140 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.} moindres de 2 années ; les plus longs ne peuvent pas aller au delà de 6. Il y a des délibérations suffisantes, et le vœu est vraiment national. Je termine en demandant que ces sortes d’ Assemblées soient aussi solennelles qu’elles doivent l’être, et conséquemment plus nombreuses qu’uue législature ordinaire. Je demanderais, en conséquence, que les départements envoyassent la moitié en sus des députés qui leur seraient attribués, ce qui en porterait le nombre à 1,200. Telles sont les idées que je voulais présenter à vos réflexions; en voici le résultat : Point de Conventions nationales périodiques. Faculté à la nation d’avoir des conventions nationales quand elles seront nécessaires. Néanmoins nécessité de n’émettre aucun vœu à cet égard avant 20 ans. Faculté d’émettre ce vœu dans les assemblées primaires individuellement. Caractère du vœu national dans sa masse, en exigeant les 3 quarts des suffrages ; et dans sa constance, en établissant une suspension nécessaire de 2 années. Délibération au centre dans la législature et dans le conseil du roi : faculté à ces deux pouvoirs constitués de suspendre chacun de 2 années encore. Enfin, après ces épreuves, convocation de plein droit du corps constituant : Plusieurs membres : Votre projet ! M. Mougins-Roquefort. L’opinant nous donne des développements de 2 heures ; ce n’est là ni l’esprit ui la lettre de la motion de M. Camus qui fut accueillie avec enthousiasme hier par l’Assemblée Je crois que ce n’est pas ici le moment de discourir, mais bien d’agir. (. Applaudissements .) M. Camus. Je demande que toute personne qui voudra présenter un plan sur l’objet qui est actuellement à la discussion , soit ten ue d’abord et avant tout de lire ce plan; car il est inutile d’entendre des discours de 2 heures, s’ils ne doivent être suivis* que d’un mauvais projet. Lorsqu’une fois un opinant aura lu son plan, on écoutera la discussion si on le juge nécessaire. ( Applaudis semen ts . ) (L'Assemblée, consultée, décrèteque chaque opinant commencera son opinion par la lecture de son projet de décret.) M. Salle. Voici mon projet de décret : *Art. 1er. L’expérience seule pouvant apprendre à la nation si sa Constitution a besoin d’être réformée, nul vœu pour la formation d’une Convention nationale ne sera légal et suffisant avant 20 ans. « Art. 2. Nulle Convention nationale ne pourra être instituée que dans les formes ci-après déterminées. « Art. 3. Après le terme de 20 années, cha-ue assemblée primaire, lors du renouvellement e chaque législature, est autorisée à émettre son vœu sur le point de savoir si la Constitution doit être réformée. « Art. 4. Lorsque, dans une assemblée primaire, les citoyens demanderont que les voix soient prises sur cet objet, le président sera tenu de le faire, et les suffrages seront recueillis individuellement. « Art. 5. Le résultat de ces suffrages sera porté par les électeurs des assemblées primaires aux assemblées électorales ; ils y seront recensés, et les députés à la législature en seront chargés. « Art. 6. Le vœu général de la nation sera définitivement constaté dans le sein de la législature à l’ouverture de sa session ; et si les trois quarts des citoyens actifs de tout l’Empire sont pour l’affirmative, le vœu sera déclaré suffisant; mais il ne sera que préparatoire. « Art. 7. Si lors de la formation de la législature suivante il s’émet un semblable vœu dans les assemblées primaires, les suffrages seront recensés comme la première fois, et la législature sera tenue d’en délibérer à l’ouverture de sa session. « Art. 8. Si le résultat de la délibération est pour la négative, la législature sera tenue de publier les opinions diverses qui auront servi d’éléments à sa délibération, et elle aura la faculté de suspendre de 2 années la convocation de la Convention nationale. « Art. 9. Si la nation persiste, ce troisième vœu sera déclaré de nouveau purement et simplement par la législature et elle sera tenue de porter sa déclaration au roi, qui aura la faculté d’en délibérer dans son conseil. « Art. 10. Dans le cas où le roi aurait quelques raisons de penser que la nation a été surprise ou qu’elle se trompe, il sera tenu de publier les motifs, et il aura la faculté de suspendre encore de 2 années. « Art. 11. Si, après les 2 premières années de suspension, la législature ët le roi avaient adhéré au vœu national, la Convention nationale serait immédiatement convoquée par une proclamation du roi. « Art. 12. Si la législature avait usé de son droit de suspendre, et que le roi n’eût pas jugé à propos de faire usage du sien, la Convention nationale serait convoquée de la même manière, immédiatement après le second délai. « Art. 13. Si la législature et le roi ont l’un et l'autre usé de leurs délais, et que la nation persiste dans son vœu, la Convention nationale se formera de plein droit. « Art. 14. Il est de J’essence d’une Convention nationale d’avoir des pouvoirs généraux, en conséquence la Convention nationale, convoquée ou formée de plein droit, remplacera la législature qui se dissoudra à l’instant. « Art. 15. Les assemblées électorales, éliront, pour former une Convention nationale, la moitié en sus des députés qui leur sont attribués pour la formation des législatures; l’augmentation de ceux qui auront un nombre impair ae députés sera de la plus grande moitié. » M. de Tracy. D’après la décision qu’a prise l’Assemblée de ne permettre simplement que la lecture des plans, dans une question qui me paraît à moi si neuve et si crue et dont la profondeur m’effraye, je craindrais de ne pouvoir en aucune manière faire goûter ce que j’aurais à dire : au moyen de quoi, je renonce à parler. M. Goupilleau. Il me semble que le plan de M. Frochot a fait beaucoup d’impression sur l’Assemblée. Ce plan peut être susceptible de beaucoup de modifications. Cependant je