240 ARCHIVES PARLEMENTAIRES — CONVENTION NATIONALE ces lois mûrement réfléchies, comparées les unes aux autres, parfaitement d’accord entre elles, clairement rédigées, et une fois promulguées, soient religieusement exécutées. Celles qui concerneront la justice, établiront de la manière la plus positive le droit du tien et du mien, la première de toutes celles qui constituent une société d’hommes faits et nés pour la liberté. Elles étoufferont la mauvaise foi, le brigandage; elles seront la terreur du crime, et rétabliront les mœurs. Celles qui constitueront la police veilleront à la sûreté personnelle des citoyens : elles assureront le bon ordre et la tranquillité publique; elles surveilleront les approvisionnements, les subsistances, sans nuire aux propriétés, parce que celles-ci sont si respectables, même aux yeux du gouvernement, qu’il n’y a plus de société partout où un pouvoir quelconque ose les attaquer, et que toute justice est détruite quand il les viole. Celles qui régleront les finances de l’Etat prépareront et éclaireront le système de l’impôt, sur lequel on n’a fait jusqu’ici qu’un travail dont les résultats sont trop incertains, qui n’a servi qu’à décourager les contribuables et à tarir une des premières ressources de l’Etat; puisque leur étendue, qui passe toute mesure, leur obscurité, qui met l’arbitraire à la place du droit juste, forcent les contribuables à recourir à tous les moyens possibles d’éluder la taxe, et même de s’y soustraire; et dans la vérité, les impôts ne se paient pas. En effet, les répartiteurs eux-mêmes entendent si peu le système de l’imposition, qu’on citerait nombre d’endroits, et Paris à la tête, où l’impôt de 1793 n’est pas encore assis. Il est un principe constant : c’est qu’il ne faut jamais arrérager l’impôt; car si l’imposé ne paie qu’avec la plus grande peine ce qu’on lui demande pour une année, comment en paiera-t-il deux à la fois ? Et cependant que deviennent les revenus de l’Etat avec de pareilles lenteurs ? D’ailleurs, de quelle base est-on parti pour répartir les impôts et pour les asseoir ? Dans quelle proportion les a-t-on fixés ? Qu’est devenu ce cadastre si vanté, qui devait être si salutaire, auquel on travaille depuis 5 ans, et qui n’a rien produit encore, qui coûte excessivement cher, quand il était possible de le faire pesque pour rien, et dont on n’a pas encore tiré l’ombre de résultat ? Cette partie des lois de la finance réglera aussi le commerce, et lui rendra une activité sans laquelle il ne peut être qu’onéreux à l’Etat, puisqu’il perd son équilibre avec celui des étrangers, et dégoûte tous ceux que leur génie industriel porterait à l’entreprendre; et le commerce, vous ne l’ignorez pas, est une des sources qui produit l’abondance. Enfin vous aurez des lois politiques, et celles-là, lorsqu’elles sont sages et dictées par l’équité, ont le double avantage de vous concilier l’estime et la confiance des nations, d’enrichir la vôtre et d’attirer dans son sein une infinité d’étrangers, qui, pénétrés de leur légitimité, de leur prudence, de leur douceur, formeront bientôt le vœu de vous apporter leur richesse et leur industrie, et de venir au milieu de vous vivre sous leur empire. Je demande, pour réunir toutes les lumières et pour en profiter, que tout membre de cette assemblée, éclairé sur ces matières, propose ses plans, ses idées, les fruits de ses recherches et de son expérience à un comité nommé pour les recevoir, les analyser et en faire l’usage qui sera jugé devoir être le plus avantageux (1). Un autre membre [DELBREL] demande que Pelet, auteur du discours, remplace l’infâme Couthon dans la rédaction des lois : cette proposition est ajournée jusqu’après l’organisation définitive des comités (2). [DELBREL : L’infâme Couthon était membre de la commission de la rédaction des lois. Je demande que Pelet le remplace. LECOINTE-PUYRAVEAU : Je demande l’ajournement de cette proposition jusqu’après l’organisation définitive des comités; car il serait très possible que la Convention charge une section du comité de