545 [Assemblée Nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin 1791.] M. Hfairac fait part à l’Assemblée d’une lettre des administrateurs de ce département. Cetie lettre annonce qu'aussitôt que la nouvelle du départ du roi leur est parvenue, les corps administratifs, les commandants des troupes de ligne, de la garde nationale, ainsi que ceux des loi ts et châteaux, se sont rassemblés et ont pris unanim ment les mesures les plus convenables pour assurer la tranquillité dans Bordeaux et dans tout le département; qu’ils ont envoyé, par de jeunes gardes nationaux qui se sont offerts d’eux-mêmes, leurs arrêtés pour être publiés dans toutes les municipalités ; Que tous les officiers, volontaires, gardes nationales et troupes de ligne ont prêté le serment décrété par l’Assemblée nationale; Que les forts et châteaux étant dégarnis de troupes, ils y ont pourvu en y faisant entrer un détachement des gardes nationales pour renforcer la garnison ; Que les gardes nationales se sont fait inscrire en foule pour voler au secours de la patrie, mais qu’ils manquent d’armes, et qu’ils supplient l’Assemblée de leur en faire fournir. M. Hairac fait ensuite lecture d’une adresse des habitants de Bordeaux , qui renferme le témoignage de leur zèle pour la chose publique et de leur entière confiance dans l’Assemblée nationale. M. Canins, au nom du comité central de liquidation , propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, interprétant son décret du 24 du présent mois sur les justifications à faire pour obtenir le payement des c éances et autres sommes dues par l’Etat, décrète que, d’ici au 10 juillet prochain, les personnes qui se présenteraient pour toucher des payements en vertu de procurations de personnes domiciliées dans les divers départements du royaume, lesdites procurations antérieures en date audit jour 24 juin, et d’après des reconnaissances de liquidation pareillement antérieures au 24 juin, recevront ledit payement sous les deux conditions suivantes : 1° de certifier personnellement, de la part des fondés de procuration, le domicile actuel et habituel dans le royaume, des personnes au nom desquelles ils se présenteront; 2° de laisser entre les mains du trésorier un dixième des sommes qui devaient être payées, lequel demeurera jusqu’à la représentation des quittances d’impositions et de contributions patriotiques. « L’Assemblée nationale décrète pareillement que les payements à faire des secours accordés ci-devant sur les fonds du clergé, des économats, de la loterie royale, ne sont pas compris sous les dispositions de "son décret du 24 juin. » (Ce décret est adopté.) Un membre du département de l'Eure fait lecture d’une adresse des citoyens de la ville de Rugles , qui annonce qu’aussitôt qu’ils ont appris la fuite du roi et de la famille royale, ils ont réitéré le serment d’être fidèles à la Constitution, de la défendre et de mourir pour elle. Ils annoncent que 200 jeunes gens, fort robustes et vigoureux, brûlent du désir de marcher aux frontières, et qu’ils ont ajouté à leur serment celui de ne point quitter leurs armes que tous sujets d’inquiétudes ne fussent dissipés. M. le Président donne lecture à l’Assemblée d’une lettre ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Recevez le serment que je fais de vivre et mourir libre, et l’obligation sacrée que je contracte et dépose en vos mains, de payer 1,200 livres par an, pour le service ces gardes nationales qui marcheront vers les frontières, à compter du jour que des ennemis seraient assez téméraires pour attaquer l’Empire français. (. Applaudissements .) « Je suis avec le plus profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé: Daché, citoyen français, rue et porte Saint-Honoré, n°6, section des Tuileries. « Paris, ce 26 juin 1791 . »> (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette lettre dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre des commissaires envoyés dans les départements de l'Ain, de la Haute-Saône , du Jura et du Doubs. Cette lettre est ainsi conçue : <- Troyes, le 24 juin 