520 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de sacrifier tous les aristocrates à qui on n’avoit aucun crime à reprocher; on ne se contentoit pas de prêcher cette doctrine, on la mettoit en pratique. Delmasse, chef du bureau des émigrés à l’administration du département, mettoit sur la liste des émigrés celui qu’on avoit désigné, puis on l’empêchoit d’obtenir des certificats de résidence dans sa section ; pour y parvenir, on rebu-toit les témoins, en leur faisant des reproches de ce qu’ils servoient des aristocrates : quand ils observoient qu’ils ne témoignoient que pour leur résidence, alors on les récusoit; et ce qui est de plus étonnant, c’est que tel qui avoit été admis à témoigner vingt fois, étoit refusé à la vingt-unième. Pour terminer l’opération, Delmasse tâchoit d’influencer l’administration du département, pour qu’elle prît des arrêtés contre les prévenus ; quand il ne pouvoit réussir, il changeoit les arrêtés favorables, et pré-sentoit à la signature des administrateurs des arrêtés contraires. Quand on l’eut surpris, il se présenta audacieusement à l’administration, la menaçant de la dénoncer à la société populaire, si elle ne rapportoit pas son arrêté. Dès que ces horreurs m’ont été prouvées, j’ai fait arrêter ce scélérat, couvert depuis 1792, du masque du patriotisme, et je vous envoie le procès-verbal que m’a remis l’administration, pour que vous décidiez de son sort. Il y a ici des changemens à faire ; je vais y procéder avec les mêmes précautions que j’ai mises quand il s’est agi de décider sur le sort des détenus. Mais avant de finir ma lettre, il faut que je vous prévienne que Dijon étoit l’intermédiaire qui boit Marseille et Paris : on a vu la cabale lire des lettres de ces deux villes et les jeter au feu. Salut et fraternité. Signé, Calés. [L’Assemblée ordonne l’insertion au bulletin. Ainsi, dit Clauzel qui a donné lecture de cette lettre, ce sont trois au quatre intrigans qui partout excitoient les troubles, mais partout l’immensité des citoyens est ralliée à la Convention et la défendroit jusqu’à la mort. ( Vifs applaudissemens ).] (137) 37 DUFAY : Je viens vous proposer un grand acte de justice, et j’ose espérer que ma demande sera bien accueillie. Sans doute la Convention doit exercer toute sa sévérité, toute sa puissance, toute la justice nationale, sur les chefs, les auteurs et les complices qui ont préparé et consommé la scission de Saint-Domingue avec la France, et qui (137) Débats, n° 775, 676. depuis ont appelé et reçu dans divers points les Anglais et les Espagnols, après avoir fait des traités avec eux. Mais comme l’intention de la Convention nationale est de ne pas confondre l’erreur avec le crime, ni les dupes et les instruments aveugles avec les vrais coupables et les principaux agents des gouvernements étrangers; je propose le projet de décret suivant (138) : [Je propose le projet de décréter que tous les colons qui ne sont pas reconnus conspirateurs, soient mis en liberté.] (139) BOURDON (de l’Oise) : La proposition que vient de faire notre collègue prouve qu’il rend justice aux citoyens des colonies. Les grands propriétaires qui ont livré Saint-Domingue et les Antilles aux Anglais, les intrigants qui tenaient à Paris le club Massiac et y machinaient tous' les projets de conspiration, voilà les vrais coupables, voilà ceux que la justice doit atteindre; mais ce n’est pas au petit planteur que doit s’étendre la vengeance nationale. Vous avez rendu la liberté aux hommes de couleur; vous avez vu qu’ils se sont battus avec le courage des hommes libres. Cependant il faut guider leur inexpérience, car quelques-uns ont été induits en erreur. Quelles étaient les instructions de Polverel et de Sonthonax? de ne distinguer que deux classes d’hommes, esclaves et libres. Ils ne voulaient pas qu’on détruisît subitement l’esclavage, et en cela, ils écoutaient la politique plutôt que l’humanité. Traitons nos frères comme nos amis; s’ils ont commis des erreurs, ils en sont assez punis par la spoliation de leurs biens; s’ils sont criminels, la loi les frappera partout où ils seront. Ils n’ont plus rien. Il est temps de nous réunir de sentiments : votons la liberté de tous ces malheureux. La commission des Colonies saura bien atteindre les coupables. Décrétons donc qu’ils seront libres, excepté ceux du club de Massiac, qui ont trahi leurs frères. {On applaudit .) Cette proposition est décrétée (140). Sur la proposition d’un membre, la Convention nationale rend le décret suivant : la Convention nationale décrète que tous les colons des Isles françaises seront mis en liberté, excepté ceux qui compo-soient le club de l’hôtel de Massiac (141). (138) Moniteur, XXII, 456. Débats, n° 775, 677. (139) Débats, n° 775, 677. (140) Moniteur, XXII, 456. Débats, n° 775, 677 ; Ann. R. F., n° 47; Ann. Patr., n° 676; C. Eg., n° 811; Mess. Soir, n° 812; J. Fr., n° 773 ; J. Perlet, n° 775; M. U., XLV, 285 ; F. de la Républ., n° 48 ; Gazette Fr., n° 1040 ; J. Mont., n° 25 ; Rép., n° 48 ; J. Paris, n° 48. (141) P.-V., XLIX, 39. C 322, pl. 1368, p. 12, minute de la main de Bourdon (de l’Oise), rapporteur selon C*II 21, p. 23. Débats, n° 775, 677 ; Moniteur, XXII, 456.