législation de la rédaction définitive des lois (3). [LECOINTE-PUYRAVEAU a cru qu’il falloit attendre, pour s’occuper de cet objet, la réorganisation des comités. J’observe, a dit MERLIN de Douai, que Couthon n’étoit qu’ad honores dans cette commission. [ Applaudissements ]. Ce que vient de dire notre collègue, a répliqué LECOINTE-PUYRAVEAU, prouve d’une manière plus particulière ls projets des ennemis que nous venons d’abattre. L’exécrable Couthon ne s’était fait nommer membre de la commission, que pour y exercer une influence funeste. Sans doute il ne l’y a pas exercée; le patriotisme de ses collègues nous en est un sûr garant. Cependant je n’en persiste pas moins à réclamer l’ajournement. Cette proposition a été décrétée; quant aux idées très détaillées de Pelet, que la foiblesse de son organe a empêché d’être entendu, on en a décrété l’impression (4)]. 18 Un membre [A. DUMONT] demande qu’un prisonnier ne puisse pas être retenu au secret plus de 3 jours sans être entendu : cette proposition est renvoyée au comité de législation pour en faire un rapport sous 3 jours (5). [Applaudissements ] André DUMONT : Hier vous avez rendu un décret qui rendra la liberté à bien des victimes. (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 416-418. (2) P.-V., XLIII, 69. (3) Moniteur (réimpr.), XXI, 418. (4) C. univ., nos 949, 950; Mess. Soir, n° 717 (selon cette gazette, c’est Bentabole qui a demandé l’impression du discours de Pelet); Ann. R. F., n° 249; Rép., n° 230; J. Perlet, n° 683; J. Fr., n° 681; F.S.P., n° 398; J.S.-Culottes, n° 538; J. Sablier (soir), n° 1 483. (5) P.-V., XLIII, 69. Décret n° 10 291. Rapporteur : André Dumont. SÉANCE DU 19 THERMIDOR AN II (6 AOÛT 1794) - Nos 19-21 241 Il y avait une foule de patriotes incarcérés par les ordres du tyran et de ses complices, qui craignaient la vertu; mais il y a un autre abus que je crois devoir dénoncer à la justice de la Convention. Souvent, pour étouffer la voix de l’homme qu’on emprisonnait injustement, on le mettait au secret; combien n’y en a-t-il pas qui gémissent là sans avoir été même interrogés ! La loi dit qu’un détenu sera interrogé dans les 24 heures. Je sais bien qu’il est de grandes circonstances où ce délai n’est pas suffisant, où l’on ne peut pas interroger tous les coupables dans les 24 heures : on ne le pourrait pas dans ce moment pour les complices de la conjuration de Robespierre, mais je demande que l’assemblée décrète qu’un détenu ne pourra pas rester au secret, et sans être interrogé, plus de 3 jours (1). 19 Un membre [VILLETARD], au nom des comités de l’examen des marchés et des finances, fait un rapport sur la compagnie Masson et d’Espagnac, et propose le décret suivant, qui est adopté : La Convention nationale, ouï le rapport de ses comités des finances, et de l’examen des marchés, réunis, décrète ce qui suit : I. Les registres de la compagnie connue sous les noms de Masson et d’Espagnac, ci-devant chargée de l’entreprise des charrois et convois militaires, seront remis à la trésorerie nationale, pour être par elle compulsés et comparés aux comptes, titres et pièces produits par les créanciers de ladite compagnie, et pour que l’apurement et la liquidation desdits comptes décrétés le 13 ventôse, puissent être mis incessamment à fin, IL A cet effet, les scellés apposés sur les papiers de ladite compagnie seront levés, pour les registres en être distraits, et être rétablis aussitôt après que l’examen ordonné par la présente loi aura eu lieu, le tout à la diligence de l’agent du trésor public (2). 20 Un membre [MONMAYOU] dénonce un attentat horrible commis dans le département du Lot dans la nuit du 9 au 10 thermidor. Des déserteurs espagnols ont assassiné deux défenseurs de la patrie en route pour rejoindre l’armée. Il demande que la (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 413; Débats, n° 685, 336; C. univ., n° 949; Mess. Soir, n° 717; J. Sablier (soir), n° 1 483; Ann. pair., DLXXXIII; Rêp., n° 230; J. Fr., n° 681; Audit, nat., n° 682; Ann. R.F., n° 249; J.S. -Culottes, n° 538; J. Perlet, n° 683; F.S.P., n° 398; M.U., XLII, 319; C. Eg„ n° 718; J. Mont., n° 99. (2) P.