1791. « Monsieur le Président, « Nous sommes partis pour remplir la mission dont l’Assemblée nous a honorés, et nous croyons devoir lui faire part de ce que nous avons jusqu’ici remarqué dans notre route. « Tous les lieux où nous avons passé nous ont offert le même spectacle que celui de la capitale. Partout la tranquillité règne, partout une surveillance exacte assure l’ordre public; partout les citoyens sous les armes empêchent l’abus de la liberté sans en arrêter l’exercice. Nous n’exagérons rien dans le tableau raccourci de ce qui s’est offert à nos regards, dans les quarante lieues que nous avons parcourues. Nous pourrions y joindre des détails intéressants : nous nous bornerons à ajouter que le long de la grande route, quand les villages et bourgs sont trop éloignés, des branches d’arbres forment, dans l’intervalle, des corps de garde où le patriotisme rassemble les citoyens, et où l’habitant des campagnes fait succéder le travail à ses travaux. « Dans plusieurs endroits, nous avons vu les gardes nationales se disputer l’avantage de marcher où les corps administratifs les appelaient. A Troyes, la tranquillité règne comme dans les environs. Le département, le district, la municipalité, la garde nationale, la société des amis de la Constitution, tous ont reuouvelé les témoignages d’attachement à la patrie et de confiance dans l’Assemblée nationale. « L’Assemblée nationale n’apprendra pas sans doute sans intérêt, qu’au milieu de la sollicitude qui régnait ici, les percepteurs des contributions publiques les recueillaient paisiblement. ( App laudissemen ts.) « Nous sommes, etc... « Signé: Delacour d’Ambézieux, Regnaud (de Sainl-Jean-d' Angély) , de Prez DE CRASSIER. » M. de Saint-Martin. M. Le Gris, citoyen de la ville de Paris, et l’un de ses électeurs, ne pouvant, à cause de son âge, se faire inscrire dans l’honorable liste des citoyens qui s’arment pour la patrie, et s’apprêtent à marcher vers nos frontières, si les circonstances l’exigent, prie l’Assemblée nationale d’agréer le don volontaire 55 lre Série. T. XXVII. 546 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [27 juin 1791. de la somme de 300 livres pour être employée à la solde des braves gardes nationales qui se dévoueront à la défense delà cause commune. Je vais déposer sur le bureau cette offrande consistant en un assignat de 300 livres, et je me félicite d’avoir été choisi par cet estimable citoyen pour être auprès de l’Assemblée nationale l’interprète de ses sentiments. » (L'Assemblée agrée ce don et ordonne qu’il en sera fait mention honorable dans le procès-verbal.) M. le Président. Une députation de L'assemblée électorale du département de Seine-et-Marne demande à présenter ses hommages à l’Assemblée; permet-elle qu’elle soit admise? (Oui! oui!) (La députation est introduite à la barre.) M. Pierre Tlieun, évêque du département de Seine-et-Marne. Messieurs, nous sommes députés de l'assemblée des électeurs du département de Seine-et-Marne; voulez-vous bien écouter l’expression de leurs sentiments? M. le Président. Monsieur, l’Assemblée nationale vous écoutera avec intérêt. L'orateur de la députation s’exprime en ces termes : « Messieurs, « Nous étions réunis dans le chef-lieu du département et nous allions procéder aux élections ordonnées par la loi du 29 mai. L’événement qui alarmait toute la France n’avait pu arrêter notre zèle. Nous avons au contraire pensé gue plus la chose publique est en danger, plus il importe que les bons citoyens se réunissent pour la défendre. « Vous avez, par votre décret du 24 juin, suspendu nos travaux : la loi parle ; nous nous empressons d’obéir. Nous avons seulement vérifié nos pouvoirs, alin d’assurer le titre des électeurs pour qu’ils puissent procéder incessamment dans leurs districts respectifs au remplacement des curés qui ont refusé de prêter le serment prescrit par la loi, ou qui l’ont rétracté. « Mais, avant de nous séparer, nous avons unanimement arrêté de renouveler entre vos mains le serment de vivre et mourir libres : nous jurons d’obéir à tous vos décrets, et notamment