262 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mée à dater du jour du versement des fonds entre ses mains. Art. III. - La commission proposera, dans le plus court délai, un local convenable à cet établissement. Art. IV. - Le citoyen Barne ville jouira de cette somme et de ce local sans intérêt, pendant dix ans. Art. V. - La commission d’Agriculture et des Arts est chargée de rendre compte à la Convention, tous les trois mois, des progrès de cette manufacture (96). SEVESTRE : J’appuie vivement le projet de décret ; il est clair, et tout le monde le sent que le commerce de l’Inde ne se fait qu’avec de l’or. Nos commerçant rapportent en échange leurs mousselines et y laissent leur or ; dans la suite les mousselines s’usent, et il ne nous reste rien, tandis que dans l’Inde on jouit encore de notre numéraire. Ainsi, ce commerce est tout à notre désavantage : les 200 000 liv.. que la Convention accordera seront un encouragement pour les arts ; ils ne seront pas donnés sans garantie ; et si ce sont des intrigants qui nous les ont demandés, nous serons toujours à même de les retirer : 200 000 francs ne font jamais que 10 000 francs par an, et l’on ne peut ni ne doit ménager quand il s’agit de l’intérêt public. CAMBON : J’ajouterai une nouvelle considération à celle du préopinant. Il est incroyable que, sur vingt-quatre millions d’âmes, la République ait si peu de bras consacrés aux arts mécaniques. Nous ne pouvons nous dissimuler que nous sommes tributaires de l’Inde, puisque la France seule use à peu près les deux tiers de ses mousselines. Ce qui a donné aux Anglais de la supériorité sur nous, c’est qu’ils ont multiplié les machines, tandis que nous faisons tout avec la main-d’œuvre. Cette mousseline que nous voyons ici est sans doute moindre que la plus belle des Indes, mais elle l’emporte sur d’autres du même pays ; je pense donc que l’établissement proposé pourra être un germe utile d’industrie, qui prendra peut-être des accroissements ; et nous affranchira un jour entièrement de la dépendance où nous sommes vis-à-vis de l’Inde pour les cotonnades. Je demande seulement qu’on prenne les précautions nécessaires pour n’être pas dupes de l’intrigue. RICHAUD : Sans doute nous devons encourager les établissements utiles; sans doute nous devons favoriser les inventions nouvelles qui économisent la main-d’œuvre, et qui peuvent transplanter chez nous les fabriques étrangères ; mais, citoyens, je dois vous dire que la fabrication de la mousseline n’est pas nouvelle en France ; on en fait à Rouen, à Saint-Quentin, à Troyes, et dans le ci-devant Beaujolais surtout ; j’en ai vu là d’aussi belles que les échantillons qu’on vous présente... J’entends dire que l’on n’en fait pas de plus belles dans l’Inde ; moi, je déclare que j’en ai vu de beaucoup plus belles, mais ce n’est pas de (96) P.-V., L, 145-146. C 327 (1), pl. 1432, p. 8. Bull., 7 frim. Moreau rapporteur selon C*II, 21. cela qu’il s’agit. Si nous devons des encouragements, c’est surtout aux manufactures utiles, telles que les draperies, les toiles, et tous les objets de première nécessité. Les meilleures manufactures sont ordinairement celles qui s’établisse-ment naturellement; au surplus, si l’invention de cette machine est utile, la loi a pourvu à l’encouragement; mais quant à ce qui est proposé par le projet de décret, j’en demande le renvoi aux comités de Commerce et des Finances, pour avoir leur avis. BOURDON (de l’Oise): J’observe, citoyens, qu’il n’y a aucun inconvénient à accorder ce qui nous est demandé. Ces mousselines ont passé dans les mains de gens qui connaissent celles des Indes, et il est reconnu que, si elles ne les valent pas entièrement, elles pourront du moins se perfectionner. D’ailleurs, on vous a donné des marchandises pour une partie des avances qui sont demandées, et des cautions pour le reste. Le projet de décret est adopté (97). 