494 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. }« *?&£££ “«m répartition de l’impôt. Encore vos comités vous proposeront -ils d’exempter de la déclaration tous les bijoux d’or au-dessous de 2 onces et les bijoux d’argent d’un poids moindre d’un marc. « L’attention de vos comités s’est particuliè¬ rement fixée sur des arrêtés pris par vos com¬ missaires dans les départements, par lesquels ils ont prononcé la peine de mort contre ceux qui n’apporteraient pas leurs effets d’or et d’ar¬ gent. Je demande que vous décrétiez que ces arrêtés partiels pris sur le fait des matières d’or et d’argent sont nuis et n’auront aucune force de loi. » .Cette proposition a été sur-le-champ décrétée. Le rapporteur se disposait à faire lecture du projet de décret; mais la séance étant trop avancée, la lecture et la discussion ont été ren¬ voyées à la séance de demain. IV. Compte rendu des Annales patriotiques et littéraires (1). Cambon présente à la discussion un projet relatif au numéraire. Danton. Quand on a de l’or en monceaux pour payer des armes et du pain aux défenseurs de la liberté, on peut se dispenser de forcer les citoyens d’échanger leur or. Des représentants ont arrêté cette mesure sous peine de mort ; mais elle est contraire aux principes-. Il faut le dire : tout homme qui se fait ultra -révolutionnaire, qui fait plus que la loi, fait autant de mal qu’un contre-révolutionnaire. Il en est beaucoup qui se cachent sous les excès du patriotisme. Si c’est avec la pique nationale que l’on renverse, c’est avec le compas du génie que l’on édifie. Faisons tous ici le serment solennel que nous voulons la République, mais que nous voulons frapper juste pour frapper plus fort. Cassons ces arrêtés et décrétons que nul ne pourra outrepasser les lois ou les ordres du comité de Salut public. L’Assemblée renvoie ces propositions à son comité. V. Compte rendu du Journal de Perlet (2). Cambon, organe du comité des finances. Des arrêtés de mort pris par quelques administra¬ tions et représentants du peuple, relativement à l’échange du numéraire contre les assignats, vous ont été dénoncés comme une usurpation des pouvoirs du Corps législatif. Vexer le citoyen sans aucun avantage pour la République est un crime politique. Il est ridicule de punir de mort un homme pour un dépôt caché, car le meilleur (1 Annales patriotiques et littéraires [n° 335 du 12 frimaire an II (lundi 2 décembre 1793 , p. 1518, col. 2], (2) Journal de Perlet Tn0 436 du 12 frimaire an II (lundi 2 décembre 1793], p. 13]. patriote serait exposé. Un malveillant, en glis¬ sant chez lui quelques louis d’or, comme les employés aux fermefe glissaient une carotte de tabac chez un particulier qu’ils voulaient trou¬ ver en contravention, le ferait conduire à l’écha¬ faud. En France, l’assignat fait le service ordinaire des transactions dans l’étranger. Nous envoyons les objets de notre industrie et notre superflu en échange du nécessaire. Nous pourrions donc nous passer de louis d’or et d’écus d’argent, et faire une loi somptuaire par laquelle ils seraient proscrits. Mais cela nous rapprocherait trop du système de Law. Il suffirait d’obliger les citoyens qui ont des monnaies ou des matières d’or et d’argent d’en faire leur déclaration. On se procurerait par là l’état de la fortune mobilière de chacun, et l’on parviendrait plus facilement à établir l’impôt. Lorsque les besoins de la République l’exige¬ raient, on pourrait les mettre en réquisition, car faire venir à Paris tous ces objets, ce serait occa¬ sionner des frais énormes pour l’unique plaisir de thésauriser, et vouloir établir des caisses d’échange, ce serait nécessiter l’établissement de nouvelles fabriques d’assignats et accroître leur nombre au lieu de le diminuer. Nous excepterons de la déclaration les bijoux d’or au-dessous de 2 onces, qui sont d’un usage habituel et les bijoux d’argent au-dessous d’un marc pesant, comme couverts, anneaux, croix, claviers, etc. Les offrandes patriotiques provenant des églises, au lieu d’être apportées à la Convention, seraient portées à une caisse générale établie près la Monnaie de Paris, qui donnerait quit¬ tance. Ceux qui voudraient porter la monnaie d’or ou d’argent à la trésorerie nationale, au lieu d’en recevoir des assignats en échange, rece¬ vraient un récépissé ayant valeur de payement en contributions, etc. Je demande d’abord pour première mesure que tous arrêtés des représentants du peuple sur les monnaies, portant des peines quelconques, soient cassés et n’aient plus force de loi. (Dé¬ crété.) Cambon veut ensuite donner lecture de son projet. On observe qu’il est tard et qu’on ne pourra pas ouvrir la discussion. Cambon insiste. Un membre : Le projet est imprimé, nous l’avons tous; la lecture ne nous apprendra rien de nouveau. Danton. Ne précipitons