680 [19 décembre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. bliques recevront ces billets. Il faut se contenter de dire dans le décret: « continueront comme par le passé » . M. de ©azalès représente la nécessité de rendre une loi très-claire ; il propose de nouveau son amendement, en supprimant ce qui regarde les caisses des provinces. M. le eomtede Dieuzie. Je présente cette rédaction : « Les billets delà caisse d’escompte continueront à être reçus dans toutes les caisses publiques et particulières de Paris, comme par le passé, et le seront dans les caisses publiques de province, etc. » M. Camus. Si vous mettez : « continueront comme par le passé », vous autorisez les arrêts du conseil , et vous fixez exclusivement aux caisses de Paris l’obligation de recevoir ces billets. Les principes d’égalité et de liberté seront violés d’une manière également ruineuse pour Paris et pour les provinces: si ces billets ne circulent que dans Paris, bientôt la capitale n’aura plus de numéraire; elle ne pourra faire ses approvisionnements, ou bien elle gardera celui qu’elle a, et fera les visites les plus rigoureuses pour rem-pêcher de sortir de ses murs. Je demande qu’il soit dit que les billets seront reçus dans les caisses publiques de Paris et des provinces ; que la caisse d’escompte payera 300,000 livres de billets par jour, et qu’il soit fait un règlement pour ce payement. M. Anson. Je considère la rédaction de M. de Dieuzie comme la moins susceptible d’inconvénients. Il y aura à Paris moins de papier et plus de numéraire; ainsi les avantages pourront être compensés. Je demande cependant la priorité pour la rédaction du comité. M. de Cazalès. M. Necker nous a dit positivement que si ces billets étaient reçus dans les caisses de province, il n’arriverait pas un sou au Trésor royal. M. de Tracy. J’adopte la rédaction de M. de Dieuzie; mais je voudrais que l’on ajoutât qu’il n’y aura pas de billet au-dessous de 200 livres. M. de Fontenay. En Normandie, nous répandons dans les campagnes plus de 3 millions en petites sommes, et nous prenons ces fonds dans les caisses publiques contre des valeurs : si ces caisses reçoivent des billets, nous n’aurons plus cette ressource : on viendra de Paris apporter des billets pour remporter de l’argent. M. de Lafare, évêque de Nancy, propose pour amendement à l’article : « 11 en sera usé comme par le passé pour la circulation des billets, etc. » M. de Pardieu. Je demande la question préalable sur tous les amendements. M. de Afontlosier. Je demande qu’ils y soient soumis séparément. L’Assemblée, après avoir décidé que la question préalable portera sur tout l’ensemble, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Elle adopte le premier article du projet de décret, à une grande majorité. M. le comte de Pardieu. Le principe étant décrété, je demande qu’on passe aux voix sur tous les autres articles, sans division. Cette proposition est attaquée, puis accueillie par l’Assemblée; et les autres articles du premier décret proposés par le comité sont adoptés à une grande majorité ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète : « i° Que les billets de la caisse d’escompte continueront d’être reçus en payement dans les caisses publiques et particulières, jusqu’au 1er juillet 1790 ; elle sera tenue d’effectuer ces payements à bureau ouvert à cette époque. « 2° La caisse d’escompte fournira au Trésor public, d’ici au 1er juillet prochain, 80 millions en ses billets. « 3° Les 70 millions déposés par la caisse d’escompte au Trésor royal, en 1787, lui seront remboursés en annuités, portant 5 0/0 d’intérêts, et 3 0/0 pour le remboursement du capital en vingt années. « 4° Il sera donné à la caisse d’escompte, pour ses avances de l’année présente, et des six premiers mois de 1790, 170 millions en assignats sur la caisse de l’extraordinaire, ou billets d’achats sur les biens-fonds qui seront mis en vente, portant intérêt à 5 0/0, et payables à raison de 5 millions par mois, depuis le 1er juillet 1790 jusqu’au 1er juillet 1791 ; et ensuite, à raison de 10 millions par mois. « 5° La caisse d’escompte sera autorisée à créer 25,000 actions nouvelles, payables par sixièmes, de mois en mois, à compter du 1er janvier prochain, moitié en argent ou en billets dé caisse et moitié en effets qui seront désignés. « 6° Le dividende sera fixé invariablement à 6 0/0: le surplus des bénéfices restera en caisse, ou dans la circulation de la caisse, pour former un fonds d’accumulation. » 7° Lorsque le fonds d’accumulation sera de 6 0/0 sur le capital de la caisse, il en sera retranché 5, pour, être ajoutés au capital existant alors, et le dividende sera également payé à 6 0/0 sur ce nouveau capital. « 8° La caisse d’escompte sera tenue de rembourser à ces actionnaires 2,000 livres par action, en quatre payements de 500 livres chacun, qui seront effectués le 1er janvier 1791 , le 1er juillet de la même année, le 1er janvier 1792 et le 1er juillet suivant. » On fait lecture du second projet de décret. Une grande partie de l’Assemblée demande à aller aux voix sur-le-champ. Une autre partie veut quitter la séance, et sort de ses bancs. M. l’abbé de Montesquiou demande la parole : il monte à la tribune. On observe que la discussion étant fermée sur le plan, on ne peut entendre personne que pour des amendements. M. l’abbé de Montesquiou. Je ne veux pas abuser des moments de l’Assemblée, puisquils lui paraissent si précieux. Mais il est des positions où l’on ne peut garder le silence. Le décret dont il s’agit me paraît compromettre les intérêts des provinces, des rentiers et des titulaires