crois qu’il tient essentiellement aux bases du gouvernement représentatif que vous avez adopté. Je crois encore qu’il évite les commotions dangereuses qui pourraient résulter de toutes les assemblées primaires telles qu’on vient de le proposer tout à l’heure à la tribune. Si les comités de Constitution et de révision ont connaissance du plan de M. Frochot, je prierai quelqu’un des membres de ces comités [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.] Hl de vouloir bien nous dire quelles sont les observations qu’ils ont à faire contre ce plan; car il est possible qu’il devienne sur-le-champ la matière de votre délibération et ce serait le seul moyen de parvenir promptement au terme que vous vous proposez. ( Applaudissments .) M. Darnaudat. Je crois que la meilleure délibération sur ce point est de n’en prendre aucune. Je croisque notre tâche est parfaitement remplie. La nation nous a demandé une Constitution; nous la lui présentons ; elle conserve ses droits, c’est à elle à les exercer. Je demande la question préalable sur tous ces plans. M. d’André. Je ne crois pas, comme le préopinant, que, de ce que la question soumise actuellement à notre délibération est difficile et très profonde, il ne faille pas la discuter. Je pense au contraire qu’elle a eu déjà une suffisante discussion. Et je vous prie de remarquer qu’il est impossible, sans vous perdre dans des théories absolument mathématiques et abstraites, d’examiner la question des Conventions sous le point de vue que vous présente M. Frochot; car la Convention pour changer totalement la Constitution, n’est pas ce que nous devons ni ce que nous pouvons prévoir. Nous ne pouvons pas donner un mode pour changer la Constitution ; le changement total doit venir d’un vœu général qui sera exprimé par l’assentiment de toutes les assemblées primaires. Et certainement quoique les assemblées primaires ne doivent pas délibérer, si la Consti-tion était tellement mauvaise qu’il fallût la changer dans son ensemble, il n’y a aucune puissance humaine qui puisse empêcher les assemblées primaires de donner leur mandat exprès de changer totalement la Constitution, ainsi nous ne devons pas prévoir le cas que M. Frochot a appelé la Convention nationale. Ce point-là doit être étranger à notre objet. Nous avons à examiner dans ce moment, quelle est la forme d’après laquelle seront demandés les changements et les modifications à la Constitution ; quelle est la forme d’après laquelle sera connu le vœu général pour ces changements. Voilà le seul objet dont nous devions nous occuper ; c’est sur cet objet-là qu’il y a deux partis proposés, jusqu’à présent, qui, quoique différents par les détails, se réunissent par les bases. Les uns veulent les pétitions individuelles et la collection du vœu des assemblées primaires; c’est la base du projet du comité de Constitution. Le comité de Constitution et M. Salle après lui veulent en partie le vœu des citoyens. Or, je dis que cette première marche n’est point admissible dans un gouvernement représentatif. M. Frochot a, dans un discours dont vous avez ordonné l’impression, porté jusqu’à l’évidence la démonstration qu’il est contraire au système représentatif d’avoir des vœux partiels et individuels. Cela, d’ailleurs a les plus grands inconvénients, puisqu’il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de reconnaître la majorité. H faut donc, suivant moi, écarter ce système-là. Dans le plan du comité de Constitution, il faut la sanction du roi, je crois encore que cet article doit être écarté, parce que la sanction du roi doit être indifférente sur les objets de la Constitution qui peuvent être changés. Il ne reste donc que le vœu de la nation. Or, le vœu présumé de la nation pour les changements à faire dans la Constitution, doit être émis par le Corps législatif; et je pense que c’est là la seule manière ; les représentants de la nation assemblés en Corps législatif ont le droit d’émettre le vœu delà nation. Il est vrai que ce vœu n’est que présumé, puisque, pour la législation, il faut la sanction du roi pour faire supposer que le vœu est général. Ici, comme je ne pense pas qu’il faille la sanction du roi, il faut une autre sanction pour savoir si le vœu qu’a émis la législature est en effet celui de la nation. Or, cette sanction doit être, à mon avis, le vœu consécutif de trois législatures. Je crois que lorsque trois législatures auront émis leur vœu sur les mêmes articles, il sera suffisamment constaté que le vœu général de la nation est que ces articles-là ne doivent plus être constitutionnels et doivent être changés. Voilà un point que je regarde comme certain et comme déterminé. Si l’on partait de cette base-là il n’y aurait plus alors de difficulté que sur le mode de convocation du corps qui devrait examiner les articles qui auront été rejetés par le Corps législatif. M. Frochot croit qu’on peut limiter précisément les représentants qui viendront pour revoir la Constitution; qu’on peut les limiter précisément à tel ou tel article; je ne suis point de cet avis, j’ai développé hier mon opinion à cet égard. Je crois qu’on peut laisser cette question de côté, parce qu'elle ne fait rien au fond de la chose. Reste à savoir comment, lorsque le vœu de la nation sera suffisamment exprimé, se fera la convocation. La convocation doit se faire par un corps nommé ad hoc ; et en cela, je diffère de l’avis de M. Frochot qui veut seulement un supplément au Corps législatif. Je pense que ce supplément ne remplirait pas son but, et je pense qu’il y aurait le plus grand inconvénient de laisser voter dans l’assemblée de révision les membres du Corps législatifquiauraient été eux-mémes d’avis qu’il y avait des changements à faire à la Constitution. Par là, vous donneriez toute espèce de facilité à la troisième législature de changer elle-même la Constitution, puisque ce serait d’après son vœu que ce