[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 décembre 178§.) saisi, .le demande qu’il soit imprimé, communiqué au premier ministre, et que l’Assemblée nomme dix commissaires peur l’examiner, et en rendre compte mercredi prochain. M. Target. Il faut décréter en même temps que les commissaires conféreront aussi avec les administrateurs de la Caisse d’escompte, et qu’ils compareront le plan de M. Laborde avec celui de M. Necker. M. le duc d’ Aiguillon demande qu’un projet envoyé par M. l’abbé d’Espagnac au comité des finances entre aussi dans l’examen et dans la comparaison. La motion de M. de Cazalès et l’amendement de M. Target sont décrétés. La seance est levée à trois heures et demie. L’Assemblée se réunit immédiatement dans ses bureaux pour procéder à la nomination d’un président, en remplacement de M. de Boisgelin, archevêque d’Aix, arrivé au terme de ses fonctions, et de trois secrétaires. La séance du soir est indiquée pour six heures. ASSEMBLÉE NATIONALE, PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGELIN, ARCHEVÊQUE D’AIX. Séance du samedi 5 décembre 1789, au soir (1). Un de MM. les secrétaires dorme lecture d’une adresse de la ville de Langues qui représente que la réduction du prix du sel a réduit, par contrecoup, des trois quarts le produit des octrois patrimoniaux; que cependant elle est exposée à de grands besoins; que les habitants des campagnes refusent de payer le prix des baux; que le chapitre de Langues fait adjuger la coupe de ses bois, dont le prix se porte à 50,000 écus; que les deux premiers payements doivent échoir à Noël et à Pâques prochain; que la ville demande qu’il lui soit permis de prendre en conséquence sur ces baux 40,000 livres pour pourvoir aux besoins de ses habitants, s’engageant à rendre cette somme dans un an. L’Assemblée ne prononce rien à cet égard. M. Prieur représente alors que plusieurs villes, entre autres celle de Châlons-sur-Marne, s’étaient adressées à M. le garde des sceaux pour obtenir qu’il leur fût permis de faire des emprunts pour pourvoir à la subsistance des habitants; que ces demandes avaient été renvoyées au comité des finances, et il insiste pour que le comité soit tenu d'en faire incessamment rapport à l’Assemblée. M. le Président met la proposition aux voix; il est arrêté que le comité des finances fera son rapport à ce sujet jeudi prochain. Le comité des recherches demande à faire un rapport urgent qui est relatif à la liberté de deux citoyens. M. le marqnis de Oony-d’Arsy objecte que l’Assemblée a mis à son ordre du jour de la séance de ce soir la question de l’approvisionne-407 ment de Saint-Domingue. 11 demande que l’ordre du jour soit maintenu. M. le Président consulte l’Assemblée, qui donne la parole au comité des recherches. M. le marquis de Foucault-Aardinalie, rapporteur. Au mois d'octobre dernier, M. de Sennemont, abbé de Blinières, fut dénoncé au commandant de la garde nationale d’Angoulême, par le comité de Blansac, comme porteur de l ttres suspectes. M. de Bellegarde commandant, le fitar-rêter sur la route d’Angoulême à Paris, et on le trouva chargé de quatorze lettres décachetées, excepté une, adressée par M. le marquis de Baraudin, chefd’escadre, à M. le marquis de Saint-Simon, membre de l’Assemblée nationale. Cette lettre renfermait entre autres expressions de douleur (sur les journées du 5 et du 6 octobre), cette phrase: le cratère du volcan est dans T Assern,- blée; je me réjouis de la fuite du duc d'O ...... ; il ne reste plus à désirer que la chute de Mirabeau. M. de Baraudin est convenu que ces expressions étaient échappées à sa sensibilité ; qu’au surplus, il avait donné des preuves de son patriotisme, eic. Il offrit et il prêta en effet sermeqt de fidelité à la nation au Roj et à la loi. Parmi les papiers saisis sur M. l’abbé de Blinières, il y avait un paquet de lettres écrites par M. le vicomte de Saint-Simon à madame son épouse; et ce paquet, après examen, avait été scellé et déposé à l’hôtel de ville d’Angoulême. Le comité jugea devoir rendre la liberté à M. l’abbé de Blinières, qui se. retira à Àngoulême avec M. le marquis de Baraudin; mais tous deux, craignant de n’être pas en sûreté, ont demandé une sauvegarde à l’Assembiée nationale. Le rapporteur, après son exposé, propose à l’Assemblée un projet d’arrêté. M. le marquis de Saint-Simon. Oui, Messieurs, j’ai écrit à mes frères les événements des 5 et 6 octobre, j’ai versé ma douleur dans le sein de leur amitié, mais peut-on douter de mon amour pour la liberté? J’ai été longtemps à la tête d’un détachement de 3,000 hommes contre lord Cornwaliis qui en avait 20,000 et je crois avoir bien mérité de la patrie en défendant les Américains. Les lettres que j’ai écrites et celles qui m’étaient destinées ne sont point l'ouvrage de mauvais citoyens. Le comité devrait respecter le secret des lettres, comme il est chargé de le faire respecter par tous; cependant j’ai appris que ma lettre avait été décachetée, quoique sous le contre-seing de l’Assemblée nationale; je voudrais que l’Assemblée témoignât aux deux comités de Blanzac et d’Àngoulême son étonnement sur leur conduite; je pourrais demander contre ces deux comités des condamnations plus sévère, cependant j’adopte entièrement l’avis du comité des recherches. M. ilriois «le SSeaumetz. Je suis indigné de la conduite du comité d’Angoulême. Il est affreux de voiries chefs de la cité et les gardiens des lois, remplir les viles fonctions de ministres du despotisme; il faut employer contre ces agents subalternes la maxime de la responsabilité. II n’est pas un seul ami de