41 Un membre [FOURCROY], au nom des comités de Salut public et d’instruction publique réunis, fait un rapport et présente un projet de décret pour établir à Paris une École centrale de santé, destinée à former des officiers de santé éclairés, pour le service des hôpitaux et spécialement des hôpitaux militaires. La Convention décrète l’impression et l’ajournement (98). FOURCROY (99): En instituant une École centrale des Travaux publics, qui va être en activité dans quelques jours, la Convention nationale a ouvert une source d’instruction qui manquait à la République française; elle a fondé une des bases sur lesquelles l’édifice des sciences et des arts consacrés à la prospérité publique va s’élever sans obstacle et avec rapidité ; elle a donné un nouveau degré d’importance à l’ensemble des sciences exactes, dont on négligeait beaucoup trop l’apphcation utile ; elle a ranimé le courage et le zèle des citoyens qui s’occupent de l’avancement de ces connaissances. Les comités de Salut public et d’instruction publique viennent aujourd’hui appeler la sollicitude de la Convention sur une autre branche d’instruction, dont le besoin se fait également sentir pour le service et l’entretien des armées de la République ; la constance de leur succès y (97) Moniteur, XXII, 616. Débats, n° 795, 961-962 ; J. Fr., n° 793. (98) P.-V., L, 146-147. (99) Moniteur, XXII, 618, mention. Débats, n° 795, 962 ; Ann. Patr., n° 696; F. de la Républ., n° 68; M.U., n° 1355; J. Univ., n° 1826 ; Mess. Soir, n° 831 ;Ann. R.F., n° 67 ; J. Perlet, n° 795. Rapport de Fourcroy donné dans le Moniteur, XXII, 663- 666. Voir aussi Archives Parlementaires, t. Cil, 12 film., 35. Fourcroy rapporteur selon C*II, 21. SÉANCE DU 7 FRIMAIRE AN III (27 NOVEMBRE 1794) - N° 41 263 est également attachée. C’est de la santé et de la vie de nos frères d’armes, c’est des moyens de les secourir dans leurs maux, et d’apporter à cet objet important toutes les ressources dont le génie des Français peut disposer que je viens, au nom des deux comités, entretenir aujourd’hui la Convention nationale. Les nombreux bataillons des républicains, chargés du soin de la défense de la liberté et de l’égalité, exigent à leur suite une grande quantité d’hôpitaux pour recueillir et soigner ceux des soldats de la patrie que les fatigues des marches, l’intempérie des saisons, d’honorables blessures, enlèvent pour quelque temps à la gloire qui les appelle encore, ou au repos domestique qui les attend; plusieurs milliers d’officiers de santé sont employés dans les hôpitaux militaires et dans les camps ; il faut remplacer ceux que des maladies graves arrachent à leur service, et ceux dont les épidémies meurtrières privent la République. La Convention apprendra avec sensibilité que plus de six cents officiers de santé ont péri depuis dix-huit mois, au milieu et à la suite même des fonctions qu’ils exerçaient; si c’est une gloire pour eux qu’ils soient morts en servant la patrie, c’est un besoin pour la République de réparer cette perte. Cependant, tandis que ce besoin devient de jour en jour plus urgent, le moyen d’en former manque presque entièrement dans les différentes parties de la République. Les écoles de médecine sont fermées depuis la suppression des universités, dont un régime gothique les avait constituées une des parties. Sur dix ou douze écoles de l’art de guérir, qui formaient autrefois des élèves, à peine y en a-t-il deux auxquelles il reste une petite partie de leur ancienne activité. Celle de Paris est entièrement détruite, et les scellés sont encore placés sur les lieux qui renferment le dépôt littéraire consacré à l’étude de cet art. Vous ne voulez pas que la vie et la santé de nos frères soient confiées à des mains inhabiles, et cependant le manque d’étude et d’examen conduit nécessairement à ce dangereux résultat. Les sciences utiles qui forment la base de l’art de guérir, la chirurgie, l’anatomie, qui avaient fait tant de progrès en France, et dont les livres élémentaires français servent encore de guides et de modèles aux hommes qui les cultivent en Europe, sont négligées, et leurs progrès sont ralentis ; la chimie appliquée à la physique des animaux, qui permet à l’homme de s’éclairer sur sa nature, de se secourir dans ses maux, de détruire le danger des maladies les plus graves qui menacent son existence, de rendre nulle l’action délétère et contagieuse de quelques autres, cette branche de la physique, qui ne peut être avancée que par des hommes occupés de la connaissance et de l’organisation animale, est arrêtée dans sa marche. Il en est de même de la connaissance des eaux minérales, qui intéressent de si près les besoins de la vie ; de la recherche des médicaments indigènes qui doivent remplacer, avec tant d’avantage pour la République, les drogues exotiques devenues un besoin pour nos malades, comme les parfums de l’Asie et les aromates de l’Inde sont devenus un besoin pour l’Européen amolli. La nécessité d’organiser promptement