SÉANCE DU 13 FRUCTIDOR AN II (30 AOÛT 1794) - N08 32-36 103 Article premier. Il sera fait mention honorable dans le bulletin de la République du dévouement civique du citoyen Fougerolles, qui, au péril de sa propre vie, a sauvé celle de deux enfans prêts à devenir la proie des flammes. Art. II. La Trésorerie nationale fera passer une somme de quatre cents livres au citoyen Ferrant, charron, et pareille somme au citoyen Clauziers l’aîné, charpentier, à titre de récompense, pour avoir contribué par leurs efforts et par une activité extraordinaire à éteindre l’incendie, et à préserver plusieurs habitans de ses ravages. Art. III. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (68). 37 La Convention nationale, sur le rapport de son comité de Liquidation, décrète: Il sera payé par la Trésorerie nationale, à titre de secours annuel et viager, au citoyen Nicolas Raulet, garde national de la section de la Fontaine-de-Grenelle, qui, étant de service au quartier, rue Dominique, le 22 février 1792, reçut sur la main gauche un coup de sabre dont il est resté estropié pour la vie, la somme de quatre cent quatre-vingt six livres treize sous quatre deniers, à compter du jour de sa blessure, en se conformant à toutes les lois rendues pour les pensionnaires de l’Etat. Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance (69). 38 Il s’élève des réclamations à la lecture du décret rendu hier ensuite de la dénonciation de Le Cointre : le rapport en est demandé (70). Un secrétaire fait lecture de la rédaction du décret portant que la Convention passe à l’ordre du jour sur les inculpations dirigées par Le Cointre (de Versailles) contre sept représentants du peuple (71). ROUX (de la Haute-Marne) : Citoyens, l’orage qui agitait hier la Convention nationale ne permit pas de prendre une délibération qui pût fixer par un décret digne d’elle et du peuple français l’opinion publique sur l’espèce d’acte d’accusation porté contre les membres de ses comités de Salut public et de Sûreté générale. Un sentiment unanime d’indignation dont tous (68) P.-V., XLIV, 228-229. C 318, pl. 1281, p. 32, minute signée de Paganel. Décret n° 10 644. (69) P.-V., XLIV, 229. C 318, pl. 1281, p. 34, minute signée de Ch. Pottier. Décret n° 10 643. Bull., 14 fruct. (70) P.-V., XLIV, 229. (71) Débat reproduit du Moniteur (XXI, 626-642). Les variantes des journaux sont données entre crochets. les membres furent pénétrés, en entendant la lecture rapide de vingt-sept prétendus chefs d’accusation, évidemment dirigés contre la Convention nationale, et dont on n’administrait aucune preuve sensible, dicta, nous n’en doutons pas, le décret d’ordre du jour qui termina la séance. Mais ce qui suffisait pour notre conviction ne détruirait pas efficacement les impressions défavorables que la malveillance s’efforce de faire naître dans les esprits des citoyens peu éclairés, faciles à séduire, ou éloignés du lieu de nos séances, et pour qui les faits dénaturés par des journaux perfides ne conservent plus leur caractère de vérité. Une nouvelle lecture de la prétendue dénonciation, une discussion solennelle des faits contenus dans les pièces qu’on dit l’appuyer, la faculté de répondre donnée aux membres sur qui on paraît vouloir déverser le blâme et le mépris, ou appeler la sévérité des lois, peuvent seules instruire utilement le peuple, et le convaincre que les membres accusés ne craignent point de rendre compte à la nation de ce qu’ils ont fait pour son salut. Ils appellent eux-mêmes cette discussion, et vous demandent la même justice que vous avez accordée à celui qui s’est annoncé pour leur dénonciateur. Je la réclame aussi, citoyens, ou plutôt c’est la Convention toute entière qui la juge indispensable pour dissiper les nuages que la malveillance ne manquerait pas d’élever sur la pureté des représentants du peuple. Ce n’est point des individus dont nous avons à nous occuper, mais des faits contenus dans la dénonciation. Une discussion solennelle peut seule nous faire porter un jugement équitable dans cette importante affaire. Je demande donc que la Convention nationale entende une nouvelle lecture de la dénonciation et des pièces à l’appui; que les accusés soient successivement entendus sur les faits à eux imputés, afin que la Convention nationale prononce ensuite définitivement. DUHEM : La seule motion d’ordre que l’on puisse faire en ce moment, c’est de demander que les accusateurs