208 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Un huissier de la Convention s’avancera vers la porte d’entrée. Il y sera fait lecture du décret qui exclut du Panthéon les restes d’Ho-noré Riquetti-Mirabeau. Aussitôt le corps de Mirabeau sera porté hors de l’enceinte du temple, et remis au commissaire de police de la section. Le corps de Marat sera ensuite porté triomphalement sur une estrade élevée dans le Panthéon. Le président de la Convention, placé sur l’estrade, retracera au peuple les vertus qui ont mérité à Marat les honneurs que la nation entière rend à sa mémoire. En sortant du Panthéon, les défenseurs de la patrie auxquels les drapeaux auront été confiés, se rendront sur la place de l’Estrapade, où ils trouveront quatorze voitures qui leur seront destinées pour remplir l’objet de leur mission. La Convention nationale, précédée de l’Institut national de musique, sera reconduite au lieu de ses séances. Tous les citoyens qui assisteront à la fête seront sans armes. Tous les groupes marcheront sur dix de front. Les sections dans l’arrondissement desquelles passera le cortège, sont invitées à nommer des commissaires pour veiller à ce que le milieu des rues reste toujours libre, et qu’aucune voiture ne circule dans lesdites sections depuis huit heures du matin jusqu’à six heures du soir. Elles sont invitées à placer des inscriptions analogues aux motifs de la fête. Elles veilleront à ce que les citoyens qui voudroient concourir à la fête, en décorant la façade de leurs maisons, ne placent aucun ornement qui traverse la rue, à moins qu’il ne soit élevé à trente pieds au-dessus du sol. A six heures du soir tous les spectacles donneront, de par et pour le peuple, les pièces les plus analogues à la fête. Programme de la musique à exécuter pendant la Fête. Le comité d’instruction publique arrête que l’Institut national, placé au lieu qui lui sera désigné dans le jardin national, exécutera une marche guerrière pour annoncer l’arrivée de la Convention nationale; à cette marche succédera une symphonie par Catel : l’hymne à la victoire, par Chénier, musique de Méhul, sera exécuté avec accompagnement et grand orchestre; une marche guerrière précédera un hymne à la fraternité, par Th. Désorgues, musique de Cherubini. La proclamation faite par le président de la Convention nationale, que les armées de la République n’ont pas cessé de bien mériter de la patrie, sera précédée d’une grande fanfare de trompettes : pendant que le président attachera à chaque drapeau les couronnes de laurier, l’Institut national exécutera une symphonie militaire par L. Jadin; lorsque les défenseurs de la patrie auront reçu les drapeaux, on entonnera le Chant du départ, hymne de guerre par Chénier, musique de Méhul. Le cortège remis en marche et arrivé au Panthéon, l’Institut exécutera, à l’entrée du corps de Marat, une musique mélodieuse, dont le caractère doux et tranquille peindra l’immortalité. Le corps étant déposé, on exécutera un grand choeur à la gloire des martyrs et des défenseurs de la liberté, paroles de Chénier, musique de Cherubini. Signé, Villar, Boissy, Lakanal, Plaichard, Petit, Léonard Bourdon, R. Lindet, Massieu. Ces détails ne satisfont pas l’Assemblée. On demande le renvoi au comité d’instruction publique pour revoir de nouveau le plan proposé. BENTABOLE observe que la fête doit avoir lieu dans un délai très court; il pense qu’il faudrait discuter de ce plan et non le renvoyer. THURIOT demande que puisque le plan de la fête qui doit être célébrée pour la translation des cendres de Jean-Jacques au Panthéon est adopté, ce soit cette fête qu’on célèbre le cinquième des sans-culottides. BENTABOLE s’y oppose; il croit qu’on ne doit plus reculer la fête consacrée à l’ami du peuple, à laquelle Robespierre, ennemi de Marat, a déjà apporté tant de retards. THURIOT réclame vivement contre toute fausse interprétation de sa pensée. Il n’a, dit-il, demandé un délai que pour qu’on ait le temps de présenter un plan nouveau, et il ne veut pas que Bentabole lui prête une pensée qui n’a jamais été dans son cœur. Un article du plan proposoit que la Convention assistât à la fête en costume. [THIBAUDEAU [appuyé par la Montagne] (99) : J’ai entendu au comité le rapport de notre collègue, et j’ai été un de ceux [le premier] (100) qui ont demandé qu’il fût communiqué à la Convention. Mon motif était dans l’article qui concerne le costume. J’ai pensé que, pour mettre la représentation nationale en costume [décrété pour la fête du 20 prairial] (101) il fallait au moins son approbation. Je me souvenais que ce costume a toujours été un des prétextes de l’aristocratie; lorsque, dans l’assemblée Législative, le parti royaliste voulut une décoration particulière pour les députés, les patriotes énergiques s’y opposèrent avec force. Dernièrement dans la fête que Robespierre avait consacrée moins à l’Etre suprême qu’à lui-même, le costume fut encore une occasion de flatter sa basse vanité. [Ces