des cours d’instruction sur l’art de guérir, pour former des hommes qui manquent à nos armées, offre à la Convention l’heureuse occasion de créer une partie de l’enseignement qui n’a jamais été que tronquée et incomplète en France. Malgré les écoles assez nombreuses qui existaient dans l’empire français, puisqu’on y comptait au moins trente Facultés ou collèges de médecine, il n’y en avait pas une seule où les principes de l’art de guérir fussent enseignés dans leur entier. A Paris même on ne trouvait cette instruction complète qu’en réunissant à grands frais les cours particuliers que plusieurs professeurs habiles donnaient dans leurs maisons. La profession de médecin était presque la seule où celui qui savait n’était point utile à celui dont il aurait du guider les pas; l’apprenti ne s’instruisait que par ses propres fautes. Des examens trop faciles, et par conséquent presque nuis, multipliaient le nombre des docteurs ignorants et des charlatans avides. Désolées par des épidémies désastreuses, les campagnes trouvaient des fléaux encore plus destructeurs dans les conseils de l’inexpérience ou de l’empirisme; des mélanges médicamenteux, vicieux ou altérés, étaient livrés, au lieu de remèdes salutaires, aux malheureux cultivateurs. Les jeunes gens qui aimaient leur art suppléaient à ce défaut d’instruction par des lectures ; mais, souvent mal dirigés dans leurs choix, et embarrassés par le fatras des bibliothèques médicales, ils lisaient longtemps avant d’apprendre des choses vraiment utiles ; les plus sensés y apprenaient au moins qu’ils devaient observer longtemps avant d’agir: mais combien n’y en avait-il pas qui s’éloignaient de cette sage direction, et qui, à la place de l’expérience éclairée qu’on aurait dû leur donner, se voyaient forcés de suivre une aveugle routine ? Le temps de faire cesser tout ce mal est arrivé ; l’occasion de créer un enseignement de l’art de guérir complet et digne de la nation française s’offre aujourd’hui aux législateurs ; ils n’oublieront pas qu’organiser en grand un enseignement complet des différentes branches de l’art de guérir dans le centre de la République, c’est élever un temple à la nature, c’est vivifier à la fois plusieurs des canaux qui font circuler l’industrieuse activité des arts et des sciences dans toutes les ramifications du corps social. La nécessité et l’utilité d’une École de santé ne peuvent plus être un problème pour des hommes accoutumés à désirer et à faire le bien de leur pays. Voyons maintenant les moyens d’exécution qui sont en notre pouvoir, et faisons connaître avec quelques détails le plan de cet établissement. Presque au milieu de Paris, et dans un quartier que nos pères avaient consacré à l’étude et aux lettres, s’élève un des monuments nationaux les plus beaux et les plus majestueux dont l’architecture ait décoré cette cité. Quoique placé désavantageusement, entouré de bâtiments qui le masquent, et de masures qui le déshonorent ; 264 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE quoique resserré dans sa profondeur et son étendue, le local de la ci-devant Académie de Chirurgie peut cependant suffire à rinstruction qu’on doit y donner, et le genre de distribution que l’architecte y a employé le rend plus que tout autre propre aux exercices qu’exige l’enseignement de l’art de guérir. Un amphithéâtre spacieux, des salles assez vastes pour y placer les collections de livres, de pièces anatomiques, de machines et d’instruments, un hospice destiné à présenter les cas les plus rares et les plus instructifs parmi les maladies qui affligent l’humanité, sont disposés de manière à y établir sur-le-champ l’École centrale de Santé. Quelques changements légers suffiront pour y recevoir plus commodément les élèves, et pour rendre leurs études plus profitables. L’intérieur de ce monument se trouve, il est vrai, insuffisant pour admettre tous les élèves à l’instruction pratique qu’ils doivent recevoir, pour les former aux dissections anatomiques, aux opérations chirurgicales, aux expériences physiques et chimiques ; mais un bâtiment national voisin, et même une simple portion de ce bâtiment, qui formait le ci-devant couvent des Cordeliers, fournira l’espace convenable pour établir les salles destinées à ces exercices pratiques. Nulle part, en France, on n’avait encore réuni tous les matériaux nécessaires à une instruction complète dans l’art de guérir. Il faut, pour l’étude