et les accusés soient entendus. Je demande que le président ne puisse lever la séance sans qu’un décret formel le lui ordonne. Je demande aussi que le président interpelle ceux des membres qui veulent soutenir l’accusation de Le Cointre de déclarer ce qu’ils ont à dire contre les accusés; car, n’en doutez pas, citoyens, il y a des hommes qui se cachent derrière Le Cointre. LE PRÉSIDENT : La Convention nationale a rendu hier un décret; mon devoir est de la consulter pour savoir si son intention est de le maintenir. (Murmures.) BOURDON (de l’Oise) : Je demande la parole contre le président. LE PRÉSIDENT : Tu l’as. BOURDON (de l’Oise) : Je demande à parler contre le président sur ce qui s’est passé hier et aujourd’hui. Je n’inculpe pas ses intentions sur ce qu’il a fait hier; peut-être un mouvement de sensibilité l’a-t-il déterminé à lever la séance, 104 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE afin de faire cesser le désordre qui s’était manifesté; mais aujourd’hui je lui observe qu’aucun président n’a le droit d’émettre son opinion tant qu’il occupe le fauteuil. [Mais aujourd’hui, rendus à la justice, nous devons entendre, les accusés, et prendre ensuite tel parti que la raison dictera. Citoyens, il est temps enfin que la vérité paroisse.] (72). Le décret d’hier fut un décret de sentiment plutôt qu’un décret de justice. L’assemblée, indignée de voir que, sous prétexte d’accuser sept membres, on attaquait la Convention nationale elle-même, a... (Murmures.) Oui, citoyens, cet acte d’accusation, dirigé contre sept membres parce qu’ils n’ont pas plus tôt frappé le tyran, porte directement sur la Convention nationale elle-même. Citoyens, aujourd’hui que nous sommes rendus à la justice, nous devons, après avoir cédé à un mouvement de sentiment qui honore la Convention, entendre les accusés, et prendre ensuite tel parti que la justice dictera. J’appuie la proposition de Duhem, et je demande que le président ne puisse lever la séance que quand la Convention le voudra. TURREAU : Je demande la parole pour ramener la discussion à son véritable objet. Citoyens, j’ai vu avec douleur que dans cette discussion les personnalités prenaient la place de l’intérêt général que la Convention nationale doit toujours avoir en vue. La Convention nationale veut que tout soit approfondi, et la France, qui a les yeux fixés sur nous, le veut aussi. Je demande, pour l’honneur des principes, que nous ne nous occupions d’aucun intérêt particulier, d’aucun individu, mais de la chose publique. [Applaudissements] (73). Je m’oppose à ce qu’un décret prescrive au président la durée des séances. Un membre : Je demande qu’on reprenne la discussion au terme où elle était hier, et que Le Cointre lise les pièces qu’il a annoncées. (Applaudissements.) LE COINTRE (de Versailles) : Citoyens collègues, vous aviez passé à l’ordre du jour sur les reproches qui ont été faits à plusieurs représentants du peuple; l’homme qui les avait présentés a prouvé qu’il savait obéir à vos décrets, puisqu’il a su s’oublier et se taire. On demande maintenant que je lise les pièces que j’avais hier; elles sont chez moi, je vais aller les chercher. Citoyens, je suis, si je peux m’exprimer ainsi, l’un des pères de la Révolution. (Murmures.) Citoyens, je me suis trompé, j’ai parlé de moi... Je demande la permission d’aller chercher les pièces chez moi; et cependant, comme une des pièces principales, que j’ai remise hier à Fréron, qui l’a donnée au président, ne se retrouve pas, je... (Les murmures continuent.) Point de prévention, citoyens collègues; vous êtes juges... Croyez-vous m’étonner ? Non, vous ne me connaissez pas. La pièce qui se trouve égarée (72) Débats, n° 710, 220. (73) D’après Débats, n° 710, 221. existe en original; elle est entre les mains de la commission chargée de lever les scellés chez Robespierre et ses complices; j’espère que vous me permettrez d’aller la prendre. CLAUZEL : La commission ne peut, sans un décret, se déssaisir de cette pièce. TALLIEN : Je ne m’attendais pas que l’on reviendrait aujourd’hui sur la discussion d’hier, et j’espérais, en sortant de cette enceinte, que la division que l’on avait voulu semer parmi nous était étouffée. Une voix : C’est toi qui la sèmes. TALLIEN : Je vous répondrai ensuite. TURREAU ; Je déclare qu’il n’ y a que les passions qui ne sont pas tranquilles ici. (Applaudissements.) TALLIEN : Je répète ce que je disais; j’établirai