[17 juin 1790.] 261 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. chapitre de la fondation et dotation d’un hôpital, d’une maison de providence, des écoles d’instruction chrétienne et de tous les établissements publics, sources intarissables et nécessaires de secours de toute espèce ; Qu’à ces motifs de religion d’intérêt public, de politique et de reconnaissance, les citoyens d’Uzès se voient dans l’heureuse obligation de joindre leur vœu général pour la conservation d’un prélat dont le caractère doux, le cœur bienfaisant et l’esprit conciliant ont si puissamment contribué à la réunion des citoyens des deux cultes. Que ce troupeau, par la manière dont il est environné, ne peut se passer de la surveillance d’un premier pasteur local ; que dans un royaume chrétien, le sacerdoce et l’empire se prêtent secours et assistance ; que les lys furent toujours les remparts de la croix, et que d’aussi puissantes considérations, présentées avec un respect mêlé de confiance, sont un hommage dû à la religion et aux vertus des augustes représentants d'une nation chrétienne : Ont unanimement délibéré d’adresser à Nos seigneurs de l’Assemblée nationale, protectrice de la foi, les vœux de la catholicité d’Uzès, pour la conservation du siège épiscopal, ainsi que des trois maisons religieuses de l’un et de l’autre sexe, avec prière d’augmenter le nombre des religieux, s’il est possible, comme tendant à accroître l’édification publique, et améliorer l’état sprirituel des fidèles; Délibéré, en outre, que la présente adresse sera déposée pendant six jours chez M. Delafont, notaire d’Uzès, à l’effet par tous les citoyens, tant de la ville que du dehors, qui ne sont pas présents, d’en prendre connaissance et d’y adhérer librement, suivant l’inspiration de leur zèle pour la gloire de la chrétienté; passé lequel délai, elle sera présentée à MM. les officiers municipaux, avec prière d’y mettre leur attache, et de l’envoyer à nos dits seigneurs, suppliés de concilier, s’il se peut, en aucune manière, les vues générales de l’assemblée, avec le vœu particulier d’une ville, qui, grâce à la sagesse des décrets sur lesquels va reposer à jamais la félicité publique, n’ayant plus sujet de s’alarmer que sur ce qui maintient la religion dans son enceinte, a cru devoir manifester ses craintes et ses devoirs au corps respectable des législateurs, toujours ambitieux de connaître les vœux des peuples, parce qu’ils sont toujours prêts à les seconder autant qu’il est en eux. Et ont tous les délibérants signé, à l’exception, toutefois, des illettrés, formant le plus grand nombre. Signé : dampmartin, commandant pour le roi à Uzès, etc., et suivent huit pages de signatures. ANNEXE N° 4. Adhésion de la municipalité de la ville d'Uzès. Nous, maire et officiers municipaux de la ville d’Uzès, applaudissant aux vœux manifestés dans l’adresse ci-dessus, joignons nos sollicitations les plus pressantes à celles des citoyens qui l’ont signée, et dont les sentiments sont ceux d’un peuple nombreux qui les exprime dans ce moment par l’organe de ses magistrats. De quels justes regrets ne serait-il pas en effet pénétré, s’il voyait transporté dans des lieux plus favorisés le siège épiscopal établi dans ses murs depuis quatorze siècles, et tous les avantages politiques et religieux attachés à sa possession. Nous ne dirons point qu’en diminuant le nombre des premiers pasteurs de l’Eglise, en étendant le devoir de leur sollicitude sur des pays plus vastes et des peuples plus nombreux, on affaiblit nécessairement l’influence de leur zèle, toujours d’autant moins sensible qu’elle est plus divisée, et qu’on les rend étranger eux-mêmes aux fidèles confiés à leur surveillance. Ces considérations générales ont été pesées, sans doute, dans la sagesse de J’Assemblée de la nation : nous ne dirons pas non plus que s’il était irrévocablement décrété de supprimer deux des trois évêchés de Nîmes, Alais et Uzès, la ville d’Uzès serait de ces trois villes la plus centrale, et celle, par conséquent, d’où le siège épiscopal atteindrait avec plus de facilité aux différentes extrémités des trois diocèses réunis; que, dans le même cas, celui d’Uzès, égal en étendue aux deux autres, semblerait devoir obtenir de les réunir à lui, plutôt que d’être réuni à eux. De pareilles considérations présenteraient une apparence