ont) au. J’opine pour le rejet de l’article dans son ensemble et pour que, du moins, les biens des collèges et des hôpitaux soient exceptés. M. de Folleville. Conformément au principe général, je propose de décréter que les biens de toutis les communautés appartiennent à la nation. M. Prieur. Les communautés et les établissements ne sont que des individus associés pour jouir d’une masse de propriétés individuelles. D’ailleurs, les habitants se divisent tous les jours leurs communaux quand ils le trouvent avantageux; ils remettent ainsi en propriété particulière ce qui l’était avant la réunion. M-Dumouchel. Je considère comme très dangereux d’aliéner les biens des hôpitaux et des collèges et de refroidir ainsi le zèle et la bienfaits octobre 1790,] 448 sauce de ceux qui peuvent former ou augmenter leur dotation. Puisque je guis à la tribune, je demandé la permission de donner lecture à l’Assemblée d’une courte adresse que j’ai reçu misgiou de lui faire connaître. Adresse à VA.ssemblêe nationale de la part des di<- rectenrs du séminaire des Missions étrangères, Nosseigneurs, le séminaire des missions étram-gères est l’unique établissement d’une société de prêtres séculiers qui, sans aucune espèce de vœux, sans autres liens que ceux du zèle et de la char rité, se destinent à porter les lumières de la fai et à publier la gloire du nom français dans les pays orientaux. Il fut fondé en 1663 et confirmé par des lettres patentes de Louis XIV, qui assigna à ce pieux établissement 15,000 livres de gratification annuelle, que la religion des monarques qui lui ont succédé, a été attentive à faire payer. Gette maison a toujours été un asile ouvert à l’indigence des pauvres, au soulagement des malades, à l’instruction des ignorants, surtout des ouvriers, des pauvres et des enfanta les plus abandonnés, à qui on fait assidûment, dans l'église de ce séminaire, des catéchismes et des instructions. Les directeurs, ainsi que pombre d’ecclésiastiques respectables', auxquels cette maison sert de retraite, n’ont jamais cessé de se distinguer par leur zèle et par leur charité. Les grands et les petits, les riches et les pauvres du faubourg Saint-Germain, ainsi que des différents endroits où les missions étrangères ont des possessions, se sont toujours réunis et se réunissent encore à l’envi, pour en faire l’éloge et en solliciter la conservation : ils n’ont pas oublié les aumônes extraordinaires que cette maison a fait distribuer pendant l’hiver de 1789, pour le soulagement des malheureux de tout genre. Quel succès merveilleux, quels grands biens cette pieuse association n’a-t-elle pas opéré dans les pays orientaux! Les missionnaires que le zèle et le désintéressement ont toujours caractérisés, y ont fait et y font tous les jours des conversions sans nombre. Dans la seule mission du Tonkiu on compte 300,000 chrétiens : combien de milliers d’autres n’y en a-t-il pas dans la Chine, dans la Cochinchine, auCambodge, à Siam, etc.? Les vertus et les succès des missionnaires ont autant de témoins qu’il s’est trouvé de personnes à portée d’être les spectateurs" de leurs travaux et de leur conduite. Tous Français, Anglais, Hollandais, Suédois, etc., eu font les éloges les plus flatteurs. Mais en établissant le royaume de Jésus-Christ dans ces régions éloignées, ces dignes prêtres n’ont jamais perdu de vue les intérêts de la nation. Le Français aime toujours sa patrie et le zèle pour la religion ne fait en lui qu’épurer cet amour. Les missionnaires étant les seuls européens qui pénètrent dans l’intérieur de la Chine, Cochinchine, Tonkin, Siam, Cambodge et autres contrées de l’Asie, iis peuvent seuls avoir et fournir des notions exactes sur plusieurs objets, dont il peut être inléressant pour la France d’être instruit. Leurs travaux sont très propres, on le conçoit, à leur attacher i’alfeclion de ceux qu’ils instruisent et à leur concilier même l’estime de ceux qui ne sont que témoins de leur conduite. L’éloignement extrême qu’ils ont constamment marqué, de tout esprit de commerce et d’ambition, leur a toujours fait tourner cette affection et cette ARCHIVES PARLEMENTAIRES, 444 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [4 octobre 1790.] estime qu’ils s’étaient acquises, à l’avantage de leurs compatriotes qui, dans ces pays éloignés, ont très souvent besoin de secours, de soutien ou de correspondance. Ce sont les missionnaires qui ont donné lieu au commerce que la France a entrepris dans les pays orientaux et à la formation de la première Compagnie des Indes. Ce sont eux qui avaient obtenu du roi de Siam que les Français qui allaient fréquemment commercer ou hiverner dans le port de Mergui, dépendant de Siam, ne fussent point assujettis aux vexations des officiers siamois. Ils ont rendu une infinité de services de ce genre, en différents pays, aux commerçants de la nation. Aussi, l’ancienne Com pagnie des Indes, non seulement leur accordait le passage gratuit sur ses vaisseaux, mais elle leur faisait annuellement des gratifications considérables, Cette reconnaissance delà part d’une compagnie commerçante, annonce assez la grandeur des services qu’elle avait reçus et recevait des missionnaires. Dans ces derniers temps, en 1786, 1787 et 1788, leur procureur, résidant à Macao, a eu l’avantage de se rendre utile aux officiers et aux équipages de plusieurs