les principes, je répondrai ensuite aux passions; s’il est des hommes qui, par des personnalités et des injures, veulent perdre la chose publique, je leur déclare qu’ils trouveront ici des hommes qui les combattront jusqu’à la mort, en ne s’attachant qu’aux principes. (Applaudissements.) Le président annonce que la pièce qui était égarée vient d’être retrouvée. TALLIEN : Oui, il est temps que les passions se taisent devant l’intérêt public; il est temps que nous sachions qui nous sommes, si nous sommes dignes de représenter le peuple, si nous sommes envoyés ici pour consommer son bonheur, ou bien si nous nous trouvons dans une arène de gladiateurs. Vous avez rendu hier un décret dont on demande aujourd’hui le rapport; on veut que la Convention, se transformant en tribunal, entende la lecture des pièces de l’accusation, on disait hier derrière moi qu’il fallait forcer Le Cointre à nommer ceux qui l’avaient poussé à faire cette démarche. On retrouve la même opinion dans les journaux de certains hommes. On veut donc renouveler la querelle en déchirant le sein de la patrie; on veut aiguiser les poignards de l’aristocratie ! Nous vous déclarons que nous attendrons avec calme et tranquillité tout ce qu’on pourra faire contre nous; mais nous vous déclarons aussi que nous combattrons tous les hommes qui ne veulent pas la liberté, tous ceux qui ne veulent pas se rattacher aux principes. Vous avez passé hier à l’ordre du jour sur la dénonciation qui vous fut faite; vous pouvez donc éteindre cette dispute, vous pouvez donc laisser respirer la patrie; ou si l’on veut renouveler cette dispute, si l’on veut que sans cesse la discorde règne ici, nous demanderons la lecture des pièces, l’audition des témoins; nous demanderons enfin que tout soit mis dans le plus grand jour; et le peuple, témoin de nos débats, verra qui sont ceux qui veulent établir la liberté; il verra aussi quels sont ceux qui veulent mettre à la place de la justice le système de terreur. Je vous adjure, représentants de la France, d’oublier toute haine, d’étouffer tout ressentiment. Il est ici des hommes que je n’estime pas, mais SÉANCE DU 13 FRUCTIDOR AN II (30 AOÛT 1794) - N° 38 105 jamais ressentiment ne m’engagera à porter atteinte à la représentation nationale. Soyons unis pour le bonheur du peuple; soyons unis pour faire de bonnes lois, pour empêcher que le système de Robespierre ne se continue plus longtemps. Que tout le monde consente à anéantir ces pièces qui peuvent amener des résultats si fâcheux. (Murmures.) Je demande que la Convention maintienne son décret d’hier; ou, si l’on veut rouvrir la discussion, qu’elle s’engage solennellement. Nous paraîtrons à cette tribune, nous y dévoilerons tous les faits, et, quand nous ne serions que la minorité, nous combattrons jusqu’à la mort pour les principes; nous aurons peut-être mis pour quelques instants la patrie en péril... (Non, non, non ! s’écrie-t-on de toutes parts.) LEGENDRE : Il est écrit dans le code des nations que tout peuple qui, après avoir fait une révolution, a regardé derrière lui, n’en a jamais atteint le but. (Applaudissements.) Après la chute de la Bastille, le peuple s’endormit un instant, et la révolution fut retardée; mais depuis le 10 août il ne s’est point retourné; il a imité ses défenseurs, qui portent la mort sur nos ennemis; il veut marcher droit au but, à l’affermissement de la liberté, comme le voyageur qui continue sa route sans s’embarrasser des insectes qui bourdonnent à ses oreilles. Quand donc la Convention cessera-t-elle de rendre aujourd’hui un décret et de le rapporter demain, parce qu’il ne plaira pas à quelques individus ? Je savais que Le Cointre voulait faire une dénonciation; je lui dis que la première chose qu’il avait à examiner était de savoir si elle était profitable ou non à l’intérêt général; je lui démontrai que le bien public voulait qu’il ne la fît pas. Le Cointre m’avait donné sa parole d’honneur qu’il se tairait, et cependant il y a manqué; Le Cointre ne sait donc pas qu’une parole d’honneur est un billet au porteur ? Citoyens, empêchons le déchirement de la république; souvenons-nous que les choses qui sont bonnes dans des circonstances sont mauvaises dans d’autres, et que si nous faisons le procès à un événement six semaines ou un mois après qu’il sera arrivé, nous pouvons risquer de rendre coupables tous les patriotes. Je vous demande, par exemple, si l’on