[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLCMENTAIRES. [1,3 .novembre I79Q.J «ttS sur les arbitrages. Vous conserverez le droit 4’appeler pour ceux qui ne peuvent le compromettre volontairement. Les arrêtés de famille, aux termes de la loi, vous seront tous communiqués. Vous êtes chargé d’en vérifier les motifs, d’en approfondir les causes. C’est à votre sagesse seule que ce ministère est remis, et la loi en a même écarté les formes judiciaires ; mais il n’en est devenu que plus important, puisqu’elle s’en rapporte à vous sur le soin de fournir aux juges les instructions qui les mettront à même d’adopter, de modifier ou de rejeter le jugement de la famille. J’ai cru devoir parcourir avec vous le cercle de vos fonctions, et je vous en ait fait connaître les motifs. En vous rappelant vos principaux devoirs, je vous ai < xposé, en même temps, les hautes considérations dont j’étais pénétré quand j’ai rendu compte au roi des sujets divers parmi lesquels son choix devait se fixer. C’est à vous désormais à justifier une préférence que Sa Majesté n’a voulu accorder qu’au vrai mérite et aux talents. Votre correspondance avec moi, Monsieur, commencera aussitôt après votre réception. Je vous demande qu’elle soit exactement suivie. Le roi l’exige, et votre office vous astreint à rendre un compte fidèle de tous les détails qui, dans le cercle de votre ministère, peuvent mériter l’attention et intéresser l’ordre public et la tranquillité générale; toutes vos lumières, toute votre expérience sont dues à l’administration de la justice et au maintien des lois. Dans les rapports qui vont s’établir entre vous et Je chef de la justice, vous lui ferez part de vos vues, vous lui soumettrez vos difficultés et vos doutes. Comptez sur une exactitude scrupuleuse 4e ma part à vous eu procurer la solution. Celui qui est le centre de toutes les correspondances peut mieux que personne recueillir les lumières de tous et les dispenser ensuite selon le besoin de la chose publique. Ce n’est que par ce concours mutuel qu’ou peut établir une uniformité deprin-- cipes et d’exécution si nécessaire à rharmonie générale. Vous allez appartenir désormais tout entier à vos concitoyens : ce sera votre véritable gloire et la véritable dignité de votre office. Rappelez-vous sans cesse, comme l’objet d'une noble émulation, les talents qui ont illustré le ministère public ■ ét placé un grand nombre de ceux qui l’ont exercé parmi les hommes auxquels on doit les progrès de la civilisation et de la science sociale. Leur vie privée fut souvent un exemple imposant, facile et doux, proposé à l'imitation de leurs concitoyens. Le public ne manque pas d’interroger les mœurs domestiques et de les rapprocher des maximes de représentation. Combien ne peu t pas alors sur les mœurs l’éloquence d’un homme de bien! Si, dans l’exercice du ministère public, vous êtes les premiers responsables, vous êtes aussi les premiers à recevoir les félicitations des peuples; vous êtes les premiers à jouir de leur bonheur. Jamais, en vous parlant de vos devoirs, je n’oublierai de vous rappeler que la récompense est auprès d’eux, et que cette récompense est la plus douce et la plus glorieuse de toutes. Vous devez avoir pour objet le bonheur de la patrie* pour juges vos concitoyens, pour témoin voire bienfaiteur et votre roi, et pour garant de voU?e zèle, Votre affectionné serviteur. Champion de Cicé, Archevêque de Bordeaux. '■ ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHASSET. Séance du samedi 13 novembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie. M. Coroller, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 11 novembre.