vaisseaux français, expédiés vers ces plages, ou obligés d’y relâcher : c’est ce que peuvent attester les commandants et officiers des vaisseaux ou frégates le Castries, la Calypso , la Dryade , le Pandour , etc. Il n*a pas tenu à M. l’évêque d’Adran qui, en 1787, a amené à Paris le fils unique du roi de Cochinchine, de procurer à la France dans les Etats de ce prince, un port de la plus grande importance ; et si ses vues à ce sujet n’ont pas été secondées, il a du moins empêché qu’il n’ait été accordé à d’autres nations, malgré les instances et les offres qu’elles ont faites (1). Le commerce de Cochinchine a paru d’ailleurs si intéressant, que les habitants des îles de France et de Bourbon, dans leur assemblée du 3 septembre 1788, ont fait un arrêté où ils disent « que MM. les administrateurs en chef seront « suppliés de solliciter Sa Majesté, au nom de « la colonie, d’accorder à tous ses sujets la « liberté du commerce de la Cochinchine... Ce « royaume est celui de l’Asie qui fournit le « plus de denrées commerçables propres à « l’Europe.... de manière qu’elles suffiraient « seules à l’emploi d’un capital de quarante « millions, etc. » Tant de services importants que les missions étrangères ont rendus et continueront de rendre à la nation, tant en France que dans les Indes-Orientales, pourraient-ils ne pas leur assurer la protection et la bienveillance de l’Assemblée nationale? Que serait-ce donc si nous y ajoutions tant de milliers d’âmes que ces hommes vraiment aspostoliques convertissent à la foi et dont ils soutiennent la piété? Ces avantages ne sont-ils pas infiniment plus estimables que les modiques sommes que coûte cet établissement? Car, qu’en coûte-t-ii à la France pour entretenir non seulement les directeurs et les élèves qui sont au séminaire, mais encore les missionnaires dispersés en cinq ou six royaumes de l’Orient, qui sont actuellement au nombre de six évêques et de trente-huit prêtres français, chargés de six collèges, sans parler d’un nombre (1) Le capitaine Cook, Anglais, dans le 4e vol. in-8° de son dernier ouvrage, s’explique assez clairement sur les grands avantages qu’un établissement, à la côte de la Cochinchine, procurerait à la nation française en temps de guerre. de prêtres indiens et de catéchistes qu’il faut entretenir ou soulager? Il n’y a pour fournir à toutes ces dépenses que 65,000 livres de revenus, y compris des dîmes considérables, une gratification du roi de 15,000 et une du clergé de 1300 livres; encore faut-il observer que la plus grande partie des autres fonds sont des acquisitions faites des deniers et des épargnes des prêtres associés pour cette bonne œuvre. On ne confond pas ici avec les autres missions, celle de la côte de Coromandel, où il y a de plus deux évêques, dix-neuf missionnaires et un collège à Pondichéry, parce que cette mission, dont le roi a chargé les missions étrangères depuis quelques années, a un revenu particulier de 1,850 livres de rente sur le roi, comme il a été remarqué dans la déclaration faite à l’Hôtel de Ville. Que sont soixante et quelques mille livres pour l’empire de la France, si grand dans ses vues et si fécond dans ses ressources ? Pourrait-il être forcé de détruire, pour une somme si modique, un établissement aussi utile et aussi honorable à la religion, que glorieux et avantageux à l’Etat? un établissement unique; car il est le seul en France qui ait pour objet de porter la foi jusqu’aux extrémités de la terre et qui, par là, fasse bénir, par tant de différents peuples, la nation bienfaisante qui leur procure la connaissance de l’Evangile. Les avantages inestimables que cet établissement procure à la religion et à l’Etat avec des revenus si modiques donnent aux directeurs du séminaire des missions étrangères une ferme confiance que leur mission et leurs biens, qu’ils regardent comme étant et méritant d’être sous la protection spéciale de la nation , leur seront conservés et que leur entreprise, que son objet doit rendre si précieuse, sera perpétuée. Ce sera pour tous les membres de cette association, un nouveau motif de rendre à la nation et à tous leurs compatriotes, avec plus de zèle que jamais, tous les services dont ils seront capables. Tous, directeurs et missionnaires, adresseront au ciel les vœux les plus fervents pour la prospérité du royaume et le bonheur de Nosseigneurs de l’Assemblée nationale. M. d’Harambure. Si la nation se chargeait des établissements de charité, répandus dans le royaume, cela entraînerait de grandes difficultés et de grandes dépenses. Je crois qu’il vaudrait mieux décréter que chaque municipalité se chargera de ses pauvres. M. Populus. L’article 9 a, comme l’article Ier, une tendance manifeste à l’aliénation des biens des hôpitaux et des collèges. Je soutiens qu’il n’est ni politique ni moral de vendre ces biens. M. Moreau. La question des collèges et des hôpitaux est trop importante, elle touche de si près à l’ordre public, qu’elle doit faire l’objet d’un examen détaillé et minutieux. M. Martineau. Je demande la question préalable sur celte partie de l’article. M. Chasset. La proposition du comité est très conforme aux principes constitutionnels. En effet, la nation étant chargée de ses pauvres et de l’éducation publique peut, sans blesser la justice, distribuer lesbiens destinés à l’éducation et à l’indigence.