doit poursuivre aujourd’hui ceux qui ont brûlé des châteaux dans le commencement de la révolution et qui ont tant coopéré à la destruction de la féodalité. Je demande que la Convention maintienne son décret d’hier, et qu’on passe à l’ordre du jour. L’Assemblée maintient son décret, plusieurs membres font éclater de violents murmures. DUHEM : Voulez-vous que le peuple croie que nos collègues n’ont pu répondre à leur dénonciateur ?... (Il continue de parler dans le bruit.) VADIER : Citoyens, hier, un mouvement de sensibilité me faisait préférer la mort au décret d’ordre du jour que vous avez rendu; j’exprimai ce sentiment à la tribune; je n’étais plus maître de mes facultés; ne pouvant être entendu, je ne voyais que la honte dont on voulait me couvrir, et je ne voulais pas y survivre. Citoyens, on m’a accusé d’un fait qui a causé dans mon âme un fort mouvement d’horreur; si je m’en étais rendu coupable, je mériterais mille fois la mort. Le voici : Le Cointre a dit que j’étais du nombre de quelques-uns de mes collègues qui avaient influencé les jurés dans le jugement de Danton et autres. Citoyens, le jour où Danton fut condamné, je fus au tribunal avec mes collègues Thirion et Dupin. Nous fûmes introduits dans une petite pièce d’où nous pouvions entendre les débats sans être aperçus des accusés. Je n’aurais pas même été ce jour-là au tribunal si je n’avais appris que les accusés inculpaient le comité de Sûreté générale, et que je serais peut-être entendu comme témoin. Voilà le premier fait pour lequel je figure nominativement dans cette accusation. Les faits relatifs à l’administration sont communs aux membres des deux comités. Si la loi du 17 septembre nous a quelquefois obligés de prendre des mesures de rigueur, la plus profonde douleur les a précédées. Je suis venu, au nom du comité de Sûreté générale, demander la liberté des cultivateurs dont on avait résolu la perte. On m’a reproché d’avoir soutenu Héron. Je n’entre pas ici dans la question de savoir s’il est coupable ou non. Tout ce que je puis dire, c’est que j’ai signé son mandat d’arrêt. Citoyens, vous avez rejeté avec horreur l’idée que nous pussions être coupables des faits qu’on nous impute. Je déclare en présence de la France entière et au nom de mes collègues, à l’exception d’un seul, avec lequel, par un excès de perfidie, on nous a accolés, que les chefs d’accusation portés contre nous sont de la plus atroce calomnie... [On m’a mis en balance avec la patrie. Je...] (74). BILLAUD-VARENNE : J’observe qu’il ne s’agit pas ici de s’isoler; l’accusation porte sur tous, nous devons tous répondre. (On applaudit.) VADIER : Je n’ai pas entendu me soustraire à la généralité des faits qui portent sur mes collègues; s’ils sont coupables, je le suis aussi. J’ai seulement voulu répondre aux faits qui m’étaient particuliers. Il n’y avait que moi d’inculpé pour Héron et pour le jugement du tribunal révolutionnaire relatif à Danton; je devais donc y répondre, et déclarer que je n’étais pas solidaire avec David; mais je ne m’isolerai jamais de mes autres collègues. Lorsqu’on a proposé hier de passer à l’ordre du jour sur les inculpations de Le Cointre, j’ai entendu dire que, si on n’adoptait pas cette mesure, ce serait produire des déchirements qui ne pourraient qu’être funestes à la Patrie. Si cela est, je me sacrifie, et je consens à ce que le décret rendu hier soit maintenu. (Non, non ! s’écrie-t-on dans une partie de la salle, il faut faire justice de cette indigne accusation.) Le président met aux voix l’ordre du jour; il est rejeté. (74) Débats, n° 710, 224. 106 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE TURREAU : Et moi aussi j’avais invité Le Cointre, si cette discussion pouvait nuire à la chose publique, de ne pas la faire naître; je sentais qu’il pouvait en résulter une pénible situation pour la Convention nationale et un déchirement pour la patrie. (Murmures.) J’observe à la Convention que je parle dans la pureté de mon cœur; il est possible qu’il m’échappe quelques erreurs; je la prie de m’excuser. Citoyens, l’oreille du peuple est frappée; les dénonciations ont été faites dans le sein de la Convention nationale; devons-nous, sans une discussion approfondie, passer à l’ordre du jour sur les inculpations qui ont été faites à plusieurs de nos collègues ? Je ne le crois pas. Je pense que d’abord la Convention doit prendre une déterminatin quelconque, soit de renvoyer