rien en finance; com¬ muniquons nos lumières au comité, et son pro¬ jet vous sera représenté plus parfait. Empêchons les représentants du peuple de prendre des arrêtés dans lesquels ils outrepas¬ sent et la volonté et la raison nationales. Quel¬ ques-uns ont osé prononcer la peine de mort contre ceux qui n’apporteraient pas leur argent. Improuvons solennellement ces mesures ultra-révolutionnaires ; rappelons ceux qui les ont prises. Je veux, comme vous tous, le mouvement révo¬ lutionnaire, qu’il s’étende à toute la République, mais qu’il soit toujours dirigé par le comité de Salut public et que tous les agents du gouver- [ Convention nationale.! ' ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 4Vécembre 495 nement n’agissent que d’après ses instructions. (Vif 8 applaudissements. ) Ces propositions sont renvoyées, ainsi que plu¬ sieurs autres de divers membres, au comité de Salut public. Le projet de Cambon sera soumis incessam¬ ment à la discussion. CONVENTION NATIONALE Séance du 12 frimaire, l’an U de la République française, une et indivisible. (Lundi, 2 décembre 1793). La séance s’ouvre à 10 heures. Un secrétaire fait lecture du procès-verbal du 26 brumaire; il est adopté (1). Un membre dépose sur le bureau du Président une pièce d’argent de 3 livres, qui lui a été re¬ mise à la porte par un maçon qui n’a pas dit son nom, et qui l’offre à la patrie. La Convention décrète la mention honorable de l’offrande et l’insertion au « Bulletin » (2). Un citoyen, qui a obtenu une pension de 300 li¬ vres en 1787, fait remise de son brevet et de ce qui est échu pour les années 1792 et 1793 (vieux style). U dépose le brevet pour ordre de comp¬ tabilité et ne veut pas être connu; c’est par la réalité de l’offrande, et non par la publicité, qu’on est utile à la patrie. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (3). Un officier du 12e régiment de chasseurs à cheval écrit à l’Assemblée que les officiers de ce régiment se sont réunis pour faire passer à cha¬ cun des cavaliers qui font la guerre une paire de chaussons pour mettre dans leurs bottes; la somme 'recueillie n’ayant pas suffi, les chasseurs se sont empressés d’y suppléer et de concourir à l’équipement de leurs frères. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (4). (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 298. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p, 299. (3) Ibid. (4) Ibid. Suit la lettre de cet officier (1). Copie d'une motion faite par Bonnau, capitaine. « Paris, ce octidi, de la lre décade de frimaire, l’an II de la République une et indivisible. « Citoyen Président, « Nous écrivons mal, nous parlons peu, mais nous nous battons bien. Je ne puis cependant me refuser au plaisir de transmettre aux représen¬ tants du peuple un de ces traits qui, en hono¬ rant l’humanité, consacre plus que jamais l’em¬ pire de l’égalité. « Les officiers du dépôt du 12e régiment de chasseurs à cheval, en garnison à Reims, se sont réunis pour faire passer à chacun des cavaliers de leur régiment qui sont à la guerre, une paire de chaussons pour mettre dans leurs bottes. « Mais ce que j’annonce avec plus de plaisir, c’est que cette sainte coalition n’ayant pas pro¬ curé la quantité suffisante, les chasseurs ont envié le droit précieux d’aider leurs camarades et ont parfait le nombre nécessaire au régiment. « Combattre et mourir pour la patrie, voilà notre devise; chérir et aimer nos frères, voilà notre premier soin, « Je te prie, citoyen Président, de donner connaissance de cette lettre à la Convention. « Conil-Dalouze, sous -lieutenant dudit règle¬ ment actuellement à Paris pour l'équipe¬ ment du corps. » Compte rendu du Moniteur universel (2). Les officiers du 11e régiment des hussards annoncent qu’ils ont fait une collecte entre eux, dont ils ont employé le produit en achat de chaussons qu’ils ont envoyés à leurs frères d’armes qui sont sur les frontières. Le citoyen Félix Nogaret fait passer à la Con¬ vention une cantate à l’Étemel; il invite l’As¬ semblée à la faire chanter dans le temple de la Raison. Mention honorable, insertion au « Bulletin » et renvoi au comité d’instruction publique (3). (1) Archives nationales, carton C 285, dossier 831. (2) Moniteur universel [n° 74 du 14 frimaire an II (mercredi 4 décembre 1793), p. 299, col. 1]. D’autre part, Y Auditeur national Tn0 437 du 13 frimaire an II (mardi 3 décembre 1793)', p. 1] rend compte du don patriotique du 12e régiment de chasseurs dans les termes suivants : « Les officiers du 11e régiment de hussards écri¬ vent qu’ils ont fait une collecte, dont le produit a été employé en achats d’objets nécessaires à leurs camarades* qui sont sur les frontières. (Applaudi.) Mention honorable au procès-verbal. » (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 299.