443 [Assemblée nstibnale.]' ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre nw.] Etats réunis offrent une population de 150,000 âmes ; les communes qui sont pour la réunion étant les plus populeuses, telles qu’Avignon, Carpenîras, Lisle, Cavaillon, Pernes, etc. ; elles offrent une population de 112,000 âmes. Si l’on y ajoute la minorité dans les communes qui ont voté pour le Saint-Siège, on trouve une presque unanimité. {Applaudissements dans les tribunes.) D'après le compte que j’ai eu l’honneur de vous rendre, Messieurs, vous avez vu que la médiation a fait cesser toutes hostilités entre les peuples d’Avignon et ceux du Gomtat ; elle a rétabli partout la paix ; elle a fait rentrer dans les communes du Gomtat les émigrants que les troubles, la crainte ou les vexations en avaient bannis; elle a donc rempli le but que l’Assemblée nationale s’était proposé dans son décret du 25 mai. Conformément aux préliminaires, les communes se sont occupées, au sein de la paix et de la liberté, de leur sort politique. L’assemblée électorale a recueilli ces vœux et les a déposés devant vous ; la médiation a donc encore rempli le but de la loi du 4 juillet, dont l’exécution lui était confiée. Mais les deux opérations principales ne sont pas celles qui ont le plus coûté aux commissaires médiateurs, chargés de l’exécution de vos ordres : jetés au milieu d’un peuple, d’accord sur un seul point, le désir de la paix et de la réunion à l’Empire français; mais divisé dans tous les autres intérêts ; dans un pays sans gouvernement, sans ordre judiciaire, déchiré par toutes sortes de petites passions, de petits intérêts, de petites rivalités, les commissaires, seuls objets de la confiance publique, se sont vus accablés de toutes les es'èces d’alfaires, de toutes les espèces de querelles, de toutes Jes réclamations, et déchirés, calomniés tour à tour par tous les partis, dont les passions se trouvaient contrariées : les jours et les nuits ont été occupés pendant trois mois à éteindre ou prévenir des haines ; et pourquoi ne le dirions-nous pas, puisque votre estime et votre approbation doivent être notre récompense? Il nous a fallu un courage et des forces plus qu’humaines. Cependant, malgré tous nos soins, ces haines toujours combattues, mais toujours actives, en raison de leur rapprochement, ont en dernier lieu produit dans la ville d’Avignon une explosion coupable; mais ces mouvements désordonnés d’une commune n’ont aucun effet sur les 80 communes qui composent le Gomtat ; et les intérêts privés qui les ont produits n ont rien de commun avec l’intérêt général du pays. J’étais dans le Comlat lors de ces mouvements; j’accourus, mais trop tard, pour en arrêter les suites. Mon collègue, témoin de ces faits privés, va vous en rendre compte; cependant qu’il me soit permis de relever à ce sujet une erreur avancée hier dans le sein de cette Assemblée. Ge n’est point, comme on l’a dit, à la querelle d’un hussard avec un Avignonais, qu’il faut attribuer ces troubles, mais bien à l’effet des haines privées de quelques individus, de leur ambition, du désir des vengeances, et de l’insatiable ardeur de les satisfaire : à Dieu ne plaise que je souffre que l’on inculpe des troupes de ligne, dont la conduite a été si honorable, si patriotique, si exemplaire. Si nous avons eu à nous plaindre de l’incivisme de quelques individus, l’époque du serment en a purgé leurs corps. Mais les hussards du 5e régiment et le 2e bataillon de Sonnemberg ont constamment donné les preuves d’un courage, d’un zèle, d’une discipline et d’un patriotisme à toute épreuve. {Applaudissements.) Puissent tous les corps, pour le bonheur de mon pays, se modeler sur eux ; et puissé-je voir l’Assemblée nationale, par une mention honorable de leurs services, et sur la foi de mon honneur, acquitter envers eux la reconnaissance publique, et donner à leurs compagnons d’armes un puissant motif d’encouragement ! {Applaudissements.) M. Veruinac-Saint-ÜIaur a la parole et s’exprime ainsi s Messieurs, Mon collègue vient de vous tracer le tableau de nos opérations; il vous en a dévoilé l’esprit, il vous en a montré le but, et votre justice est maintenant assez éclairée, je pense, pour prononcer que nous sommes restés dignes du témoignage de satisfaction dont votre décret du 4 juillet dernier est le précieux dépositaire. . Je vais à mon tour