294 [Asseaiblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [17 juin 1791.1 s’appliquer également à l’espèce d’assemblées qui nous occupe ici. Et je vous observe que nous ne nous occupons pas maintenant d’élablir les règles et les moyens de répression d’une as-emblée qui sortirait des principes qui sont fixés par la Co? s itution. Je vous prie, si vous adoptez les mots légalement convoquée , de vous rappeler la position où vous étiez il y a à peu [très 2 ans. Si au moment < ù vous étiez rassemblés au Jeu de paume, un ministre était venu dire : « Vous n’êtes pas légalement convoqués. » Qu’auriez-vous à réi ondre?Ce serait compromettre la Constitution que de laisser aux ministres le droit de jug r si une assemblée est légale ou non. Il y a un droit de répression dans la Constitution, mais il n’est pas confié aux ministres. Je demande la question préalable sur l’amendement. (L’Assemblée consultée décide qu’il y a lieu à délibérer sur l’amendement.) M. Salle. Je demande le renvoi. (Murmures.) Je demande à le motiver. ( Aux voix! aux voix, l’article /) M. Boutteville-Dumet*. Je demande le renvoi au nom de la libeité. On ne sent pas le danger de ce moment. M. Prieur. J’en demande le renvoi aux comités. Le peuple français a le droit de s’assembler. M. Mou gins de Roquefort. La délibération est commencée : M. Prieur ne peut pas demander le renvoi. M. Prieur. Il y a un décret, rendu sur le rapport de M. Démeunier, qui dit que les départements jugeront de la légalité des assemblée-, sauf l’appel au Corps législatif. Voilà ce que porie la Constitution. Un pareil amendement sape la Constitution dans tous ses fondements. C’e�t la Constitution que je défends ici contre ceux qui veulent l’altérer. M. d’André. Je demande la parole pour répondre à M. Prieur. M. Salie. Ou M. d’André ne connaît point nos décrets, ou il veut renverser notre Constitution. M. Lanjuinaig. Je demande le renvoi pour faire cesser les calomnies. M. Prieur. Un renvoi n’a jamais pu nuire à personne. (L’Assemblée consultée décide que l’article et l’amendement seront renvoyés aux comités. ) M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Nous allons lepren ire maintenant la suite de la quatiième section; il s’agit des articles 7, 8 et 9 dont vous avez ajourné hier la di cussion à la séance d’aujourd’hui. Voici la nouvtdle rédaction que nous vous proposons pour ces articles : Art. 7. « Quiconque aura délivré ou sera convaincu d’avoir tenté de délivrer par force et violence des personnes légalement détenues sera puni de 3 années de chaîne.’ Art. 8. « Si le coupable du crime mentionné en l’article précédent était porteur d’armes à feu ou de touies autres armes meurtrières, la peine sera de 6 années de chaîne. Art. 9. « Lorsque les crimes mentionnés aux 2 précédents arlicles auront é é commis par 2 ou par plusieurs personnes réunies, la durée de la peine sera de 6 anné s si le crime a été commis sans armes, et de 12 années si les coupables dudit crime élai-nt porteurs d’armes à feu ou de toutes autres armes meurtrières. » M. Prieur. Dans les différents articles proposés, je ne vois pas que M. le rapporteur ait prévu le cas où la violence cxer< ée par ceux qui voudraient enlever un prisonnier aurait été suivie d’assassinats et de meurtres : ou le cas où, en faisant évader un seul prisonnier, on aurait fait évader plusieurs personnes détenues dans la même prison. Il faut appliquer une peine plus forte dans un cas que dans l’autre. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. En suivant le principe de M. Prieur, il faudra graduer à l’infini les nuances de peines, suivant le nombre de prisonniers qu’on aurait fait évader; mais je vous observe que la ba-e de ce délit est moins d’avoir délivré un prisonnier susceptible d’une punition plus ou moins grave, que d’avoir attenté à l’autorité de la loi, que d’avoir violé le sceau, le cachet que la loi a apposé sur la porte de la prison. Je demande donc que l’on aille aux voix sur les articles. Plusieurs membres ; Aux voix ! aux voix ! (Les articles 7, 8 et 9 sont successivement mis aux voix et adoptés. ) M. Le Pelletier-Saint -Fargean, rapporteur. No i ■ s passons à la cinquième section relative aux crimes des fonctionnaires publics dans f exercice des pouvoirs qui leur sont confiés. Voici l’art cle premier : « Tout agent du pouvoir exécutif, ou fonctionnaire public quelconque, qui aura employé ou requis l’action de la iorce publique dont la disposition lui est conliée, pour empêcher l’exécution d’une loi ou la perception d’une contribution légitimement établie, sera puni de la peine de la gêne pendant 10 années. « Tous les agents subordonnés qui auront contribué à l’exécmion desdits ordres seront punis de la peine de 6 années de prison. » M. Malonet. Je demande la suppression de la responsabilité de l’agent subalterne. M. Martineau. Je crois qu’il n’est pas d’un bon législateur d’élablir des peines qui frappent sur la mult'tude; c’est le moyen de rendre la loi impossible dans son exécution. Je suppose, pour un instant, une chose qui peut-être n’arrivera pas, mais enfin qui est dans les choses possibles. Je suppose qu’un commandant d’armée emploie 12 ou 15,000 hommes pour exercer une vexation sur des citoyens, pour arrêter l’exécution d’une loi et faire exécuter ce qui n’est pas une loi, ce qui ne doit pas être exécuté. Je conçois très bien que vous ne pouvez pas séûr avec trop de rigueur contre le ministre, contre le commandant de l’armée, contre même les premiers officiers apiès le commandant; mais d’imaginer que vous irez condamner les 10,000 sol- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1791.] dats à 10 ans de peine de chaîne, de gêne, de détention, voilà, Messieurs, ce qui n’est pas convenable; voilà ce qui est impraticable dans l’exécution, et voilà ce qui est dans tous les cas souverainement injuste. Si vous adoptez l’article, vous mettez le soldat dans le cas de dire : « Pourquoi me fahes-vous marcher par là? » Je demande donc que l’on retranche de tous les articles du Code pénal tout ce qui concerne les soldais. M. d’André. Excepté contre le Corps législatif. M. ISartlnean.Ce cas-là esttellementcontraire à la li erté, qu’il n’est pas un soldat qui s'y prête. (L’Assemblée, consultée, décrète le retranchement du second paragraphe de l’article.) En conséquence, l’article est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 1er. « Tout agent du pouvoir exécutif, ou fonctionnaire public quelconque, qui aura employé ou requis l’action de la force publique, dont la disposition lui est confiée, pour empêcher l’exéca-cution d’une loi ou la perception d’une contribution légitimement établie, sera puni de la peine de la gêne pendant 10 années. » (Cet article est adopté.) Art. 2. « Tout agent du pouvoir exécutif, tout fonctionnaire public quelconque, qui aura employé ou requis l’action de la force publique, dont la disposition lui est confiée, pour empêcher l’exécution d’un jugement, mandat ou ordonnance de justice, ou d’un ordre émané d’officiers municipaux, de police ou de corps administratifs, ou pour empêcher l’action du pouvoir légitime, sera puni de la peine de 6 années de détection. « Le supérieur qui, le premier, aura donné les-dits ordres en sera seul responsable, et subira la peine portée au présent article. Art. 3. « Si, par suite, et à l’occasion de la résistance mentionnée aux deux précédents articles, il survient un attroupement séditieux, l’agent du pouvoir exécutif, ou le fonctionnaire public, désigné auxdits articles, en sera responsable, ainsi que des meurtres, violences et pillages auxquels cette résistance aura donné lieu, et il sera puni des peines prononcées contre L s instigateurs des attroup ments séditieux et les auteurs des meurtres, violences et pillages. Art. 4. « Tout dépositaire ou agent de la force publique qui, amès en avoir été requis légitimement aura refusé de faire agir ladite force, sera puni de la peine de 3 années de détention. » (Ces différents articles sont successivement mis aux voix et adoptés.) M. Le Pelletler-Saint-Fargeau , rapporteur, donne lecture de l’article 5, ainsi conçu : « iVut fonctionnaire public qui, sous prétexte de mandements ou de prédications, exciterait les citoyens par des discours prononcés dans des assemblées, on par des exhortations rendues publiques par la voie de l’impression, à désobéir aux lois et aux autorités légitimes, ou les provoquerait à des meurtres ou à des crimes, sera puni de la peine de la dégradation civique. 29o « Si, par suite et à l’occasion desdites exhortations prononcés ou imprimées, il survient quelque émeute, sédition, rébellion, meurtres, pillages ou autres crimes, le fonctionnaire public désigné au present article en sera responsable et subira les peines portées contre chacun desdits crimes. » M. liai omet. L’intention de l’article est de déclarer coupables, et de qualifier le délit de tous ceux dont les écrits ouïes discours auront excité des crimes. M. Barnave. Des fonctionnaires publics seulement. M. llalouet. La rédaction de l’article supposerait qu’on ne peut se rendre coup b le d’un pareil délit que par des mandements ou des prédications; et vous ne pouvez pas nier, Messieurs, qu’il y ait quelque autre manière de commettre les mêmes crimes, et consé imminent d’encourir les mêmes peines. Il faut donc spécifier toutes les autres manières dont on peut se rendre coupable du même crime. Je vous propose donc de dire : « sous prétexte de religion ou de patriotisme »; car ces deux choses, éga'ement sacrées aux yeux de tous les hommes, fournissent également matière aux excitations les plus dangereuses et les plus répréhensibles. Voilà à quoi se réduit mon observation sur la première partie de l’article ; quant à la seconde, il me paraît indispensable que vous en changiez la rédaction. Je propose de retrancher spécialement les termes : « mandement et prédication » ; car je vous prie, Messieurs, d’examiner ce qui en arriverait (Rires ironiques à gauche.) si, en supposant un ministre protestant, qui, dans ses sermons, aurait déclaré superstitieuses nos cérémonies catholiques. Je suppose qu’à la sa te de cette piédica-tion ses auditeurs échauffés attaquassent une procession ; certainement vous ne regarderiez pas comme coupable le ministre prote-tant qui, suivant les dogmes de sa religion, n’aurait fait que condamner un rite ou une formule catholique J’ai proposé de retrancher les mots de mandement et de prédication , car ils paraissent évidemment applicables aux circonstances; et une loi, un Code pénal ne doit pas être environné de circonstances. Je connais assurément des formules de mandement très coupables; ne fût-ce que celui adressé aux mulâtres de Saint-Domingue, par lequel ou déclare qu'Ogé a été assassiné légalement, par lequel on annonce l’affranchissement prochain des nèures. Je regarde comme très cou-pab'e une pareille lettre pastorale ; et je crois fort que, s’il y a des suites dangereuses, des suites sanguinaires, les colonies en rendront responsable l’auteur de cette lettre p asto raie. Par le pouvoir qui est confié au juré, vous l’avez spécialement chargé de juger la moralité de l’accué, et de vérité r si dans le délit qui lui est imputé il a eu l’intention de le commettre. D’après cela, comment pourriez-vous rendre un homme responsable de toutes les suites possibles, si son discours, sa prédication ne sont pas une excitation positive au crime et à la sédition ? La prédication, le discours sont très coupables lorsqu’il y a excitation positive au crime, encore plus au meurtre et à l’incendie, c’est-à-dire excitation positive et désobéissance aux lois et, en un mot, à tout ce qui est criminel. Je demande