ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (20 août I790.J 18Ô (Assemblée nationale.] nouveau serment qui va la régénérer, enseigner aux soldats Uurs rapports avec les autres citoyens, et fuire concourir ainsi au rétablissement de la paix, l’instruction et la loi. » (Une grande partie de l'Assemblée applaudit.) M. d’André. Le préopinant a confondu les deux rapports qui devaient vous être faits ; sa proposition paraît être relative aux insurrections militaires de Metz. M. de Mirabeau, Vainé. Je n’ai pas cru qu’uu comité pût faire un rapport sur des lettres isolées. Je ne m’attendais donc pas à celui des événements arrivés à Metz ; c’est sur ce que M. Dubois m'a dit, que j’ai voulu répondre à des faits particuliers par des idées générales. M. d’André. Il ne s’agit pas à Toulon d’une insurrection militaire, mais d’un tumulte occasionné par deux cents brigands. On peut décréter le projet présenté par M. Malouet au nom des comités: j’ajouterai, en amendement, que la sénéchaussée de Toulon juge en dernier ressort, et qu’il soit informé contre ceux qui ont donné ordre de faire sortir de prison cinq assassins qui avaient été arrêtés : Le projet de décret, est adopté à l’unanimité, avec cet amendement, ainsi qu’il suit. «L’Assemhlée nationale, sur la dénonciation qui lui a été faite par le ministre de la marine, d’un attentat commis à Toulon le 11 de ce mois, contre la personne du situr Gastelet, commandant en second de la marine; et après avoir ouï le rapport de ses comités des recherches et de la marine réunis, décrète que son président se retirera par devers le roi, pour prier Sa Majesté de douner les ordres les plus prompts, à l’effet de faire poursuivre par-devant la sénéchaussée de Toulon, qui jugera en dernier ressurt, les auteurs, complices et adhérents de l’attentat qui lui a été dénoncé, et fera particulièrement informer sur les ordres donnés pour faire sortir des prisons du palais cinq des particuliers accusés dudit assassinat, qui y avaient été conduits. « L’Assemblée nationale charge son président décrire au maire et aux officiers municipaux de Toulon, pour leur témoigner la satisfaction du zèle et du patriotisme qu’ils ont montrés en défendant la personne du sieur Gastelet, et les charger de faire connaître aux gardes nationales, à la garnison, et notamment aux grenadiers de Barrois, qui, en cette occasion, ont donné des preuves particulières de dévouement, la satisfaction que l’Assemblée éprouve de leur conduite. » Plusieurs membres demandent que M. Dubois de Grancé fasse connaître les détails de l’affaire d’Hesdin, auxquels il a été fait allusion par M. de Mirabeau. M. Dubois (ci-devant de Crancê). J’ai reçu ce matin une relation de l'affaire d'Hesdin, signée de MM. Charles Yarlet, ancien colonel du corps royal du génie, commandant en chef de la garde nationale d’Hesdin; Froissard, sous-aide major delà place; Deploi, major de la garde nationale; Ch. André, capitaine des chasseurs et plusieurs autres. Voici l’extrait de cette relation : « Le 1er du présent mois, jourqui devait assurer l’union entre les olficiers et les cavaliers du régiment de Royal-Champagne, la municipalité et la garde nationale de cette ville, il y eut un dîner rendu par les officiers à ces deux corps. Les repas donnés par la garde nationale et la municipalité avaient été de véritables fêtes. Ils avaient offert la réunion de tous les rangs et de tous les grades. Les officiers, au lieu de suivre la même marche, n’ont invité ni les sous-officiers, ni les cavaliers; ils ont seulement donné six livres par chambre. A ce dîner, tous les cœurs furent glacés par une froide étiquette, par un cérémonial compassé. Le patriotisme de ces messieurs leur inspirait des couplets où le roi, la reine et le dauphin étaient célébrés, et qui excitaient des cris de: vive le roi, Vive la reine ! La suite de ces couplets renfermait des allusions contre les représentants de la nation et contre la garde nationale. On nous disait: Laissez vos pompons et vos armes; il n'y a rien de bon du côté gauche que le cœur.. “ Après la santé du roi on éluda de porter celle de ce que nous avons de plus cher, de la nation et de ses représentants. L�s officiers de la garde nationale craignaient qu’on ne les soupçonuât d’avoir concourus l’exclusion, à l’humiliation de leurs frères d’armes du régiment de Royal-Chara-pagne. On prépara un bal sur