[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1790.] fondé à demander que la partie du décret rela-tiveà l’armement soit décrétée. M. Fréteau. Pour répondre à M. Rewbell, il suffit de rappeler que c’est par le roi que vous avez eu connaissance de la lettre de M. Fernand Nunez, de la demande de la régence d'Alger, etc. Tous ces objets jettent dans les esprits une telle agitation, que plusieurs municipalités maritimes ont mis en délibération d'armer les vaisseaux de l’État, sans attendre vos décrets; certainement cette conduite aurait été blâmée. Le projet qui en a été formé prouve combien il est nécessaire de prendre sur-le-champ un parti. M. Robespierre. Il n’y a jamais de circonstances as-ez urgentes pour forcer une Assemblée, qui délibère sur l’intérêt national, à décréter sans avoir approfondi la matière soumise à sa délibération. Il est certain que celle dont il s’agit maintenant est une des plus importantes qui puissent jamais vous occuper. A-t-on bien senti ce que c’est que de décréter tout d’un coup toutes sortes d’aii-liauces, de rétablir des traités que l’Assemblée ne connaît pas, qui n’ont jamais été examinés ni consentis par la nation ? M. l’abbé iMaury. Je demande que la discussion soit ouverte. M. de Mirabeau. J’allais faire cette demande, par cela même que la matière est également importante et pressante, et que c’est au moins un point de décence, que de n’en pas précipiter la détermination. La discussion peut donc être ouverte et continuée à demain. (On applaudit.) M. l’abbé Maury. Ce que je veux dire est fort court et peut rapprocher tous les esprits. Il y a dans le projet deux parties essentiellement distinctes; Tune tient à la Constitution, l’autre à l’administration du royaume. L’une est très urgente, tout ajournement serait dangereux; l’autre n’est pas aussi pressante; c’est donc la division que je vous demande. Pour rassurer votre allié sur les traités qui vous lient à lui, pour rassurer votre commerce, il faut décréter à l’instant l’observation provisoire des traités, et l’armement de 30 vaisseaux de de ligne. Si vous mêlez à cette disposition des articles constitutionnels, vous infirmerez la confiance de votre allié, en annonçant que vos délibérations rendront vos traités avec lui très contingents, très incertains. Remettez donc les articles constitution nels à un autre décret, pour que l’Europe n’apprenne pas le même jour, et que vous armez pour vos allié-, et que vous examinez leurs traités. Il est une réflexion que je n’ai pas encore vu faire dans cette Assemblée; on aura sans doute éprouvé de la surprise que M. Montmorin n’ait pas demandé aux Anglais les motifs de leur armement : les Anglais pourraient se taire, il est vrai, mais nous interpréterions leur silence. L’ambassadeur ale droit de demander officiellement que le cabinet s’explique.’ Je demande doue que le ministre de affaires étrangères soit invité à prendre ces informations; que les deux articles que j’ai présentés soient décrétés, et que les deux autres soient ajournés à un jour très prochain, que l’on pourrait indiquer dès à présent. M. Regnaud, (de Saint-Jean-d’Angély.)l\ est impossible de décréter la demande aujourd’hui et les motifs demain. J'appuie la proposition 287 faite par M. le rapporteur d’ouvrir la discussion et d'ajourner à la prochaine séance. M. du Châtelet. L’Angleterre avait Une querelle avec l’Espagne ; l’Espagne continuait d’armer, l’Angleterre ne pouvait cesser ses armements. Aux termes des traités elle vous a prévenus ; ainsi la surprise de M. l’abbé Maury n’est pas fondée. Quant à ce qui vous regarde, il est indispensable d’augmenter vos armements, puisque l’Angleterre et l’Espagne ne veulent désarmer que quand la question au fond sera décidée. Je conclus à ce que le décret proposé soit adopté sur-le-champ. (L’Assemblée délibère et la discussion est ajournée à demain.) M. de Broglie. Je suis chargé par les comités militaire, des rapports et des recherchas, de vous faire connaître la déclaration du régiment du roi , revenu à résipiscence. M. de Broglie lit cette déclaration, dont voici