[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 novembre 1789.) *742 yait pas juger les membres du parlement; mais ce tribunal n’est-il pas actuellement chargé de connaître des crimes de lèse-nation? et ce tribunal a mérité la confiance générale. Si vous craignez de renvoyer un parlement au Châtelet, il y a dans ce préjugé une arrière-pensée d’aristocratie.... On a proposé de nommer des commissaires de ,’Assemblée pour suivre cette affaire; cette mesure est raisonnable, elle n’indique pas que nous ayons condamné la chambre des vacations, nous ne faisons à son égard que ce qui se pratique en Angleterre. Dans la législature anglaise la Chambre des communes juge s’il y a lieu à l’accusation. Ce jugement n’existe pas en quelque manière pour l’accusé, il n’existe que pour la chambre, et ce premier jugement est précédé d’un grand examen et suivi de l’accusation. Ici vous avez un motif d’accusation fondé sur un fait public et dont l’accusé convient ; il vous est dénoncé par un acte du pouvoir exécutif. Vous pouvez donc accuser et nommer des commissaires à l’accusation; l’Assemblée nationale, après avoir détruit les ordres, ne doit pas redouter les corporations. Le procès nous apprendra, ce qu’il importe de savoir, si ce sont ici des membres de la chambre des vacations qui ont seuls agi, ou s’il existe encore un ensemble de résistance. M. La Poule appuie l’opinion de M. de Clermont-Tonnerre. Un autre membre dit que, Je pouvoir exécutif ayant, prononcé, l’Assemblée n’a plus rien à faire ; il cite Montesquieu, lorsqu'il dit que rien ne prouve plus le despotisme que la multiplicité des accusations delèse-majesté. Il faut, a-t-il ajouté, ne plus parler de crime de lèse-nation, que vous ne l’ayez défini ; remerciez le Roi, et déclarez n’y avoir lieu à délibérer. M. Lambert de Frondeville. En qualité de résident du parlement de Normandie, et même e président de la chambre des vacations, je ne me présente qu’avec beaucoup de timidité.... (Les marques d’approbation de l’Assemblée encouragent l’orateur.) Je sais que l’esprit de corps doit céder à l’esprit public; mais les métamorphoses subites sont bien difficiles. Quoique président, je n’ai participé en aucune manière à l’arrêté ; je ne i’ai même connu que lorsqu’il a été envoyé à M. le garde des sceaux. J’ai entendu proposer plusieurs partis violents, mais aucune inculpation raisonnée; ici point de délit constaté, et je ne puis concevoir comment on peut proposer des peines. La chambre a obéi aux décrets de l’Assemblée; un témoignage de dévouement au Roi, témoignage peut-être indiscret, peut contenir des erreurs, mais le corps du délit ne se trouve pas dans les expressions insolentes. Je ne veux point faire la guerre aux mots ; je ne suis ici que suppliant. Je vous prie de jeter vos regards sur ces corps antiques ; ils ont vu un torrent d’esprit public se transporter au delà des bornes que votre sagesse voulait lui prescrire; c’est au milieu de ces désordres qu’ils ont vus, au milieu de l’étourdissement universel, si j’ose le dire, qu’ils ont tait entendre leurs plaintes. N’v a-t-il pas de la cruauté à ne pas souffrir un crfde plainte à celui qui souffre? Les magistrats que vous poursuivez ne doivent-ils pas être accablés de chagrin quand ils perdent leur état et leur existence? C’est leur opinion et non leur désobéissance que vous allez j punir. Des magistrats livrés à la fureur du peuple, fugitifs, expatriés, séparés de leurs familles désolées.... (Aces mots l’orateur verse des larmes; son émotion se communique à tous les auditeurs, et des applaudissements réitérés Jui prouvent les impressions favorables que sa sensibilité vient de produire sur l’Assemblée.) Il m’est pardonnable de défendre mes confrères, avec lesquels j’ai vécu, et dont je dois partager les malheurs. Je vous supplie, Messieurs, de considérer dans quel abîme vous allez plonger ces magistrats ; je ne résume pas mon opinion, vous me permettrez de n’en point avoir dans une affaire qui m’est presque personnelle. M. le chevalier Alexandre de Lameth. Il n’y a rien à ajouter à ce qu’a dit le préopinant en faveur des magistrats de Normandie* Il a rempli avec une sensibilité rare un devoir sacré; mais j’ose dire qu’il a laissé la question