358 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVE» PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.1 qui n’existent pas* ou qui sont peu importants, pour empêcher une dénonce qui entraînerait une amende qui n’appartiendrait pas au dénonciateur et des frais qui seraient frustrés pour tous. Dans quelques communautés il existe des règlements encore plus absurdes et plus vexatoires, qu'on appelle reglement des plus proches. Celui qui a un dommage, tel modique qu’il puisse être, a droit de le faire payer au propriétaire du premier troupeau qu’il aperçoit. On conçoit qu’il n’aperçoit que le troupeau qu’il veut apercevoir; on fait estimer le dommage, l’opération coûte 12 à 15 livres, le dommage ne fût-il estimé que 3 sous. Pour éviter ces frais énormes on transige avec le dénonciateur au prix que celui-là exige, et il exige toujours en proportion des frais qu’il aurait droit de faire. Cet accommodement est verbal, et le même dénonciateur peut en faire un autre, ou dénoncer le troupeau qui succède. Ces vexations, qui se répètent tous les jours, ruinent ou dépitent les propriétaires qui se défont de leurs troupeaux. De là la rareté de l’espèce. Il est de fait que dans les lieux où les règlements de plus proches sont en vigueur, il n’y a presque plus de troupeaux. Ii y a un moyen très-simple de remédier à cette destruction des troupeaux : c’est d’abroger tous les règlements de plus proche, tous les articles des règlements municipaux qui prononcent des peines contre les troupeaux, d’assujettir les communautés à gager leurs estimateurs, pour faire gratis le rapport des dommages causés par les troupeaux, d’affranchir du droit de contrôle les dénonces, les rapports et les significations, d’ordonner qu’on ne puisse dénoncer les troupeaux trouvés dans les terres non endommageables, telles que les chaumes, les guérets, les terres incultes, que les propriétaires des troupeaux ne puissent être obligés de payer que le double du dommage fait de jour, et le quadruple fait de nuit ; bientôt on verra les troupeaux se propager, les campagnes se fertiliser, sans qu’il soit nécessaire que le gouvernement accorde des encouragements. . La communauté demande encore que les colombiers soient fermés dans la saison des semailles du chanvre et des haricots, c’est-à-dire depuis le 15 avril jusqu’au 31 mai, et que les communautés soient exemptées de payer les subdélégués et les cavaliers de maréchaussée lors du tirage de la milice, la province ayant abonné les frais de milice. Signé Pardigon, consul; Daumas, consul; Grenier; Gastaud ; Pelotier;Laney; Pardigon ; Garcin; Alard; Bocamus fils; Mathieu; Chanu; Boyère; Daumas; Baruel; Royère; Mathieu, greffier. Le présent cahier a été par nous, lieutenant de juge, viguier soussigné, coté par première et dernière page et paraphé ne varietur, lequel a été remis en notre présence aux députés de ce lieu de Mirabeau, à Mirabeau, ce 28 mars 1789. Signé Gastaud,; lieutenant de juge, viguier. CAHIER Des doléances que présente à Sa Majesté la petite, mais très-zelée , très-fidèle et très-respectueuse communauté de Miramas (1). Sire, La communauté de Miramas, accablée sous le (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. poids des impositions, grevée d’un nombre considérable de redevances seigneuriales, gémissant sur la mortalité d’une partie de ses oliviers, mais encore plus vivement affectée du désordre qui règne dans les finances de l’Etat, vient se jeter dans les bras paternels de Votre Majesté, pour lui offrir le modique reste de ses biens, et, s’il le faut, la vie même de tous ses habitants assemblés par vos ordres pour lui remontrer, aviser et consentir à tout ce qui peut concerner les besoins du royaume et la réforme des abus, l’aider à surmonter toutes les difficultés qu’elle a essuyées jusqu’à ce jour relativement à l’état de ses finances; nous donnant en conséquence sa parole royale qu'il écoutera favorablement nos plaintes, et qu’il pourvoira sur les doléances et propositions que la communauté aura à lui faire, de manière que tous ses sujets ressentent pour toujours les effets salutaires de sa bienveillance, et c’est pour concourir à des vues si bienfaisantes que cette communauté ose lui proposer très-respectueusement ; Art. 1er. La réformation du code civil et criminel, et que la justice soit rendue gratuitement sur les lieux à tous ses sujets. La suppression de la vénalité des charges. Le remboursement de ces mêmes charges comme une dette pressante qui pèse sur le peuple. La modération dans les droits de greffe, papier timbré, parchemin et sceau. L’abolition des expéditions grossoyées. La promptitude dans la distribution de la justice, et