vous rendre compte des événements récents qui ont altéré la paix d’Avignon, et j’ose croire, Messieurs, que dans ce second récit, vous reconnaîtrez, comme dans le premier, que nous sommes demeurés constamment sur la ligne de la loi, de nos devoirs et de l’impartialité la plus austère. Le traité signé entre nos mains à Orange, avait établi entre Avignon et Garpentras une paix qui dure encore; mais il n’avait pu statuer sur une division qui s’était introduite entre les citoyens mêmes d’Avignon. L’assemblée électorale était née dans le sein de la municipalité de cette ville, et il avait régné longtemps une harmonie parfaite entre ces deux autorités; mais des prétentions trop naïves, des ambitions rivales, des jalousies de pouvoir ne tardèrent pas à les désunir, et la distribution des places de l’administration, laquelle n’a cependant jamais été établie, devint la cause d’une rupture ouverte. Bientôt l’assemblée électorale ne se crut plus libre dans Avignon, et elle transporta ses séances dans une autre ville. Alors la municipalité, se trouvant sans contradicteur, s’abandonna à des mesures vives ; elle fit rendre des décrets contre quelques membres de l’assemblée électorale et de l’armée; et l’un d’eux ayant été fait prisonnier dans la commune de la Palud, elle écrivit qu’on le retînt dans les fers, parce que, marquait-elle, il devrait être décrété dans deux jours. La personne détenue fut en effet décrétée, ainsi qu’il avait été prédit; et si cette circonstance ne prouve pas que la municipalité d’Avignon dirigeait la conscience des juges, elle démontre au moins qu’elle avait le don de la deviner. J’a dû, Messieurs, entrer dans le détail de ces faits, parce que les troubles dont je vais vous rendre compte en ont été la suite immédiate ; mais ces faits n’ont pas été cependant les seules causes de ces troubles. Lorsque l’armée s’était mise en campagne, il avait été promis 40 sous par jour à chacun des gardes nationaux qui la composaient, et ce prêt avait été acquitté par J a plus grande partie des communes dans les premiers jours qui suivirent le licenciement. La municipalité d’Avignon témoigna beaucoup de répugnance à le fournir. Cette résistance devint le sujet de réclamations réitérées, dont quelques-unes, dépourvues des formes qu’exige la loi, eu-lentun caractère d’émeute; aussi fallut-il s’en occuper sérieusement; et deux conseils généraux de la commune, auxquels nous fûmes priés de nous rendre, furent indiqués à ce sujet. Il ne fut rieu statué dans le premier; mais ce 444 conseil fut signalé par une circonstance dont je crois nécessaire de vous rendre compte. Dans le cours de la discussion, tandis qu’un de mes collègues, M. l’abbé Mulot, énonçait son avis, l’un des officiers municipaux l’interrompit brusquement, et lui dit : « Gela n’est ainsi, Monsieur, que parce que vous le voulez. » Ces mots, Messieurs, me parurent une insulte : et je ne sais si ma sensibilité m’exagéra le caractère dont nous étions revêts ; mais, songeant de quel peuple nous étions les délégués, je me levai, et je demandai justice de l’affront fait à mon collègue, je dis que jusqu’au moment où nous l’auiions obtenue, nos troupes protectrices resteraient paralysées, et que nous allions instruire l’Assemblée nationale et le roi de l’injure faite à leurs envoyés, dans une commune envers laquelle ils exëiçaient le bienfait de la prétention et de la garantie. Ma réclamation fut suivie, à l’instant même, d’une réparation convenable. Le second conseil général fut extrêmement tumultueux; le peuple s'y était porté eu foule; et les réclamants le voyant près de se dissoudre, sans rien déterminer parce qu’il n’était pas complet, se répandirent en murmures; ils accusaient les officiers municipaux absents de ne s’être point rendus, à dessein d’éloigner une décision; et M. l’abbé Mulot et moi fûmes obligés de les rappeler à la décence et au bon ordre. Cependant l’assemblée devint complète, et l’objet de la solde fut mis à la discussion. La municipalité réclamait contre la hauteur du prêt, et elle avait raison; elle argumentait aussi de la détresse de la commune, et elle avait raison encore. D’un autre côté, ceux qui parlaient en faveur des gardes nationales faisaient valoir leurs fatigues, les pertes qu’ils avaient essuyées, en restant éloignés de leurs foyers pendant deux mois et demi, et le dénuement où ils