corps de révision existerait et que ses 740 membres seraient eux-mêmes la majorité dans le corps de révision. Ainsi donc vous ne pouvez pas procéder par addition à cette convocation. Cela posé, il me semble que la question ne peut pas souffrir de longs débats. Je crois que l’avis qui tend à faire émettre des vœux individuels sur les changements à faire à la Constitution, doit être absolument rejeté, je crois que le vœu de la nation ne peut être légalement connu que par l’avis consécutif de trois législatures; je crois que, quand la législature dernière aura, conformément aux deux premières, émis son vœu, la législature d’après doit être composée de plus de membres que les deux autres, de 240 de plus si vous voulez, et doit elle-même faire la révision. Cette marche-là me paraît extrêmement simple, il est, ce me semble, dans l’ordre naturel des choses; elle ne cause aucune espèce de commotion; elle donne le temps à l’opinion publique de se raffermir, de se rassurer puisqu’il s’écoule nécessairement 6 ans entre le jour où on a fait la motion de changer quelque chose dans la Constitution et le jour où on s’en occupera. Je demanderais donc que les membres de la troisième législature, qui auront donné le dernier assentiment, ne puissent pas être nommés à l’Assemblée de révision. {Applaudissements.) Avec 3 ou 4 articles, tout au plus, vous ferez tout ce que vous pouvez avoir à fai re sur les assemblées qùi doivent revoir votre Constitution, tout le reste, j’ose le-dire, ne pour- 112 [Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.1 rait servir qu’à occasionner des troubles et à rendre les Conventions impossibles. Il en sera du cas où la nation, où les assemblées primaires ne voudraient pas nommer les députés qui composeront le corps de révision, comme de celui où la nation voudrait, avant les trois législatures, avoir la Convention. Je ne pense pas que vous ayez la prétention de croire que le décret que vous allez rendre empêchera toute la nation de changer la Constitution ; de même-que si, après les trois législatures, les assemblées primaires trouvent que ces trois législatures se sont trompées et que le vœu de la nation n’est pas de changer la Constitution, sans contredit, on ne la changera pas et alors ce sera le véritable vœu delanationqui sera suivi; ainsi voilà tout mon système. Inutilement on vous dirait que nous privons la nation de ses droits de souveraineté, puisque vous avez déjà décrété que la souveraineté existant dans la nation ne pourrait être exercée que par délégation. Je dis donc qu’il faut connaissance du vœu de la nation présumé par trois législatures consécutives, ratification pour ainsi dire, du vœu de la nation, et approbation de la nation entière, par la nomination des députés à la quatrième législature qui revoit; présentation au roi et acceptation, et la Constitution continue de marcher. Cela me paraît extrêmement simple et à l’abri de toute difficulté. ( Applaudissements .) Je demande seulement deux amendements essentiels au plan de M. Frochot; le premier c’est que les membres de la troisième législature ne puissent, sous aucune espèce de prétexte, être nommés à la quatrième; le second, c’est que la proclamation de la troisième législature énonce bien expressément que, d’après le vœu des trois législatures précédentes, la quatrième est chargée de revoir tel ou tel article de la Constitution. M. Barnave. Je demande la parole. M. Robespierre. M. d’André a distingué deux cas où la nation pourrait désirer de revoir sa constitution : le premier quand il s’agirait de revoir l’ensemble de la Constitution; le second, celui où il s’agirait d’en retoucher quelque partie. Je crois, Messieurs, que l’insurrection ne peut jamais être un moyen constitutionnel, puisqu’au contraire, elle n’est qu’un effet de la violence et le renversement même de la Constitution. Puisqu’il peut exister, suivant M. d’André, un cas où la nation voudrait revoir les bases de la Constitution, il est évident qu’il ne laisse à cet égard d’autre moyen que l’insurrection. (Murmures.) M. d’André. Monsieur le Président, M. l’opinant m’attribue ses moyens. ( Applaudissements .) Je n’ai jamais parlé d’insurrection, je ne les aime pas du tout. M. Robespierre. M. d’André n’indique aucune espèce de moyen par lequel la nation pourrait réclamer ses droits, dans le cas dont je parle; il se contente de dire simplement : si le vœu de la nation était universel pour changer l’ensemble de Sa Constitution, la Convention aura lieu ; il est certain qu’il ne faudrait point de loi, de mode de délibérer pour cela. Alors, c’est mettre l’insurrection à la place de tout moyen et de toute forme constitutionnelle. Or, Messieurs, je m’étonne que ce moyen-là soit indiqué précisément par ceux qui ne peuvent souffrir que nous réclamions un principe de liberté sans nous accuser de vouloir le désordre et l’anarchie. Il me semble que, s’il était une occasion de nous injurier, ce n’était point celle où je prouve que M. d’André a dit cela précisément. (Murmures prolongés.) Maintenant je reviens au second cas qui est le seul pour lequel M. d’André pense que vous devez faire une loi constitutionnelle, c’est celui où il s’agit de réformer quelque partie de la Constitution. Je dois ajouter qu’il en est un troisième qui est échappé au préopinant, c'est celui qui est indiqué par le comité de Constitution lui-même, c’est la fonction qui doit être attribuée à la Convention nationale d’examiner si les pouvoirs constitués n’ont pas franchi les limites de la Constitution et de les y faire rentrer. Or, sous ce point de vue-là, Messieurs, comment est-il possible de soutenir le système adopté par le préopinant? Dans ce sens-là, la Convention nationale est appelée pour réprimer les abus commis par les autorités constituées, pour les forcer à rentrer dans les bornes que la Constitution a prescrites et cependant on veut faire dépendre