de concurrence et de rivalité qui n’est point dans nos sentiments et dans nos principes ; mais nous observerons avec les diocèses voisins, que ceux d’Uzès et d’Alais sont presque tout entiers placés dans les montagnes; qu’il résulte de cette position que leur population est extrêmement divisée, éparse, et occupe une très vaste étendue de terrain ; que si on les compare aux autres diocèses du royaume, d’après le nombre de leurs paroisses, ils ne paraîtront pas au-dessus de la grandeur ordinaire; mais que, 3i on compare leur surface, si l’on a égard à la distance des paroisses, entre elles, si l’on considère la difficulté de l’assiette du plus grand nombre, on reconnaîtra que ces diocèses sont hors de la règle commune et méritent des exceptions. Nous dirons que s’il importe autant au bien de l’Etat qu’à celui de la religion que le culte dominant conserve non seulement une supériorité d’opinion et de protection, mais une supériorité réelle et effective, fondée sur celle des forces et du nombre, de peur qu’une sorte d’égalité et de balancement ne fît naître une source perpétuelle de lutte et d’oppositions, il devient singulièrement essentiel, dans un pays dont le tiers est peuplé de calvinistes, de conserver les sièges épiscopaux, qui sont, en quelque manière, des centres de réunion, des signes de ralliement rappelant sans cesse ceux qui s’égarent, attachant plus fortement ceux qui restent fidèles. Nous dirons surtout, et nous répéterons avec l’adresse ci-dessus, que la ville d’Uzès, éloignée des grandes routes, sans manufacture importante, sans commerce, sans production même, car son territoire resserré n’offre partout qu’un sol stérile et ingrat, trouvait dans la consommation d’une partie des revenus de l’évêché, dans celle des revenus du chapitre cathédral, dans le secours que la misère obtenait de la piété des titulaires, des ressources que sa position rendait précieuses; que si on les enlève, cette ville, perdant déjà l’avantage qu’elle avait d’être chef d’un district, triple en importance de celui qui doit lui rester, verra sensiblement décroître le peu de consistance qu’elle avait obtenu, et n’aura pas même la consolation de voir ses nertes particulières tourner au profit du bien public. Nous dirons, enfin, qu’en reconnaissant la vérité des observations faites dans l’adresse au sujet des maisons religieuses qui sont dans cette ville, on peut y ajouter que la plus considérable d’entre elles, celle des Capucins, a été fondée par le duc d’Uzès; que tout ce qu’elle possède lui 262 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. £17 juin 1790.] a été dotiüé par eux, avec la clause de réversibilité en cas d’extinction : qu’ainsi, la nation ne pouvant rien gagner en la supprimant, l’intérêt général, uni à celui de la ville d’Uzès, semble devoir indiquer cette maison pour être une de celles où l’on pourrait recueillir les religieux forcés d’abandonner les maisons supprimées. Puissent ces différentes considérations obtenir quelques faveurs auprès de l’auguste Assemblée, sous les yeux de laquelle elles seront mises ; et puisse-t-elle voir elle-même, avec indulgence, les sentiments qui les lui ont dictées, et que nous rendent plus chères encore les actives vertus du digne pasteur qui, depuis les premiers moments de son épiscopat, n’a pas cessé d’acquérir des droits à notre reconnaissance et à notre amour! Signé : tRinquelague, et tous les autres officiers municipaux. ANNEXE N* 5. Discours prononcé par M. le maire avant le serment civique qui a été prêté par la légion d’Uzès sur l’Esplanade, le 2 mai 1790. Messieurs, un grand objet nous rassemble. Votre roi, les augustes représentants de la nation demandent de vous une consécration plus spéciale à la patrie, et vous allez remplir leurs vœux; vous allez jurer, en présence de vos concitoyens, dans les mains de vos magistrats, d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi. A la nation, parce que c’est d’elle qu’émanent tous les pouvoirs; à la loi parce qu’elle est la gardienne de la liberté ; au roi, parce que vous êtes Français. Ah ! que de sentiments et de souvenirs ce titre doit réveiller ! Français, en adorant la liberté, en rendant hommage aux défenseurs intrépides, n’oublions jamais que notre roi en fut parmi nous le restaurateur; n’oublions jamais qu’au milieu des orages et des