de cet art considéré dans son ensemble, une bibliothèque, une suite de pièces anatomiques, une collection d’instruments et d’appareils de chirurgie, une réunion de machines de physique destinées à démontrer les principales propriétés des corps, l’ensemble des productions de la nature employées comme médicaments. La plus grande partie de ces objets manque à la ci-devant Académie de Chirurgie : le despotisme et la vanité, qui avaient fait élever ce monument, ne s’étaient point occupés de le meubler. Mais la République trouvera dans ses richesses presque toutes les ressources nécessaires pour fournir aux bases de l’instruction, en réunissant aux livres, aux pièces anatomiques, aux instruments et aux machines qui existent déjà dans les salles de l’Académie de Chirurgie, les livres qui étaient placés dans le local de la Faculté de Médecine, les pièces d’anatomie humaine contenues dans la belle collection de l’École vétérinaire d’Alfort et dans le cabinet de l’Académie des Sciences, les livres et les manuscrits qui appartenaient à la Société de Médecine. La commission exécutive d’instruction publique sera d’ailleurs autorisée, sous la surveillance du comité d’instruction publique, à faire la recherche de tous les objets que ces dépôts nationaux ne pourraient pas fournir. Pour rendre l’enseignement de l’art de guérir complet, il faut montrer successivement la physique appliquée à l’économie animale, la structure du corps humain, le jeu de ses organes, la nature, la différence et les caractères des maladies internes et externes auxquelles l’homme est sujet, les remèdes qu’on oppose à leurs effets destructeurs, l’art de les connaître et de les préparer, les instruments par lesquels on guérit les maladies externes, et les moyens de s’en servir, les maux particuliers aux femmes et aux enfants, le rapport de l’art salutaire avec la salubrité publique, et avec les lois qui la maintiennent. Il ne suffit pas de donner des leçons et de faire des cours publics sur toutes les branches de la science de la nature; le défaut de l’ancienne méthode, outre qu’elle n’embrassait pas l’ensemble indispensable pour un enseignement complet, c’est qu’on se bornait en quelque sorte à des paroles pour les élèves ; la leçon finie, l’objet n’en était plus retracé sous leurs yeux : il s’évanouissait promptement de leur mémoire. Dans l’École centrale de santé, comme dans celle des Travaux publics, la pratique, la manipulation, seront jointes aux préceptes théoriques. Les élèves seront exercés aux expériences chimiques, aux dissections anatomiques, aux opérations chirurgicales, aux appareils. Ce qui a manqué jusqu’ici aux écoles de médecine, la pratique même de l’art, l’observation au lit des malades, deviendra une des principales parties de cet enseignement. Trois hospices, celui de l’Humanité pour les maladies externes, celui de l’Unité pour les maladies internes, et celui de l’école même, pour les cas rares et compliqués, offriront aux élèves, une fois instruits dans les connaissances de la théorie, la partie la plus immédiatement utile de leur apprentissage, le complément de toutes les autres. Douze professeurs sont nécessaires pour la totalité des cours et des démonstrations comprises dans le projet d’enseignement. Il faut prendre ces professeurs parmi les citoyens les plus éclairés dans chacune des sciences qui doivent être enseignées ; il faut que le choix des hommes placés à la tête de cette École puisse prouver à l’Europe que la Révolution française n’a pas anéanti les lumières et les grands talents. Douze adjoints partageront le travail des professeurs, et dirigeront les élèves dans la pratique des expériences et des opérations qui servent de base aux connaissances dont on vient de présenter le tableau. L’intention que vous avez manifestée de raviver les sciences utiles, et de favoriser leurs progrès, exige que les professeurs et leurs adjoints soient uniquement attachés à ces fonctions. Il faut donc que leurs salaires suffisent à leurs besoins. Des hommes qui ont consacré vingt ans de leur vie à l’étude, pour acquérir des connaissances profondes et devenir capables de les transmettre à d’autres, doivent être traités par la patrie qui les emploie de manière à ne pas être tourmentés par l’inquiétude domestique, et à puiser dans l’exercice de leurs talents utiles les ressources suffisantes pour soutenir leur existence et celle de leurs familles. Le comité d’instruction