l’existence et la formation de cette Convention nationale de la volonté des autorités constituées elles-mêmes. Car remarquez que, dans le système où je parle, pour que la Convention nationale puisse avoir lieu, il faut que trois législatures consécutives y Client consenti, et déclaré que la Convention nationale doit être appelée. Ainsi la nation ne pourra nommer une Convention nationale pour maintenir sa Constitution, pour faire rentrer les représentants qui auront abusé de ses pouvoirs, qu’autant qu’il plaira à ces mêmes autortiés constituées qui ont violé ces mêmes droits et contre lesquelles on est obligé d’appeler la Convention nationale. Je demande s’il est possible de produire un renversement plus complet de toutes les idées de justice et d’urdre social. N’est-il pas évident encore qu’un pareil système anéantit évidemment le principe de la souveraineté? En effet si l’existence, si la formation de la Convention nationale dépend des pouvoirs constitués, n’est-il pas évident que l’autorité de la nation est subordonnée au pouvoir constitué; que c’est alors la législature qui exerce cet acte suprême et puissant |de la souveraineté nationale, qui consiste à nommer des représentants pour réprimer les entreprises et les usurpations des délégués du peuple? Ainsi, Messieurs, le système proposé renverse tous les principes ; il détruit la souveraineté nationale, et j’ajoute qu’il nous serait un garant certain que jamais aucune Convention nationale ne pourrait avoir lieu. En effet, Messieurs, de cela même que la Convention nationale est appelée pour réprimer les pouvoirs établis, pour redresser les griefs des pouvoirs délégués, n’est-il pas évident que jamais on ne trouverait trois corps délégués de suite qui consentiraient à appeler cette autorité formidable qui serait l’ennemie de toutes leurs prétentions et de toutes leurs injustices ? N’est-il pas évident que, profitant de l’abus du gouvernement, qu’ils auraient eux-mêmes introduit, ils déploieraient, au contraire, toutesleurs ressources et toute leur influence pour empêcher que la Convention nationale fût jamais appelée ; et qu’ainsi le plan qu’on vous propose aurait évidemment l’effet de délivrer les tyrans des Conventions 113 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.] nationales. Je demande la question préalable sur tous les projets. {Applaudissements dans les tribunes.) M. Tronche!. Il ne s’agit pas en ce moment de prendre un parti ; car nous ne connaissons pas encore de délibération sur le fond de la question. L’important est de nous fixer un ordre et une marche de délibération, relativement à une Convention. Les deux questions principales à examiner sont celles-ci : 1° Comment connaîtra-t-on le vœu national sur les réformes à faire dans la Constitution? 2° Quand ce vœu sera connu, quel corps sera chargé de l’exprimer? La première question se subdivise en trois : a) Le vœu national doit-il être déterminé par des pétitions individuelles recueillies par les départements? Cette première proposition mise aux voix, si elle est rejetée, on passera à la seconde : b) Le vœu national doit-il être émis et constaté par la délibération des assemblées primaires ? Si cette seconde proposition est encore rejetée, alors il ne restera plus que la troisième : e) Le vœu national sera-t-il présumé par le consentement de trois législatures consécutives ? Cette dernière proposition se trouve tout naturellement décidée, car il me paraît impossible de proposer un quatrième mode et après le rejet des deux premières propositions, il sera forcément décidé que le vœu national résultera du vœu des législatures. Ce premier ordre d’idée épuisé, restera la deuxième question principale relative au corps chargé de réformer la Constitution, et qui se subdivise elle-même en trois propositions : a) Les Conventions nationales auront-elles le pouvoir constituant ou seulement le pouvoir de faire des réformes partielles préalablement indiquées ? b) Les Conventions nationales seront-elles un corps distinct et séparé par son existence du Corps législatif? c) Seront-elles le Corps législatif lui-même, augmenté d’un certain nombre de membres ? Tel est le mode de délibération que je soumets à l’Assemblée. On m’observe qu’il conviendrait mieux de commencer par l’examen de la question relative à la présomption du vœu national par le consentement des législatures; je ne m’y oppose pas. M. Bu*ot. Il me semble que la question n’a pas été bien posée par le préopinant. Il n’est pas possible, en effet, de limiter de quelque manière que ce puisse être, le mode d’émission du vœu du peuple : on ne peut pas dire qu’il n’émettra pas son vœu de telle ou telle manière. On peut examiner au contraire si, dans tel ou tel cas, il peut ou non l’émettre. Ainsi la question n’est pas de dire : le peuple, dans ses assemblées primaires ou par des pétitions individuelles, émettra-t-il son vœu pour changer la Constitution ; car assurément cette question là ne peut pas être révoquée en doute ; car tout ce qui est relatif à la souveraineté du peuple ne doit pas nous occuper. Il s’agit de savoir si un corps délégué par le peuple peut s’arroger le droit de changer la Constitution ou d’exiger une Convention pour la changer. Et il me semble que la question est absolument là. i" Série. T. XXX, Je crois, Messieurs, qu’il faut dans cette position, examiner si l’on ne doit pas craindre que le Corps législatif ne change de lui-même la Constitution, c’est-à-dire qu’il ne s’empare insensiblement du pouvoir constituant lui-même. Or, le moyen de M. Frochot ne peut être examiné que sous sce point de vue-là. Il est certain que, si vous ne mettez pas d’entraves aux usurpations des pouvoirs constitués, ils s’empareront incessamment de l’autorité nationale. Au contraire, en adoptant le plan qui vous a été présenté, on voit qu’il est possible de réparer un jour les tortss les usurpations