à ceux que vous avez rendus depuis la désertion du premier fonctionnaire public de l’Empire. « Continuez, sages législateurs, le grand ouvrage que vous avez entrepris; ne craignez pas qu’aucune puissance ose tenter de le détruire. Tous les patriotes sont unis plus que jamais ; les rivalités, les dissensions sont anéanties. C’est dans les grandes circonstances que les vrais amis de la liberté doivent se rallier autour de la loi, et se presser sous son égide sacrée. Elle seule peut sauver les Empires ; elle seule peut réunir tous les habitants d’une vaste contrée, les animer du même esprit, leur inspirer la même volonté, et faire de toutes les forces individuelles une seule force qui renverse tous les obstacles. Un peuple libre ne peut triompher que par la loi. « Vous êtes nos représentants, nos législateurs ; la puissance de la nation est entre vos mains. « Nous vous promettons un courage égal au vôtre, la plus prompte soumission à la loi. Nous avons juré de maintenir la Constitution; nous n’imiterons point ceux qui sont parjures à leurs ( serments. Toute volonté particulière doit fléchir devant la volonté de la nation. ( Applaudissements .) « Signé : Fouinoz, Bouillard, Bénard, Jolli-vet, Sauvage, Roze, F.-J.-T. Prévôt, J.-L-F. Godart, Comur, Barbé, Le Cocq, Le Roy, Borniche, Goureau, Hostain, La-barre, de Ligny, Avril Lorry, Brillad, Heurlier, Lambin aîné, Thevenon, Feuillu, Thibault, Frieotelle, Bronissant, Pour-rat, Barat, Mechelet, de Ligny, Coileau, Leclerc, Minard, Purgé, Jean Leroy, Courcelles, Belin, Geoffroy jeune, Laurent, Chalumeau, L. Marchand, Sarazin-Demarais, Gharré, Martin, Lecurez, Longuet, Gartault, Nouette, Martin, Faucher, Gourenot, Grandjean, J. de La Gaux, Bergeron, Simon Martin, Atfroi, Margny, Ginot, Baulan, Geollot, Lambert, curé; M. A. Gaillard, Et. Penancier, Girardot, Soullier, Garnot, Thouzard, Martin, Ra-qumard, Maillard-Chantelou, Bouraine, Bellot, Colmadaing, Dalleux, Gibert, Compagnon, Bellanger, Gallois, Latou-raille, Rouire, Beuve, Despinal, Bazilly, Berlin, Legras, A.-G. Brisnot, P.-G. Viat, Vignez, R. Detteville, Lefevre, Goisy, Ghabamany, Gorpachot, Magdelain, Qua-tresolz, Déchamp, Hardouin, üagron, Lienard, Lucien Noël, Pichonnier, curé d'Andreselles ; Hutteau, Nahuet, Damas, Bridon, Lesueur, Géant, Souchet, Prévôt, Chagot, Lefevre, curéd’Othis ; P.-S. Tlieun, évêque du département de Seine-et-Marne ; Fouquet, fi. Rondelet, Faudar, vicaire de la cathédrale ; Salmon, Ghobert, Chifolot-d’Armantier, Duhamel, Gardinal-Beau-repaire, Dësorme, Bailly, Marest, Dupor-tail, Bancetm, Courry, Lebesque, Roger, Thomé, Aussenard, Tracy, Monchanin, de la Casse, Bannissant, Corbilly, Goyer, Rémi, Lambert, E. Gitlard, Cordelier, notaire , Naret, Gouere, Denis Balastre, flervieux, Jérôme, Millet, Mallet, Picart, Regnier, Guesdin, Martin, B. Bertin, Jai-let, Golinard, Cadrtbert, Bourgeois, Michel, Gorveau, Gilbon, Pépin, Gourgnan, Jancourt, Bermer, la Richarderie, Vie-not-Vaublanc, Segretier, Delaistre, Marinier, Pierre Chevalier, Milet, J.-L. Pauly, Picault, Bénard de Saint-Etienne, Théodore Giot, Lecourageux. » M. le Président répond : « Dans une crise politique, excitée par des efforts contre la liberté publique, tout citoyen s’empresse à montrer son dévouement à la patrie, son zèle pour resserrer le lien social qu’en vain on a tenté de rompre. Cette crise n’a servi qu’à prouver qu’une organisation politique établie sur les principes du droit naturel, et fondée sur l’amour de la patrie, est indestructible comme l’amour de la liberté, lorsqu’une fois ce feu sacré brûle dans le cœur des citoyens français. « Les électeurs du département de Seme-et-Marne offrent à tous les électeurs l'exemple utile de la soumission à la loi. Bientôt ils nommeront nos successeurs; bientôt ils nommerontceux qui doivent consolider notre ouvrage. L’imposante fermeté de ce peuple nous assure que nos travaux pourront continuer avec la même activité, puisque son humanité généreuse a empêché les troubles intérieurs, et que sa fierté et sa contenance nous préserveront des efforts extérieurs.