742 [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] CAHIER Des plaintes, doléances et remontrances des habitants de la paroisse de Moulignon, vallée d'En-ghien , pour être présenté à rassemblée générale de la pré côté et vicomté de Paris, le 18 avril 178$, conformément aux lettres de convocation de Sa Majesté du 24 janvier dernier et à l'ordonnance de M. le prévôt de Paris du 4 de ce mois (1). Nous demandons : Art. 1er. Une bonne constitution; elle se réduit à ces deux principes qui sont la base de toute société : sûreté de nos propriétés, sûreté de nos personnes ; par conséquent, plus d’enlèvement arbitraire, plus de lettres de cachet. Art. 2. Nous désirons de bonnes lois simples et claires, conformes à la justice et à la raison. Art. 3. Que nos députés demandent acte du résultat du conseil du Roi, du 27 décembre dernier, et que les bons principes qu’il contient deviennent lois fondamentales du royaume. Art. 4. Que nos députés exigent qu’aux Etats généraux les opinions soient comptées par tête et non par ordre. Art. 5. Nous croyons indispensable que plusieurs articles du règlement joints aux lettres de convocation soient rectifiés comme contraires aux droits et aux intérêts du tiers-état. impôts. Art. 6. Nous demandons la suppression de la taille, corvées, capitation, vingtièmes et leur réunion en un seul impôt territorial en argent et non en nature; qu’il soit réparti sur toutes les terres, bois clos, parcs, étangs, de façon qu’il n’y ait plus aucun privilégié et que le prince, l'évêque, le noble, le riche, le pauvre, tous payent chacun en raison de sa propriété et de son revenu. Le résultat du conseil du Roi cité ci-dessus, nous assure que toutes les provinces seront mises en pays d’Etats et pourront faire elles-mêmes la perception de leurs impôts; par ce moyen la multitude des régisseurs, administrateurs, fermiers généraux, commis, etc., qui surchargent la France et en ont toujours été regardés comme le plus cruel fléau, deviendra inutile, et conséquemment les aides, le trop bu se trouveront abolis comme droits aussi contraires à la liberté qu’au commerce. Art. 7. La gabelle, cet impôt si inique, doit être proscrit avec la même sévérité et promptitude; il est affreux que la Bretagne et d’autres provinces payent le sel 2 liards la livre et que nous soyons obligés de le payer 14 sous, et souvent même par la cupidité des débitants se trouve-t-il rempli de terre et de cendres. Le Roi a déclaré publiquement dans son discours de clôture à l’Assemblée des notables, en mai 1787, que le plus beau jour de sa vie serait celui où il pourrait ôter un impôt aussi désastreux que barbare ; puisse-t-il luire pour nous ce jour salutaire ! Art. 8. Que les droits de contrôle et centième denier soient abolis, ou au moins modérés. Un abus également criant et qui mérite d’être réformé est l’obligation d’expédier en parchemin des actes qui pourraient l’être sur papier. Art. 9. Que l’établissement des bureaux pour la conservation des hypothèques soit perfectionné, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. et les droits diminués, que les échanges soient favorisés, et les droits y annexés détruits. Enfin que Je droit de voirie, si gênant, soit aboli; il est incroyable que, pour ouvrir une porte et une croisée, il en coûte 3 livres 15 sous; souvent un malheureux paysan, pour éviter une semblable taxe fiscale, a une maison malsaine et insalubre, Art. 10. Nous regardons comme très-juste que dans le choix d’impôts à établir par les États généraux, ils choisissent ceux qui frapperont fortement sur le luxe, comme carrosses, chevaux, laquais, etc. JUSTICE, POLICE. Art. 11. Nous demandons avec les plus vives instances que la justice soit administrée promptement et gratuitement par des juges instruits et non suspects ; que la vénalité des charges soit abolie; que cette foule d’huissiers, procureurs, avocats soit diminuée et leur salaire fixé; qu’en leur place, on établisse des juges de paix, comme en Hollande pour empêcher de plaider, et terminer les différends à l’amiable. Une semblable institution est le plus beau présent que les États généraux puissent faire au peuple. Art. 12. Que l’on remette en vigueur les lois contre les faillitès et les banqueroutes. Art. 13. Que l’on nous donne une meilleure police pour les villes et campagnes, comme aussi un bon plan d’éducation pour la jeunesse. Art. 14. Que les loteries et emprunts viagers soient supprimés. Art. 15. Qu’il soit établi une caisse de secours dans chaque province, sous la direction des Étatsparliculiers, pour assister l’infirmité, la vieillesse indigente, bannir la mendicité et par ce moyen supprimer les dépôts, enfin réparer les désastres causés