392 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (28 avril 1191.1 espèce d’institution ; l’autre est un mot militaire que nous aurions pu nous dispenser de prononcer, ce me semble, dans l’organisation des gardes nationales. Car, Messieurs, prenez-y garde; si la garde nationale n’est pas la nation tout entière, je veux dire les hommes de la nation, c’est le corps le plus oppressif ; et s’il ne l’était pas, il le deviendrait en tombant dans les mains du premier qui voudrait s’en emparer. Il est donc très clair, Messieurs, qu’il faut discuter avec beaucoup de sagesse, avec beaucoup de temps la question de l’organisation des gardes nationales, sans s’embarrasser de la formation qui doit être extrêmement simple. Il est très certain que l’article 3 de votre comité semble consacrer un gouvernement aristocratique ; il est ainsi conçu : « Ceux qui, sans être citoyens actifs, ont servi depuis l’époque de la Révolution, et qui sont actuellement en état de service habituel, pourront, s’ils en sont jugés dignes, être honorablement maintenus par délibération des conseils généraux des communes dans le droit de continuer leur service. » Vous avez été embarrassés entre la proposition de n’admettre dans la garde nationale que des citoyens actifs, et le besoin que vous avez d’être justes et de rendre aux hommes, qui ont bien mérité de la patrie, la justice qui leur est due dans ce moment-ci, et que certes vous n’avez point le droit de leur ôter; et, pour vous tirer de celte position, on vous propose de donner aux conseils de communes le droit de prononcer arbitrairement sur les citoyens, de leur attribuer une des fonctions les plus dangereuses de l'ordre judiciaire. Il suivra de là qu’il y aura autant de cabales, autant de factions qu’il y aura de conseils de commune. Permettez-moi d’observer que dans une révolution il faut que les lois soient générales et claires, et très certainement je ne connais pas une loi plus arbitraire qu’une loi qui dit : « Ceux qui en seront jugés dignes par les conseils généraux des communes. » Ainsi des conseils généraux de communes, organisés sous une mauvaise influence, sous l’influence des aristocrates, ne jugeront dignes d’être dans la garde nationale que les aristocrates. ( Rires à droite.) Vous voulez ramener la tranquillité publique : Eh bien! Messieurs, cet article-là suffit pour la troubler dans toutes les parties du royaume. Il faut que la tranquillité soit établie par la loi, il faut que la loi soit générale. Si vous établissez qu’il n’y a que les citoyens actifs qui seront dans la garde nationale, il faut que vous en chassiez tous les citoyens courageux qui ont exposé leur vie pour la patrie sous les murs de la Bastille, et partout où le danger existait ; il faut que vous les y mainteniez, et il faut que la loi le veuille, non par la protection et non par une décision arbilraire de tous les conseils généraux de toutes les villes du royaume. Dans les réflexions qui ont été faites par tous ceux qui ont parlé sur la matière qui nous occupe, matière extrêmement abstraite et extrêmement simple, ou a avancé d’étranges propositions. Je citerai l’opinion de M. Lanjuinais. M. Lanjuinais a partout comparé les gardes nationales avec les troupes de ligne, revendiquant toujours entre elles une espèee d’égalité et d’équilibre. Mais maintenant que, pour le bonheur des hommes, la profe sion militaire n’est plus comme autrefois la plus honorable profession, le premier des états; maintenant que l’état civil est au-dessus de l’état militaire, M. Lanjuinais, lorsqu’il réclamait cette égalité, ne réfléchissait pas que les troupes de ligne sont à la solde des gardes nationales ( Murmures à droite.) -y que ces derniers sont la souveraineté nationale. ( Applaudissements à gauche et dans les tribunes ; Rires à droite.) Il ne peut y avoir rien de commun entre une garde nationale et un soldat des troupes de ligne ; que ce qu’a dit Montesquieu... Plusieurs membres à droite : Ah ! ah I M. Charles de Lameth. « Dans les gouvernements libres, a-t-il dit, les citoyens doivent être égaux. » Prenez garde dans l’organisation de la garde nationale, de perdre de vue ce principe. Si votre organisation des gardes nationales met un individu dans la position qu’il puisse se faire craindre par un autre individu, votre organisation des gardes nationales tuera votre Constitution. Il y a une chose que le comité a oublié dans son rapport, c’est que l’officier de la garde nationale ne sera le supérieur de ses soldats que dans le temps du service. Autrement un homme, à la faveur d’une épaulette ou d’un hausse-col, détruirait l’égalité politique, et serait au-dessus des autres citoyens. Il faut, Messieurs, que le service de la garde nationale soit très distinct du service des troupes de ligne; il faut que, quand une municipalité requiert un détachement, ce détachement soit subordonné à son capitaine; hors du service, la marque extérieure de supériorité se met dans la poche, et l’égalité renaît. {Applaudissements.) Permettez-moi de parler au nom de cette égalité politique qui est la base de votre Constitution et de citer encore Montesquieu : « Dans un gouvernement despotique, dit-il, tous les hommes sont égaux parce qu’ils ne sont rien. Dans un gouvernement libre, tous les hommes sont égaux, parce qu’ils sont tout. » Et c’est parce que cette égalité politique est nécessaire au maintien du gouvernement que les despotes même l’ont consacrée. Les tyrans de la Turquie ne finissent nar envoyer des muets à ceux qu’ils ont le plus comblé de leurs faveurs, qu’afin de ramener le peuple à cette égalité nécessaire ; et c’est comme cela que les despotes maintiennent l’égalité politique {Applaudissements)-, mais, chez un peuple libre, cette égalité doit avoir la loi pour unique base. L’égalité est donc la consolation des esclaves et la force des hommes libres. Si l’Assemblée contrevenait à ces principes, elle détruirait la liberté. (La discussion générale est fermée.) M. Rabaud-Saint -Étienne, rapporteur. Voici le premier article de notre projet de décret : Art. l8r. « Les citoyens actifs s’inscriront, pour le service de la garde nationale, sur des registres qui seront ouverts à cet effet dans les municipalités de leur domicile, ou de leur résidence continuée depuis un an; ils seront ensuite distribués par compagnies, comme il sera dit au titre suivant. » M. Buzot. Je ne sais pas pourquoi M. le rapporteur n’adopte pas l’article présenté par les préopinants. Ne faites pas entre le citoyen actif et le citoyen passif de distinction dangereuse. Si ar de bonnes raisons vous avez voulu que cette ernière classe ne participât point à la souveraineté, vous devez aujourdliui les rattacher à l’or-