la liberté qui ose défendre un procédé aussi illégal. A la lecture des pièces j’ai cru que c’était, un registre de l’inquisition ou un livre de la Bastille. Je conclus à ce que le commandant de ia garde nationale et tous ceux qui ont participé à cette violation de la (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 408 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |5 décembre 1789.] liberté soient déclarés incapables de posséder aucun emploi public pendant vingt ans. M. l’abbé Joubert a fait remarquer que la conduite du comité de Blanzac était moins répréhensible que celle du comité d’Angoulême, que même en ce qui concerne ce dernier il fallait tenir compte des circonstances actuelles. Le peuple, a-t-il dit, est agité de soupçons; celui d’Angoulême s’était attroupé; le comité n’a pu se dispenser d e faire arrêter le sieur abbé de Minières et d’instruire la procédure en public. Dans ces moments qui ne sont pas dans l’ordre naturel des choses, il n’est pas étonnant qu’on soit forcé de sortir des règles ordinaires de la justice. M. lie Chapelier. Le comité d’Angoulême a été entraîné, par la présence du peuple, à faire une procédure illégale, mais excusée par les circonstances. Le secret de la poste peut quelquefois être violé pour le salut du peuple qui est la loi suprême. Le comité d’Angoulême n’a pas brisé ie cachet; il faut en cette circonstance, comme cela a eu lieu pour le comité de Mâcon, prononcer qu’il n’y a lieu à délibérer. M. de Cazalès. Je ne puis m’associer à la demande de M. de Beaumetz concernant les membres du comité d’Angoulême, en les déclarant incapables de remplir aucune fonction publique. Ceci n’est pas de la compétence de l’Assemblée. Je blâme énergiquement la violation du secret des lettres, l’abus que le comité a fait de la force, j’adopte le projet d’arrêté proposé par le comité des recherches avec cette réserve « que l’Assemblée conserve le droit à chaque citoyens offensé de se pourvoir devant qui de droit. » M. le marquis de Foucault-Lardinalie rapporteur . Cette réserve est inutile; le droit existe incontestablement et l’introduire dans un article, ce serait insinuer qu’il n’existait pas auparavant. M. le Président rappelle les amendements proposés. — Ils sont écartés par la question préalable. L’arrêté proposé par le comité des recherches est ensuite mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture du procès-verbal dressé par le comité d’Angoulême contre les sieurs abbé de Blinières et marquis de Baraudin, et des lettres y transcrites, déclare que les sieurs de Blinières et Baraudin sont, comme tous les citoyens, sous la sauvegarde de la loi; « Que n’étant accusés d’aucun délit, ils n’auraient pas dû être arrêtés, ni le secret de leur correspondance violé ; « Que le paquet de lettres portant pour souscription; « correspondance du vicomte de Saint-Simon avec sa femme », déposé au greffe de l’hôtel de ville d’Angoulême, n’a pas dû y être retenu, et qu’il doit être reudu sous le sceau qui y a été apposé ; déclare au surplus que conformément aux principes adoptés par l’Assemblée, le secret des lettres doit être constamment respecté. » M. le Président fait donner lecture du résultat du scrutin pour la nomination du président et de trois secrétaires. M. Fréteau de Saint-Just a réuni la majorité absolue des suffrages pour la présidence. MM. le baron de Menou, Chasset et Charles de Lameth ont été élus secrétaires. Après eux, MM. Du-fraisse-Duchaye, l’abbé Coster et le marquis de Bouthillier ont eu le plus de voix. M. le Président fait également donner lecture du résulta du scrutin pour la nomination des dix commissaires nommés pour conférer avec le ministre des finances et les administrateurs de la Caisse d’escompte et pour examiner les divers plans proposés sur la Banque nationale et la Caisse d’escompte. Les commissaires élus sont: MM. Lecouteulx de Canteleu, Anson, Dupont, Laborde de Mérévllte, D’Ailly, De Cazalès, L’abbé Maury, Le marquis de Montesquiou, De Talleyrand, Périgord-évêque d’Autun. Le baron d’Allarde. Les membres qui ont ensuite réuni le plus de suffrages sont: MM. Le duc du Châtelet, Le comte de Mirabeau, Rœderer. Un de MM. les trésoriers chargé de recevoir les dons patriotiques annonce à l’Assemblée qu’ils ont entre les mains la somme de ...... recueillie dans les bureaux en faveur du vieillard de Franche-Comté qui a été admis un jour à la séance. Il représente que ce vieillard étant pressé de partir, les trésoriers demandent l’autorisation de lui remettre la somme dont il est question. Cette demande est accordée. M. Duplessis d’Argentré, évêque de Limoges, écrit à M. le président nue lettre, en date du 5 décembre, par laquelle il le prie de demander à l’Assemblée un congé et un passe-port, afin de pouvoir s’absenter pendant trois semaines, pour aller dans son diocèse vaquer à des affaires qui demandent sa présence, et dont il a prévenu l’Assemblée à sa dernière séance, tenue à Versailles le 15 du mois d’octobre; sa demande lui a été accordée. M. le Président accorde pour lundi, à deux heures, la parole pour le don patriotique de la Faculté de médecine, qui doit être présenté par le doyen de la Faculté. M. le Président lève la séance et l’indique pour lundi prochain, à l’heure accoutumée. ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 5 décembre 1789. Réflexions d'un citoyen soumises à l’examen et aux lumières de l’auguste Assemblée des représentants de la nation française , par Lalande ( 1 ) . Projet d’un papier-monnaie, portant 3 0/0 d’in-(1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.