des bénéfices ..... Vous jetez gaiement en vente des biens pour 400 millions, sans avoir consulté les provinces, quoique vous vous y soyez engagés par votre décret du 2 novembre. On interrompt, en rappelant que la discussion est fermée par un décret, et qu’elle ne peut être reprise que par un autre décret. [Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 décembre 1789.] M. l’abbé de Montesqaion continue : J’observe à quelques membres de l’Assemblée qu’ils sont les plus forts, et je demande qu’ils aient la générosité de m’entendre. Des provinces sont dans une telle supériorité de biens ecclésiastiques, qu’il serait impossible d’exécuter ledécret que vous voulez rendre.... L’hypothèque des rentiers se réduirait en longs et interminables débats entre eux et les provinces.... Vous bouleverseriez à la minute peut-être une partie du royaume ..... Les intérêts des titulaires devraient aussi être considérés. Il est dans votre intention d’assurer leur sort; il est dans votre devoir d’assurer le service divin. Vous ne pouvez vendre qu’après avoir combiné les dépenses et les moyens; ce n’est que d’après cette combinaison que vous pouvez avoir des résultats. (L’Assemblée est consultée; elle ferme de nouveau la discussion.) M. le Président lit un article que l’on propose d'ajouter. M. l’abbé .11 au r y l'interrompt et dit : Vous recevrez comme protestation.... (Il ne peut achever.) M. le curé de... : Entendez M. l’abbé Maury, sinon nous allons tous réclamer. M. l’abbé...; Allons-nous-en tous. Une partie de l’Assemblée quitte les sièges. M. l’ahbé Maury. Qu’on me donne la parole, ou que l’on continue la séance à lundi. M. le Président lit un article que M. le baron d’Allarde propose d’ajouter; et qui a pour objet la nomination d’une commission pour surveiller l’émission des billets et la rentrée des valeurs à la caisse... M. d’Allarde consent à l’ajournement à lundi, pour passer au décret. M. le marquis d’Estourmel propose de comprendre les domaines dans les renseignements à demander aux provinces et dit qu’il serait indispensable de connaître l’état des domaines de la Couronne qu’on propose d’aliéner. M. Anson, membre du comité, répond que le comité a reçu un état détaillé se rapportant à l’année 1787. M. le marquis d’Estourmel consent à l’ajournement de sa motion. M. Bergasse. Je demande à combattre la création des assignats-monnaie qui causeraient la ruine de nos tinances et celle du pays tout entier. ( Voyez aux Annexes la protestation de M. Bergasse .) M. le Président. La discussion a été fermée. Vous ne pouvez pas avoir la parole puisqu’il ne s’agit pas d’un amendement. On demande à aller aux voix, et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète les articles ci-après : « Art. l«r. Il sera formé une caisse de l’extraordinaire, dans laquelle seront versés les fonds provenant de la contribution patriotique, ceux des ventes qui seront ordonnées par le présent décret, et toutes les autres recettes extraordinaires de l’Etat. « Les deniers de cette caisse seront destinés à payer les créances exigibles et arriérées, et à rembourser les capitaux de toutes les dettes dont l’Assemblée nationale aura décrété l’extinction. « Art. 2. Les domaines de la couronne, à l’exception des forêts et des maisons royales dont Sa Majesté voudra se réserver la jouissance, seront mis en vente, ainsi qu’une quantité de domaines ecclésiastiques, suffisante pour former la valeur de 400 millions. « Art. 3. L’Assemblée nationale se réserve de désigner incessamment lesdits objets, ainsi que de régler la forme et les conditions de leur vente, après avoir reçu les renseignements qui lui seront donnés par les assemblées de département, conformément à son décret du 2 novembre. « Art. 4. Il sera créé sur la caisse de l’extraordinaire des assignats de 1,000 livres chacun, portant intérêt à B 0/0, jusqu’à concurrence de la valeur desdits biens à vendre, lesquels assignats seront admis de préférence dans l’achat desdits biens. Il sera éteint desdits assignats, soit par lesdites ventes, soit par les rentrées de la contribution patriotique, et par toutes les autres recettes extraordinaires qui pourront avoir lieu, 100 millions en 1791; 100 millions en 1792; 80 millions en 1793, 80 millions en 1794 et le surplus en 1795. « Lesdits assignats pourront être échangés contre toute espèce de titres de créances sur l’Etat, en dettes exigibles, arriérées ou suspendues, portant intérêt. » M. le Président lève la séance, après avoir indiqué celle de lundi pour neuf heures du matin . ANNEXES à la séance de l'Assemblée nationale du 19 décembre 1789. Protestation de M. Bergasse, député de Lyon , contre les assignats-monnaie (1). On travaille dans l’ombre, et pendant des mois entiers, des projets désastreux ; on en prépare le succès par des coalitions perfides, et on ne laisse que des minutes pour y répondre. Je n’ai pas assez de temps pour examiner en détail les divers projets présentés à l’Assemblée, sur la nécessité de faire circuler en France des assignats-monnaie; mais il me semble qu’il n’est besoin que d’un petit nombre de réflexions pour démontrer l’absurdité de tous ces plans , et surtout pour faire connaître les conséquences cruelles, et malheureusement irréparables, qu’ils entraînent après eux. Faut-il des assignats-monnaie? Je ne puis répondre à -cette question qu’en examinant d’abord ce que seront dans les circonstances où nous sommes, les assignats-monnaie qu’on nous propose, et ensuite quelle sera leur influence sur le commerce et la circulation du numéraire dans l’Etat. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.