à une commission (murmures), soit de juger elle-même, toujours après avoir entendu les accusés; mais j’en reviens à dire que vous ne pouvez passer à l’ordre du jour. (Applaudissements.) Après plusieurs débats la Convention rapporte son décret d’hier : elle décrète en outre l’impression des pièces annoncées par Le Cointre, et que les représentans du peuple inculpés sont autorisés à faire imprimer tous leurs moyens de justification. [Thirion prétend que les pièces qu’on va lire, fussent-elles concluantes en faveur des faits cités, ne prouvent rien contre les membres inculpés, qui ont agi au nom du comité, c’est-à-dire de la Convention, par conséquent de la République entière. (75)] Billaud-Varenne demande qu’on lise les pièces; il prétend que le grand argument qu’on a fait valoir hier, a été qu’on avait étouffé la voix de l’accusateur, et qu’il ne croit pas que la Convention nationale ait pu rendre un décret qui puisse suffisamment éclairer le peuple sans avoir entendu cette lecture (76). BILLAUD-VARENNE : Je demande qu’on lise toutes les pièces; le grand argument qu’on a fait valoir hier a été qu’on avait étouffé la voix de notre accusateur, et qu’on avait beaucoup de pièces à lire. Je ne crois donc pas que la Convention nationale ait pu rendre un décret qui puisse suffisamment éclairer le peuple sans avoir entendu cette lecture; c’est dans ces pièces que doit se trouver la réalité de l’accusation; je demande qu’elles soient lues. AMAR : Je demande que la parole me soit accordée après la lecture des pièces. ( Oui, oui ! s’écrie-t-on de toutes les parties de la salle.) (77). Le Cointre va chercher les pièces. (75) J. Mont., n° 123. (76) P.-V., XLIV, 230. (77) Moniteur, XXI, 626-629; Débats, n° 710, 219-225; M.U., XLIII, 218-221; Ann. Patr., n° 507; C. Eg., n° 742; F. de la Républ., n° 423; Gazette Fr., n° 973; J. S. Culottes, n° 562; J. F., n° 705; J. Paris, n° 608-609; J. Perlet, n° 708. LE PRÉSIDENT : Le Cointre est allé chercher les pièces; il a laissé entre les mains des secrétaires une déclaration; si vous voulez, en attendant qu’il revienne, je vais accorder la parole à Grégoire, qui a un rapport intéressant à vous faire (78). 39 On annonce et on fait paroître un officier qui apporte neuf drapeaux pris à l’Ecluse, conquête commandée par le général Moreau. L’officier prononce un discours dans lequel il expose les circonstances intéressantes qui ont accompagné ce siège. La Convention nationale décrète que le discours du pétitionnaire et la réponse du président seront insérés au bulletin (79). GOUPILLEAU (de Fontenay) : Je demande que l’officier qui apporte les drapeaux pris à l’Ecluse soit entendu. Cette proposition est décrétée. L’officier paraît. (On applaudit.) Il est précédé d’un autre officier portant neuf drapeaux. Il prononce le discours suivant (80) ; Citoyens Représentans, Je suis envoyé de l’armée du Nord par le représentant Lacombe Saint-Michel, pour vous présenter les drapeaux pris à Nieuport. Ces drapeaux sont la conquête de la division, déjà tant de fois victorieuse commandée par le général Moreau. N’étant pas attaché à cette division, je n’ai pas eu l’honneur de participer à ses succès; mais j’ai accompagné plusieurs fois le représentant du peuple Lacombe Saint-Michel à la tranchée de l’Ecluse. Comme lui, j’ai été témoin du zèle infatigable des braves défenseurs de la liberté, et je puis leur rendre l’hommage qui leur est dû. Si la lettre par laquelle le représentant Lacombe Saint-Michel vous a instruit de son entrée à l’Ecluse, vous laissoit quelque chose à désirer sur les circonstances intéressantes qui ont accompagné le siège de cette place, je me ferois un devoir de vous les apprendre; mais il vous a peint nos braves canonniers marchant à découvert, et établissant leurs batteries sous le feu de l’ennemi. Il vous a dit avec quel courage ils ont résisté au souffle empesté de l’air qui règne dans cette contrée, et aux efforts de la mer, qui, dans sa violence, a submergé une de leurs batteries. Il vous a dit que les républicains ont bravé les satellites des despotes à la portée du pistolet, et qu’ils répondoient à leurs canons impuissans par des coups de fusil, détruisant ainsi tous les canonniers. Il vous a dit enfin que cette ville avoit payé sa résistance de la destruc-(78) La lecture du rapport de Grégoire n’est pas mentionnée au Procès-verbal, voir n° 49. (79) P.-V., XLIV, 230. (80) Moniteur., XXI, 629.