généralement tout ce qui y a rapport. La suppression des tribunaux existants, leur conversion ou érection en divers bailliages. Etablissement des tribunaux supérieurs placés à la portée de tous les justiciables de cette province. Art. 2. L’exercice de la police attribué à la mairie de chaque communauté, ainsi que le droit aux consuls d’autoriser les assemblées municipales. Art. 3. Que chacun soit jugé par ses pairs, et que dans les affaires des communautés contre un seigneur, le tribunal soit mi-partie de nobles et de roturiers, même de celles qui sont de la compétence de Fofficialité. Art. 4. Que dans les affaires criminelles, la procédure soit prise publiquement au vu et su de l’accusé, avec permission d’avoir un conseil pour se défendre. Art. 5. Que nul sujet ne puisse être arrêté ou constitué prisonnier sans un décret décerné par ses juges naturels. Art. 6. L’abrogation de toutes lettres attentatoires à la liberté des citoyens. Art. 7. La liberté de la presse en tout ce qui n’intéressera pas la religion, les mœurs et le respect dû à Sa Majesté et à l’Etat. Art. 8. La liberté individuelle et sacrée des propriétés, et la faculté à tous les citoyens, de quelque ordre qu’ils soient, de concourir pour tous les emplois militaires, bénéfices et charges attributives de noblesse. Art. 9. L’abolition et la suppression de la milice forcée, et surtout des matelots tirés au sort dans les pays maritimes. Art. 10. Une réduction sur les droits domaniaux du contrôle, de l’insinuation, et centième denier. Art. II. Adopter un plan uniforme et clair pour classer toutes sortes d’actes, et n’y attacher des droits qu’autant qu’il faudra pour consolider leur publicité, abroger surtout le demi-centième denier sur les legs d’usufruit faits par un père de famille 359 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] à son épouse, et ne percevoir le centième denier que sur ce qui reste net de la succession. Art. 12. La suppression de tous les bureaux des fermes dans l’intérieur du royaume, et le recule-ment de ces mômes bureaux et traites sur les frontières, et l’abolition d’un droit établi et perçu au bureau de Martigues sur les blés qui nous viennent de Marseille, ainsi que celui établi sur les cuirs et peaux préparés dans le royaume. Art. 13. Que le sel soit rendu marchand., ou du moins que le prix en soit modéré, et qu’on nous restitue le sel blanc. Art. 14. Une perception plus simple et moins coûteuse des deniers royaux, et la suppression des offices de finance, ou leur grande réduction. Art. 15. L’uniformité des poids et mesures dans le royaume. Art. 16. Demander l’examen des pensions accordées sans nécessité par les anciens ministres. Clergé. Art. 1er. Que le clergé de cette province tienne ses assemblées dans la capitale, et non à Paris ; qu’il y règle ses impositions, et qu’il les paye sans confondre ses intérêts avec le clergé de France. Art. 2. Que le clergé du second ordre, et tous ceux qui payent décime, soient admis dans ces .assemblées, avec voix délibérative; qu’on l’oblige à éteindre ses dettes annuellement, avec prohibition d’en contracter de nouvelles. Art. 3. Que tous les biens des gens de mainmorte rentrent dans le commerce, au moyen de quoi le Roi et ses sujets y trouveront leur “avantage. Art. 4. Obligation à la résidence, et incompatibilité de plusieurs bénéfices sur la même tête, ou aviser aux moyens de réunion pour les renter suffisamment. Art. 5. Suppression des ànnates et les dispenses prises en France et accordées gratuitement. Art. 6. Les fêtes de l’année renvoyées au dimanche, à l’exception des solennelles. Art. 7. La majeure partie des ordres religieux et les petites collégiales supprimés. Art. 8. Augmentation de congrue pour MM. les curés et pour MM. les vicaires desservant les paroisses, relative à la population et aux besoins de celles qu’ils desservent, et pour leur tenir lieu du casuel, qui doit être non-seulement supprimé, mais prohibé, avec prière encore à MM. les évêques de ne nommer aux bénéfices que des prêtres habitués dans leur diocèse, et de ne composer le chapitre de leur cathédrale que des anciens curés. Art. 9. Suppression de la dîme de l’huile, dont les titres nous sont inconnus, et que probablement les moines de Mont-Major se sont appropriée dans des temps d’ignorance et de superstition. Droits seigneuriaux. L’assemblée charge expressément ses députés de mettre sous les yeux du Roi et de la nation le tableau d’une quantité de droits oppressifs ..perçus par le seigneur, tels que les droits de péage qui gênent la circulation du commerce, ceux de la chasse que la plupart concèdent à des particuliers qui foulent impunément les moissons. Ces retraits barbares et