104 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 juin 1791.] Je demande que les fils de famille dont les pères sont imposés à une somme qui, répartie sur tous les enfants, les rendrait éligibles, puissent être élus. (L’Assemblée renvoie la proposition de M. Gre-letde Beauregardau comité de Constitution pour en rendre compte très incessamment.) M. Le Chapelier, au nom des commissaires envoyés chez le ministre de la marine. Messieurs, l’Assemblée nationale a chargé ce matin des commissaires de se rendre chez le ministre de la marine pour savoir où en était l’exécution du décret concernant les colonies ; je suis chargé de vous rendre compte de notre mission. Nous venons de chez le ministre ; il nous a répondu que le garde des sceaux lui avait promis hier de lui envoyer, ce soir ou demain au plus tard, une expédition du décret. 11 nous a ajouté que les commissaires étaient prêts à partir et que des avisos étaient également prêts, depuis plus d’un mois, dans les ports de Brest, de Lorient et de Rochefort. Le ministre nous a toutefois fait part d’un doute qui a ralenti ces dispositions ; il ignore si l’intention de l’Assemblée est que les commissaires partent seulement avec le décret sur les gens de couleur nés de père et de mère libres, ou s’ils doivent attendre les instructions relatives à la Constitution des colonies. L’incertitude du ministre de la marine est justifiée par le texte même de vos décrets. Il nous a donc paru, Messieurs, qu’il était nécessaire de prendre une détermination, premièrement pour savoir si les commissaires partiront — chose qui me paraît utile — ; secondement pour savoir s’ils partiront avec les instructions qui doivent servir de base aux déterminations et aux propositions des colonies sur les diverses parties de leur Constitution intérieure, et s’ils attendront l’époque où vos comités doivent vous faire leur rapport sur cet objet. Ainsi je propose à l’Assemblée de renvoyer cette double proposition du départ immédiat des commissaires, même sans instructions ou accompagnés d’instructions, quoiqu’elles n’aient pas été lues à l’Assemblée, mais comme simple mémoire. Je demande que cette double proposition soit renvoyée aux comités pour en faire le rapport dans deux ou trois jours. (La motion de M. Le Chapelier est décrétée.) M. le Président. La parole est à M. Bureaux de Pusy pour faire un rapport sur Vêtat actuel de l'armée. M. Bureaux de Pusy, au nom des comités de Constitution, militaire, diplomatique , des rapports et des recherches (1). Messieurs, les comités auxquels vous avez renvoyé l’examen des mesures propres à rétablir la tranquillité publique dans le royaume, et à le mettre à J’abri des ennemis du dehors et de ceux du dedans, ont pensé que le premier objet dont ils devaient vous rendre compte était l’état actuel de l’armée, et que d’abord il fallait songer à détruire le principe du poison qui la dévore. Un grand désordre existe dans l’armée : la discipline et l’instruction en sont bannies ; la confiance est détruite entre les supérieurs et les subordonnés; le mal s’accroît avec une effrayante rapidité; vous en êtes avertis de toutes parts : des pétiiions multipliées demandent, les unes, le licenciement total de l’armée, pour la recomposer sur de nouveaux principes ; d’autres se bornent à demander le licenciement des officiers. Les motifs apparents de ces adresses sont l’incivisme dont on accuse ces mêmes officiers, les projets qu’on leur suppose; enfin, le danger de laisser à la tête de la force publique des hommes que l’on regarde comme ennemis de la Révolution. Avant d’apprécier la validité et l’importance de ces raisons, permettez que j’examine d’abord ce qu’il peut y avoir d’utile ou de dangereux dans le licenciement demandé. Il y a deux propositions : celle du licenciement total et celle du licenciement des officiers seulement. Je ne m’occuperai que de cette dernière, tous les raisonnements que je ferai sur cette hypothèse étant applicables à l’autre. Quel est l’objet pour lequel on veut licencier les officiers? C’est, dit-on, pour éloigner de l’armée des hommes ennemis de la loi. Supposons l’accusation fondée et votre résolution prise en conséquence ; alors il s’élève deux nouvelles questions : le licenciement des officiers sera-t-il absolu ou ne sera-t-il que partiel? Examinons d’abord la proposition sous ce dernier rapport. Si vous ne licenciez qu’une partie des officiers, quel sera le mode du licenciement? Il ne s’en présente que trois : un choix arbitraire, le sort, et une réforme qui, frappant également sur tous les grades, fera sortir de l’armée le nombre d’officiers que vous voudrez supprimer. La première manière est une vexation, un acte de despotisme plus odieux, plus insupportable qu’aucun de ceux que l’on reproche à l’ancien régime : d’ailleurs, qui peut vous assurer qu’elle remplirait votre objet? Quels seront les hommes auxquels vous confieriez cet important triage? Qui leur donnera le tact et la justice nécessaires pour remplir cette délicate mission? Qui les dépouillera tellement de passions, de prévention et d’erreur, qu’ils ne puissent choisir précisément que ceux que vous croiriez utile de conserver? Il est donc incontestable que le premier mode, en présentant tout ce que les formes arbitraires ont de plus révoltant, vous laisse dans la plus grande incertitude sur le succès que vous ambitionnez dans cette opération. Si vous faites le licenciement par le sort ou par la réforme, il est évident que vous ne remplissez pas davantage votre objet, car la réforme et le sort peuvent conserver ceux que vous croiriez devoir éloigner, et réciproquement : d’où il suit que ces deux méthodes ne serviraient qu’à tourmenter l’armée, sans utilité pour la chose publique. Le licenciement partiel est donc essentiellement vicieux, quel que soit le mode qu’on veuille adopter pour le faire. Ce n’est pas tout. Suppo-sons-le effectué d’une manière quelconque. Gomment suppléera-t-on les officiers qui auront été licenciés? Leur donnera-t-on pour successeurs les officiers reconnus susceptibles de remplacement par les décrets précédemment rendus ? Mais on peut faire à ceux-ci le même reproche qu’aux officiers en activité ; et le remplacement, suivant cette méthode, ne pourvoit en aucune manière aux inconvénients que vous voulez faire disparaître. Dira-t-on qu’on les soumettra au mode épuratoire qui sera adopté pour le licenciement des officiers en activité ? Mais ce (1) Ce document est incomplet au Moniteur.