616 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « Vous jurez et promettez d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse la quesiion qui s’est élevée entre un tel et un tel ..... de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration, de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection, de vous décider suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme libre. » « Art. 9. A l’ouverture du débat, si le président trouve que le fait renfermé dans l’écrit est trop léger, ou si le tribunal le juge ainsi, il pourra proposer au juré de décider s’il y a lieu ou non à délibérer sur la demande; l’opinion de trois jurés suffira pour déclarer qu’il n’y a pas lieu à délibérer. « Art. 10. Après le débat, dans lequel le défenseur sera toujours interpellé de déclarer s’il est ou non auteur de l’écrit, le président proposera aux jurés de déclarer; « 1° Si l’écrit est injurieux pour un tel, ou si les faits qu’il renferme sont faux; « 2° Si le défenseur est convaincu d’avoir publié l’écrit au cas que le fait soit contesté ; e 3° Enfin si l’écrit a été publié méchamment et à dessein de nuire ou de calomnier. « Art. 11. Ces diverses questions seront décidées séparément par les jurés et à la majorité des suffrages; en cas de partage, on appellera trois jurés nouveaux. « Art. 12. Les jurés auront également à décider des dommages-intérêts résultant des demandes des parties. « Art. 13. Si le juré déclare seulement que l’écrit est injurieux ou que les faits qu’il renferme sont faux, le tribunal ordonnera l’impression et l’affiche du jugement, et si le défenseur est convenu ou convaincu d’avoir publié l’écrit, l’impression et l’affiche se fera à ses frais. « Art. 14. Si le juré déclare non seulement que l’écrit est injurieux ou que les faits qu’il renferme sont faux, mais qu’il a été publié méchamment et à dessein de nuire, le tribunal prononcera la punition portée aux articles ci-dessus. « Art. 15. Si, dans le cours de l’affaire, il vient à se découvrir la preuve de quelque haine ou délit, le président pourra donner ordre sur-le-champ d’arrêter le prévenu; il recevra les éclaircissements, et s’il y a lieu, dressera l’acte d’accusation et renverra le prévenu à la maison d’arrêt pour être soumis au juré d’accusation, dans la forme ordinaire. » Plusieurs membres demandent qu'on passe à l’ordre du jour. D'autres membres demandent l’ajournement à la prochaine législature. M. Duport, rapporteur, observe que, si l’Assemblée ne croit pas devoir statuer sur le projet d. décret, qu’il considère comme très sage, il n'insistera pas; il déclare toutefois, au nom des comités, que pour eux ils ont cru devoir jusqu’au dernier moment s’occuper de cet important objet. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour.) M. Dupont (de Nemours), au nom du comité des contributions publiques, présente un projet de décret relatif aux propriétaires de redevances annuelles soumis à la retenue du cinquième. [29 septembre 1791. J Ce projet de décret est mis aux voix dans les . termes suivants : « L’Assemblée nationale, considérant que les possesseurs de champarts, agriers, terrages, cens, rentes et autres redevances annuelles, qui n’ont pas d’autres biens, ou qui sont cotisés à raison de la totalité de leurs biens, quoiqu’ils en aient tenu une partie en champarts ou autres redevances, et que, pour cette partie, la retenue du cinquième doive leur être faite par les redevables, ne pourraient, sans double emploi, payer, à raison des mêmes redevances, l’acompte ordonné par la loi du 17 juillet dernier, et voulant prévenir ce double emploi, décrète ce qui suit : « Les propriétaires de redevances annuelles soumis à la retenue du cinquième sont autorisés à faire à leur municipalité déclaration de la contenance et du produit des héritages et biens-fonds qu’ils possèdent dans le territoire de leur commune, à laquelle déclaration ils joindront la quittance du payement de la moitié de la contribution foncière desdits biens; et vérification faite par la municipalité de l’exactitude desdites déclarations, sur l’avis du directoire de district, ils seront, par le directoire de département, déchargés de payer l’acompte de moitié delà portion de contribution directe qui aurait eu rapport à leur revenu en rentes ou redevances sur lesquelles la retenue du cinquième leur a été ou leur sera faite par les