l’extrait : elle est datée du 20 août. — Nous soussignés, grenadiers, chasseurs et soldats du régiment du roi, ayant reçu une députation en forme de la garde nationale de Nancy, laquelle nous a représenté les suites fâcheuses dans lesquelles nous aurions pu tomber, supplions l’Assemblée nationale, le roi et nos chefs, d’oublier les fautes que nous avons pu commettre. Nous promettons obéissance à la discipline et à nos chefs respect et soumission aux décrets de l'Assemblée nationale, acceptés et sanctionnés par le roi. Nous prions la garde nationale de réclamer nos députés �arrêtés à Paris, et de demander à l’Assemblée nationale et au roi indulgence pour nous et pour eux. (Voy. aux Annexes de la séance la réponse des o f /iciers du régiment du roi au mémoire des soldats de ce régiment.) M. de Broglie. Les trois comités ont cru nécessaire de communiquer cette déclaration aux députés du régiment du roi, retenus aux Invalides; ces soldats ayant adhéré formellement, les comités me chargent de vous proposer d’ordonner l’impression de cette déclaration pour le bon exemple de l’armée. M. de Murinais. Il est nécessaire d’observer un usage fâcheux du comité. Le ministre désapprouve la conduite des soldats. Le comité militaire applaudit à leur conduite, ainsi on favorise les mouvements de l’armée. M. de Menou. Je déclare que ce que vient de dire le préopinant est une inculpation de toute fausseté. M. de iYoailles. Je ne pense pas que M. de Murinais ait parlé sans preuve. Alors le comité militaire mérite qu’on lui substitue d’autres membres. Je prie donc M. de Murinais d’administrer au moment même les preuves de ce qu’il vient de dire. M. de Murinais. Je n’ai d’autres preuves que la notoriété publique. Les soldats du régiment du roi, députés à Paris, sont une preuve pour moi. Le ministre 1rs envoie en prison, le comité les fait transférer aux Invalides. M. de Brogliè. J’avais l’honneur de présider les trois comités réunis. Les soldats avaient été arrêtés par les ordres de M. Bailly et conduits à Sa prison de l’abbaye Saint-Germain. M. Bailly 208 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1790.] fit avertir les cGmilés qui étaient réunis; et c’est sur la demande deMM. de Lafayette et Bailly, qui craignaient d’exciter des mouvements dans le peuple.... (Il s’élève des murmures dans la partie droite.) Les trois comités pensaient que les Invalides étaient un lieu de détention plus convenable -.ils prévinrent le mimstrequi, sur les ordres du roi, fit transférer les députés du régiment du roi. Il n’est donc pas vrai qu’un comité de l’Assemblée ait contrarié les intentions du ministre et donné des ordres aux soldats. M. de NToailles. Les comités réunis ne sont donc pas coupables du prétendu crime qu’on vient de leur imputer. Je demande à présenter encore des éclaircissements. Le ministre de la guerre a toujours prévenu le comité des mouvements qui avaient lieu dans les régiments : il a pensé que l’influence de l’Assemblée était nécessaire pour assurer et rétablir la subordination. Le ministre nous instruisit de l’arrivée des députés de Nancy, qui avaient un passeport de la municipalité et une autorisation de tous leurs officiers. Dans des conférences avec M. la Tour-du-Pin il fut décidé que ces députés ne seraient pas mis à la Force. Sur les ordres du roi, on les transféra ensuite aux Invalides. L'effet fâcheux des mesures qu on a prises a été le rétablissement de la subordination à Nancy. Plusieurs membres demandent que M. de Mûrirais soit rappelé à l’ordre. Une partie du côté gauche propose que l’on passe à l’ordre du jour. — Cette proposition est adoptée. Un de MM. les secrétaires fait lecture de deux lettres ; par la première, M. de la Tour-du-Pin annonce des mouvements dans le régiment de la reine; par la deuxième, la municipalité de Cambrai exprime des inquiétudes sur la garnison de cette ville. M. Barnave. On semble prendre plaisir à affliger l’Assemhlée par le récit des mouvements des régiments, et on ne nous parle pas des corps qui donnent des preuves de patriotisme et d’obéissance à la discipline. Plusieurs