[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 février 1791.1 717 sur la moralité d’un fait, puissent s’en remettre entièrement aux juges de la loi, pour juger tout à la fois et le fait et la moralité de la question. Cela est attesté, Messieurs, par Bakstown, dans son code criminel, traduit par l’abbé Golier. Cela est attesté d’abord par la Constitution anglaise, au chapitre des jurés. Je demande que la même réserve soit faite aux jurés, et que les jurés français, sans habitude aucune de juger la moralité des faits, lorsqu’ils se trouveront embarrassés, puissent à cet égard, comme en Angleterre, s’adresser aux juges de la loi. M. Duport, rapporteur. Voici ce qu’on oppose : on dit qu'il serait fâcheux de laisser le président le maître de déclarer, d’indiquer ou de proposer l’indication. Prenez donc garde, Messieurs, que le président agite une seule cause d’atténuation. Ainsi il dira aux jurés : Vous avez entendu un tel, qui a soutenu qu’il avait commis involontairement un crime, qui a proposé telle excuse : mais le juré est là pour lui dire : Cela n’est pas; ce n’est pas là l’excuse qu’il a proposée. Je crois donc, Messieurs, qu’il n y a aucun inconvénient dans la pratique, à ce que le président résume ainsi la question. Je réponds à l’observation de M. Garat, savoir que ce ne devrait pas être au juré à déterminer la moralité d’un fait. Je sais, Messieurs, qu’en Angleterre les juges sont plus particulièrement appelés à déterminer la moralité d’un fait ; mais je crois que cela est une grande erreur. Les juges doivent bien examiner la culpabilité ; c’est-à-dire qu’en rapprochant le fait de la loi, ils doivent déterminer si le crime est défendu par la loi, et par conséquent si l’accusé est vraiment criminel. Voilà l’espèce de moralité que les juges doivent déterminer; mais pour savoir si le crime a été fait volontairement ou sans dessein, je ne vois dans les juges aucun caractère de plus que dans les jurés pour le déterminer. M. de AKontlosier. Je suis entièrement de l’avis de M. le rapporteur ( Rires à gauche.) que le jugement de la moralité des actions doit être entièrement laissé aux jurés et non pas aux juges; mais je ne peux pas être de son avis, lorsqu’il rend le président du juré l’arbitre souverain, exclusif, de la manière dont les jurés doivent prononcer sur les moyens d’atténuation ; c’est-à-dire que l’accusé interpellant le président d’avoir égard à tel moyen d’atténuation, si le président ne veut pas y avoir égard, je dis que c’est au juré alors à prononcer sur les égards qu’ils peuvent et qu’ils doivent avoir aux moyens d’atténuation qui ont été fournis par l’accusé; aussi je voudrais que dans l’article on ajoutât une clause par laquelle le président ne fût pas exclusivement le maître de faire prononcer le juré sur les moyens d’atténuation ; et cette clause serait d’effacer entièrement les mots : d'après l'indication qui en aura été donnée par le président. Je conclus donc à l’adoption de ramendement proposé par M. Bu-zot, qui paraît extrêmement nécessaire, à moins que jvous ne vouliez faire juger les citoyens par un nomme et non par le juré. (L’article est adopté avec l’amendement de M. Buzot.) M. Duport, rapporteur. On pourrait ajouter à l'article la disposition suivante : « L’accusé, l’accusateur public ou chacun de3 jurés qui croirait que l’indication faite par le président n’est pas exacte ou n’est pas suffisante, pourra proposer celle qu’il croira devoir lui être substituée. » M. de Montlosier. Si l’accusé et l’accusateur n’ont que le droit de proposer, et que le président juge souverainement, nous retombons toujours dans le même inconvénient. Cette rédaction est infidèle. Plusieurs voix à gauche : Cette rédaction est adoptée. Voix à droite : Cela n’est pas. M. de Follevtlle. On vous demande, Monsieur le président, si cette chose est jugée ou non1? On vous a dit qu’elle l’était, et qu’elle ne l’était pas; et j’observerai qu’il est digne de vous qui mettez toutes les idées à leur place, d’y mettre aussi toutes les actions. Je demande que toutes les fois qu’il y aura un amendement notable qui changera la rédaction, vous ayez la boaté de faire lire la rédaction avant que l’on décrète l’article. M. le Président. J’ai voulu vous laisser exposer votre morale parce qu’elle est très bonne; mais elle est superflue en cette occasion, l’article avait été lu. M. Chabroud. Je propose que la rédaction qui me parait en effet n’être pas bien claire, soit renvoyée au comité pour la rapporter demain. Je ne crois pas que M. le rapporteur y résiste ; mais dans ce cas je ferai une observation. Il me semble que l’objet de l’article n’a pas été de rendre le président despote dans la partie des renseignements à donner aux jurés sur les diverses circonstances. Je crois que l’intention du comité a été d’obliger le président à donner aux jurés des indications qu’ils n’auraient pas saisies, mais non pas de priver le juré du droit d’aller lui-même à la découverte, lorsque le président n’aura pas saisi toutes les circonstances propres à atténuer la déclaration. J’estime que la rédaction qui vous est proposée ne répond pas aux intentions du comité. M. Duport, rapporteur. Je ne vois pas l'objet de ce renvoi. M. de Montlosier dit que j’ai rendu le président despote, je n’en ai pas eu ridée plus que lui. Par la nouvelle rédaction, nous avons donné à toutes parties intéressées, et même aux juges, le droit de redresser le président, de proposer l’indication telle qu’elle est présentée. On m’a dit : mais si le président obstiné ne veut pas absolument donner connaissance de ce qui lui est indiqué par l’accusé ou leurs jurés? Je réponds à cela que si les jurés l’ont proposé, il est certain qu’alors ils peuvent eux-mêmes prononcer. (L’Assemblée renvoie au comité la rédaction de cet article.) Art. 22. « L’opinion de 3 jurés suffira pour faire déclarer, soit que le délit n’est pas constant, soit que l’accusé n’est pas coavaincu, soit qu’il y a lieu à l’excuse ou à l’atténuation. » M. Robespierre. Cet article donne lieu à une des questions les plus importantes que vous puissiez décider. Je vous propose d’adopter la loi anglaise, qui veut qu’aucun jugement de condamnation ne soit prononcé qu’à l’unanimité. Si.vous