de côté. M. Barnave. Si l’on considère ce discours sous le rapport de l’humanité, il n’y a pas un mot à répondre ; mais si l’on veut le regarder comme une justification du parlement, il est facile de faire disparaître tous les moyens dont iL est étayé. Le corps du délit est évident dans les principes anti -constitutionnels sur l’enregistrement; les réserves qui l’accompagnent et les qualifications qui y sont jointes forment un corps de délit constant, qui entraînent à forfaiture ; il ne reste que la forme dans laquelle il doit être poursuivi; il me semble que ce délit est un crime de lèse-nation, pour la poursuite duquel il faut renvoyer devant le tribunal compétent, et nommer des commissaires. M. Lambert de Frondeville observe que la chaAbre des vacations ne peut enregistrer que provisoirement, et que ces mots, sans tirer à conséquence , ne peuvent pas la rendre plus coupable; il a ajouté que la chambre n’avait fait ni imprimer, ni afficher, ni envoyé au bailliage de son ressort l’arrêté du 6. Un député de Nevers propose un décret portant que l’arrêté sera rayé des registres, et le Roi supplié d’envoyer des commissaires pour assister à la radiation, et que la chambre des vacations sera tenue d’enregistrer, à peine de forfaiture. On demande aussitôt de mettre aux voix la division, l’ajournement et la question préalable. M. de Bouville appuie la division. M. Le Chapelier prouve qu’elle ne peut être accordée; il dit seulement que le parlement de Normandie ne peut être puni pour un délit particulier à la chambre des vacations, et qu’ainsi il suffisait de demander que le Roi nommât une autre chambre de vacations parmi les autres membres du parlement. M. Le Chapelier. Voici ma motion : « Que le Roi sera supplié de nommer une autre chambre des vacations, prise parmi les autres membres du parlement de Rouen, avec les mêmes pouvoirs et les mêmes fonctions que la précédente, laquelle enregistrera purement et simplement le décret du 3 novembre. » On demande de nouveau la division des articles. La division est accordée. Les trois articles de la motion de M. Target amendée sont successivement mis aux voix et décrétés en ces termes : [11 novembre 1789.] 743 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « L’Assemblée nationale, considérant que l’arrêté pris le six de ce mois par la chambre des vacations du parlement de Normandie, et qui lui a été communiqué par les ordres du Roi, est un attentat à la puissance souveraine de la nation, a décrété et décrète : « 1° Que M. le président se retirera devers le Roi pour le remercier, au nom de la nation, de la promptitude avec laquelle il a proscrit cet arrêté, et réprimé les écarts de ladite Chambre ; « 2° Que celte pièce sera envoyée au tribunal auquel l’Assemblée a attribué provisoirement la connaissance des crimes de lèse-nation, pour le procès être instruit contre les auteurs de l’arrêté, ainsi qu’il appartiendra ; « 3° Que le Roi sera supplié de nommer une autre chambre des vacations, prise parmi les autres membres du parlement de Rouen, avec les mêmes pouvoirs et les mêmes fonctions que la précédente, laquelle enregistrera purement et simplement le décret du 3 novembre, présent mois. » M. le Président, attendu l’heure, a renvoyé a demain matin le nouveau scrutin pour l’élection d’un président, a levé la séance, et l’a remise à demain, à l’heure ordinaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CAMUS. Séance du mercredi 11 novembre 1789 (1). Un de MM. les secrétaires a fait lecture des adresses ci-après: Adresse de M. Desbois de Rochefort, curé de Saint-André des-Arcs, où il demande: 1° la suppression de toute espèce de casuel ecclésiastique ; 2® qu’à l’avenir aucune sépulture ne soit faite dans l’enceinte des villes, et notamment dans celle de Paris ; 3° que dans la capitale il soit Lût incessamment une nouvelle distribution des paroisses, et qu’une paroisse soit composée de 20,000 individus -, 4° que dans cette nouvelle distribution des paroisses, on affecte à celles qu'il sera jugé nécessaire d’établir les églises et les bâtiments des communautés religieuses ; 5° enfin, que les revenus destinés aux curés et vicaires de chaque paroisse soient pris sur le séquestre de l’abbaye de