qu’il aurait pu faire; et je crois doue que la question n’est pas de savoir actuellement de quelle manière le peuple émettra son vœu; il i’émettra comme il le voudra. Si vous lui prescrivez des termes, vous violerez sa souveraineté même. Il s’agit donc de savoir si les pouvoirs constitués pourront être censés émettre le vœu populaire, s’ils pourront demander que, sur tel ou tel article de la Constitution, il y ait une réforme à faire, s’ils pourront demander que cette Constitution soit changée ea totalité, et je soutiens la négative. M. Barnave. Il me semble que l’état de la délibération au point où elle a été conduite par les opinions précédentes, peut être réduit à deux points très clairs, renfermés dans une proposition qui a été faite, et pour laquelle je me propose de demander la priorité. Devons-nous nous occuper de la formation des corps constituants, ou devons-nous seulement nous occuper de placer dans la Constitution un moyen correctif tiré de la Constitution même ? A qui appartient-il d’émettre un vœu sur l’usage de ce moyen correctif? J’établis, quant au premier point, qu’il est contre les principes et contre le bien public d’établir des formes pour provoquer la préœnce d’un corps constituant. Le pouvoir constituant est un eftet de la pleine souveraineté. Le peuple nous l’a transmis pour une fois; il s’est momentanément dépouillé de sa souveraineté pour l’acte qu’il nous a chargés de faire pour lui ; mais il n’a ni entendu, ni pu entendre nous confier sa souveraineté pour limiter, pour indiquer ou provoquer, après nous, des autres actes de souveraineté de la même étendue et de la même nature. De notre part indiquer, provoquer, limiter un autre pouvoir constituant, c’est évidemment empiéter sur la souveraineté du peuple. Il ne peut le faire que de sa volonté propre et de son mouvement spontané ; car, quand nous dirions : dans 30 ans, le peuple pourra élire une Assemblée constituante, le peuple pourrait, dans 10 ans, la vouloir; quand nous dirions: cette Assemblée sera de 600 membres, le peuple pourrait élire une Assemblée constituante de 1,200 membres, et de même changer toutes les autres formes que nous aurions fixées. Ce qui entre dans notre mandat, c’est d’empêcher que ces pouvoirs constituants ne soient nécessaires; c’est de prévenir, par un mode paisible et conservateur, pris dans la Constitution, la provocation de ce vœu spontané du peuple, qui n’arrive jamais que par la souffrance et l’altération successive des pouvoirs constitués. Voici la position où nous sommes : nous avons fait une Constitution, une machine politique toute neuve et nécessairement compliquée ; l’expérience ne l’a pas encore éprouvée; il appartient à l’ouvrier de placer, dans son œuvre 8 4 [4 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.} même, un eaeyen lent, sage, circonspect, d’ob-vier aux inconvénients de détail qui pourraient être démontrés par l’expérience, par réprouve qui n’a pas encore eu lieu. C’est ainsi que vous restez dans votre pouvoir ; car, cela n’est que l'achèvement de votre ouvrage, et c’est ainsi que vous achèverez votre grand monument, celui de la conservation de la liberté et de la tranquillité publiques, puisque par là vous remplacez les pou voirs constituants* cause perpétuelle de la Révolution* et qu’en mettant dans votre Constitution même des moyens, de les corriger et d’en réformer les abus, vous éloignez à jamais les nouvelles révolutions qu’on pourrait provoquer en France. Maintenant comment pouvez-vous établir dans votre Constitution ce principe de réformat-ion ? Par son esprit même, par le principe représentatif qui en est la base ; par l’énoncé des représentants de la nation, seul capable, seul valable dans un pays trop étendu pour que le peuple délibère réuni ; c’est donc dans le sein du Corps législatif que vous devez chercher le vœu correctif, placez-le avec prudence et exigez de la lenteur, des mesures très circonspectes*, mais, placez-le là, parce qu’il ne peut pas être placé ailleurs sans devenir un principe de subversion. Le gouvernement anglais a mis le pouvoir réformateur dans son pouvoir législatif; cette mesure était possible chez lui par un seul acte législatif, parce que la législation y est confiée à 3 pouvoirs opposés qui, respectivement, se limitent et empêchent la rapidité et la facilité des changements; mais vous avez un moyen plus sûr, moins imprudent, plus libre et plus national, surtout, de prévenir chez vous l’abus du pouvoir législatif sur les corrections constitutionnelles. C’est d’exiger, comme qn vous l’a-proposé, le vœu itératif de plusieurs assemblées de représentants du peuple; car il est évident que chaque fois que vous remonterez à la source des élections, ie vœu national s’exprimera par les élections mêmes, et que, ne pouvant opérer de changements que par la volonté répétée de 4 assemblées différentes, vous aurez eu 4 fois, à 2 ans de distance chacun, le vœu national en faveur de la mesure proposée, ce qui certainement est beaucoup plus lent, plus prudent, moins dangereux que les formes anglaises. Il ne faut ià que le concours momentané des 3 pouvoirs; chez vous, il ne faudra que ie vœu d’un pouvoir, mais d’un pouvoir représentatif et national, et ce vœu aura été provoqué 4 fois par l’opinion publique, au moyen de l’élection des représentants. Par là, Messieurs, vous éviteriez deux graves inconvénients : l’un, la nécessité des pouvoirs constituants, cause éternelle des révolutions; Vautre, l’empiétement des législatures qui, avec le consentement du roi et l’impulsion de l’opinion publique, pourraient réformer un article condamné par l’expérience et qui, ayant une fois outrepassé leurs pouvoirs, ne connaîtraient plus de limites,, Quand, au contraire, vous aurez fixé un mode lent, mais auquel ou est, sûr d’arriver quand l’opinion publique le favorise ; que vous aurez évité tout à la fois la nécessité d’un pouvoir constituant et la possibilité de voir altérer illégalement votre ouvrage par le pouvoir législatif ordinaire, tout sera balancé. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire maintenant dq yous éclairer sur les inconvénients, sur les abus qui résulteraient dfune provocation quelconque du vœu populaire dans les assemblées primaires, et d’une fixation quelconque du pouvoir constituant. Je veux supposer avec quelques personnes que ces pouvoirs constituants appelés n’abusassent pas de la mission qui leur aurait été donnée ; que l’opinion publique alors paisible les contiendrait dans les limites : j’établis que, quand cela serait ainsi, ce que l’expérience démentirait, il suffirait des craintes etdes espérances que pourraient faire prévoir des pouvoirs constituants appelés par la Constitution même, pour nous exposer sans cesse à l'anarchie, ou à l’esclavage, pour faire disparaître tout sentiment véritable et tout amour légitimede la liberté, et mettre sans cesse aux prises la partie de la nation la plus remuante avec ie pouvoir exécutif. En effet, l’attente d'un pouvoir constituant, présentant aux hommes turbulents l’espérance des changements, les mettrait sans cesse en jeu, provoquerait des intrigues perpétuelles, et le pouvoir exécutif, d’autre part, apercevant dans l’arrivée de ces corps constituants la possibilité et presque la probabilité de sa destruction, ne manquerait pas, — car on sait que tout pouvoir humain, et le pouvoir exécutif plus qu’un autre, est mû par son intérêt, — ne manquerait pas, dis-je, dans l’intervaUe, d’user de tous les pouvoirs qui lui auraient été délégués pour rendre impossible le retour de ces pouvoirs constituants appelés par la Constitution ; de manière que, par une terreur propre à le troubler sans cesse, vous lui auriez donné l’intérêt ie plus pressant à ac ¬ cabler, à opprimer la liberté; et vous auriez fait quelque chose de plus dangereux encore, car vous auriez peut-être mis dans son parti la portion la pins nombreuse de la nation, celle qui veut par-dessus tout la paix, celle qui veut le maintien de la propriété et de la sûreté ; peut-être, dis-je, en présentant à ses yeux L’épouvantail d’un pouvoir constituant renaissant sans cesse, vous engageriez cette partie de la nation à se lier avec un pouvoir oppresseur, mais qui lui promettrait la tranquillité, à charge de se réunir avec lui contre le retour de ces pouvoirs constituants, source de changements perpétuels, objet commun de leur inquiétude et de leur effroi. Il est deux choses dont les peuples généreux et policés ne peuvent se passer : l’une est la tranquillité, l’autre est la liberté. Mais pour le commun des hommes, la tranquillité est plus nécessaire que la liberté; pour ie commun des hommes, la tranquillité est le premier besoin, la liberté politique n’est qu’un superflu qui fait le bonheur, mais qui n’est pas rigoureusement nécessaire. Si vous ne les mariez pas ensemble, si vous les rendez incompatibles, si vous présentez à la nation la perte de la tranquillité dans l’établissement de la liberté; craignez de voir bientôt cette majorité détruire la liberté plutôt que de se condamner à un état perpétuel d’agitation et d’incertitude. Toute la science des législateurs, des hommes qui font les Constitutions pour un peuple qui n’est pas neuf, pour un peuple amoureux de ses arts et de ses jouissances, se réduit à allier ensemble ces ceux éléments, à les faire agir conjointement, à rendre les peuples tranquilles et libres. Ne les séparez donc pas, car il serait très dangereux qu’entre les deux maux, le peuple ne finît par choisir un tranquille esclavage. Ainsi ce n’est pas la perspective des pouvoirs constituants qui garantira votre liberté, c’est elle qui l’anéantiïa : c’est elle qui provoquera sans cesse ceux qui veulent une nouvelle Constitution, et 115 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1191.] c’est elle aussi qui provoquera sans cesse le pouvoir exécutif pour la détruire. Quand on vient parler de provocations d’assemblées primaires, de pétitions individuelles, dont la majorité pourrait forcer le Corps législatif, on remplace le pouvoir représentatif, le plus parfait des gouvernements, par tout ce qu’il y a dans la nature de plus odieux, de plus subversif, de plus nuisible au peuple lui-même, l’exercice immédiat de la souveraineté, la démocratie, prouvée par l’expérience le plus grand des fléaux, dans les plus petits Etats même où le peuple peut se réunir ; et qui, dans un grand Etat, joint aux autres dangers l’absurdité la plus complète, puisqu’il est évident que tout vœu personnel ou de section, n’étant pas éclairé par une délibération commune, n’est pas un véritable vœu ; et qu’in-dépendamment de l’utilité générale qui exige exclusivement le gouvernement représentatif, l'a logique, la métaphysique même du gouvernement l’exigent dans tout pays où le peuple ne peut pas se réunir. Et quel serait l’inconvénient pratique d’un système semblable dans la situation où nous sommes ? Serait-ce véritablement l’intérêt national qui ferait provoquer les pouvoirs constituants, qui ferait provoquer des réformes de la Constitution dans des assemblées primaires, ou par quelques individus ? Ne sait-on pas avec quelle adresse insidieuse on fait mouvoir une multitude patriote, mais peu éclairée ? Ne sait-on pas qu’il existe dans la Constitution des articles nécessaires, des articles qui défendent et assurent la liberté, et dont la conception n’est pas à la portée du plus grand nombre ? Ne sait-on pas quelle était la ruse de ceux qui remuaient le peuple romain, par des moyens semblables à ceux que l’on commence à insinuer parmi nous? Les tribuns avaient l’art dé joindre à la proposition des lois auxquelles leur intérêt propre était souvent attaché, la proposition d’une loi souvent chère au peuple, de la loi agraire. C’était parmi eux un moyen trivial ; c’était en