redevables. » (Ce décret est adopté.) M. le Président. La parole est à M. Rabaud . M. lie Chapelier. Messieurs, le comité de Constitution à qui vous avez renvoyé une question concernant les sociétés populaires m’a chargé de vous présenter à cet égard un projet de décret; je prie l’Assemblée de vouloir bien m’entendre. (Oui! oui!) M. Rabaud-Saint-Etienne. J’ai la parole pour faire un rapport sur les gardes nationales. M. Robespierre. Je demande la parole sur le projet de M. Le Chapelier. M. Prieur. Les gardes nationales sont la force du royaume; c’est d’eux que nous devons nous occuper. (Murmures.) M. Ooupil-Préfeln. Et les clubs sont la perte du royaume. M. Le Chapelier. Il importe essentiellement au Corps constituant de préserver la Constitution des attaques qui pourraient lui être livrées par des corporations uont l’institution peut devenir aussi dangereuse qu’elle a été utile jusqu’à ce moment. M. Pétion. Allons-nous encore nous établir en corps constituant? (Murmures .) (L’Assemblée est consultée sur la question de savoir si elle entendra M. Le Chapelier ou M. Ra-baud-Saint-Etienne.) M. le Président. L’Assemblée a décrété qu’elle entendrait le rapport du comité de Constitution sur les sociétés populaires ; la parole est en conséquence à M. Le Chapelier. M. Le Chapelier, au nom du comité de Constitution, [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791.] 617 Messieurs, Il reste à votre ancien comité de Constitution un devoir à remplir. II lui est imposé et par vous, et par son amour pour la chose publique, et par sou désir d’assurer et de propager tous les principes conservateurs de la Constitution, qu’après deux ans et demi de travaux et d’alarmes la France vient de recevoir. Nous allons vous entretenir de ces sociétés que l’enthousiasme pour la liberté a formées, auxquelles elles doivent son prompt établissement, et qui, dans des temps d’orages, ont produit l’heureux effet de rallier les esprits, de former des centres communs d’opinion, et de faire connaître à la minorité opposante l’énorme majorité qui voulait et la destruction des abus, et le renversement des préjugés, et l’établissement d’une Constitution libre. Mais, comme toutes les institutions spontanées que les motifs les plus purs concourent à former, et qui bientôt sont écartées de leur but et par un grand changement dans les circonstances, et par d’autres causes diverse?, ces sociétés populaires ont pris une espèce d’existence politique qu’elles ne doivent pas avoir. Tandis que la Révolution a duré, cet ordre de choses a presque toujours été plus utile que nuisible. Quand une nation change la forme de son gouvernement, chaque citoyen est magistrat; tous délibèrent et doivent délibérer sur la chose publique; et tout ce qui presse, tout ce qui assure, tout ce qui accélère une Révolution doit être mis en usage. C’est une fermentation momentanée qu’il faut soutenir et même accroître, pour que la Révolution, ne laissant plus aucun dont»* à ceux qui s’y opposent, elle éprouve moins d’ob-siacles et parvienne plus promptement à sa fin. Mais, lorsque la Révolution est terminée, lorsque la Constitution de l’Empire est fixée, lorsqu’elle a délégué tous les pouvoirs publics, appelé toutes les autorités, alors il faut, pour le salut de celte Constitution, que tout rentre dans l’ordre le plus parfait, que rien n’entrave l’action des pouvoirs constitués, que la délibération et la puissance ne soient plus que là où la Constitution les a placées, et que chacun respecte assez et ses droits de citoyen et les fonctions déléguées, pour ne pas excéder les uns, et n’attenter jamais aux autres. Trop de services ont été rendus à la chose publique par les sociétés des amis de la Constitution, trop de patriotisme les anime, pour qu’il soit en général nécessaire de faire autre chose envers elles, que d’avertir les citoyens qui les composent, des dangers qu’elles peuvent faire courir à la chose publique, et des contraventions auxquelles elles sont entraînées par des hommes qui ne les cultivent que pour les agiter, qui ne s’y font recevoir que pour acquérir une sorte d’existence, qui n’y parlent que pour préparer leurs intrigues, et pour usurper une célébriié scandaleuse qui favorise leurs projets. C’est à nous à nous charger de cette instruction si utile ; à nous qui allons confier le fruit de nos travaux à la fidélité du premier Corps législatif, et