membres de l’Assemblée connaissent officiellement les dispositions des régiments de Bassigny, Foix, Mestre-de-Camp, cavalerie, etc., dont le nom n’a pas encore retenti dans cette salle. Je demande que les lettres qu’on vient d’annoncer soient renvoyées aux comités réunis, et que M. le président soit chargé d’écrire au ministre pour le prier de faire connaître les régiments qui ont donné des assurances de leur subordination. M. de Noailles. Je croirais manquer à mon devoir si, en appuyant ce que vient de dire M. Barnave, je ne parlais du régiment de Besançon, artillerie, en garnison à Strasbourg, et dont vous avez vu à la barre le chef, M. de Puységur. Ce régiment� a écrit à l’armée pour engager tous les corps à être fidèles à la discipline militaire. Ces soldats, pour qu’on ne les accusât pas des désordres qui pourraient avoir lieu dans les environs de la garnison, ont remis leurs permissions de sortir de la ville, permissions qu’ils avaient depuis six ans. (On applaudit.) (Les deux propositions de M. Barnave sont adoptées . ) (La séance est levée à trois heures et demie.) PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE du 25 AOUT 1790. Idées sur l’organisation du pouvoir judiciaire DANS PARIS, présentées au comité de Constitution, avant le décret du 25 août, par M. Talon , ancien lieutenant civil, député à V Assemblée nationale (1). Ceux qui n’approuvent point le décret qui vient d’être rendu sur l’organisation du pouvoir judiciaire dans Paris, semblent me faire un reproche de mon silence, dans une matière sur laquelle je pouvais, disent-ils, jeter quelques lumières, par les connaissances locales que je puis avoir acquises dans l’exercice des fonctions de lieutenant civil. Chef du Iribunal de la capitale et l’un des représentants de la nation, je serais en effet coupable envers mes concitoyens, si j’avais négligé de présenter au Corps législatif les idées qu’un peu d’expérience avait dû faire naître en moi, sur l’institution locale qu’exigeait une ville, qui, sous aucun rapport, ne peut-être assimilée aux autres villes du royaume. Mais ce devoir, que m’imposait le double titre de lieutenant civil et de député, je n’ai point négligé de Je remplir; et je m’en suis occupé de la manière qui devait être la plus efficace. Au lieu de me réserver l’éclat d’une discussion publique, dans laquelle j’aurais eu à combattre, sans doute, avec désavantage, l’opinion du comité de Constitution, j’ai soumis à ce comité mes idées et mes projets, dont j’ai remis copie à cet effet à quelques-uns des membres qui le composent, avant même qu’il se fût occupé de l’organisation générale de l’ordre judiciaire, dans le dernier plan qu’il a présenté ; c’est-à-dire aussitôt que le comité a eu publié quelques principes généraux , dans son rapport du mois de décembre 1789. Et lorsque les bases décrétées depuis ont changé ces principes, d’après lesquels j’avais dû moi-même opérer, je me suis occupé des changements nécessaires dans mon plan particulier, tandis que le comité s’occupait à refondre son plan général. Changements que je me proposais d’adresser au comité, ou de présenter dans la discussion dont j’attendais i’ajour-nement, après la publication des projets du comité sur cette institution particulière, que je regardais comme très importante. Ce que j’attendais, ce que je devais attendre, n’a pas eu lieu. Cette fois, le comité n’a fait imprimer aucun projet et la matière n’a point été ajournée. Après une lecture inattendue de quelques articles présentés par le comité de Constitution, dans la séance du 25 août, à laquelle je ne me trouvais pas dans ce moment, après une légère discussion, l’Assemblée nationale, se trouvant sans doute suffisamment éclairée sur cet objet, a décrété sur-le-champ les articles proposés; et je n’ai pu les connaître que par le décret qui les avait adoptés. Six tribunaux dans une même ville, cinq juges, arbitres souverains de fortunes immense», cette institution, je l’avoue, n’est point conforme au planque j’avais conçu ; néanmoins, je vais le (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.