Saint-Oermain-des-Prés, des biens des Gélestins et autres. Adresse des citoyens de la commune dePuray en Gharolais, contenant l’adhésion la plus entière aux décrets de l’Assemblée nationale; ils font le serment de se réunir à tous les bons Français pour voler au secours de l’Etat en danger, dénoncent d’avance comme traîtres à la patrie tous ceux qui oseraient convoquer les états de Bourgogne avant la forme décrétée par l’Assemblée, et protestent contre tout ce qui pourrait y être traité, comme attentatoire à la liberté publique. Délibération de la communauté des Carmes déchaussés de la ville de Toulon, par laquelle ils offrent à la nation tous leurs biens, s’abandonnant à la sagesse et à la justice de l’Assemblée pour pourvoir à leur subsistance. Délibération des officiers municipaux de la ville de Houdan, qui proposent à l’Assemblée nationale de payer dans le délai d’un mois, à compter du jour de la réponse qui leur sera faite, le montant des impositions extraordinaires de cette année, moyennant une remise proportionnée, Délibérations des communautés de Seby, d’Ar-bomatre et d’Amont, sénéchaussée de Saint-Sever en Guyenne, par lesquelles elles adhèrent avec une respectueuse reconnaissance aux arrêtés du 4 août dernier, et notamment à l’article qui contient Je sacrifice de tous privilèges particuliers des provinces, corps et communautés. Adresse des officiers municipaux de la ville de Courtenay, contenant félicitations, remerciements, et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale. Délibération des officiers municipaux et habitants de la ville d’Orgelet en Franche-Comté, par laquelle ils adhèrent avec transport au décret de l’Assemblée concernant la contribution patriotique du quart des revenus, et déclarent qu’ils sont disposés à toutes sortes de sacrifices pour assurerla tranquillité des représentants de la nation, le salut de l’Etat, et la gloire du monarque. Délibération du comité permanent de la ville de Narbonne, par laquelle il dénonce à l’Assemblée nationalel’imprirné intitulé : Déclaration de l'ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, comme séditieux et attentatoire à l’autorité de l'Assemblée nationale. 11 déclare adhérer, au nom de la commune de cette ville, à la renonciation de ses privilèges particuliers, aux vues déjà manifestées dans l’Assemblée sur la division des provinces, et se dévouer absolument pour l’exécution de ses décrets sanctionnés par le Roi. Adresse des religieuses du prieuré de la Colombe, transféré en l’abbaye de l’Ëtrées, au diocèse d’Evreux, qui réclament avec instance leur conservation : les curés, syndics et principaux habitants des lieux et paroisses voisines, font la même supplication. Ils attestent que de tout temps les pauvres ont trouvé dans le couvent de l’Etrées des secours de tout genre, en santé comme en maladie, et qu’il est pour toute la province une maison d’édification, d’austérité, et de la plus parfaite concorde. Délibération du conseil permanent de la ville de Florac en Gévennes, contenant la plus parfaite adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, notamment à celui concernant la contribution patriotique du quart des revenus ; il exprime la plus vive satisfaction sur le séjour du Roi et de l’Assemblée nationale dans la capitale. Après la lecture des adresses, il a été observé qu’il était infiniment urgent d’organisé les municipalités dans le plus court délai ; en conséquence, il a été demandé que l’Assemblée tînt une seconde séance, tons Jes soirs, depuis 8 heures jusqu’à 10. La discussion de cet objet a été renvoyée à lundi prochain. Un membre de la députation d’Alsace a rendu compte des poursuites exercées par le prévôt de la maréchaussée deHaguenau, notamment contre plusieurs membres de là municipalité de ce lieu. Il a ajouté que trois particuliers avaient été constitués prisonniers, et que leur procès s’instruisait avec la plus grande vivacité. L’Assemblée, d’après les motifs qui lui ont été exposés, a décrété qu’il serait demandé un sursis au Roi ; elle a ordonné en même temps que copie entière de la procédure serait envoyée au comité des recherches. M Wartel a demandé qu’on lui accordât un (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.