publique prendra des mesures pour améliorer à l’avenir le sort des citoyens utiles qui se dévouent à l’enseignement, et dont les travaux trop désintéressés n’ont offert à leur vieillesse que le malheur et l’oubli. Livrés tout entiers à l’étude et aux recherches dans les sciences qu’ils seront chargés d’enseigner, les professeurs de l’École centrale de Santé pourront SÉANCE DU 7 FRIMAIRE AN III (27 NOVEMBRE 1794) - N° 41 265 donc travailler à l’agrandissement des connaissances humaines. En formant des élèves habiles, ils concourront en même temps au bonheur public, par leurs découvertes, et les fruits de leurs veilles ne resteront point enfouis, comme ils l’ont été trop longtemps, faute de moyen de les répandre. D’importants ouvrages commencés, tels que ceux de Bertin sur les artères, de Vicq-d’Azyr sur l’anatomie du cerveau, sur les vaisseaux lymphatiques ou absorbants, sur la description des organes des animaux, comparés aux organes de l’homme ; ceux de Chaussier sur la nomenclature anatomique ; de Desault et Chopart sur la chirurgie ; de Perret, sur les instruments, seront continués avec ardeur; les travaux industrieux de Pinson et de la citoyenne Biberon sur l’anatomie artificielle, seront repris avec une nouvelle activité ; les recherches si importantes des Rouelle, des Bucquet, des Pelletier, sur la chimie animale, seront suivies avec constance: les manuscrits précieux sur l’anatomie et les diverses branches de l’art de guérir, déposés dans les archives des ci-devant Académie des Sciences, Faculté et Société de Médecine, École de Chirurgie, seront tirés de dessous la poussière qui les recouvre, et rendus à l’utilité publique; et la République, enrichie par l’héritage des savants illustres dont on a trop négligé les productions, verra dans ceux qui leur ont succédé, et qui seront appelés pour recueillir leurs découvertes, des continuateurs habiles de leur gloire et de leurs succès. La médecine et la chirurgie sont deux branches de la même science : les étudier séparément, c’est abandonner la théorie au délire de l’imagination, et la pratique à la routine toujours aveugle ; les réunir et les confondre, c’est les éclairer mutuellement et favoriser leurs progrès. Ceux des élèves qui préféreront la pratique des opérations se livreront plus particulièrement à cette partie de l’art de guérir : il n’y aura plus de distinction ridicule entre deux arts à qui la nature commande d’être inséparables. Les comités de Salut public et d’instruction publique ont pensé que le besoin indispensable d’officiers de santé, ainsi que la nécessité de faire partager également tous les districts de la République aux bienfaits de cette nouvelle institution, exigeaient, par rapport aux élèves de l’École centrale de Santé, la même mesure que celle qui a eu tant de succès dans les cours révolutionnaires sur la fabrication de la poudre et des canons, dans l’éducation militaire de l’École de Mars. L’approbation que la Convention a donnée à cette méthode, dans les décrets qu’elle a rendus dernièrement sur l’École centrale des Travaux publics et sur l’École Normale, a engagé les comités à vous proposer de faire venir un élève de chaque district à Paris. Le mode du choix, analogue à celui que vous avez décrété pour l’École centrale, n’en différera que par le genre de connaissances exigées pour les élèves. Une bonne conduite, des mœurs pures, l’amour de la République et la haine des tyrans ; une éducation assez soignée pour qu’on soit assuré que les élèves possèdent les premiers éléments des sciences exactes, et surtout la culture de quelques-unes qui servent de préliminaires à l’art de guérir, telles que la physique, l’histoire naturelle, la chimie ou l’anatomie, seront les conditions nécessaires pour être appelé à l’École centrale de Santé. Le choix sera confié à deux officiers de santé, désignés dans chaque chef lieu de district par la commission de santé, et réunis à un citoyen recommandable par ses vertus républicaines, choisi par l’agent national de district. Les élèves seront rendus tous à Paris pour le 15 nivôse : ils y recevront un traitement égal à celui des élèves de l’École centrale. Des règlements particuliers, dont le comité d’instruction publique sera chargé, assureront l’ordre des leçons, des exercices, les fonctions des professeurs, de leurs adjoints, du directeur, du conservateur et du bibliothécaire, le mode des examens nécessaires pour reconnaître