réunissant ainsi une pétition qui semblait utile pour le pauvre, à une pétition qui n’était utile qu’à eux, qu’ils ont fait pendant si longtemps tous les maux et tous lès troubles de la République. Or, je demande s’il ne serait pas facile, en tirant le laboureur de sa charrue, en provoquant, à la sortie du culte divin, des hommes habitants de la campagne et plus instruits de leurs premiers besoins que des principes politiques, s’il ne serait pas facile en promenant dans les départements une éloquence incendiaire, d’y mendier et d’y obtenir des pétitions destructives de tout ordre social ? Et quand ces pétitions seront obtenues, quand la majorité du peuple aura été constatée par des signatures, quand lès législateurs' en auront le tableau devant les yeux, quand le pouvoir constituant y verra son régulateur, quel sera le sentiment sur la terre qui leur donnera le courage dë résister. Sans doute, avant que le peuple ait émis formellement et légalement un vœu, les législateurs ont le pouvoir de refuser ce vœu présumé, parce qu’ils le jugent déraisonnable; mais quand ce vœu aura été émis par une imprudente provocation, lorsqu’il aura été constaté sur le papier, aurez-vous donc une assemblée de héros pour résister à cette provocation imprudente ? N?avez-vous pas vous-mêmes appelé une insurrection ? Le peuple consent à vos décrets, quoiqu’on apparence son vœu ait été auparavant contraire; mais ce vœu n’avait pas été émis, mais lui-même l’ignorait encore, mais il attendait la parole des législateurs pour se décider; mais, quand il aura émis son vœu en assemblée, quand il aura dit en majorité je pense ainsi , espérez-vous faire entrer dans l’esprit du peuple des idées tellement fines pour lui faire concevoir qu’une pétition de la majorité des citoyens actifs n’est véritablement qu’une pétition ? Quoi, vous lui aurez dit qu’il est souverain et vous lui direz après que là majorité des voix n’est pas la volonté publique ! Quoi, vous lui auïez dit qu’il est souverain, vous lui aurez demandé son avis, et vous voudrez après, vous au nombre de f ,2D0‘, détruire l’opinion signée de plus de 2 millions d’hommes 1 Geia n’est pas' possible. Ce n’est pas là qu’est la sagesse, la connaissance cfu cœur humain et: des véritables gouvernements. Le peuple est souverain; mais, dans le gouvernement représentatif, ses représentants sont ses tuteurs, ses représentants peuvent seuls agir pour lui, parce que son propre intérêt est presque toujours attaché à des vérités politiques dont il ne peut pas avoir la connaissance nette et profonde. Ne l’excitez donc pas, ne le forcez donc pas à se mêler à ces travaux par un mode dangereux pour lui. Appelons-le par sa véritable manière d’exprimer sa volonté, par les élections ; c’est en nommant l’homme en qui il a confiance, dont les lumières sont claires pour lui, dont la pureté lui est connue, qu’il exprime vraiment son vœu; c’est ainsi qu’il fait son bopheur ; tout autre moyen est absurde et insuffisant. Or, ce vœu-lâ, vous l’aürez quand Vous déclarerez que l’opinion uniforme de 3 ou 4 législatures successives sera nécessaire pour corriger Un article de la Constitution, quand il aura été soumis 4 fois à l’opinion des représentants du peuple et 3 fois à l’opinion publique au moment où elle aura nommé ces mêmes représentants. Par là, vous aurez empêché qüe la législature avec l’assentiment du roi ne dépasse ses pouvoirs, forcée par l’impossibilité de réformer une chose évidemment mauvaise, si ce n’èst par l’appel d’un pouvoir constituant que la nation entière réprouverait : par là enfin, vous aurez rendu rare, et vous aurez repoussé à jamais, au moins de notre âge, le renouvellement dé ces pouvoirs constituants, moyens extrêmes, nécessaires pour affranchir un peuple opprimé, mais dont la liberté constitutionnelle, assurée par les délibérations publiques et par rétablissement des pouvoirs qui se limitent, doit être l’effet durable et' doit préserver le retour. Vous n’avez pas le droit dé les limiter, car vous attenteriez à' la souveraineté du peuple : vous n’àvez pas le droit de les provoquer, car la nation vous a chargés de faire son bonheur, et vous la livreriez à une suite de convulsions destructives de toute liberté véritable et de toute prospérité. Je demande, sans m’ëxpliqüer d*àvaûce sur les amendements qui pourraient être faits, la priorité pour la motion de Ml d’André. ( Applaudissements répétés de là salle et des tribunes.) M. Koedeiref . Messieurs, je demande à l’Assemblée, au nom du décret mémorable qu’elle a a rendu hier, de vouloir bien aujourd’hui, avant d’en rendre Un tout contraire, se garantir d’une délibération précipitée. Messieurs, depuis 3 jours, la délibération change d’objet à chaque instant.Hier, nous avons décrété 3 articles différents du plan qu’on vous propose en ce moment. Hier, l’orateur du comité nous a proposé une série de questions, et aujourd’hui, à l’instant' où la délibération allait s’ouvrir sur 116 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.] ces questions, un discours qui présente des idées tout à fait étrangères, vous présente une matière de délibération absolument nouvelle. Gomment une nouvelle plaidoirie, contre les idées du comité, contre les bornes de son propre système, s’élève-t-elle au milieu de lui ? Or, tel est l’état où se trouve maintenant votre délibération. L’objet actuel surlequelon voudrait vous arrêter dans ce moment-ci, objet absolument neuf, objet sur lequel vous avez vu les mêmes orateurs, qui ont pris part aux vues toutes différentes du comité, se retourner aujourd’hui en sens contraire... (Murmures.) cet objet se réduit à proposer... (Aux voix ! aux voix !) Messieurs, je n’ai qu’un mot... (Aux voix! aux voix!) Ou propose de constituer 3 législatures successives organes du vœu du peuple. Eh bien, Messieurs, je propose deux seules observations à ceux-là mêmes qui insistent le plus fortement