par le feu, le temps, la grêle ou les hivers aussi calamiteux que celui que nous venons d’éprouver. Art. 16. Que l’on pourvoie au plus tôt à la disette générale qui afflige le royaume, et cela par le monopole des accapareurs et des fermiers, car le blé ne manque pas et cependant nos maux sont excessifs. COMMERCE. Art. 17. Nous demandons que l’on ôte les gênes et les entraves du commerce, qui l’empêche de devenir florissant; que toutes les douanes et barrières soient transportées aux frontières ; que le péage connu sous le nom de barrage de Pierrelatte et Saint-Denis soit aboli comme nuisible au commerce de ce pays. Art. 18. Qu’il soit provisoirement ordonné aux commis de barrières de ne plus traverser impitoyablement nos paniers de fruits et autres denrées avec d’énormes barres de fer, qui portent un tort irréparable à nos marchandises. Art. 19. Qu’il n’v ait plus qu’un seul poids et une seule mesure dans le royaume. Oh ! combien cela est désiré depuis longtemps et évitera de procès et de disputes ! Art. 20. Qu’il soit permis à chacun de travailler de quelle profession il voudra, comme l’avait établi le sage ministre Turgot, le talent, l’industrie et le commerce devant être absolument libres. MILITAIRE. Art. 21. Nous demandons que les milices devenues aussi accablantes et vexatoires pour les 743 [Etats gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] habitants des campagnes que nuisibles à J 'agriculture soient promptement abolies. Art. 22. Que le tiers-état ne soit exclu d’aucun emploi public ou grade lorsque ses qualités personnelles l’y auront appelé. Art. 23. Que le Roi ne puisse plus vendre la noblesse; qu’il ne puisse plus la conférer qu’au mérite éclatant et aux services essentiels rendus à la patrie, et surtout qu’elle ne soit plus héréditaire. Art. 24. Il nous semble qu’il serait très-aisé d’employer en temps de paix nos trois cent mille hommes de troupes aux digues, chemins, grandes routes, comme le pratiquaient les Romains avec tant de succès; par là nous nous trouverions débarrassés des corvées que l’on nous fait payer avec une rigueur extrême, et cependant les chemins de nos paroisses sont dans un état déplorable. Art. 25. Il serait également facile, par le moyen d’un régiment, de faire exécuter promptement le canal désiré et projeté depuis si longtemps pour la jonction de la rivière d’Oise à la Seine passant par la Rarre et Aubonne. Oh ! que d’avantages, de bonheur rejailliraient sur cette paroisse pour la facilité du transport de ses fruits, de ses arbres, de ses pépinières et pour l’exploitation de ses carrières de plâtre et pierres meulières ! CLERGÉ. Art. 26. Nous demandons une répartition plus égale des biens ecclésiastiques, de façon que les curés et vicaires se trouvent avoir un sort meilleur, puissent faire le sacrifice du casuel, et que les sacrements ne soient plus vendus ; les prêtres en seront plus respectés, la religion subsistera avec plus de dignité et recouvrera son ancien lustre. Art. 27. Les réparations et reconstructions des églises et presbytères sont devenues une surcharge excessive pour nous ; on peut facilement nous en débarrasser en prenant sur les biens ecclésiastiques, comme cela se pratiquait en 1695, les fonds nécessaires pour cet objet. Art. 28. Nous demandons que la loi sur les sépultures, donnée en 1778, soit rectifiée et devienne générale et universelle pour tout le royaume, de façon que les nobles, les ecclésiastiques, tous indistinctement soient enterrés dans les églises. Art. 29. Un auteur célèbre a remarqué que les morts ne devaient pas déclarer la guerre aux vivants, et qu’il est indécent que le temple où nous nous rassemblons pour adorer la divinité soit pavé de cadavres ; les grands inconvénients et les maladies épidémiques que cette insalubrité a souvent occasionnés devraient frapper tous les bons esprits et nous faire débarrasser d’une coutume aussi gothique que barbare. GIBIER. Art. 30. Ici les expressions nous manquent pour peindre l’excès des maux que nous éprouvons de génération en génération; mais comme les plaintes et les réclamations sont devenues générales, nous nous contenterons de dire ce qui est notoire à tous, que nous sommes forcés de laisser incultes toutes les terres qui avoisinent la forêt de Montmorency, à cause de l’effroyable quantité de gibier de toute espèce ; les pépinières de cette paroisse, connues par leur bonté à cause de leur situation, offriraient une ressqurce à ce pays malheureux et infortuné; mais elles sont ordinairement rongées et détruites les hivers par les bêtes fauves et les lapins. Art. 31 . Nous demandons la destruction générale de ces animaux dévastateurs, non pas avec des fusils, nous reconnaissons