se trouvaient par la cessation de l’ouvrage. La délibération n’avançait pas, et en se prolongeant elle devenait orageuse ; il fallait pourtant une issue à cette question. Dans l’embarras où l’on était, je proposai que le prêt de 40 sols fut modifié à 15, et quelle que fût cette réduction, quelque extrême que fût la misère de ceux qui réclamaient la solde, j’eus la douceur de voir ma proposition adoptée, dès que j’eus annoncé que les décrets de i’Assemblée nationale n’allouaient en France que 15 sols aux gardes nationales employées. Celte affaire, dont la marche et l’issue avaient été pénibles, avait a'gri les esprits et jeté du malaise dans la ville. Ce fut dans ces circonstances que les membres de l’assemblée électorale et de rarmée qui, comme je l’ai dit, avaient été frappés de décrets, se présentèrent et demandèrent à être jugés. Cette démarche était franche; nous aurions cependant désiré qu’elle n’eût pas lieu; et à différentes fois nous avions tenté d’obtenir que ces décrets que l’on disait être des manifestes de parti, plutôt que d’impartiales émanations de la justice, restassent dans un oubli salutaire. Mats l’honneur des accusés ne voulut point accéder à cette composition, et nous n’avions pas le droit de la commander. L’affaire fut donc engagée; mais quel fut l’étonnement des accusés, lorsque, s’étant présentés devant le juge, ils apprirent que la procédure instruite contre eux avait disparu du greffe criminel; lorsque les recherches qu’ils firent leur donnèrent la preuve que la municipalité d’Avignon l’en avait enlevée elle-même. En effet, Messieurs, c’était la municipalité qui, soit crainte [10 septembre 1791.] de voir s’engager un combat dont l’événement pourrait lui être défavorable, soit par prudence et pour sauver la ville d’un éclat qui pouvait altérer sa tranquillité, avait commis cet acte arbitraire. On nous en porta des plaintes; et nous fîmes nos représentations : les citoyens adressèrent des pétitions, et elles furent inutiles. Le peuple animé d’un sentiment de justice, ou peut-être excité seulement par le vif attachement qu’il portait aux accusés, prit couleur dans cette affaire, et du frottement de ces divers intérêts dériva l’émeute du 21 août, de laquelle je vais vous rendre compte. Le 21 août, à midi, quelques citoyens du nombre desquels étaient une ou deux des personnes décrétées, se présentèrent à la maison commune et renouvelèrent la pétition déjà faite plusieurs fois touchant la restitution de J a procédure criminelle. M. Collet, officier municipal, se trouvait seul. Il observa que, dans l’absence de ses collègues, il ne pouvait faire aucune réponse, et il invita les pétitionnaires à se présenter le lendemain. Mais depuis quelquesjours le bruits’était répandu, dans la ville, que la municipalité avait pris des délibérations nuisibles. Les pétitionnaires, avant de se retirer, usant du bénéfice de la loi, demandèrent qu’on leur ouvrît les registres et qu’on leur donnât connaissance de ces délibérations. Les registres furent ouverts; on y lut des allégations qui furent regardées comme des calomnies, on y trouva des projets qui passèrent pour des hostilités; on crut voir surtout que les procès-verbaux des deux conseils généraux dont j’ai parlé avaient été rédigés infidèlement dans la vue de noircir et la garde nationale et quelques autres personnes. Il est des moments, Messieurs, où une main religieuse devrait couvrir d’un crêpe les tables sacrées de la loi, c’est lorsque le peuple rompant tous les liens qu’il s’était imposés lui-même, et se ressaisissant de tous les pouvoirs qu’il avait répartis, exerce une autorité qui marche sans mesure, sans forme et san� légalité. Cette dictature du peuple, si les plus hautes considérations ne l’appellent, si les circonstances les plus impérieuses ne la justifient, est le tourment de ia justice ; et la loi, toujours sévère, toujours grave, toujours jalouse des formes qui lui servent de palladium, doit du sein du tumulte élever sa voix et dire au peuple qui usurpe son empire : « Citoyens, la loi vous blâme. » (Applaudissements.) Ces réflexions se présentent d’elles-mêmes à ce point où j’arrive de ma narration. A peine furent connues les délibérations dont j’ai parlé, que toutes les rues se remplirent de gens en armes. Le tocsin sonna, les portes furent fermées, et le palais, espèce de fort où se trouve