sur cette proposition. Je suppose deux cas : le premier est celui où la nation se croirait mal représentée (Aux voix! aux voix!), où elle croirait que le mode d’élection établi est contraire à la représentation. (Murmures.) Il en est un autre plus frappant encore : je suppose, et cela peut arriver, que votre Constitution, étant très bonne par la suite, soit dérangée dans les éléments qui la composent, que le pouvoir législatif usurpe le pouvoir exécutif... (Aux voix! aux voix ! Murmures prolongés.) (L’orateur quitte la tribune.) M. Frochot. Le fond de mon opinion étant adopté par M. Barnave, j’adopte aussi la série de questions qu’il propose. Je veux seulement réfuter la partie de la discussion dans laquelle il a combattu l’organisation prévue d’un pouvoir constituant. M. Barnave regarde comme dangereux de fixer cette organisation, parce que, dit-il, cela suppose la nécessité de la présence de ce corps, tandis que nous ne devons pas même en présumer la possibilité. — Je répondrai en peu de mois à cette objection. Je ne crois pas plus que M. Barnave à la nécessité ou à la possibilité de l’existence du corps constituant. De simples Conventions suffiront sans doute. Mais en établissant ces Conventions, purement et simplement, je ne vois rien qui nous garantisse contre les usurpations de ces corps, vous leur imposerez des devoirs, vous réglerez leurs fonctions. Mais si la Convention nationale veut outrepasser ses fonctions, méconnaître ses devoirs, augmenter sa puissance, qui pourra l’en empêcher? Ne voyant rien au-dessus d’elle, ne concevant pas même l’existence d’un corps plus richement doté en pouvoir, elle se persuadera difficilement qu’elle ait des bornes à respecter, et dans telles circonstances données, elles les dépassera sans scrupule. Cet inconvénient, a-t-on dit, est inévitable ; j’ose croire, moi, qu’il ne l’est pas. Sans doute, vous n’extirperez pas le germe d’envahissement, mais il est un moyen d’empêcher le développement de ce germe, et ce moyen consiste à placer un corps au-dessus de la Convention nationale, et à donner à ce corps une organisation différente. En un mot, de même que l’Assemblée de révision que j’appelle Convention nationale, de même, dis-je, que ce corps est un moyen d’arrêt contre les entreprises du Corps législatif, de même l’organisation prévue du corps constituant deviendra le moyen d’arrêt de la Convention nationale ou de l’Assemblée de révision. Si leGorps législatif voulait usurper le pouvoir attribué aux Conventions nationales, n’est-il pas évident qu’il trouverait dans sa propre organisation un obstacle invincible à cet envahissement, un membre se lèverait et il dirait : « La Constitution a déterminé l'organisation du corps dont vous voulez vous attribuer les pouvoirs, cette organisation diffère de la vôtre; par exemple, pour exercer ce pouvoir, notre Assemblée devrait être composée de 990 représentants et nous ne sommes que 745, renonçons à cette prétention, il suffit de nous compter pour voir que nous ne sommes, et que nous ne pouvons être autre chose qu’une Assemblée législative. » Eh bien, la même chose arriverait dans l’Assemblée de révision ou dans la Convention nationale, si l’organisation du corps constituant était déterminée, si cette organisation était différente de celle de la Convention ; car, encore une fois, il n’y a pas de vice plus insurmontable que les vices de forme. Je persiste donc dans mon opinion à cet égard, et, bien loin d’y trouver le germe du corps constituant, j’y trouve au contraire une garantie certaine de l’inexistence de ce corps, et un obstacle invincible à l’usurpation de sa puissance de la part de la Convention nationale. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. Prieur. Je regarde le plan de M. Frochot comme très bon; mais il y a une chose à laquelle je crois difficile de répondre : c’est le cas, par exemple, où les législateurs auraient, comme le prévoit l’article de la section proposée par les comités, empiété sur les pouvoirs; alors, il me semble difficile de remettre au jugement de ce Corps législatif-là, qui est lui-même usurpateur, s’il y aura ou non une Convention nationale. M. Blin. L’objection que vient de faire M. Prieur est absolument la même que celle que vient de faire M. Rœderer. Il n’y a qu’un mot à y répondre; c’est que le Corps législatif est temporaire et que le pouvoir de l’arrêter réside toujours dans le peuple qui fait les élections. (Applaudissements.) M. Prieur. Ce n’est pas vrai ! (Murmures.) M. Salle. Je propose, pour amendement, qu’une législature ne puisse délibérer sur la question de savoir si un point de la Constitution est susceptible d’être soumis à la révision, à moins que sa délibération n’ait été provoquée par 1a. motion d’un de ses membres, appuyée par le quart des suffrages. M. Prieur. Je crois que M. Frochot propose dans son projet un article qui porte que les citoyens auront le droit de provoquer la Convention. (Murmures.) Je demande le rétablissement de l’article de M. Frochot. M. d’André. J’ai l’honneur d’observer à M. Prieur que notre intention ne peut pas être d’aliéner le droit de pétition. Le droit de porter des plaintes, de faire des réclamations, est absolument à l’abri de toutes les institutions politiques d’un corps constituant quelconque; ainsi il est inutile de rétablir le premier article. Dans ce moment, je ne demande que l’établissement d’un principe, c’est-à-dire que lorsque trois législatures consécutives auront émis un vœu pour la révision de quelques articles constitutionnels, la quatrième législature sera chargée d’examiner ces articles. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix .' [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.] 117 M. Prieur. J’insiste pour le rétablissement de l’article premier présenté par M. Frochot. (L’Assemblée, consultée, accorde la priorité à la proposition de M. d’André). M. i