-V., XLIII, 70. Décret n° 10 284. Rapporteur: Ville-tard. M.U., XLII, 330; J. Fr., n° 682; J. S. -Culottes, n° 539; J. Perlet, n° 684; F.S.P., n° 399; Moniteur (réimpr.), XXI, 435-436. Convention nationale autorise expressément le tribunal criminel de ce département à juger cette affaire aussitôt que les prévenus seront traduits dans la maison de justice, et qu’en conséquence il soit autorisé à convoquer alors et de suite un juré pour prononcer promptement sur l’accusation, et que le jugement soit exécuté sans recours au tribunal de cassation. La Convention nationale renvoie cette proposition au comité de législation pour faire un rapport demain (1). Lorsqu’un homme est prisonnier de guerre, dit un autre membre, il est sous la sauvegarde des lois, et obligé de se conformer au régime établi dans le pays où il se trouve; s’il viole les lois, s’il commet des assassinats, il doit être traité comme les coupables ordinaires, et il n’est pas nécessaire que l’on prenne à son égard d’autres mesures que celles que l’on a coutume de prendre contre les assassins. On vous a dénoncé des prisonniers et des déserteurs qui ont assassiné des républicains. Je demande que leurs crimes soient promptement punis, et que la motion de Monmayou soit adoptée (2). 21 Un membre demande la parole pour réclamer contre l’opinion que lui ont prêtée certains journaux sur les colons détenus. La liberté de la presse, s’écrie-t-on de toutes parts; si vous avez des plaintes à former, adressez-vous aux tribunaux (3). [Le membre [MARTEL ? (4)] qui proposa hier de mettre en liberté les colons de l’hôtel Massiac, se plaint de ce que son opinion a été dénaturée dans le journal d’Etienne Feuillant [le Journal de France \ (Violents murmures). Une foule de membres s’écrient qu’il est temps de rendre à la presse la liberté qui lui appartient, et qui a été si longtemps anéantie. D’autres observent que ceux qui ont à se plaindre des journalistes peuvent s’adresser à eux, s’il n’y a qu’erreur; et, s’il y a délit ou malveillance, porter leurs réclamations devant les tribunaux. La Convention passe à l’ordre du jour (5)]. [Vifs applaudissements]. (1) P.-V., XLIII, 71. Décret n? 10 279. Minute de la main de Mommayou, rapporteur. Moniteur (réimpr.), XXI, 413; Audit, nat., n° 682; J. Mont., n° 99; J. Perlet, n° 683. (2) J. Sablier (du soir), n° 1 483; J. Fr., n° 681; C. univ., n° 949; Mess. Soir, n° 717; Débats, n° 685, 335; Ann. R.F., n° 249; J.S. -Culottes, n° 538; Rép., n° 230; F.S.P., n° 398; M.U., XLII, 318. (3) P.-V., XLIII, 71. (4) Voir séance du 18 thermidor, n° 56. (5) J. Perlet, n° 683; J.S. -Culottes, n° 538; J. Fr., n° 681; Ann. pair., DLXXXIII; J. Mont., n° 99; Moniteur (réimpr.), XXI, 413; F.S.P., n° 398; Mess. Soir, n° 717; C. Eg., n° 718; M.U., XLII, 319. 1* SÉANCE DU 19 THERMIDOR AN II (6 AOÛT 1794) - Nos 19-21 241 Il y avait une foule de patriotes incarcérés par les ordres du tyran et de ses complices, qui craignaient la vertu; mais il y a un autre abus que je crois devoir dénoncer à la justice de la Convention. Souvent, pour étouffer la voix de l’homme qu’on emprisonnait injustement, on le mettait au secret; combien n’y en a-t-il pas qui gémissent là sans avoir été même interrogés ! La loi dit qu’un détenu sera interrogé dans les 24 heures. Je sais bien qu’il est de grandes circonstances où ce délai n’est pas suffisant, où l’on ne peut pas interroger tous les coupables dans les 24 heures : on ne le pourrait pas dans ce moment pour les complices de la conjuration de Robespierre, mais je demande que l’assemblée décrète qu’un détenu ne pourra pas rester au secret, et sans être interrogé, plus de 3 jours (1). 