la place; l’indignation des cavaliers était augmentée par la réception qu’on avait faite, avant le dîner, d’un sous-officier qu’ils détestaient, et qui avait été promu au grade de sous-lieutenant. Sur les 10 heures du soir, on vit arriver une trentaine de cavaliers qui, une chandelle à la main, firent le tour de la place ; dans cette gaîté innocente aucun citoyen n’a dit avoir éprouvé une insulte. Les officiers prétendent avoir été ménacés et blessés: mais il serait peut-être difficile de le prouver. Il fallait punir les individus et non le corps entier; d’ailleurs on avait passé la journée à boire. Etait-ce aux officiers à se plaindre? Ils avaient fourni la boisson ; ce qui est certain c’est qu’aucun officier n’a rappelé les soldats à l’ordre, et l’ordre s’est rétabli de lui-même. Il faut remarquer qu’il y avait une exemption d’appel pour toute la nuit, et que cette exemption n’avait pas été révoquée. Le lendemain, disait-on, devait être le grand jour; qu’est-il arrivé? trente cavaliers, précédés d’un trompette, ont fait une nouvelle procession, en sortant du cabaret. Est-ce une insurrection que de courir sans désordre, en criant: Vive la. nation, vivent les bons citoyens d'Hesdin, au diable les aristocrates ? « Les jours suivants se passèrent dans le plus grand calme ; mais il faut avouer que cette tranquillité fut altérée par des mesures graves, accompagnées d’un appareil militaire et qui répandirent de grandes inquiétudes dans toutes les familles. Le samedi 10 cet appareil militaire se déploie tout à coup, comme si l’ennemi était aux portes ; J’bôtel-de-ville est changé en véritable arsenal ; toutes les troupes s’y assemblent, six pièces de canon sont traînées dans la cour, la mèche est allumée, les salles se remplissent d’ouvriers qui fabriquent des cartouches, on y rassemble des fusils, les postes sont doublés; tous ces préparatifs se font au nom de la municipalité. Une lettre de M. de Fournès, colonel et membre de l’Assemblée nationale, annonce que le 5 de ce mois l’As&emblée doit rendre un décret pour casser le régimeut ; ce député engage les officiers à se mettre en sûreté, à enlever la caisse, à porter les drapeaux à Pbôtel-de-ville. M. Fournès était à 40 lieues de la scène; il a pu être trompé par des ouï-dire; mais les officiers municipaux étaient sur les lieux, tout était calme; leur esprit frappé n’a vu que des assassins, ou [Assamblée national».] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 août 1790.J 181 ne leur pardonnera pas : ce n’était pas assez, la municipalité implora le secours du commandant de la province; le 9 arrivèrent des détachements de troupes étrangères, tous les citoyens se demandent quel désordre a-t-on commis? Où sont les crimes qu’il faut punir? « Le peuple, au milieu de ses inquiétudes, se permet à peine quelques murmuras ; les officiers municipaux et les chefs des troupes tiennent sur la place des conférences ; on décide que le régiment de Royal-Ghampagne ne fera plus de service ; que les portes seront occupés par la garde nationale ; que les nouvelles troupes garderont les faubourgs que les portes de la ville resteront toujours ouvertes, et qu’ainsi que les ponts-levis elles seront clouées ; telles sont les dispositions du congrès municipal et militaire. Le peuple en voyant appeler des troupes étrangères, en voyant qu’on leur livre les portes, n’a-t-il pas dû concevoir des inquiétudes pour sa liberté ?...» M. l’abbé Maury. Nous n’avons pas besoin de cette relation, elle n’a nul rapport avec l’objet actuel. (Cette observation est repoussée par des murmures.) M. Dubois-Crancé continue sa lecture. — «On ne se permettra qu’une réflexion sur ces dispositions despotiques. Ce n’est qu’à l’approche des troupes étrangères, rassemblées autour de Paris, qu’a commencé la Révolution. Enfin arrive un décret qui improuve la conduite du régiment de Royai-Champagne, et ce n’est pas ce décret fulminant qu’on avait annoncé. « On ne conçoitpas les raisons qui ont engagé les officiers municipaux à tenir la ville investie par des troupes étrangères. Ils auraient pu le faire peut-être, si les cavaliers n’avaient pas reçu avec modération l’humiliation qui leur a été infligée; mais ils n’ont pas donné ce triomphe à leurs ennemis. On a vu monter à l’hôtel-de-ville des soldats, peut-être gagnés, pour faire des déclarations dont on ne connaît pas la teneur: ces