qui devons écarter de lui tonte influence étrangère, ne fût-elle de nature qu’à inquiéter un seul de se-membres; à nous fondateurs de ces sociétés, qui, près de terminer l’ouvrage qu’elles out si puissam . ent aidé, devons leur témoigner la reconnaissance de la nation, en leur disant ce qu’elles doivent être, et en leur désignant les limites que leur assignent les lois constitutionnelles. C’est à votre comité de Constitution, qui, sans jamais s’inquiéter de la popularité d’un jour, a frondé tons les partis, bravé toutes les clameurs, méprisé toutes les mjures pour essayer de se rendre utile ; c’est à lui qu’appartiem l’honneur de fixer vos derniers regards et d’appeler l’attention des citoyens sur une partie importante de l’ordre public ; et il regardera comme des titres à la bienveillance future de la nation les calomnies mêmes qu’il pourra recevoir à cette occasion. 11 est permis à tous les citoyens de s’assembler paisiblement. Dans un pays libre, lorsqu’une Constitution fondée sur les droits de l’homme a créé une patrie, un sentiment cher et profond attache à la chose publique tou? les habitants de l’Empire : c’est un besoin de s’en occuper et d’en parler. Loin d’éteindre ou de comprimer ce feu sacré, il faut que toutes les institutions sociales contribuent à l'entretenir. Mais, à côtéde cet intérêt général, de cette vive affection que font naître l’existence d’une patrie et la libre jouissance des droits du citoyen, se placent les maximes de l’ordre public et les principes du gouvernement représentatif. Il n’y a de pouvoirs que ceux constitués par la volonté du peuple exprimée par les représentants; il n’y a d’autorités que celles déléguées par lui; il ne peut y avoir d’action que celle de ses mandataires revêtus de fonctions publiques. C’est pour conserver ce principe dans toute sa pureté, que d’un bout de l’Empire à l’autre la Constitution a fait disparaître toutes les corporations, et qu’elle n’a plus reconnu que le corps social et des individus. C’est comme conséquence nécessaire de ce principe, qu’elle a interdit toute pétition, toute affiche sous un nom collectif; décret bien calomnié par ceux qui voulaient renforcer leur factieuse voix de l’autorité d’une société, mais décret dont la sagesse a été reconnue par tous les hommes qui ont voulu méditer un peu sur la nature du gouvernement que nous avons adopté. Les sociétés, les réunions paisibles de citoyens, les clubs, sont inaperçus dans l’Etat. Sortent-ils de la situation privée où les place la Constitution, ils s’élèvent contre elle, ils la détruisent au lieu de la défendre; et ce mot précieux de ralliement (ami de la Constitution) ne paraît plus qu’un cri d’agitation destiné à troubler l’exercice des autorités légitimes. Ces sociétés, composées en grand 3 partie d’estimables citoyens, de véritables amis de la patrie, de défenseurs zélés de la Constitution, nous en* tendront aisément quand nous leur dirons, que, si la Révolution les a quelquefois conduites à des actes extérieurs, la Constitution établie les réprouve; Que, sans s’assimiler aux corporations détruites, sans en former une bien plus dangereuse que les anciennes, parce qu’elle étendrait ses rameaux dans tout l’Empire, elles ne peuvent pas avoir des affiliations à une espèce de métropole; que cette réunion, cette correspondance politique mènent nécessairement à deux résultats également. funestes à prendre une existence publique, et à entretenir ces divisions que tout bon citoyen doit chercher à éteindre, et qui renaissent à chaque instant quand, à* l’aide de bizarres et corporatives affiliations, il s’établit une espèce de privilège exclusif de patriotisme, qui produit des accusations contre les individus non sectaires, et des haines contre les sociétés non affiliées; Que des députations, des adresses sous un nom collectif, l’assistance à des cérémonies publiques, des recommandatioas, des certificats donnés à 618 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. quelques favoris, la louange et le blâme distribués à des citoyens, sont autant d’infractions à la loi constitutionnelle, ou des moyens de persécution, dont les méchants s’emparent; Que des journaux de leurs débats, la publication de leurs arrêtés, des tribunes placées dans l’intérieur de leurs salles pour y recevoir des spectateurs, sont des actes contraires à la Constitution ; • Qu’elles commettent