l’arsenal, et où demeurait le légat du pape, lorsque Avignon reconnaissait encore ce prince, fut hérissé en un instant de bouches à feu et rempli de gardes nationales. A cette époque, nous n’avions dans Avignon qu’une garnison très faible. Un démêlé survenu entre les gardes nationales d’Aix et de Marseille d’une part, et de l’autre les Suisses de Sonnen-berg et les hussards du 5e régiment qui, en défilant à la parade, avaient rompu deux fois les gardes nationales de Marseille, nous avaient imposé la loi de prudence de faire replier les uns sur Orange et de disséminer les autres sur ia surface du Comtat. Ces forces n’avaient pu être remplacées aussitôt. Nous avions été obligés d’en écrire au ministre, et cette mesure avait entraîné [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 445 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1791.] des longueurs. Nous nous trouvâmes donc n’avoir à opposer aux mouvements qui se manifestaient que 200 chevaux, 40 gardes nationales et l’autorité de la raison. C’eût été faire courir à notre trou, e un danger sûr et vain que de la faire se porter contre 1,200 hommes, forts de plusieurs pièces de canon et d’un poste extrêmement avantageux. Nous crûmes donc devoir renoncer au premier moyen, et nous nous abandonnâmes au second, c’est-à-dire à celui de la raison et de la conciliation. Nous nous mêlâmes parmi le peuple: nous tâchâmes de parler à son cœur; nous stipulâmes pour la loi, et si nous ne réussîmes pas à arrêter ce torrent de ressentiment populaire, au moins nous parvînmes à lui donner un cours moins impétueux. M. l’abbé Mulot se porta à la maison commune, pour faire respecter les dépôts publics : je cou' U' au palais pour faire cesser le tocsin, Insensiblement la confiance se rétablit, et cette insurrection du peuple, qui avait menacé la ville des événements les plus désastreux, qui nous avait fait craindre de voir la sainteté de la médiation outragée par des scènes de carnage, se termina par l’arrestation de 4 officiers municipaux et de quelques citoyens. Je n’ai point dissimulé, dans mon récit, les faits qui peuvent jeter de la défaveur sur la garde nationale d’Avignon. Je dois également vous rendre compte de ceux qui peuvent lui mériter votre estime, et je le dois d’autant plus qu’ils sont propres à l’absoudre de certains reproches qu’file a partagés avec l’armée du département de Vaucluse, dont eile faisait partie. Au milieu des événements que je viens de vous tracer, un garde national, profitant du trouble et de l’étonnement répandus dans la ville, s’était introduit dans une maison, et y avait commis un vol d’argent et d’assignats. Cet attentat n’avait pas été plus tôt connu, que la garde nationale avait ordonné l’emprisonnement du coupable : on voulait laver son crime dans son sang ; sa sentence de mort était prononcée dans le cœur de tous ses frères d’armes, et un conseil de guerre, à défaut de tribunaux ordinaires, était sur le point de la confirmer. Instruits de ces dispositions, nous nous portâmes à la place d’armes; nous représentâmes à la garde nationale qu’elle allait punir un délit par un délit plus grand ; nous lui dîmes que le sen iment qui l’entraînait était une exagération de l’honneur, une surprise de l’amour-propre, et nous lui lûmes le décret de l’Assemblée nationale, qui a supprimé, quant au vol, la peine de mort. A ce moi d’Asserubiée nationale, à ce mot magique, les ressentiments les plus vifs se turent, et il nous lut promis que le coupable ne perdrait pas la vie. (Applaudissements .) En effet, Messieurs, il ne fui puni que par 3 tours de verges et par le bannissement. Ce trait vous prouve peut-être, que si dans les causes des derniers mouvements d’Avignon, il est entré des ressentiments trop vifs, une exaltation de liberté trop forte et trop de méfiance, trop d’inquiétude contre les autorités légitimes, du moins il ne s’y est glissé aucun vil calcul, aucune infâme préméditation de pillage et de brigandage. J’ai eu l’honneur de vous dire, Messieurs, que 4 officiers municipaux et quelques citoyens avaient été traduits en prison. Le regard de la médiation ne pouvait souffrir une déiention arbitraire, une violation du droit des personnes. Aussi, dès que notre voix pot se faire entendre, dès qu’une administration provisoire formée parmi les notables eut remplacé les officiers municipaux, ou