— Il représente que, dans cette séance, l’Assemblée a oublié, lors de sa délibération sur l’affaire de M. de Keating, de statuer sur un amendement de M. Merlin, tendant à ce que le comité militaire fût chargé 4e présenter un projet de loi générale pour le jugement des réclamations qui sont ou seront élevées par des militaires contre les destitutions prononcées par des ordres arbitraires. Il demande ce qu’il doit insérer au procès-verbal sur cet amendement. M. I�mercler rappelle à l’Assemblée qu’elle a unanimement applaudi à la proposition de M. Merlin et que c’est par suited’uneerpeurqu’elle n’a pas été insérée dans le décret proposé par le comité militaire. En conséquence, il insiste pour que cet oubli soit réparé en mettant toute de suite aux voix l’amendement afin qu’il soit ajouté au décret avant la sanction. Cette proposition est, adoptée. (Nota. Nous avons inséré plus haut, séance du 11 novembre, le décret complet.) M. le Président. Par suite 4e l’amendement que vous venez d’adopiter, l,a clôture du procès-verbal de la séance du jeudi au soir est ajournée, jusqu’à ce que vous puissiez entendre la lecture définitive du décret. M. Lanjuinais, secrétaire , donne lecture du procès-verbal 4e la séance d’hier. L’Assemblée l’adopte après avoir renvoyé au comité des finances, .pour vérification de rédaction, l’article Ie* 4u décre t relatif aux receveurs des districts. M. Bouche. Vos comités diplomatique et des rapports se sont réunis pour examiner la pétition de là ville d’Avignon. Aprèsde longs débats, ils n’ont pu se meure d’accord. Vous avez décrété que cette affaire vous serait soumise avec ou sans rapport; je demande donc qu’elle soit examinée dans une des prochaines séances. (L’Assemblée décide que l’affaire d’Avignon sera discutée dans la séance de mardi soir.) M. Burarad-Maillane, membre du comité ecclésiastique. J’ai à vous rendre compte des dispositions de plusieurs arrêts du conseil, rendus du propre mouvement du roi, de poursuivre contre Je séquestre des biens du chapitre de Saint-Quentin, malgré la teneur des décrets de l’Assemblée nationale. Sur la dénonciation de ces arrêts, faite i(l) Cotte séance est incomplète au MmiUwr . 113 novembre 1790.] 4Ô4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. par le directoire du district de Saint-Quentin au conseil d’administration, le conseil d’administration du département de l’Aisne a pris l’arrêté suivant : « L’administration du département de l’Aisne, considérant que l’arrêt du 14 septembre dernier a pour objet d’éluder le décret de l’Assemblée et d’envahir une partie des sommes provenant de quatre prébendes vacantes du chapitre de Saint-Quentin, mises en séquestre, arrête : 1° qu'elle approuve et confirme les délibérations du directoire de Saint-Quentin ; 2° que les faits mentionnés au rapport seront par elle dénoncés à l’Assemblée nationale ; 3° que les rapports et les ' pièces seront envoyés à M.Camus.dont ledéparte-ment connaît le zèle et le patriotisme; que ce • député sera prié de mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale les faits ci-dessus, et de lui proposer de décréter que la somme de 23,000 livres, formant le tiers de la soumission de la contribution patriotique du chapitre de Saiat-Quentin, sera payée par le séquestre aux collecteurs du district de Saint-Quentin. » M. Guignard, qui a signé l’arrêt du conseil, a écrit au président de l’Assemblée nationale pour en justifier les dispositions. Il prétend que l’arrêt n’a pas été rendu de propre mouvement, mais sur l’opposition d’un créancier du chapitre de Saint-Quentin, dont le’conseil autorisait les poursuites contre le séquestre. D’après cet exposé, le comité vous propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète : « 1° Que l’arrêt du conseil du 14 septembre dernier sera regardé comme non avenu; « 2° Qu’elle approuve la conduite du département de l’Aisne et du directoire du district de Saint-Quentin ; « 3° Qu’elle l’autorise à faire exécuter la disposition de son arrêté concernant la contribution patriotique du chapitre de Saint-Quentin sur le séquestre des prébendes vacantes. -> M. Martineau. L’usage que le comité veut faire des sommes séquestrées provenant de la vacance des prébendes du chapitre