principes ne purent trouver une majorité dans le temps de la fête à l’Etre suprême; et même, il est bon de dire qu’alors une portion de républicains que l’aristocratie accuse aujourd’hui d’être les continuateurs de Robespierre inscrivaient leurs noms pour provoquer l’appel nominal sur l’abolition du costume dès la première occasion où l’on en parlerait. Ces mêmes signataires conspiraient alors contre le (99) J. Univ., n° 1756. (100) Rép., n° 270. (101) Rép., n° 270. SÉANCE DU 29 FRUCTIDOR AN II (LUNDI 15 SEPTEMBRE 1794) - N° 51 209 tyran, et préparaient l’opinion contre lui parmi les patriotes des sections; et sans doute les mesures dont ils ne se sont jamais vantés, parce qu’ils font le bien pour le plaisir de le faire, croit-on que quelques heures eussent suffi pour la victoire?] (102) Les représentants du peuple n’ont pas besoin de costume; je dis plus, ils ne doivent pas en avoir; hors de l’assemblée nous ne sommes plus que de simples citoyens. Je demande l’ordre du jour sur la proposition du costume.] (103) FOUCHÉ (de Nantes) obtient la parole. Nous devons, dit-il, honorer la cendre de l’ami du peuple d’une manière digne de lui et de nous. Je n’ai rien trouvé dans le rapport du feu qui dévoroit ses écrits; l’idée qu’il m’a offerte d’ailleurs est plutôt celle d’une procession ecclésiastique, que d’une pompe républicaine [fête funèbre] (104). J’appuie le renvoi. COLLOT : Je demande la parole pour appuyer la proposition faite de laisser les deux fêtes fixées comme elles le sont par nos décrets; celle de Marat au cinquième jour des sans-culottides, et celle de Rousseau au deuxième décadi de vendémiaire. J’appuie aussi la proposition de Thibaudeau : si l’on fait des propositions nouvelles, c’est qu’on ne trou-voit pas le plan proposé digne de son objet; mais dans la fête de l’ami du peuple c’est l’amitié du peuple pour son ami, c’est l’expression des sentimens de fraternité et de patriotisme qui en seront la plus belle solem-nité. Quant à notre costume, il sera dans la sincérité de nos regrets, par lesquels nous honorerons la mémoire de Marat. (On applaudit.) COLLOT fait une troisième proposition; c’est que la Convention marche à cette fête, non pas en deux parties, comme on le propo-soit dans le rapport, mais toute ensemble. Nous voulons être unis, dit Collot, et tout ce qui présente l’idée de la division doit être rejeté. On applaudit. La proposition du renvoi, celle de Thibaudeau, et celle de Collot sont décrétées (105). Un membre [Léonard Bourdon], au nom du comité d’instruction publique, présente un plan de fête pour la translation des cendres de Marat au Panthéon le cinquième jour des Sans-culottides, dans le-(102) J. Univ., n° 1756. (103) Moniteur, XXI, 772. (104) Moniteur, XXI, 772. (105) Débats, n° 725, 485-487. Moniteur, XXI, 772. La totalité de la presse a omis du rapport des détails de la Fête, les deux points litigieux qui ont suscité les vives discussions. J. Mont., n° 139; M. U., XLIII, 477 et 552-554; J. Fr., n08 721 et 726; F. de la Républ., n° 436; Mess. Soir, n° 758; Rép., n° 270; J. Perlet, n° 723; Ann. Patr., n° 623; Ann. R. F., n° 287; C. Eg., n° 758; Gazette Fr., n° 989; J. Univ., n“ 1756 et 1760; J. Paris, n° 624. quel le rapporteur annonce que les représentons du peuple y assisteront en costume. On demande que l’apothéose de Jean-Jacques Rousseau se fasse la cinquième Sans-culottide, et que celle de Marat soit renvoyée au deuxième décadi de vendémiaire. Un membre demande l’ordre du jour sur la proposition du costume. Un autre membre demande le renvoi du plan de fête au comité. Enfin un autre membre réclame le maintien des décrets rendus qui fixent les jours des apothéoses de Jean-Jacques Rousseau et de Marat. D’après ces différentes observations, la Convention nationale décrète que la translation des cendres de Marat reste fixée à la cinquième Sans-culottide, et celle de Jean-Jacques Rousseau au deuxième décadi de vendémiaire; que les représentans du peuple y assisteront sans costume, et renvoie le plan de fête de l’apothéose de Marat au comité, pour une nouvelle rédaction plus simple (106). La séance est levée à trois heure et demie (107). Signé, Bernard (de Saintes), président ; Cordier, Bentabole, Guffroy, Borie, L. Louchet, Reynaud, secrétaires. AFFAIRE NON MENTIONNÉE AU PROCÈS-VERBAL 51 Les citoyens composant la société populaire d’Hesdin, département du Pas-de-Calais, font à la Convention nationale le tableau de tous les complots qu’ourdit l’aristocratie pour anéantir la liberté; ils demandent la prompte organisation des comités révolutionnaires dans chaque district, et l’exécution de la loi du 17 septembre, sans avoir égard aux élar-gissemens prononcés (108). (106) P.-V., XLV, 281-282. Décret n° 10 897. Rapporteur : Collot d’Herbois selon C* II 20, p. 300. (107) P.-V., XLV, 282. J. Fr., n° 721; M. U., XLIII, 477. Moniteur, XXI, 776, indique quatre heures et J. Perlet, n° 723, donne trois heures. (108) Bull., 29 fruct.