fugitifs ou emprisonnés, nous adressâmes aux corps administratifs la réquisition suivante : « Nous, médiateurs de la France entre les peuples d’Avignon et du Gomtat Venaissin, décrétés par l’Assemblée nationale, et députés par le roi, chargés d’exercer la garantie, accordée par la loi du 4 juillet dernier, aux parties intervenues dans le traité de paix signé en nos mains à Orange, réclamons tous les citoyens détenus arbitraire-ments dans les prisons d’Avignon, et d’une manière non conforme aux lois; requérons qu’ils soient mis en liberté dans le jour, et rendons responsables les administrateurs provisoires de ta commune d’Avignon qui n’ordonneraient pas leur soriie, et le chef de la garde nationale, et tous autres qui y opposeraient ou laisseraient y apporter des résistances ; nous réservant de rendre compte à l’Assemblée nationale et au roi de la réponse ultérieure et des atteintes portées à la garantie ci-dessus. « Fait à Avignon, le 27 août 1791. « Signé : Verninac-Saint-Maur. Mulot. » Le jour même que fut signifiée notre réquisition, le conseil général de la commune fut assemblé pour en délibérer, et le lendemain nous reçûmes la réponse que voici : « Atteste, je, L’Ecuyer, notaire, secrétaire-greffier de la commune d’Avignon, soussigné, que dans le conseil général de la commune tenu publiquement le 27 août 1791, U a été unanimemeni délibéré, sur la réquisition de MM. les médiateurs de la France, d’élargir tous les prisonniers contre lesquels il n’existe point d’accusation ; et d’en faire part auxdits sieurs médiateurs, comme aussi de ce que les administrateurs provisoires donneront des ordres pour faire détenir ou faire mettre en état d’arrestaiion ceux qui se trouvent, compris dans l’accusation formée par environ 200 citoyens actifs de cette ville le 25 du courant, comme appert au verbal dudit conseil général où je me rapporte. « En foi de quoi, etc. « Signé : L’Ecuyer, secrétaire-greffier. » En vertu de cette délibération, sur 18 prisonniers, 12 furent élargis ; les 6 autres, parmi lesquels sont 4 officiers municipaux, savoir : MM. Goulet, Paysant, Mouvans et Girard, sont demeurés en état d’arrestation par une suite de l’accusation que 200 citoyens actifs ont portée contre eux à leurs risques, périls et fortunes. Tels ont été, Messieurs, les dernières événements d’Avignon ; telle était la situationdes choses dans cette ville lorsque nous en sommes partis pour venir rendre compte; et telle elle est encore. Nous vous avons présenté aussi la position duComtat Venaissin, etl’étatde ces deux pays doit maintenant vous être connu. Il n’entre point dans nos devoirs, Messieurs, d’énoncer une opinion, mais peut-être celle dont nous sommes susceptibles jaillira-t-elle du tableau que nous venons de mettre sous vos yeux. Sans doute, vous y verrez que le fer de la guerre civile n’est suspendu qu’à un cheveu sur les deux Etats; que la paix que nous y avons établie n’est et ne peut être qu’une paix boiteuse, une trêve éphémère; quela garantie de la France ne saurait être a-sez efficace, puisque les autorités envers lesquelles elle a été stipulée, et qui seules ont le droit de la mettre en mouvement, sont méconnues ; que les moyens termes sont ‘446 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1731..] insuffisants, que la médiation a fait tout ce qu’il était possible de faire dans un pays dépourvu de corps administratifs, de corps judiciaires et de force publique; travaillé en sens divers par les factions les plus opposées, et dont les habitants ne se rencontrent presque que dans un seul sentiment, dans celui du vœu de leur réunion à la France, exprimé dans leurs délibérations, signalé par les armes de France arborées sur leurs murs, par les couleurs de France qui brillent à leurs chapeaux et sur leurs poitrines ; par le bonnet de la liberté dans lequel ils ont transformé la tiare placée jadis sur les portes de leurs villes (Applaudissements.) ; que cette malheureuse contrée est une matière combustible attachée à notre Empire ; que nous ne saurions sans danger nous en occuper indifféremment, et que de la détermination de l’Assemblée dépend la tranquillité de nos départements du Midi. Nous sera-t-il permis, Messieurs, de dire un mot de nous? Hélas! la calomnie et la malveillance qui sans cesse ont veillé à nos côtés durant trois mois et demi de travaux difficiles et non