19 Un membre [VILLETARD], au nom des comités de l’examen des marchés et des finances, fait un rapport sur la compagnie Masson et d’Espagnac, et propose le décret suivant, qui est adopté : La Convention nationale, ouï le rapport de ses comités des finances, et de l’examen des marchés, réunis, décrète ce qui suit : I. Les registres de la compagnie connue sous les noms de Masson et d’Espagnac, ci-devant chargée de l’entreprise des charrois et convois militaires, seront remis à la trésorerie nationale, pour être par elle compulsés et comparés aux comptes, titres et pièces produits par les créanciers de ladite compagnie, et pour que l’apurement et la liquidation desdits comptes décrétés le 13 ventôse, puissent être mis incessamment à fin, IL A cet effet, les scellés apposés sur les papiers de ladite compagnie seront levés, pour les registres en être distraits, et être rétablis aussitôt après que l’examen ordonné par la présente loi aura eu lieu, le tout à la diligence de l’agent du trésor public (2). 20 Un membre [MONMAYOU] dénonce un attentat horrible commis dans le département du Lot dans la nuit du 9 au 10 thermidor. Des déserteurs espagnols ont assassiné deux défenseurs de la patrie en route pour rejoindre l’armée. Il demande que la (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 413; Débats, n° 685, 336; C. univ., n° 949; Mess. Soir, n° 717; J. Sablier (soir), n° 1 483; Ann. pair., DLXXXIII; Rêp., n° 230; J. Fr., n° 681; Audit, nat., n° 682; Ann. R.F., n° 249; J.S. -Culottes, n° 538; J. Perlet, n° 683; F.S.P., n° 398; M.U., XLII, 319; C. Eg„ n° 718; J. Mont., n° 99. (2) P.-V., XLIII, 70. Décret n° 10 284. Rapporteur: Ville-tard. M.U., XLII, 330; J. Fr., n° 682; J. S. -Culottes, n° 539; J. Perlet, n° 684; F.S.P., n° 399; Moniteur (réimpr.), XXI, 435-436. Convention nationale autorise expressément le tribunal criminel de ce département à juger cette affaire aussitôt que les prévenus seront traduits dans la maison de justice, et qu’en conséquence il soit autorisé à convoquer alors et de suite un juré pour prononcer promptement sur l’accusation, et que le jugement soit exécuté sans recours au tribunal de cassation. La Convention nationale renvoie cette proposition au comité de législation pour faire un rapport demain (1). Lorsqu’un homme est prisonnier de guerre, dit un autre membre, il est sous la sauvegarde des lois, et obligé de se conformer au régime établi dans le pays où il se trouve; s’il viole les lois, s’il commet des assassinats, il doit être traité comme les coupables ordinaires, et il n’est pas nécessaire que l’on prenne à son égard d’autres mesures que celles que l’on a coutume de prendre contre les assassins. On vous a dénoncé des prisonniers et des déserteurs qui ont assassiné des républicains. Je demande que leurs crimes soient promptement punis, et que la motion de Monmayou soit adoptée (2). 21 Un membre demande la parole pour réclamer contre l’opinion que lui ont prêtée certains journaux sur les colons détenus. La liberté de la presse, s’écrie-t-on de toutes parts; si vous avez des plaintes à former, adressez-vous aux tribunaux (3). [Le membre [MARTEL ? (4)] qui proposa hier de mettre en liberté les colons de l’hôtel Massiac, se plaint de ce que son opinion a été dénaturée dans le journal d’Etienne Feuillant [le Journal de France \ (Violents murmures). Une foule de membres s’écrient qu’il est temps de rendre à la presse la liberté qui lui appartient, et qui a été si longtemps anéantie. D’autres observent que ceux qui ont à se plaindre des journalistes peuvent s’adresser à eux, s’il n’y a qu’erreur; et, s’il y a délit ou malveillance, porter leurs réclamations devant les tribunaux. La Convention passe à l’ordre du jour (5)]. [Vifs applaudissements]. (1) P.-V., XLIII, 71. Décret n? 10 279. Minute de la main de Mommayou, rapporteur. Moniteur (réimpr.), XXI, 413; Audit, nat., n° 682; J. Mont., n° 99; J. Perlet, n° 683. (2) J. Sablier (du soir), n° 1 483; J. Fr., n° 681; C. univ., n° 949; Mess. Soir, n° 717; Débats, n° 685, 335; Ann. R.F., n° 249; J.S. -Culottes, n° 538; Rép., n° 230; F.S.P., n° 398; M.U., XLII, 318. (3) P.-V., XLIII, 71. (4) Voir séance du 18 thermidor, n° 56. (5) J. Perlet, n° 683; J.S. -Culottes, n° 538; J. Fr., n° 681; Ann. pair., DLXXXIII; J. Mont., n° 99; Moniteur (réimpr.), XXI, 413; F.S.P., n° 398; Mess. Soir, n° 717; C. Eg., n° 718; M.U., XLII, 319. 1*