soldats, au nombre de 30, habitent un autre quartier de la ville; on leur a donné de la poudre et du plomb pour se défendre, dit-on, contre leurs camarades. Si l’on avait pu exciter la division, on se serait applaudi des dispositions qu’on vivait prises. Il résulte de ce récit : 1° que le faux avis donné par M. de, Fournès est le pivot sur lequel roule toute cette conduite ; 2° que les officiers municipaux, sous le prétexte de mettre en sûreté les officiers du régiment de Royal-Cham-pagne, qu’on a feint. être en danger, ont troublé la tranquillité publique et la liberté; 3° qu’on s’est permis d’infliger au régiment de Royal-Champagne des peines plus fortes que celles décrétées par l’Assemblée nationale, il résulte enfin qu’il n’y a plus de sûreté publique, plus de liberté; que les droits de l’homme sont une chimère, si les officiers municipaux peuvent clouer les portes, appeler les troupes étrangères et usurper le pouvoir militaire. Pour opérer une contre-révolution à Hesdin, on n’aurait pas pris d’autres mesures. L’Assemblée nationale est suppliée d’examiner si le corps municipal n’a pas outrepassé les pouvoirs qui lui sont délégués par la loi. » M. d’Ambly. J’ai reçu aussi une lettre de la municipalité: le régiment n’a pas fait ce qu’on craignait ; la municipalité n’a pas de tort pour avoir pris des précautions. Quand on a tenu un conseil, que le chef de la garde nationale a signé, et qu’on revient contre, il faut mettre la clef sous la porte. M . de Fournès, colonel du régiment de Royal-Champagne. Je dois vous dire que les faits contenus dans l’extrait de cette prétendue lettre sont inexacts ; je demande qu’on la porte au comité militaire, pour qu’il vous en soit rendu compte. ( Voyez aux Annexes la réponse de M. de Fournès à la lettre deM. Varlet, lue par M. Dubois-Crancé). (On demande l’ajournement à jour fixe de la motion de M. de Mirabeau l’aîné, et le renvoi au comité du récit lu par M. Dubois-Crancé.) M. de Mirabeau, l'aîné. Il me semble qu’on oublie la manière dont a été introduite là communication de la lettre de M. Dubois-Crancé; je l’ai demandée en preuve de la complication de la maladie de l’armée; elle ne peut être l’objet d’une motion. C’est ma motion qui doit être délibérée ou renvoyée à un comité, selon le désir de l’Assemblée. M. Robespierre. Il est évident que M. de Mirabeau a présenté sa motion, comme essentiellement attachée à l’affaire de Toulon... M. Alexandre de Lameth. Il me semble, sans examiner au fond la motion de M. de Mirabeau, qu’elle renferme deux mesures, dont l’une peut-être adoptée à l’instant, tandis que le moment de décréter l’autre n’est point encore arrivé. Il reste au comité militaire deux rapports à faire: l’un sur les tribunaux militaires, l’autre sur l’avancement. Ce n’est que quand les militaires connaîtront l’avancement qu’ils peuvent espérer, et les peines auxquelles ils seront soumis, qu’on pourra exiger d’eux le serment qu’on veut leur faire prêter. C’est alors que la mesure très importante qu'on vous présente et qui mérite ua grand examen,, pourra être discutée. Quant à l’adresse à l’armée, je n’y vois aucun inconvénient. L’armée est trompée, elle présente donc un très grand avantage. M. de Mirabeau. Je me range à l’avis du préopinant. Le comité est plus en état que qui que ce soit de déterminer le moment où le travail sera assez avancé pour l’exécution de cette forte mesure. J’adopte également une observation qui vient de m’être faite, et je prie de substituer le mot lettre à celui d'adresse. M. Regnaud (de Saint-Jean-d1 Angély). Cette lettre ne servira à rien ; elle peut arriver à un régiment en insurrection. Les mal intentionnés soutiendront que vous avez des raisonnements et point de puissance. Au moment où la seconde proposition de M. de Mirabeau, sera adoptée, il sera utile de faire une adresse pour accompagner cette grande mesure. L’insubordination ne vient pas des gens à qui s’adressera votre lettre. Les malintentionnés la dédaigneront; il ne faut leur opposer que la force publique; les autres ne la comprendraient pas. Je demande qu’on ajourne en entier la motion de M. de Mirabeau l’aîné. (L’Assemblée délibère, et la première proposition de M. de Mirabeau est renvoyée au comité militaire.) M. deFoncault. Quand on démolit avec violence, il faut rétablir avec célérité. Quelle est la lettre qu’on doit envoyer à l’armée? La loi, Fins-