qu’il serait dangereux d’armer les paroisses, mais avec des lacets, filets, panneaux, etc. ; qu’il nous soit permis de fouiller l’immense étendue, l’innombrable multitude de terriers et repaires qui nous environnent. Eh quoi! nous pouvons détruire les rats et taupes dans nos jardins, et des gardes, des satellites armés nous emprisonnent et nous menacent des galères pour avoir tendu un piège à un animal aussi nuisible? Sommes-nous donc encore dans les siècles de barbarie et de féodalité? On le croirait, mais nos maux étant extrêmes, les Etats généraux ne souffriront pas plus longtemps que les plaisirs des grands causent tant de larmes aux malheureux. Art. 32. Nous avons vu avec la plus vive émotion la demande de la noblesse de Beauvais, dans son cahier, page 12. Nous nous contenterons de transcrire ici ce passage et de faire le même vœu: « Que les bois et forêts contenant des bêtes fauves « soient entourés aux dépens de ceux qui veulent « les y conserver, et que ces bêtes fauves puis-« sent être tuées sur le territoire où elles se ren-« contreront. » Art. 33. Nous demandons qu’il y ait incessamment des ordres pour que Mgr le prince de Gondé se. conforme à ce vœu juste et patriotique, en faisant murer sa forêt de Montmorency, qui nous avoisine ; ce sera une bagatelle pour un prince aussi puissant, vu surtout que cette forêt est remplie de carrières. MM. les chanoines de Vincennes, seigneurs, au nom du Roi, de cette paroisse, doivent également y être astreints; on se plaint généralement de la rareté et cherté des bois ; les bêtes fauves et le lapin sont une des causes principales de leur destruction. Art. 34. Nous terminerons par demander qu’il soit pourvu aux inconvénients qui résultent de la multiplicité des pigeons, et surtout que les colombiers soient fermés pendant les semences et récoltes, et qu’à ces époques, il soit libre à tout particulier de détruire ceux qu’il trouvera sur son champ. Art. 35. Plusieurs provinces ont demandé l’abolition des dîmes; L’extinction de tous les ordres religieux ; La diminution du nombre des évêques et la réduction de leurs trop grands revenus ; L’abolition des riches commanderies de l’ordre de Malte, du Mont-Carmel, du Saint-Sépulcre, etc. ; Enfin, qu’il ne soit plus porté d’argent à Rome pour les droits de dispense, d’annates, etc. Pour nous, nous ne prononçons pas sur ces questions, les laissant à la prudence et à la décision des Etats généraux ; et nous nous bornons à former les vœux les plus ardents pour la conservation des jours précieux de Sa Majesté, qui désire si ardemment le bonheur de ses peuples. Le présent cahier fait, clos et arrêté en l’assemblée générale et paroissiale de la communauté du village de Moulignon, le quatorzième jour du mois d’avril 1789. Et ont, lesdits habitants qui ont su le faire, signé. Ainsi signé : Nicolas Dubost, syndic; Bisnout, greffier ; Antoine Monneau ; Denis Leblond ; Pierre Parrix ; Louis Leroi ; Nicolas Rochery ; Antoine Treon; Louis Vaillant; Robert Monneau; Louis Francart; François Vaillant, arpenteur du Roi; Etienne Rocher ; Louis Rochery ; Louis-Antoine Rochery; Germain Boulangé; Remi Rousselet; 44 [Paris hors les murs.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Etats gén.1789. Cahiers.] Nicolas Rousselet; François Leroi; Michel Monnot. Paraphé ne varielur , par nous, lieutenant général au bailliage roval de Moulignon, cejourd’hui 14 avril 1789. Signé Lemirë. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances des habitants composant le tiers-état de la paroisse de Mours , proche Reaumont-sur -Oise., de la prévôté et vicomté de Paris (1). Les députés demanderont : Art. 1er. L’abolition des privilèges et exemptions pécuniaires; que les impôts soient répartis également et indistinctement sur tous les individus, à proportion de leurs propriétés, commerce, industrie et vacations. Art. 2. Que la province de l’Ile-de-France soit mise en pays d'Etats, et que les Etats généraux de tout le royaume soient tenus périodiquement, tous les trois ans. Art. 3. Que le gibier soit détruit, tel que biches, cerfs, daims et chevreuils, sangliers; l’abolition des chasses; que chaque propriétaire et cultivateur puisse détruire le gibier et autres animaux qui pourraient nuire et manger les récoltes de toute espèce. Art. 4. L’abolition de la féodalité; puisque nos personnes ne sont plus sous la dépendance des seigneurs, nos biens aussi doivent être affranchis de toute servitude; le Roi veille seul maintenant à notre sûreté, "nous ne devons donc payer des impositions qu’à lui seul. Art. 5. S’il est vrai que l’oiseau, connu sous le nom de moineau franc, consomme chaque année un boisseau de blé, cette perte est assez