[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j gj ���1793 517 « Là, une fusillade terrible de part et d’autre s’est engagée. Il était neuf heures du soir et le combat a duré jusqu’à deux heures du matin avec une fureur sans exemple. Alors on a resté en station; mais, à la faveur de la nuit, les re¬ belles ont évacué les rues. Au point du jour, nos chasseurs ont recommencé l’attaque; ils ont fondu sur eux la baïonnette en avant; rien ne leur a résisté; ils ont fait carnage des brigands. « Là les prêtres, marquises et barons ont été calottés, égorgés; les canons, les caissons, les carrosses, les bagages, tout est tombé en notre pouvoir. Les monceaux de cadavres ont été les seuls obstacles que l’ennemi a opposé à notre courage, et depuis quinze heures le carnage dure encore. Nous avons poursuivi les hordes fuyantes hors de la ville, et leur trésor, leurs bagages, leurs effets, leurs malles, tout a été pris, jusqu’à leurs bannières, à leurs crosses, à leurs reliques, dont, nous vous envoyons l’état, et que nous vous ferons passer. Vous y trou¬ verez le chef de saint Charles Borromée, des étoffes bénites conservées dans la châsse de saint Denis, des pièces probantes de l’authenti¬ cité des reliques de saint Vincent, l’une de ses dents de la mâchoire inférieure, un morceau de la tête de saint Guignolet, un morceau de la robe de la Vierge, un de la sainte tunique de l’enfant Jésus, le péricrâne de saint Sébastien, le gril de saine Laurent (on rit), un morceau de la vraie croix et, entre deux cristaux, du lait de la sainte Vierge. « Dans cette journée, chaque soldat a été un héros. L’affaire était commandée par le général Haxo. Westermann, après avoir eu 2 chevaux tués sous lui et avoir été blessé, n’a pas quitté son poste. (Vifs applaudissements.) Le comité de Salut public, par l’organe do Barère, a donné ces nouvelles après la récapi¬ tulation des mesures qu’il avait prises, et l’As¬ semblée a décrété que l’armée de l’Ouest a bien mérité de la patrie. Elle appelle au combat, contre les rebelles, les soldats de l’armée du Nord, après avoir triomphé contre les despotes coalisés devant Dunkerque et Maubeuge. Le même rapporteur ajoute qu’un jeune répu¬ blicain de 13 ans, le 18, à Cholet, a mieux aimé périr que de livrer aux brigands deux chevaux qu’il conduisait. Ce jeune homme faisait passer ses économies à sa mère infirme. L’Assemblée décrète qu’il sera accordé une pension viagère de 100 pistoles à la mère, et une somme provisoire de 1,000 écus. Barère annonce ensuite que dans la journée du 18, en avant d’Haguenau, les troupes de la République se sont battues toute la journée et, sur les hauteurs, ont enlevé les redoutes de l’en¬ nemi. Le jour a empêché de suivre cette vic¬ toire, et l’ennemi a reculé et évacué plusieurs postes. « Les Anglais ont abandonn é le port de Gênes, ajoute le rapporteur , et ont conduit à Livourne 13 bâtiments richement chargés, suédois et danois. On ignore quelles en seront les suites. Le Scipion, bâtiment anglais, a sauté par les soins de quelques patriotes français, 115 traîtres ont péri et si la poudre n’eût été mouillée, 4 na¬ vires anglais amarrés eussent sauté. » CONVENTION NATIONALE Séance du 26 frimaire, l’an II de la République française, une et indivisible. (Lundi, 16 décembre 1793) La séance commence à dix heures (1). Le citoyen Florenra (Florenval), comman¬ dant temporaire à Caen, annonce qu’aussitôt que le représentant du peuple est arrivé dans le département, tous les hochets du fanatisme ont disparu des temples, pour se purifier au creu¬ set de la nation : il en envoie une grande partie, qui est accompagnée par quatre hussards; U espère que bientôt on recevra tous les ornements et argenteries des autres communes du dépar¬ tement. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (2). Suit la lettre du citoyen Florenval (3). Le commandant temporaire de Caen, au citoyen Président de la Convention nationale . « Du quartier général, à Caen, le décadi de la 2e décade de frimaire l’an II de la République française une et indivisible. « Citoyen Président, « Le représentant du peuple Laplanche a paru dans nos murs, et, à sa voix, les hochets du fana¬ tisme ont disparu et sont tombés. La ville de Caen, quoique animée d’un patriotisme pur et ardent, avait besoin de l’arrivée de ce brave montagnard pour le ranimer et le réchauffer. Elle a demandé que ses temples soient fermés, elle l’a obtenu et aussitôt je me suis empressé d’en faire tirer toute l’argenterie. Je vous en envoie une partie, que je fais escorter par quatre hussards du 9e régiment, dont un régiment est à Caen depuis la formation de l’armée des Côtes de Cherbourg, par le citoyen Vigny, dont j’ai cru la présence nécessaire et par un maréchal des logis du 8e régiment de hussards. C’est un militaire sage, bon citoyen, excellent républi¬ cain. Je le recommande à la Convention natio¬ nale. Si une conduite constamment bonne peut faire mériter de l’avancement dans le militaire, il doit l’obtenir. Je vais m’occuper de ramasser le reste de l’argenterie qui peut se trouver dans la ville et dans tout le département. La raison nous éclaire. Nous reconnaissons enfin toute l’absurdité du catholicisme; ici, comme chez vous, la raison n’est qu’une, elle seule aura sou temple et ses autels. Que la promptitude et la célérité que je met¬ trai dans ces envois vous servent de preuves (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 220- (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 220* (3) Archives nationales, carton C 283, dossier SOI* 518 {Convention nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | 76 an" 1 J MB décembre 1793 de mon civisme et de mon amour pour la liberté, au dedans et au dehors. J’ai persécuté Bes ennemis et je leur ai juré une guerre impla¬ cable. l « Salut, union et fraternité. « Le commandant temporaire, ' « Feorenval. » Garnier, représentant du peuple à Alençon, annonce la victoire remportée au Mans sur les rebelles, par les troupes de la République, dans lesquelles s’est trouvée l’armée de Mayence, qui s’est si glorieusement battue dans les plaines de Dol. H annonce également que La Roche-jacquelin et un de ses aides de camp ont été tués par Westermann. Insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre de Garnier (2). Garnier de Saintes, représentant du peuple, à la Convention nationale. «•'Alençon, le 24 frimaire, l’an II de la République. « La ville du Mans, citoyens collègues, n’a pas été longtemps au pouvoir des brigands; nos braves républicains, du nombre desquels était l’armée. de. Mayence, qui s’est si glorieuse¬ ment battue dans les plaines de Dol, les ont chassés le 22, après un combat opiniâtre et san¬ glant. • « Leur artillerie leur a été presque toute enlevée, et la terreur poursuit tellement ces dévots sanguinaires, que dans les vingt-quatre heures, ils ont fait une fugue jusqu’à Laval. « Flous avons fait avertir toutes les communes environnantes de courir sur les fuyards, et de tous les côtés elles les arrêtent ou les fusillent; celle .de Confie en a arrêté pour sa part 72, et leur procès ne sera pas long. « Rossignol poursuit ces brigands avec une rapidité qui ne leur laissera l’espoir ni de se rallier ni de se grossir. « Ils conservent encore une sorte d’audace féroce au milieu de leur défaite, mais si on ne •les abandonne plus, et que surtout sans cesse harcelés pour nos troupes, ils ne puissent gagner le temps de sevépandre dans les campagnes et de s’y approvisionner, la famine achèvera de détruire en peu, ce qui aura échappé au fer de nos républicains. « -Salut~ et fraternité. G-arnier ( de Saintes ) . « P. S: Je" reçois dans ce moment une lettre de Beaumont, par laquelle on me marque que La Rochejacquelein et un de ses aides de camp ont été tués par Westermann (3). (1) Procgs-verbaux de la Convenlion, t. 27, p .220. • (2) Archives nationales, carton C 283, dossier 801. Journal des Débals el des Décrets (frimaire an II, n° 454, p. 358); Journal de la Montagne [n° 34 du 27 frimaire an II (mardi 17 décembre 1793), p. 272, col. 1]. (3) Applaudissements, d’après les Annales patrio¬ tiques et littéraires [n° 350 du 27 frimaire an II (mardi 17 décembre 1793), p. 1581, col. 1]. Les représentants du peuple à Commune-Affranchie font part à la Convention de leurs pénibles travaux, et de ceux de la Commission révolutionnaire, qui remplit ses devoirs avec une sévérité stoïque et une impartiale rigueur : ils annoncent qu’üs ont découvert le satellite Boumissac de Marseille, conduisant sa femme sur un âne, dans une retraite obscure; et l’ont fait conduire, de suite, dans cette commune, pour qu’ü expie, en présence du peuple, sa féroce oppression. Insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre des représentants du peuple à Commune-Affranchie (2). Les représentants du peuple envoyés dans Com¬ mune-Affranchie pour y assurer le bonheur du peuple avec le triomphe de la République, dans tous les déparlements environnants, et près Varmée des Alpes, à la Convention natio¬ nale. « Citoyens collègues, « Nous sommes arrêtés sans cesse dans la rapidité de notre marche révolutionnaire par de nouveaux obstacles qu’il faut franchir, par des complots toujours renaissants qu’il faut étouf¬ fer; notre pensée, notre existence tout entière sont fixées sur des ruines, sur des tombeaux, où. nous sommes menacés d’être ensevelis nous-mêmes. Et cependant nous éprouvons de secrètes satisfactions, de solides jouissances; la nature reprend ses droits, l’humanité nous semble ven¬ gée, la patrie consolée et la République sauvée, assise sur ses véritables bases : sur les cendres de ces lâches assassins. « Ah ! si une sensibilité aussi mal conçue que dénaturée n’égarait la raison publique, ne trom¬ pait la conscience générale, ne paralysait quel¬ quefois le bras nerveux qui est chargé de lancer la foudre populaire, si la justice éternelle n’était retardée dans son cours terrible par des excep¬ tions qui, pour épargner des larmes à quelques individus, font couler des flots de sang, si une sainte et courageuse proscription contre tous les oppresseurs était prononcée avec la même éner¬ gie dans toute l’étendue de la République, de¬ main Toulon serait évacué et nos infâmes ennemis, dans leur désespoir, tourneraient contre eux-mêmes leurs poisons, leurs poignards, ils s’anéantiraient de leurs propres mains. « Nous devoos donner un témoignage public d’estime aux travaux assidus de la Commission révolutionnaire que nous avons établie. Elle remplit ses devoirs pénibles avec une sévérité stoïque et une impartiale rigueur. C’est en pré¬ sence du peuple, sous les voûtes de la nature, qu’elle rend la justice, comme le ciel la rendrait lui-même. Des applaudissements nombreux et unanimes sanctionnent ses jugements, les con¬ damnés eux-mêmes qui, jusqu’à la lecture de (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 220. (2) Archives nationales, carton C 283, dossier 801. Supplément au Bulletin de la Convention nationale du 7e jour de la 3e décade du 3e mois de l’an II (mardi 17 décembre 1793); Moniteur universel [n° 87 du 27 frimaire an II (mardi 17 décembre 1793), p. 352, col. 2]. Aulard : Recueil des acles el de la correspon¬ dance du comilé de Salul public, t. 9, p. 363.