02 [États généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er jujn 1789. blesse n’emporte pas le droit de les juger, mais seulement celui de connaître les jugements. Un membre des communes répond qu’il ne s’agit pas ici du jugement d’un délit, et conséquemment du prétendu droit de la noblesse d’être jugée par ses pairs. Dans aucune supposition, le veto ne saurait s’appliquer à la vérification des pouvoirs. Il n’y a d’autre moyen d’arriver à une décision que de réunir les trois ordres. La représentation nationale, la nomination des députés, dont le premier caractère est d’être librement élus, ne doivent dépendre que de la nation elle-même. Toute influence à cet égard diminuerait l’utilité des Etats généraux en affaiblissant pour eux la confiance publique. Un de MM. de la noblesse dit que s'il arrive qu’un particulier qui se croirait député, et dont la Chambre n’aura pas jugé les pouvoirs valables, résiste à ce jugement, la noblesse consentira en ce cas que le conseil en devienne juge. MM. des communes demandent si l’ordre de la noblesse avoue cette proposition. M. le garde des sceaux dit que la conférence n’a pas pour objet de discuter les droits du conseil. Le même membre des communes continue la discussion du mémoire de la noblesse. Arrivé à la citation des Etats de 1483, où l’on prétend que la délibération par tête a été rejetée, il observe de nouveau que la vérification en commun est indépendante de la manière de délibérer. Il ajoute qu’il n’est pas moins certain qu’en 1483 les ordres ont délibéré réunis. En lisant attentivement l’extrait du procès-verbal cité, on y voit des preuves de la délibération par tête. On commença par délibérer comment on délibérerait. Pour rendre ce travail plus facile, les Etats furent divisés en six parties. Chaque partie fut composée des députés d’un certain nombre de provinces. Le cahier de chaque division fut rédigé par des commissaires des trois ordres ; ils furent ensuite réduits en un seul dans la salle commune. Un fait important qui ne permet pas de douter que les ordres ne se séparèrent point, c’est l’inutilité des efforts que firent quelques prélats au sujet d’un des articles du chapitre de l’église. O11 y voit enfin que l’objet de la difficulté relative à la forme de délibérer n’était pas entre les ordres, mais entre les provinces, plusieurs s’étant plaint de ce que les divisions n’avaient pas été faites avec égalité ; en sorte qu’il est toujours démontré que les ordres furent réunis dans les Etats de 1483, et que la délibération fut prise en commun dans chacune des six divisions. La séance durant depuis trois heures et demie sans que la discussiondu mémoire de la noblesse soit finie, la circonstance des fêtes oblige de la continuer au mercredi 3 juin. ÉTATS GENERAUX. Séance du lundi 1er juin 1789. COMMUNES. M. Champeaux, député de Bretagne. Je vous rappelle, Messieurs, que vous avez décidé que le doyen et ses adjoints seront remplacés tous les huit jours. Le terme est expiré pour les membres du bureau. Je demande qu’on procède à une nouvelle élection. Les membres de l’Assemblée se retirent dans les bureaux. On proclame pour adjoints MM. de Lessen de Rossaben, de Luze de l’Etang, de Mirabeau, Bou-chotte, Boëry, Druillon, Dufraisse, Rewbell, Dese-coutes, Milanais, Pison du Galand, Tronchet, Vi-guier, Thouret, Menu de Chomorceau, Griffon de Romagné, Brassart, Arnoult, Loys etTerrats. On veut nommer un nouveau doyen. Une difficulté s’élève ; il s’agit de savoir si ce sera l’Assemblée ouïes adjoints qui le nommeront et de quelle manière se fera la nomination. Ln membre propose M. d’Ailiy. Il est accepté et proclamé à l’unanimité. M. dMIHy. Je suis très-sensible aux marques de bienveillance dont l’Assemblée daigne m’honorer. J’accepte avec reconnaissance les fonctions de doyen; mais je demande qu’il me soit permis de me faire aider par quatre adjoints. L’Assemblée accorde cette demande à M. d’Ailly qui choisit les quatre adjoints. M. Rahautl de Saint-Etienne. Les