calamités qui en ont marqué le retour, les larmes de ce bon prince n’ont coulé que sur son peuple: vous allez jurer encore, Messieurs, de maintenir de tout votre pouvoir la Constitution du royaume, et de prêtermain forte à l’exécution des ordres de justice, et à celle des décrets de l’Assemblée nationale, acceptés et sanctionnés par le roi; mais ce devoir de votre part doit être dirigé dans son exercice et c’est sur la réquisition des corps administratifs et municipaux qu’il doit être rempli. Dans vos mains est la force, dans les leurs le droit d’en régler l’usage; de l’alliance seule de ces deux pouvoirs peut naître l’ordre public. Puisse cette alliance heureuse être à jamais indissoluble! puisse le ciel, sensible aux vœux de tant de bons citoyens réunis, nous rendre enfin le calme et le bonheur ! Nous ne pouvons l’attendre que de la concorde ; abjurons donc ici tout sentiment contraire, et profitant de l’auguste cérémonie qui nous rassemble, scellons avec transport le pacte d’une union inaltérable, et que désormais nos bouches ne fassent plus entendre que le nom sacré d’amis et de frères. Annexe n° 6. rendu le 13 avril 1790, concernant la religion (1). Nosseigneurs, les catholiques de Montauban, formant la très grande majorité de cette ville, ont l’honneur de vous présenter leurs respectueuses observations. Les décrets concernant le clergé menacent' la religion d’une destruction prochaine ; l’éducation des ministres des autels est longue, coûteuse et pénible. Les obligations que le ministre leur impose les séparent, pour ainsi dire, de la société, et si cet état ne leur présente pas la perspective du bien-être, à l’abri des événements, quels sont les pères de famille qui feront donner à leurs enfants une éducation relative aux mystères des autels ? Déjà l’effet en est si sensible que les maisons destinées à cette sorte d’éducation en font la pénible observation. Le clergé, exproprié de ses biens, ne peut compter, pour sa subsistance, que sur le Trésor public : mais ce trésor méritera-t-il toujours la confiance, qui s’altère dans les Etats les plus florissants ; le culte de la religion doit-il être exposé à des vicissitudes, qui tendent à l’anéantir? La subsistance des ministres avait des biens-fonds pour hypothèque, et c’est la seule qui soit à l’abri des événements; la religion et le culte, qui en est inséparable, doivent avoir la base la plus solide possible : des législateurs sages et religieux ne doivent-ils pas craindre de l’ébranler ? L’Assemblée nationale vient de créer des assignats, elle leur donne des biens-fonds pour hypothèque; elle porte son attention plus loin, elle leur accorde un intérêt considérable pour prime. L’Assemblée pense donc que les opérations de l’Etat ont besoin d’une solidarité qui ranime et conserve la confiance. La promesse de faire payer au clergé un traitement par le Trésor public est bien éloignée d’avoir des bases aussi sûres. Gomment cette promesse pourra-t-elle obtenir assez de confiance, pour déterminer à embrasser un état, qui, par les fonctions qu’il prescrit, inhibe d’autre profession ? et dans le moment où vous accordez aux créanciers de l’Etat une solidarité que vous jugez nécessaire, pourriez-vous l’enlever au cuite public d’une religion, reconnue depuis quatorze siècles comme étant la religion de l’Etat ? Les évêques, les curés, les vicaires, les chanoines des cathédrales, les ecclésiastiques qui se livrent à la chaire, ou à l’éducation publique, sont aussi nécessaires à la religion qu’à la patrie; les catholiques de Montauban pensent que la suppression de ces établissements dans leur ville porte un coup mortel à l’une et à l’autre ; et le double serment qui leur prescrit de mourir pour leur foi et d’obéir aux lois de l’Etat concernant le clergé trouble leur conscience. La morale et la politique se réunissent donc pour demander la conservation du clergé, et une hypothèque sur des biens-fonds pour son traitement. Dans ce plan, le clergé verrait encore, avec intérêt, la possibilité de venir au secours de l’Etat. L’Assemblée nationale a observé que la dette de l’Etat s’élevait au plus à cinq ou six ans de revenu, tandis que celle de l’Angleterre, rivale Adresse des citoyens catholiques de Montauban à MM. de l’Assemblée nationale sur le décret (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur .