552 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Convention, et même de le supprimer s’il leur semblait dangereux) (l). L’assemblée jugerait mal les événements et la position dans laquelle elle se trouve, si elle se dissimulait qu’elle est entre deux égorgements. Elle périra si elle est faible. (Non, non ! s’écrient tous les membres en se levant à la fois et agitant leurs chapeaux. Les spectateurs répondent par des applaudissements et des cris de vive la Convention ! vive le comité de salut public /). Lebas demande la parole; on lui observe qu’elle appartient à Billaud-Varenne; il insisté et cause du trouble. DELMAS : Je demande que Lebas soit rappellé à l’ordre. Cette proposition est décrétée. Lebas insiste de nouveau. Tous les membres : Qu’il obéisse au décret, ou à l’Abbaye. BILLAUD : Je demande moi-même que tous les hommes s’expliquent dans cette assemblée. On est bien fort quand on a pour soi la justice, la probité et les droits du peuple. Vous frémirez d’horreur quand vous saurez la situation où vous êtes, quand vous saurez que la force armée est confiée à des mains parricides ; quand vous saurez que le chef de la garde nationale a été dénoncé au comité de salut public par le tribunal révolutionnaire comme un complice d’Hébert et un conspirateur infâme. Vous frémirez d’horreur quand vous saurez que ceux qui accusent le gouvernement de placer à la tête de la force armée des conspirateurs et des nobles, sont ceux qui nous ont forcé la main pour y mettre les seuls nobles qui y existent; et Lavallette, conspirateur à Lille, en est une preuve. Vous frémirez quand vous saurez qu’il est un homme qui, lorsqu’il fut question d’envoyer des représentants du peuple dans les départements, ne trouva pas sur la liste qui lui fut présentée vingt membres de la Convention qui fussent dignes de cette mission. (L’assemblée murmure d’indignation). Je dirai plus, on s’est plaint que les patriotes étaient opprimés. Certes, vous aurez une bien étrange idée de la dénonciation quand vous saurez que celui de qui elle part a fait arrêter le meilleur comité révolutionnaire de Paris, celui de la section de l’Indivisibilité, quoiqu’il n’y eût que deux de ses membres qui fussent dénoncés. (Nouveaux murmures). Quand Robespierre vous dit qu’il s’est éloigné du comité parce qu’il y était opprimé, il a soin de ne pas vous faire tout connaître ; il ne vous dit pas que c’est parce qu’ayant fait dans le comité sa volonté pendant six mois, il y a trouvé de la résistance au moment où, seul, il a voulu faire rendre le décret du 22 prairial; ce décret qui dans les mains impures qu’il avait choisies, pouvait être si funeste aux patriotes. (Les murmures d’indignation continuent). Sachez, citoyens, qu’hier, le président du tribunal révolutionnaire a proposé ouvertement aux Jacobins de chasser de la Convention tous les hommes impurs, c’est-à-dire tous ceux qu’on veut sacrifier; mais le peuple est là, et les patriotes sauront mourir pour sauver la liberté (Oui, oui ! s’écrient tous les membres. - Vifs applaudissements). (l) Selon Mess. Soir (n° 707), Ann. patr., (n° DLXXIV) et J. Lois (n° 667), des cris de « C’est un traître ! c’est un traître ! » furent proférés à l’adresse de St-Just à ce passage du discours. Je le répète, nous mourrons tous avec honneur, car je ne crois pas qu’il y ait ici un seul représentant qui voulût exister sous un tyran. (Non, non ! s’écrie-t-on de toutes parts ; périssent les tyrans ! - Les applaudissements se prolongent). Les hommes qui parlent sans cesse de justice et de vertu à la Convention ou aux Jacobins, sont ceux qui la foulent aux pieds quand ils le peuvent; en voici la preuve. Un secrétaire du comité de salut public avait volé 114,000 liv. J’ai demandé son arrestation, et Robespierre, qui parle sans cesse de justice et de vertu, est le seul qui l’ait empêché d’être arrêté. (Nouveau mouvement d’indignation). Il est, citoyens, mille autres faits que je pourrais citer; et c’est nous qu’il accuse ! Quoi ! des hommes qui sont isolés, qui ne connaissent personne, qui passent les nuits et les jours au comité de salut public, qui organisent les victoires, ces hommes seraient des conspirateurs ! et ceux qui n’ont abandonné Hébert que quand il ne leur a plus été possible de le favoriser seront des hommes vertueux ! La première fois que je dénonçai Danton au comité, Robespierre se leva comme un furieux, en disant qu’il voyait mes intentions, que je voulais perdre les meilleurs patriotes. Tout cela m’a fait voir l’abîme creusé sous nos pas. Il ne faut point hésiter à le combler de nos cadavres ou à triompher des traîtres. On voulait détruire, mutiler la Convention, et cette intention était si réelle qu’on avait organisé un espionnage des représentants du peuple qu’on voulait égorger. Il est infâme de parler de justice et de vertu quand on les brave et quand on ne s’exhale que lorsqu’on est arrêté ou contrarié. Robespierre s’élance à la tribune. Un grand nombre de voix : A bas, à bas le tyran ! (l) B BILLAUD-VARENNE : Les hommes que la Convention vient de frapper ne sont pas ceux qui méritent le plus son indignation. Il est un nommé Boulanger, conspirateur avec Hébert, qui s’est ouvertement prononcé, à l’époque de la conspiration de celui-ci, aux Cordeliers. Cet homme a aussi conspiré avec Dumouriez; il était l’ami de Danton; et c’est Dumas qui l’avait jeté hier au milieu des Jacobins pour empêcher Collot d’Herbois de parler. C’est ce Dumas qui, après avoir ameuté des contre-révolutionnaires, voulait faire regarder Collot comme un conspirateur, afin qu’il ne pût déchirer le voile; ce Dumas, dont toute la famille est émigrée, qui est accusé d’avoir soupé avec son frère la veille de son émigration, et contre lequel il y a aux Jacobins des preuves de la perfidie la plus atroce ! Je demande donc l’arrestation de Dumas, de Boulanger, de Du-frenne. L’arrestation est décrétée. (On applaudit). DELMAS : D’après les faits qui viennent d’être dénoncés, il est impossible de ne pas croire qu’Han-riot ait eu l’adresse de s’entourer de conspirateurs. Ses adjudants et ses aides-de-camp doivent être infiniment suspects. J’en demande l’arrestation. (l) Moniteur (réimpr.), XXI, 332; Débats, 165-167; J. Mont., n° 93. Voir P.V., nos 1, 2, 3 et 4. 552 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Convention, et même de le supprimer s’il leur semblait dangereux) (l). L’assemblée jugerait mal les événements et la position dans laquelle elle se trouve, si elle se dissimulait qu’elle est entre deux égorgements. Elle périra si elle est faible. (Non, non ! s’écrient tous les membres en se levant à la fois et agitant leurs chapeaux. Les spectateurs répondent par des applaudissements et des cris de vive la Convention ! vive le comité de salut public /). Lebas demande la parole; on lui observe qu’elle appartient à Billaud-Varenne; il insisté et cause du trouble. DELMAS : Je demande que Lebas soit rappellé à l’ordre. Cette proposition est décrétée. Lebas insiste de nouveau. Tous les membres : Qu’il obéisse au décret, ou à l’Abbaye. BILLAUD : Je demande moi-même que tous les hommes s’expliquent dans cette assemblée. On est bien fort quand on a pour soi la justice, la probité et les droits du peuple. Vous frémirez d’horreur quand vous saurez la situation où vous êtes, quand vous saurez que la force armée est confiée à des mains parricides ; quand vous saurez que le chef de la garde nationale a été dénoncé au comité de salut public par le tribunal révolutionnaire comme un complice d’Hébert et un conspirateur infâme. Vous frémirez d’horreur quand vous saurez que ceux qui accusent le gouvernement de placer à la tête de la force armée des conspirateurs et des nobles, sont ceux qui nous ont forcé la main pour y mettre les seuls nobles qui y existent; et Lavallette, conspirateur à Lille, en est une preuve. Vous frémirez quand vous saurez qu’il est un homme qui, lorsqu’il fut question d’envoyer des représentants du peuple dans les départements, ne trouva pas sur la liste qui lui fut présentée vingt membres de la Convention qui fussent dignes de cette mission. (L’assemblée murmure d’indignation). Je dirai plus, on s’est plaint que les patriotes étaient opprimés. Certes, vous aurez une bien étrange idée de la dénonciation quand vous saurez que celui de qui elle part a fait arrêter le meilleur comité révolutionnaire de Paris, celui de la section de l’Indivisibilité, quoiqu’il n’y eût que deux de ses membres qui fussent dénoncés. (Nouveaux murmures). Quand Robespierre vous dit qu’il s’est éloigné du comité parce qu’il y était opprimé, il a soin de ne pas vous faire tout connaître ; il ne vous dit pas que c’est parce qu’ayant fait dans le comité sa volonté pendant six mois, il y a trouvé de la résistance au moment où, seul, il a voulu faire rendre le décret du 22 prairial; ce décret qui dans les mains impures qu’il avait choisies, pouvait être si funeste aux patriotes. (Les murmures d’indignation continuent). Sachez, citoyens, qu’hier, le président du tribunal révolutionnaire a proposé ouvertement aux Jacobins de chasser de la Convention tous les hommes impurs, c’est-à-dire tous ceux qu’on veut sacrifier; mais le peuple est là, et les patriotes sauront mourir pour sauver la liberté (Oui, oui ! s’écrient tous les membres. - Vifs applaudissements). (l) Selon Mess. Soir (n° 707), Ann. patr., (n° DLXXIV) et J. Lois (n° 667), des cris de « C’est un traître ! c’est un traître ! » furent proférés à l’adresse de St-Just à ce passage du discours. Je le répète, nous mourrons tous avec honneur, car je ne crois pas qu’il y ait ici un seul représentant qui voulût exister sous un tyran. (Non, non ! s’écrie-t-on de toutes parts ; périssent les tyrans ! - Les applaudissements se prolongent). Les hommes qui parlent sans cesse de justice et de vertu à la Convention ou aux Jacobins, sont ceux qui la foulent aux pieds quand ils le peuvent; en voici la preuve. Un secrétaire du comité de salut public avait volé 114,000 liv. J’ai demandé son arrestation, et Robespierre, qui parle sans cesse de justice et de vertu, est le seul qui l’ait empêché d’être arrêté. (Nouveau mouvement d’indignation). Il est, citoyens, mille autres faits que je pourrais citer; et c’est nous qu’il accuse ! Quoi ! des hommes qui sont isolés, qui ne connaissent personne, qui passent les nuits et les jours au comité de salut public, qui organisent les victoires, ces hommes seraient des conspirateurs ! et ceux qui n’ont abandonné Hébert que quand il ne leur a plus été possible de le favoriser seront des hommes vertueux ! La première fois que je dénonçai Danton au comité, Robespierre se leva comme un furieux, en disant qu’il voyait mes intentions, que je voulais perdre les meilleurs patriotes. Tout cela m’a fait voir l’abîme creusé sous nos pas. Il ne faut point hésiter à le combler de nos cadavres ou à triompher des traîtres. On voulait détruire, mutiler la Convention, et cette intention était si réelle qu’on avait organisé un espionnage des représentants du peuple qu’on voulait égorger. Il est infâme de parler de justice et de vertu quand on les brave et quand on ne s’exhale que lorsqu’on est arrêté ou contrarié. Robespierre s’élance à la tribune. Un grand nombre de voix : A bas, à bas le tyran ! (l) B BILLAUD-VARENNE : Les hommes que la Convention vient de frapper ne sont pas ceux qui méritent le plus son indignation. Il est un nommé Boulanger, conspirateur avec Hébert, qui s’est ouvertement prononcé, à l’époque de la conspiration de celui-ci, aux Cordeliers. Cet homme a aussi conspiré avec Dumouriez; il était l’ami de Danton; et c’est Dumas qui l’avait jeté hier au milieu des Jacobins pour empêcher Collot d’Herbois de parler. C’est ce Dumas qui, après avoir ameuté des contre-révolutionnaires, voulait faire regarder Collot comme un conspirateur, afin qu’il ne pût déchirer le voile; ce Dumas, dont toute la famille est émigrée, qui est accusé d’avoir soupé avec son frère la veille de son émigration, et contre lequel il y a aux Jacobins des preuves de la perfidie la plus atroce ! Je demande donc l’arrestation de Dumas, de Boulanger, de Du-frenne. L’arrestation est décrétée. (On applaudit). DELMAS : D’après les faits qui viennent d’être dénoncés, il est impossible de ne pas croire qu’Han-riot ait eu l’adresse de s’entourer de conspirateurs. Ses adjudants et ses aides-de-camp doivent être infiniment suspects. J’en demande l’arrestation. (l) Moniteur (réimpr.), XXI, 332; Débats, 165-167; J. Mont., n° 93. Voir P.V., nos 1, 2, 3 et 4.