un délit très grave lorsqu’elles cherchent à prendre quelque influence sur les actes administratifs ou judiciaires ; Que la Révolution même n’a pas pu excuser ces mandats donnés à des fonctionnaires publics, pour venir rendre compte de leur conduite; ces voies de fait commises pour détruire des procédures commencées contre de prétendus patriotes ; cette audace qui a forcé un tribunal à désigner, dans son auditoire, des places à des députés de club pour inspecter des instructions criminelles et des jugements; ces envois de commissaires dans divers lieux, chargés de missions qui ne pouvaient être conférées que par des autorités constituées, et appartenir qu’à des hommes publics. Sur tous ces faits il faut jeter un voile; il faut même que nous répétions qu’ils ont souvent eu pour motif et pour but de préserver nos efforts et notre ouvrage des atteintes de la malveillance ; et qu'en déconcertant les manœuvres de celle-ci, ils hâtaient l’établissement de la liberté. Mais, à présent, ce ne serait plus qu’uneforfai-ture coupable, une attaque criminelle aux autorités établies par la Constitution ; et ses amis, ceux qui ont juré sur leurs armes de la maintenir, ont contracté l’obligation de ne se faire connaître que par le respect le plus profond pour les pouvoirs constitués, et l’éloignement le plus absolu de toute idée d’une existence politique proscrite par la Constitution. Les sociétés qui se sont formées pour en apprendre, pour en soutenir les maximes, ne sont que des réunions, que des clubs d’amis, qui ne sont pas plus que tous les citoyens, les sentinelles de la Constitution. Ils peuvent s’instruire, disserter, se communiquer leurs lumières; mais leurs conférences, mais leurs actes intérieurs ne doiv. nt jamais franchir l’enceinte de leurs assemblées; aucun caractère public, aucune démarche collective ne doivent les signaler. Ces principes constitutionnels ne peuvent être contestés par personne; cependant nous les voyons encore violés : des pétitions, sous un nom collectif, .-ont interdites; et on en adresse au Corps constituant lui-méme, et on en placarde dans les rues, et on en fatigue les corps administratifs et les officiers municipaux. D’où viennent ces contraventions, qui ont pour auteurs les amis les plus fidèles de la Constitution? Ne les imputons pas aux sociétés dont les intentions sont pures, mais à quelques hommes qui les égarent. Il faut donc armer tous les citoyens honnêt s de ces vérités dont l’autorité peut devenir plus imposante encore, quand eiles sont publiées par le Corps constituant. La Constitution est confiée à la sollicitude et au courage de tous les Français. Ceux qui marchent sous san honorable bannière, ne souffriront pas l’idée de pouvoir être accusés de la méconnaître et de la détruire. Tout Je monde a juré la Constitution, tout le monde appelle l’ordre et la paix publique, tout le monde veut que la Révolution soit terminée; voilà, désormais, les signes non équivoques du patriotisme. Le temps des destructions est passé; il ne reste plus d’abus à renverser, de préjugés [29 septembre 1791. J à combattre : il faut, désormais, embellir cet édifice dont la liberté et l’égalité sont les pierres angulaires; il faut faire chérir l’ordre nouveau à ceux-mêmes qui s’en sont montrés les ennemis, et regarder comme nos plus redoutables adversaires les hommes qui chercheraient à calomnier ou à dégrader les autorités établies, à s’emparer de quelques sociétés pour leur faire prendre un rôle actif dans l’administration publique, pour les rendre les censeurs arbitraires, les turbulents détracteurs, et peut-être les subjuguants despotes des fonctionnaires publics. Nous avons annoncé, Messieurs, que nous désirions plutôt publier une instruction, que provoquer des lois répressives. Nous savons que des lois faites avec trop de détails sur cette matière, pourraient donner quelques moyens de toucher à la liberté, qui doit être sacrée pour le législateur, et dont ses actes doivent assurer et non gêner l’exercice. Nous considérons d’ailleurs, que notre ancien caractère, déjà sensiblement amélioré par les lois nouvelle-, a fait, des sociétés populaires, une espèce de mode dans laquelle chacun a voulu renchérir les uns sur les autres; et nous pensons qu’il faut laisser à la raison le soin de réformer une partie des abus. Nous croyons enfin, qu’une des grandes causes de la consistance de ces