130 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Mais cette qualité de citoyen français peut-elle lui servir d’exception ? D’après l’article XVII du titre II de la loi du 24 août 1790, « les justiciables ne peuvent plus être en France distraits de leurs juges naturels par aucune commission, ni par d’autres attributions et évocations que par celles déterminées par la loi ». Cette disposition générale et absolue est fondée sur la raison et l’équité... Pourquoi ne lierait-elle donc pas les Français vis-à-vis les étrangers comme elle les lie entre eux ? Est-ce qu’un Français ne serait dans ses procédés au dehors soumis ni à la loi, ni à la raison, ni à la justice, tandis qu’il ambitionne de faire adopter sa liberté et ses lois par tous les peuples ? Enfin, une dernière circonstance paraît décisive dans la position actuelle; elle est prise du décret du sénat de Gênes du 26 juin 1788, qui accueillit la réclamation de la famille Cervellera en mainlevée provisoire des oppositions faites par Gaëtan, pour la discussion des droits qu’il réclamait, devant le tribunal compétent de la Rote. Voilà donc évidemment les tribunaux de Gênes nantis par le fait, et contradictoirement avec Gaëtan; ils le sont donc de fait et de droit; et le droit des gens, sous tous les rapports, les lois et la jurisprudence, nécessitent l’accueil des prétentions de la famille Cervellera, etc. C’est d’après ces différentes considérations, établies et développées par le rapporteur, que la Convention a renvoyé le jugement de cette affaire par-devant les tribunaux de Gênes (1) . [BEZARD] propose un décret qui est adopté en ces termes : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la question de savoir si l’instance engagée devant les tribunaux français par François-Gaëtan Cervellera, ex-religieux génois, marié en France et y résidant depuis 1785, en pétition d’hérédité, partage et liquidation de la succession de son père, décédé à Gênes en 1786, contre ses frères et sœurs, génois et domiciliés à Gênes, doit être jugée en France, ou renvoyée devant les tribunaux naturels où la succession est ouverte; « Considérant qu’il résulte de la correspondance entre Gênes et la France, que l’usage constamment observé dans la manière de traiter les affaires entre les citoyens des deux nations veut que les actions judiciaires soient intentées là où réside la personne contre laquelle on veut l’exercer. « Considérant aussi que le 2 ventôse la Convention nationale a déclaré solennellement que les traités qui lient la France à la République de Gênes seraient fidèlement exécutés; « Renvoie devant les tribunaux de Gênes toutes les contestations élevées en France entre François-Gaëtan Cervellera et ses co-héritiers, relativement à la succession de leur père commun, décédé à Gênes. « Le présent décret ne sera pas imprimé; il sera inséré au bulletin de correspondance, et adressé à la République de Gênes, au tribunal (1) Mon., XX, 290. du troisième arrondissement du département de Paris » (1). 48 Un membre [BRIEZ] , au nom du comité des secours, propose les décrets suivants, qui sont adoptés. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la pétition du citoyen Lartigue, qui après avoir servi huit ans dans le septième régiment de dragons, a rendu des services importants à la République depuis la révolution, dans les différentes missions qui lui ont été confiées, notamment dans la guerre de la Vendée, en combattant les rebelles, et en soustrayant à leur brigandage les registres du receveur du district de Challans, qui étaient déjà en leur pouvoir; «Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Lartigue la somme de 200 liv., à titre de secours. « Le présent décret ne sera pas imprimé » (2) . 49 « Un membre observe que tous les jours on fait à la Convention nationale des pétitions pour demander des secours provisoires, soit pour des défenseurs de la République, blessés ou estropiés, soit pour les veuves, les enfants ou parents de ceux qui ont péri dans les combats; que ces diverses pétitions donnent lieu à une foule de décrets particuliers et incohérents, et demande qu’il soit rendu un décret qui fixe pour tous, les moyens généraux d’obtenir les secours provisoires, en attendant les liquidations définitives, sans qu’il soit nécessaire de recourir pour cela à la Convention nationale. La proposition est renvoyée au comité des secours publics, pour présenter ses vues et faire son rapport à cet égard dans le plus bref délai» (3). 50 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de BRIEZ, au nom] du comité des secours publics sur la pétition de (1) P.V., XXXVI, 36. Minute de la main de Bezard (301, pl. 1066, p. 15). Décret n° 8875. Reproduit dans Bin, 2 flor., M.U., XXXIX, 60; Mon., XX, 282; Feuille Rép., n° 293; J. Sablier, n° 1272; Batave, n° 431; Débats, n° 579, p. 15; J. Mont., n° 160; C. TJniv., 3 flor.; Rép., n° 124. C. Eg., n° 612, p. 171; J. Paris, n° 677; J. Fr., n° 575; J. Perlet, n° 577; Ann. Rép. Fr., n° 144; Mess. Soir, n° 612. (2) P.V., XXXVI, 36. Minute de la main de Briez (C 301, pl. 1066, p. 16). Décret n° 8870. Reproduit dans Bln, 2 flor. (suppl1) ; M.U., XXXIX, 59. (3) P.V., XXXVI, 37. J. Sablier, n° 1272; J. Perlet, n° 578. 