féodaux exercés après vingt neuf ans de tranquille possession ; ces censes exigées en blé d’annone, tandis que la terre servile ne produit que du blé commun; ces banalités de fours, de moulins à farine, si onéreuses, si préjudiciables au peuplé, tous ces droits doivent être supprimés, ou rachetés à prix d’argent. L’assemblée charge expressément ses députés de supplier Sa Majesté de rentrer en possession de ses domaines aliénés ou engagés en Provence par nos anciens comtes, et notamment par les rois de France, leurs successeurs, ainsi que dans la possession du Constat Venaissin et de la ville d’Avignon, pour le produit desdits être employé au soulagement de l’Etat. Impôts. Que l’impôt à établir le soit d’une manière universelle, et frappe uniformément sur tout genre de propriété, sans exception et exemption, nonobstant toutes possessions et tous privilèges. Qu’il tienne lieu de tailles, vingtièmes, dixièmes, dons gratuits et autres droits, charges et impositions royales de cette province� Que toutes les contributions locales de la Prd-vence, celle de la province en particulier et celle des vigueries, seront également réparties dans la même uniformité, sur toute espèce de propriété assise en Provence, sans exception, et nonobstant tous privilèges quelconques. Que les biens immenses que l’ordre de Malte possède dans cette province seront également soumis à la répartition des charges royales, provinciales et locales. Que l’impôt ne sera consenti que pour un temps i imité, et jusqu’à l’extinction de la dette nationale, qu’on insistera de connaître. Que le retour périodique des Etats généraux, aura lieu dans un court délai. . Que nul impôt ne pourra être établi que du consentement de la nation assemblée. Que l’impôt ne sera établi qu’après que les lois constitutives du royaume auront été fixées. Que le ministre des finances rendra le compte de sa gestion de la manière que les Etats généraux le décideront, et ce compte sera rendu public par la voie de l’impression. Que les délibérations des Etats généraux Seront prises en commun et qu’on opinera par tête et non par ordre. Régime intérieur de ta Provence. MM. les députés de cette province aux Etats généraux représenteront respectueusement à Sa Majesté qu’ils ne sauraient considérer comme constitutionnels les Etats de 1787, et encore moins ceux de 1789. Que pour les rendre constitutionnels, il faut que les ordres soient suffisamment représentés. Que la représentation des seuls prélats ne représente point le clergé, les seuls possédants fiefs la noblesse, et quelques députés des communes le tiers. Que les Etats pléniers, par un ordre seul, avec l’exclusion d’un pareil privilège pour les autres, est un prétention aussi déraisonnable qu’injuste. En conséquence < nos députés demanderont expressément des Etats mieux organisés, et composés de manière que chaque communauté qui a une population au moins de deux jusqu’à trois mille âmes, ait au moins un représentant. Que le clergé du second ordre soit admis concurremment avec le haut clergé. Que la noblesse possédant fiefs, ainsi que celle qui n’en possède point, y soit également et concurremment admise ; que le ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Sénéchaussée d’Aix.] 360 [États gén. 1789. Cahiers.] clergé et la noblesse ainsi composés ne fournissent entre eux que le même nombre de députés égal à celui du tiers. Que les délibérations aux Etats provinciaux soient prises , les opinions comptées par voix et non par ordre. Que le tiers se nomme un syndic, avec entrée et voix délibérative aux Etats, et que le tiers enfin se choisisse et élise ses députés dans son ordre. Que la présidence soit élective par les Etats, et alternative entre le clergé et la noblesse. Exclusion des Etats aux magistrats et à tous officiers attachés au fisc. La désunion de la procure du pays attachée au consulat de la ville d’Aix, et la nomination libre au tiers de ses procureurs. Que l’audition des comptes du pays soit faite par des personnes choisies et nommées par les Etats et non par les députés à tour de rôle. Que les trésoriers de la province et des vigue-ries soient électifs. Suppression des divers ingénieurs et sous-ingénieurs, de divers officiers, greffiers et serviteurs inutiles aux Etats. Demandes locales. La suppression des bourdigues de divers canaux du Martigues, comme interceptant la navigation de ce bras de mer avec la Méditérranée, qui empêchent l’entrée du poisson pendant neuf mois de l’année, ce qui porte un préjudice considérable à la classe indigente des pécheurs de cette contrée. Que la pêche de ce bras de mer soit régie par l’ordonnance de la marine et non par les règlements particuliers