sociétés a été d’avoir pour fondateurs et pour membres la majorité des représentants du peuple. Nous faisions une Révolution, nous combattions une minorité ardente, nous attaquions des préjugés bien vieux, des habitudes bien puissantes, des abus bien lucratifs, et par conséquent bien protégés; nous avions besoin de nous réunir, de préparer nos armes, de nous environner de tous les citoyens qui chérissaient les droits du peuple, que nous étions chargés d’arracher des mains de leurs usurpateurs. Ceux qui, revêtus après nous de la confiance publique, viennent exercer les pouvoirs que nous avons établis au nom de la natiou Française, n’ont qu’à conserver, qu’à entourer d’une législation sage une Constitution libre; ils croiront sans doute qu’ils ne doivent discuter tes grands intérêts de l’Empire que comme législateurs, et non comme simples citoyens, et que, pour accomplir dignement leur mission plus paisible que la nôtre, ils doivent se garantir de toute influence extérieure. La nation attend d’eux la paix et l’affermisse-sement de l’ordre public; leur honorable tâche est de faire jouir la France de la Constitution qu’elle a reçue et jurée : ils n’ont point besoin que l’opinion publique se manifeste par des mouvements; elle est connue; tous les Français veulent avoir promptemeot tous les avantages de la liberté et de l’égalité ; ils veulent, à l’abri de ces immortels droits de l’homme, rendre au commerce sa splendeur, à l’agriculture son activité, à l’industrie toutes ses ressources; ils veulent que nos ennemis ne puissent bientôt apercevoir les traces de la Révolution, que dans la prospérité de l’Empire Après avoir parlé des maximes constitutionnelles et dos actes qui les offensent, avons-nous besoin de dire que l’existence p blique des sociétés, leurs affiliations, leurs journaux, leurs pétitions en nom collectif, leur influence illégale, sont propres à alarmer tous les citoyens paisibles, et à éloigner tous ceux qui veulent vivre tranquillement sous la protection des lois? Il est dans la nature des choses que des sociétés délibérantes cherchent à acquérir quelque [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMEA TAIRES. [29 septembre 1791.] gjû influence extérieure; que des hommes pervers ou ambitieux tentent de s’en emparer, et d’en faire des instruments utiles à leur ambition ou à leur vengeance. Si les actes de ces sociétés deviennent publics, si des affiliations les transmettent, si des journaux les font connaître, on peut rapidement avilir ou discréditer une autorité constituée, diffamer un citoyen ; et il n’y a pas d’homme qui puisse résister à cette calomnie. Il a été accusé, c’est par son ennemi ; on a donné, chose trop facile, on a donné à l’accusation un air de civisme ; elle a été applaudie dans la société, quelquefois accueillie; toutes les sociétés affiliées en sont instruites, et l’homme le plus honnête, le fonctionnaire public le plus intègre, peut être la victime de la manœuvre habile d’un méchant. Sous l’aspect de la morale et des mœurs, comme sous celui de la Constitution, il ne faut donc ni affiliations de sociétés, ni journaux de leurs débats. Croyez que c’est beaucoup à cela que tiennent l’ordre public, la confiance et. la sécurité d’une foule de citoyens : nul ne veut avoir d’autre maître que la loi-. Si les sociétés pouvaient avoir quelque empire; si elles pouvaient disposer de la réputation d’un homme; si corporativement formées, elles avaient, d’un bout de laFranceàl’autre, des ramifications et des agents de leur puissance, les sociétaires seraient les seuls hommes libres, ou plutôt la licence de quelques affiliés détruirait la liberté publique. 11 ne faut donc ni affiliation de sociétés, ni journaux de leurs débats. Nous ne vous proposons que 3 articles de loi. Ils ne portent que sur ces actes qui usurperaient une partie de la puissance publique, ou qui arrêteraient son action ; tout le reste esi abandonné à l’influence delà raison et à la sollicitude du patriotisme. Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, considérant que nulle société, club, association de citoyens ne peuvent avoir, sous aucune forme, une existence politique, ni exercer aucune influence ni inspection sur les actes des pouvoirs constitués et des autorités légales ; que, sous aucun prétexte, ils ne peuvent paraître sous un nom collectif, soit pour former des pétitions ou des députations, pour assister à des cérémonies publiques, soit pour tout autre objet, décrète ce qui suit: « Art. 1er. S’il arrivait qu’une société, club ou association se permît de mander quelque fonctionnaire public ou de simples citoyens, ou d’apporter obstacle à l’exécution d’un acte de quelque autorité légale, ceux qui auront présidé aux délibérations, ou fait quelques actes tendant à leur exécution, seront, sur la poursuite du procureur général-syndic du département, condara nés par les tribunaux à être rayés, pendant 2 ans, du tableau civique, et déclarés inhabiles à exercer pendant ce temps aucune fonction publique. « Art. 2. En cas que lesdites sociétés, clubs ou associations fissent quelques pétitions en nom collectif, quelques députations au nom de la société, et généralement tous actes où elles paraîtraient sous les formes de l’existence politique, ceux qui auront présidé aux délibérations, porté les pétitions, composé des députations ou pris une part active à l’exécution de ces actes, seront condamnés par la même voie à être rayés, pendant 6 mois, du tableau civique, et suspendus de toutes fonctions publiques, et déclarés inhabiles à être élus à aucune place pendant le même temps. « Art. 3. A l’égard des membres qui, n’étant point inscrits sur le tableau des citoyens actifs commettraient les délits mentionnés aux articles précédents, ils seront condamnés par corps à une amende de 12 livres s’ils sont Français, et de 3,000 livres s’ils sont étrangers. » Le comité vous prie d’adopter ce projet de décret et d’ordonner que le rapport que je viens de faire, soit imprimé et distribué comme instruction. (La discussion est ouverte sur le projet de décret.) M. Robespierre. Messieurs, on propose à l’Assemblée de décréter que le rapport qui vient de lui être fait, sera imprimé et distribué comme instruction; il renferme cependant une ambiguïté et des expressions qui attaquent les principes de la Constitution; on a su y parler le langage de la liberté et de la Constitution pour les aaeantir et pour cacher des vues personnelles, des ressentiments particuliers sous le prétexte du bien, de la justice et de f intérêt public... ( Applaudissements dans les tribunes .) Plusieurs membres : A l’ordre! M. Robespierre. C’est un art qui n’est pas étranger aux révolutions, et que nous avons vu déployer assez souvent dans la nôtre pour avoir su l’apprécier et pour avoir appris à le démasquer. Pour moi, je l’avoue, si jamais j’ai senti vivement la joie de toucher au terme de notre carrière, c’est bien au moment où j’ai vu en donner ce dernier exemple, où j’ai entendu les réclamations qu’on vient d’élever contre les sociétés qui ont assuré la Révolution. J’aurais pensé que, la veille du jour où la législature nouvelle va nous remplacer, nous pouvions nous reposer à la fois, et sur les lumières et sur le zèle de nos successeurs, qui, arrivant des départements, sont à portée d'apprécier les faits dont on vous parle, et de savoir ce que les sociétés des amis de la Constitution ont été et sont encore, et si elles doivent être plus utiles que nuisibles à la Constitution et à la liberté; il me semble, dis-je, que nous aurions pu nous reposer sur leur zèle etr*sur leurs lumières, du soin de prendre le parti le plus convenable. Je me rappelle avec confiance, et c’est une chose qui me rassure contre la manière dont ou veut terminer notre session, je me rappelle, dis-je, avec confiance et satisfaction, que c’est du sein de ces sociétés que sont sortis un très grand nombre de ceux qui vont occuper nos places (. Applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes ); je sais que c’est à eux particulièrement que s’attachent l’espoir et la confiance de la nation française; c’est à eux qu’elle semble recommander le soin de défendre la liberté contre les progrès d’un système machiavélique qui la menace d’une ruine prochaine... (. Applaudissements dans les tribunes.) M. Rarnave. Monsieur le Président, imposez donc silence aux tribunes. M. Robespierre... ce sont eux qui seront chargés de défendre les droits de la nation contre les artifices de ces hommesfauxqui ne parlent de la liberté avec éloge, que pour l’opprimer avec impunité, que pour la poignarder plus à leur aise... ( Applaudissements dans les tribunes.) C’est encore le choix de ces législateurs, de ces vrais représentants du peuple, qui me rassure contre