commissaires que vous avez autorisés à conférer avec les commissaires des ordres du clergé et de la noblesse, en présence de M. le garde des sceaux et de MM. les commissaires du Roi, se rendirent samedi dernier à l’heure indiquée chez M. le garde des sceaux, où se trouvèrent MM. le comte de Montmorin, le duc de Nivernois, le comte de Puvségur, le comte de Saint-Priest, Necker, de la Michodière, d’Ormesson, Vidaut de la Tour, de la Galaisière et de Lessart, nommés par Sa Majesté. La séance fut ouverte par M. le garde des sceaux, qui exposa l’état de la question, témoigna le désir qu’avait Sa Majesté devoir les différents ordres së porter à des ouvertures de conciliation, et démanda si on allait procéder à l’examen de ces ouvertures ou si on avait encore à discuter les principes. Un des membres de la noblesse lut un mémoire tendant à établir, par une discussion historique, que d’après les anciens usages les députés de la noblesse aux Etats généraux ne pouvaient se conduire autrement qu’ils n’avaient fait. Vos commissaires, Messieurs, représentèrent que leur mandat les bornait à conférer sur la question de la vérification des pouvoirs; et ils ajoutèrent qu’obligés de vous porter un rapport écrit des conférences et signé par les commissaires, ils proposaient d’écrire journellement les conférences et de les signer. MM. les commissaires de la noblesse et du clergé représentèrent qu’ils n’ont à ce sujet aucuns pouvoirs de leurs ordres. Après quelques débats, il fut résolu, du consentement des commissaires des trois ordres, qu’il serait dressé un rapport signé des commissaires des communes et d’un secrétaire agréé par les commissaires des trois ordres, et il en fut dressé acte. Un commissaire de la noblesse a observé que dans cet arrêté on employait le mot communes pour désigner le tiers-état; que cette innovation de mots pouvait amener une innovation de principes, si elle n’en dérivait pas déjà ; qu’il devait donc protester contre cette expression et déclarer ne pouvoir consentir qu’elle subsistât dans l’arrêté. Cette observation n’a été appuyée par aucun des autres commissaires ; l’arrêté a été regardé comme convenu et la discussion a été reprise. Vos commissaires ont commencé par la discus- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1789.] 03 [États généraux.] sion des faits, pour en venir ensuite à la discussion des principes et des moyens tirés de la raison; et alors la conférence s’étant ouverte, l’un de vos commissaires entreprit la discussion successive des faits allégués dans le mémoire qui avait été lu. Chaque fait a été discuté contradictoirement par divers commissaires des trois ordres, et toujours renfermés dans leur mandat. Vos commissaires, Messieurs, se sont bornés à rapporter l’examen des faits à la question sur la vérification des pouvoirs, quoique les commissaires de la noblesse ramenassent toujours la question de l’opinion par ordre ou par tête, parce qu’ils regardaient les deux questions comme liées et dépendantes, ils semblaient même nous reprocher de chercher à les éluder, nous accusant de nous sentir trop faibles sur cette matière. La séance ayant duré trois heures et demie, sans que la discussion du mémoire de la noblesse eût été finie, ou fut obligé de la renvoyer à un autre instant, et la circonstance des fêtes ayant amené le clergé et la noblesse à ne s’ajourner qu’à mercredi prochain, sur les instances de vos commissaires, la séance a été remise à mardi. M. ilalouet. Je demande que les commissaires conciliateurs du tiers soient autorisés à discuter avec les commissaires conciliateurs des autres ordres la question de la délibération par tête ou par ordre. • Cette motion avait été proposée par amendement, le 29 mai, et rejetée. Un membre rappelle ï’amendemeut et veut que l’on décide quel nombre de voix il faut pour le reproduire. M. Camus. Il y a changement d’état dans la question ; elle peut être ainsi présentée. Les commissaires ayant rapporté que, suivant les ordres