et seigneuriaux de la principauté de Martigues. Que le port de Bouc soit creusé et mis en état de recevoir comme par le passé les plus gros bâtiments. Que le port de Saint-Chamas, si utile aux voisins et à toute la contrée, soit perfectionné. Que le grand magasin des poudres de Saint-Chamas soit transporté dans un endroit isolé, d’où, dans le cas d’une explosion, plus de trois mille personnes ne puissent pas en être les victimes. Que les carraires de ce terroir, interceptées et usurpées, soient rétablies. Que les employés aux fermes du Roi ne puissent pas dénoncer et faire des saisies des troupeaux de chèvres et de moutons qui dépaissent sur les landes et rivages de la mer. Que les salpêtriers ne viennent plus faire de fouilles chez les particuliers, et notamment dans ce pays, dont ils ont miné les murs, au point qu’ils sont à chaque instant dans le cas d’écrouler et de causer la mort à une grande partie de ses habitants. Signé Jambeau, lieutenant de juge; Cler aîné, maire ; Archier; Bernard ; Brouchier ; Gavaillon, capitaine; F.-E. Boyer; Bernard ; Chabot; Fabre ; Etienne Cler; Léger, juge; Moyroux; Saint-Bonnet; Hodé; Martin; Surian ; Joseph Martin, J.-J. Calamand ; H. Pagan ; Crespin Michel ; Teissier ; Marc Chiron ; C. Michel ; J. -P. Tochem ; À. Chapon ; J. Cournand ; L. Chapuy ; Jean-Joseph Fabre ; A. Garron ; Charles Chabran ; Michel Trous-sier, Pierre Cournand ; Jean-Antoine Lambert ; E. Cournand ; Reine et Vigne, greffier. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances des habitants de la communauté de Montmeyan (1). Pour satisfaire à la lettre du Roi pour la convocation des Etats généraux et la notification à nous signifiée par üelarche , huissier royal, le conseil a nommé pour ses députés et représentants à l’assemblée des trois Etats, convoqués à Aix le 2 avril prochain, à la pluralité des suffrages, Charles Audibert fils, bourgeois, et Jean-Baptiste Garachon, négociant, à l’effet de le représenter à Rassemblée du conseil de cette communauté qui leur enjoint et recommande de ne jamais s’écarter des vues de bienfaisance d’un Roi qui ne désire rien plus ardemment que de se rapprocher du besoin de ses peuples, qui non-seulement permet, mais ordonne au moindre de ses sujets de pdrter ses plaintes au pied de son trône et promet de les écouter. Le conseil ordonne à ses députés de ne jamais s’écarter du maintien de l’ordre et de l’harmonie, et de ne rien dire qui puisse arrêter et troubler le cours des délibérations. Lesdits députés représenteront, avec tout le respect possible dû à l’amour paternel du Roi pour ses peuples, qu’ils espèrent que Sa Majesté regardera avec complaisance la classe de ses sujets la plus utile mais la plus méprisée, celle des cultivateurs, et lui donnera tous les moyens d’encouragement et les soulagements; de préférence, l’impôt, pour remédier aux finances, portera sur une imposition territoriale tant sur les biens de l’Eglise que sur les biens nobles à proportion de leurs produits, et sur le luxe. Les députés ne s’écarteront jamais du respect dû aux deux premiers ordres du clergé et de la noblesse, en représentant que s’ils demandent que leurs biens soient imposés, ce n’est qu’un acte de justice et un payement de reconnaissance dû aux cultivateurs, qui seuls font valoir les biens des deux premiers ordres et fournissent par leurs travaux les plus pénibles de quoi entretenir leurs aisances. L’ordre du clergé et de la noblesse ne doivent pas trouver mauvais, au contraire doivent se faire honneur de s’imposer des privations. Le Roi par sa bonté en donne l’exemple, il fait des réformes dans l’appareil de sa grandeur et de sa dignité royale ; en est-il moins grand ? au contraire, il fait consister sa véritable grandeur dans l’amour de ses peuples, appareil plus magnifique et plus glorieux pour lui que le vain appareil de puissance. Demanderont, lesdits députés, que l’impôt soit également réparti sur les capitaux établis tant sur le clergé, province et particuliers quelconques; il ne serait ]3as juste que des capitalistes jouissant d’un revenu qui ne court aucun revers, ne contribuassent en rien aux charges de l’Etat. Il est recommandé auxdits députés de n’entrer dans aucun parti qui pourrait altérer le concert et l’union qu’il doit y avoir entre le clergé, la noblesse, soit d’épée ou de robe, et le tiers-état. Un roi qui ne cherche que le bonheur de ses sujets réformera peu à peu les abus s’il y en a, soit dans l’administration de la justice, soit dans les finances. Nous devons, dans la circonstance présente, nous occuper des maux de l’Etat, y chercher remède et nous en rapporter pour l’avenir (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.