130 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Mais cette qualité de citoyen français peut-elle lui servir d’exception ? D’après l’article XVII du titre II de la loi du 24 août 1790, « les justiciables ne peuvent plus être en France distraits de leurs juges naturels par aucune commission, ni par d’autres attributions et évocations que par celles déterminées par la loi ». Cette disposition générale et absolue est fondée sur la raison et l’équité... Pourquoi ne lierait-elle donc pas les Français vis-à-vis les étrangers comme elle les lie entre eux ? Est-ce qu’un Français ne serait dans ses procédés au dehors soumis ni à la loi, ni à la raison, ni à la justice, tandis qu’il ambitionne de faire adopter sa liberté et ses lois par tous les peuples ? Enfin, une dernière circonstance paraît décisive dans la position actuelle; elle est prise du décret du sénat de Gênes du 26 juin 1788, qui accueillit la réclamation de la famille Cervellera en mainlevée provisoire des oppositions faites par Gaëtan, pour la discussion des droits qu’il réclamait, devant le tribunal compétent de la Rote. Voilà donc évidemment les tribunaux de Gênes nantis par le fait, et contradictoirement avec Gaëtan; ils le sont donc de fait et de droit; et le droit des gens, sous tous les rapports, les lois et la jurisprudence, nécessitent l’accueil des prétentions de la famille Cervellera, etc. C’est d’après ces différentes considérations, établies et développées par le rapporteur, que la Convention a renvoyé le jugement de cette affaire par-devant les tribunaux de Gênes (1) . [BEZARD] propose un décret qui est adopté en ces termes : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la question de savoir si l’instance engagée devant les tribunaux français par François-Gaëtan Cervellera, ex-religieux génois, marié en France et y résidant depuis 1785, en pétition d’hérédité, partage et liquidation de la succession de son père, décédé à Gênes en 1786, contre ses frères et sœurs, génois et domiciliés à Gênes, doit être jugée en France, ou renvoyée devant les tribunaux naturels où la succession est ouverte; « Considérant qu’il résulte de la correspondance entre Gênes et la France, que l’usage constamment observé dans la manière de traiter les affaires entre les citoyens des deux nations veut que les actions judiciaires soient intentées là où réside la personne contre laquelle on veut l’exercer. « Considérant aussi que le 2 ventôse la Convention nationale a déclaré solennellement que les traités qui lient la France à la République de Gênes seraient fidèlement exécutés; « Renvoie devant les tribunaux de Gênes toutes les contestations élevées en France entre François-Gaëtan Cervellera et ses co-héritiers, relativement à la succession de leur père commun, décédé à Gênes. « Le présent décret ne sera pas imprimé; il sera inséré au bulletin de correspondance, et adressé à la République de Gênes, au tribunal (1) Mon., XX, 290. du troisième arrondissement du département de Paris » (1). 48 Un membre [BRIEZ] , au nom du comité des secours, propose les décrets suivants, qui sont adoptés. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la pétition du citoyen Lartigue, qui après avoir servi huit ans dans le septième régiment de dragons, a rendu des services importants à la République depuis la révolution, dans les différentes missions qui lui ont été confiées, notamment dans la guerre de la Vendée, en combattant les rebelles, et en soustrayant à leur brigandage les registres du receveur du district de Challans, qui étaient déjà en leur pouvoir; «Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Lartigue la somme de 200 liv., à titre de secours. « Le présent décret ne sera pas imprimé » (2) . 49 « Un membre observe que tous les jours on fait à la Convention nationale des pétitions pour demander des secours provisoires, soit pour des défenseurs de la République, blessés ou estropiés, soit pour les veuves, les enfants ou parents de ceux qui ont péri dans les combats; que ces diverses pétitions donnent lieu à une foule de décrets particuliers et incohérents, et demande qu’il soit rendu un décret qui fixe pour tous, les moyens généraux d’obtenir les secours provisoires, en attendant les liquidations définitives, sans qu’il soit nécessaire de recourir pour cela à la Convention nationale. La proposition est renvoyée au comité des secours publics, pour présenter ses vues et faire son rapport à cet égard dans le plus bref délai» (3). 50 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de BRIEZ, au nom] du comité des secours publics sur la pétition de (1) P.V., XXXVI, 36. Minute de la main de Bezard (301, pl. 1066, p. 15). Décret n° 8875. Reproduit dans Bin, 2 flor., M.U., XXXIX, 60; Mon., XX, 282; Feuille Rép., n° 293; J. Sablier, n° 1272; Batave, n° 431; Débats, n° 579, p. 15; J. Mont., n° 160; C. TJniv., 3 flor.; Rép., n° 124. C. Eg., n° 612, p. 171; J. Paris, n° 677; J. Fr., n° 575; J. Perlet, n° 577; Ann. Rép. Fr., n° 144; Mess. Soir, n° 612. (2) P.V., XXXVI, 36. Minute de la main de Briez (C 301, pl. 1066, p. 16). Décret n° 8870. Reproduit dans Bln, 2 flor. (suppl1) ; M.U., XXXIX, 59. (3) P.V., XXXVI, 37. J. Sablier, n° 1272; J. Perlet, n° 578.