de Saint-Quentin n’est pas plus légitime que celui que l’arrêt du conseil avait autorisé. Les sommes séquestrées sont la propriété de la nation; elles ne doivent donc servir ni au payement des créanciers des chanoines, comme le porte l’arrêt, ni à celui de leur contribution patriotique, comme vous le propose votre comité. Je conclus à ce que les sommes séquestrées soient remises dans la caisse de l’extraordinaire. M. Goupil. Je demande que M. Guignard soit mandé à la barre pour rendre compte des motifs qui ont dicté l’arrêt du conseil du 14 septembre dernier. M. Muguet. Je ne pense pas qu’il faille mander à la barre des gens flétris par l’opinion publique. M. de Clermont-Tonnerre. Je demande que M. Muguet soit rappelé à l’ordre. M. Muguet. Les plus zélés défenseurs des ministres ont dit, dans cette Assemblée, qu’ils les mésestimaient. M. de Clermont-Tonnerre. Que l’on veuille se rappeler que nous ne sommes pas solidaires les uns pour les autres ; c’est dans une faction où tous sont du même avis. Ce qu’a dit M. de Caza-lès, lorsqu’il a été question de déclarer au roi que les ministres avaient perdu la confiance publique, n’était pas mon avis ; je suis ici, là, partout où je crois la raison. M. Muguet. Les ministres ont méconnu vos décrets; si vous ne les forcez pas à les respecter, il est inutile de les rendre. Je demande que cette nouvelle infraction soit dénoncée au roi. M. Goupil. Le sieur Guignard, secrétaire d’Etat, a contrevenu à la loi. Quoique le décret n’ait reçu la sanction que dix mois après que vous l’avez porté, par la faute du sieur Champion, garde des sceaux, il a néanmoins été sanctionné avant l’arrêt du conseil. Les ministres répondent de l’inexécution des lois. En conséquence, je demande de nouveau que le sieur Guignard soit mandé à la barre pour y rendre compte de sa conduite. M. de Clermont-Tonnerre. J’appuie la motion qui vous est faite, parce que l’accusation appelle l’accusation ; mais je m’élève énergiquement contre ceux qui se croient le droit, selon leurs caprices, de dicter des arrêts et d’être les organes de l’opinion publique. (La motion de M. Goupil est repoussée par la question préalable.) La motion de M. Martineau est décrétée en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de son comité ecclésiastique sur un arrêt du conseil, dit du propre mouvement , rendu en faveur du sieur Vulpian, le 14 septembre dernier, décrète que ledit arrêt, comme contraire aux décrets de l’Assemblée nationale, sera et demeurera comme non avenu. L’Assemblée nationale approuve la conduite du directoire du district de Saint-Quentin et celle du directoire du département de l’Aisne, dont l’arrêté est conforme aux principes consacrés par les décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi : approuve aussi la conduite des dépositaires séquestres des revenus des prébendes vacantes dudit chapitre, pour la résistance qu’ils ont opposée aux significations et sommations à eux faites en vertu de l’arrêt du conseil 14 septembre dernier. Et à l’égard de toutes les sommes qui sont déposées entre les mains desdits séquestres, et qui procèdent desdites prébendes vacantes dans le chapitre de Saint-Quentin, elles seront versées par eux directement dans la caisse de l’extraordinaire. » M. le Président. L’ordre du jour appelle l’ouverture de la discussion sur l'impôt du tabac (1). M. l’abbé Charrier. Vous avez supprimé la gabelle; il a fallu la conviction des maux qu’elle a produits pour vous déterminer, malgré nos besoins extrêmes, à renoncer au bénéfice annuel d’une somme de 30 millions. Mais vous résoudrez-vous à renoncer d’un trait de plume à la recette de plus de 30 millions que donne à l’Etat l’impôt sur le tabac, susceptible même d’augmentation? La vente exclusive du tabac est un impôt indirect; il vous en faut de cette nature ; vous n’a-(1) Voy . le rapport de M. Rœderer, séance du 13 septembre 1790, Archives parlementaires, tome XVIII, page 729.