interrompus, nous ont donné ce triste privilège en nous attaquant sans pitié, oubliant et le mal que nous avons empêché et le peu de bien qu’il nous a été donné de faiTe... M. l’abbé Maury. Continuez votre apologie. (Applaudissements à gauche.) M.Verninae-Saint-Maur... Il fut un temps, Messieurs, où ceux qui nous décrient aujourd’hui nous traitaient avec plus d’indulgence : c’est lorsqu’après 6 jours et 6 nuits de travail, ayant fait signer la paix dans nos mains, et l’ayant placée sous l’imposante garantie de la France, nous leur rendîmes leurs moissons et leurs foyers que menaçait le brandon de la guerre civile; alors nous n’étions pas des hommes partiaux, alors des guirlandes d’épis, de feuilles d’amandiers et d’oliviers nous figuraient la reconnaissance des peuples, et les clefs des villes dont nous avions fermé les portes à la guerre civile nous étaient présentées en hommase. Mais lorsque les récoltes des gentilshommes du Comtat et d’Avignon ont été en sûreté, la reconnaissance a disparu, et les prétentions s’étant élevées nous sommes devenus des hommes partiaux, parce que nous ne voulions pas épouser certaines passions, et favoriser certaines idées; ils ont dit que nous nous abandonnions à, l’esprit de parti; mais vous savez, Messieurs, que dans le langage de certains hommes, être d’un parti c’est professer certains principes, c’est porter dans son cœur l’amour de la Constitution française. ( Murmures à droite. — Applaudissements à gauche.) Ace compt*, Messieurs, je l’avoue, nous sommes très coupables d’esprit de parti, car il n’est aucun de nous trois qui n’adore votre ouvrage. Nos ordres étaient de protéger tous les citoyens, quelles crue fussent leurs opinions politiques et nous l'avons fait ; ils n’étaient pas d’opprimer ceux qui aimaient les lois et la nation française, et nous nous en sommes abstenus. Nos détracteurs ont dit aussi que nous étions divisés et par là ils ont voulu enhardir les factions; mais, Messieurs, nos principes ont toujours été les mêmes, et inconnus l’un à l’autre jusqu’à l’époque de notre mission, il s’est formé depuis entre nous un lien d’amitié que l’estime mutuelle et le souvenir de peines éprouvées en commun rendront, j’ espère, impérissable. (Applaudissements réitérés.) M. l’abbé Maury paraît à la tribune. (Murmures à gaucke.J M. le Président. Monsieur l’abbé Maury, l’affaire d’Avignon n’est pas à l’ordre d’aujourd’hui ; c’est à celui de lundi. A gauche : L’ordre du jour ! l’ordre du jour! M. l’abbé Maury. Je demande la parole pour une question d’ordre... A gauche : L’ordre du jour ! M. l’abbé Maury. G’est pour l’honneur de l’Assemblée. M. le Président. Je vous ai annoncé déjà que l’affaire d’Avignon n’est pas aujourd'hui à l’ordre du jour; vous savez qu’elle a été ajournée à lundi : ainsi vous n’avez pas la parole. M. l’abbé Maury. Je ne veux pas discuter. A gauche : L’ordre du jour ! M. l’abbé Maury. Je prie l’Assemblée de vouloir bien m’indiquer par un décret le jour et l’heure où je serai entendu. Je me porte accusateur de MM. les commissaires sur ma tête, sur ma responsabilité; je m’engage à les poursuivre devant le tribunal d’Orléans. ( Rires ironiques à gau - che.) M. le Président. Monsieur Maury, je vous ordonne de descendre de la tribune ; vous serez entendu lundi. M. l’abbé Maury. L’affaire de lundi n’est pas la mienne. ( Murmures violents à gauche.) M. le Présidant. Je vais prendre les ordres de l’Assemblée. A gauche : Les ordres de l’Assemblée sorit 'd’envoyer M. l’abbé Maury à l’Abbaye. (Rires à droite; applaudissements à gauche.) Un membre: Je demande, pour l’honneur de MM. les commissaires, que M. Maury explique les motifs de son accusation ; je demande qu’il soit entendu. M. l’abbé Maury. Si je les calorüniè, ma tête en répond. M. Lanjuinais. Le renvoi de l'accusation à lundi. M. l’abbé Gouttes. M. Maury a protesté contre nous ; on ne doit pas l’entendre. M. l’abbé Maury. Je dis que vous ne pouvez rien décider sur l’affaire d’Avignon, s’il est vrai que les commissaires aient été les auteurs des troubles qui ont désolé Avignon et le Comtat. (Murmures à gauche.) M. le Président. Je demande que l’Assemblée m’autorise à me servir du pouvoir qu’elle m’a donné pour faire descendre M. l’abbé Maury delà tribune. Je vais la consulter à cet égard. (L’Assemblée, consultée, décrète que M. l’abbé Maury ne sera pas entendu.)