considérable pour que le gouvernement mette à prix la tête de ces animaux destructeurs. Il faut remarquer que cette perte est inappréciable, en raison du nombre de ces oiseaux, surtout dans les pays où la chasse est défendue, parce que l’inquisition que les seigneurs exercent pour la conservation de leur gibier ôte au propriétaire les moyens de le détruire, et par là même facilite leur multiplication. Art. 6. L’abolition de la vénalité des charges de judicature et de toutes autres, et la suppression des justices seigneuriales ; établir de grands bailliages dont les officiers seront choisis, à la pluralité des voix, par les villes et paroisses de leur arrondissement. Art. 7. Que les plantations faites le long des grands chemins et chemins de traverses, en pleine campagne, sont contraires au progrès de l’agriculture, et ôtent la propriété du fonds, par le tort qu’elles occasionnent; en conséquence, demander qu’elles soient arrachées, détruites dans un délai le plus court possible, excepté les routes royales. Nous croyons que les arbres y sont nécessaires pour leur embellissement et la commodité des voyageurs; cependant que les arbres doivent appartenir aux propriétaires des fonds. Art. 8. La suppression des aides et gabelles, comme surchargeant les peuples par les vexations des traitants. Art. 9. La suppression des travers, péages, banalités de tous les genres, puisque nous (1) Nous publions ce cahier d’après tin manuscrit des Archives de l'Empire. payons la corvée en argent pour l’entretien des routes royales. Art. 10. D’après l’assise actuelle de la corvée, l’habitant de la campagne, quoique privé d’un pavé dans sa paroisse, paye cependant autant pour l’entretien des grandes routes que l’habitant des villes, qui a l’avantage d’avoir un pavé jusqu’à sa porte; il y a une injustice dans cette égalité d’imposition; pour* la faire cesser, il faut, ou diminuer la taxe de l’habitant de la campagne, ou le faire jouir des mêmes avantages que celui de la ville. Art. 11. Que l’élection de Paris paye plus d’impositions que les autres élections de la même généralité, et que Je classement des biens n’est pas proportionné. Art. 12. D’établir dans chaque paroisse de campagne un commissaire, qui n’ait d’autres pouvoirs que celui de faire son rapport à la justice du lieu de tous les délits et voies de fait si ordinaires à la campagne. Le commissaire ou inspecteur de police doit être nommé par les habitants des paroisses; il doit aussi être spécialement chargé de faire, tous les trois mois, la visite des fours et cheminées. Art. 13. De cesser d’insulter à la misère du pauvre, en défendant aux voituriers, sous des peines énormes, de le recevoir sur leurs voitures s’il n’est muni d’un permis; en conséquence, rectifier les privilèges des messageries. Art.’14. D’exiger de la ferme des postes que les lettres soient remises à leur destination, le plus promptement possible ..... Il est bien inutile que les lettres des provinces, qui sont pour être déposées sur la route des courriers à Paris, soient portées dans cette ville, pour être ensuite renvoyées par les mêmes courriers à leur destination. Le retard que cause cette marche est trop préjudiciable au public; on doit faire aussi mettre à exécution -les anciens règlements relatifs à la taxe des lettres. Art. 15. La suppression de la loi Emptorem , comme contraire aux progrès de l’agriculture, empêchant les cultivateurs de faire les avances nécessaires de toute espèce aux terres, ce qui occasionne de mauvaises récoltes. Art. 16. Que les baux des mainmortables aient leur exécution jusqu’àleur fin et expiration, comme et de même que ceux des particuliers. Art. 17. Que MM. les curés des paroisses soient dotés d’un revenu suffisant, pour pouvoir renoncer à toutes les rétributions casuelles, et abandonner toutes les dîmes et terres attachées à leurs cures, pour mettre fin aux contestations qui naissent de ces sortes d’exploitations entre MM. les curés et paroissiens. Art. 18. La diminution des grains, l’abolition des compagnies qui font l’accaparement des grains, et la punition des monopoleurs. Art. 19. L’extinction des pensions obtenues, non méritées, comme surchargeant l’Etat. Art. 20. Qu’il n’y ait plus qu’un seul impôt, réparti également sur tous les individus, à raison de leurs propriétés foncières, de toute espèce que ce soit, commerce, industrie, arts, métiers et vacations. Art. 21 . Que la suppression de la milice est nécessaire, étant la principale cause de la dépopulation de la campagne. Art. 22. Que l’on diminue les gages des officiers et états-majors des régiments, et que cet argent serve à augmenter la paye des soldats. Art. 23. Que les maréchaussées ne soient occu-