privilégiés, les deux questions de la vérification et de la votation sont nécessairement liées et se prêtent un secours mutuel, il est de l’intérêt et de la dignité de l’Assemblée de repousser les reproches que les commissaires de la noblesse pourront faire aux commissaires du tiers-état d’éluder une question majeure par faiblesse de moyens. La question actuelle diffère évidemment de celle qui a été rejetée, et mérite, par son importance, un mûr examen. D’autres membres pensent que l’on ne peut séparer les deux questions, sans retarder les travaux. On répond que la proposition qui vient d’être faite n’est pas nouvelle, qu’on l’a déjà présentée, qu’elle a été rejetée, qu’il n’y a point de changement essentiel dans les circonstances, qu’ainsi l’on ne doit pas s’arrêter à cette motion. La motion a été presque unaniment rejetée. MM. Biauzat et Camus disent que la question de la votation ne doit être décidée qu’après qu’ils seront constitués. La séance est levée. ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du mardi 2 juin 1789. COMMUNES. A l’ouverture de la séance, M. Malouet a reproduit la motion qu’il a faite hier d’augmenter les pouvoirs des commissaires et de les autoriser à traiter dans les conférences la question de la délibération par ordre ou par tête. Cette motion est encore rejetée. M. d’AïlIy. Je me suis rendu hier chez M. le garde des sceaux, accompagné de plusieurs de MM. les adjoints, pour m’informer de la cause du retard de la députation. M. le garde des sceaux m’a répondu qu’ayant trouvé le Roi plongé dans la douleur occasionnée par l’état chancelant de Mgr. le dauphin, il avait cru ne pas devoir lui en faire part, mais qu’il saisirait le premier moment pour prendre ses ordres et qu’il s’empresserait d’en informer les communes. — Quoique l’adresse proposée dans la séance du 30 ait été agréée par l’Assemblée, le calme delà réflexion m’a fait entrevoir quelques termes et même des phrases qu’il est convenable de changer; en conséquence, je demande la permission de faire la lecture d’un nouveau discours ; je ne prétends par là nullement gêner les suffrages ; il sera permis à chacun de prononcer sou sentiment; mais comme cela pourrait entraîner l’Assemblée dans de trop longs débats, je propose de remettre les deux adresses à un certain nombre d’adjoints qui viendront ensuite en faire leur rapport et dire celle qu’ils préfèrent. MM. du bureau sont chargés de comparer les deux adresses ; et cette comparaison faite, l’un d’eux annonce que la majorité des suffrages s’est réunie en faveur de la première, attendu qu’elle avait reçu la sanction de l’Assemblée, mais qu’on y avait fait quelques légers changements qui portent plus particulièrement sur des phrases grammaticales. Plusieurs membres demandent la lecture des deux adresses. M. le Doyen. La seconde est retirée. On insiste pour que la première soit lue à cause des changements que l’on est convenu y avoir faits. On répond que ces changements n’altèrent aucunement le sens de l’adresse, qu’elle reste la même, et que la lecture en ayant déjà été faite, elle devenait inutile. L’un des adjoints se lève, et prétend que les changements que l’on a faits sont de nature à préjudicier à l’Assemblée. Des députés se joignent à ceux qui demandent une seconde lecture. MM. les adjoints démentent l’assertion de leur collègue. Des membres prétendent que MM. du bureau jugeant que ces changements n’étaient pas de nature à être connus, l’Assemblée doit s’en rapporter à leur sagesse et à leur prudence. D’autres combattent ce sentiment qui tend à donner trop d’influence à MM. du bureau. Un membre. Je demande que l’on fasse retirer tous les étrangers, si Ton veut faire une seconde lecture. Il s’élève de vives réclamations. MM. les adjoints offrent de communiquer l’adresse dans une salle particulière à ceux des membres de l’Assemblée qui voudront en prendre connaissance. Cette proposition est rejetée. On met aux voix pour savoir si l’on ferait ou non la lecture du discours.