le degré d’instruction acquise par les élèves, et dirigeront en général tout ce qui tient au régime de l’enseignement et au perfectionnement de l’art dans l’Ecole de Santé. Tel est le plan d’un établissement si désiré et si nécessaire, dont la République française fournira le premier modèle à l’Europe, et qui contribuera à répandre parmi tous les citoyens le goût des connaissances utiles, en même temps qu’il favorisera les progrès d’un art dont l’ignorance et l’impéritie peuvent tant abuser. L’institution de l’École centrale de Santé, les succès de l’enseignement qui y sera suivi, donneront l’exemple pour les autres parties de la République. Des écoles naguère encore fameuses pour l’art de guérir en recevront l’utile influence. Le comité d’instruction publique, témoin des avantages de la méthode d’instruction donnée dans l’Ecole centrale de Santé, indiquera les moyens de la porter également dans plusieurs autres départements, dont l’éloignement du centre exige des établissements analogues ; car personne ne doute de l’insuffisance d’une seule école de l’art de guérir pour toute la République française. Les citoyens éclairés dans cet art, et propres à l’enseigner dans les départements, doivent donc redoubler d’ardeur, et se préparer à répondre aux vues que le comité d’instruction publique se propose de présenter incessamment à la Convention sur cet objet important. Le même comité sent aussi la nécessité de substituer au mode ancien et barbare de réception une méthode simple d’examen et d’épreuve, qui fournira aux autorités les moyens de défendre les républicains contre les atteintes de l’empirisme et de la charlatanerie. L’organisation de l’École centrale de Santé à Paris, substituée à l’enseignement de l’École de Médecine, qui est entièrement anéantie depuis plusieurs années, doit l’être également à celui de l’École de Chirurgie, qui, sans être totalement détruite, a cependant beaucoup souffert des circonstances ; mais en créant une institution complète pour les deux parties de l’art de guérir, la Convention ne voudra pas être injuste envers de bons citoyens qui ont contribué, tant qu’il leur a été possible, a répandre l’instruction. Son comité d’instruction publique placera dans l’École centrale les professeurs distingués qui n’ont pas cessé leurs fonctions, et proposera à la Convention les moyens de reconnaître les longs services 266 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de ceux pour qui un âge avancé et des infirmités que la vieillesse traîne après elle rendent l’enseignement un fardeau trop pesant. Les 300 000 livres qui ont été mises à la disposition du comité lui permettront de tirer des horreurs de la misère quelques-uns des professeurs de l’ancienne Ecole de Chirurgie, qui ne touchent pas même, depuis près d’une année, la modique rétribution qui leur était due, et dont ils ont le plus urgent besoin. Parmi les élèves de l’École centrale de Santé, le comité ne vous propose point de comprendre les pharmaciens, parce qu’alors le nombre des élèves indiqué serait bien au-dessous des besoins, et parce qu’aussi les études pour l’exercice de la médecine et de la chirurgie sont beaucoup plus étendues que celles qui sont nécessaires à la pharmacie. Cette profession a d’ailleurs, à Paris, une école toujours ouverte, et qui depuis longtemps est plus complète que celles qui étaient destinées à la médecine et à la chirurgie. La botanique usuelle, l’histoire naturelle des drogues, la chimie pharmaceutique et la pharmacie proprement dite y sont enseignées avec toute l’étendue et tout le soin convenables à cette étude. L’élève en pharmacie joint à ces leçons la pratique dans les laboratoires des pharmaciens chez lesquels il demeure, et dont il partage les travaux; il ne lui manque donc rien de ce qui est nécessaire pour le former. Très peu de changements sont nécessaires pour rendre l’instruction pharmaceutique plus complète, et le comité d’instruction publique s’en occupera avec la célérité que le bien public exige (100). 42 Un secrétaire lit la réclamation du citoyen Verbrouck, otage de la Belgique. Renvoyé au comité de Salut public (101). 43 Le même secrétaire lit une adresse du citoyen Mercier, de Compiègne [Oise], libraire, qui fait hommage d'un recueil contenant un poème sur le despotisme et autres poésies patriotiques qu’il a composées pendant sa détention. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoyé au comité d’instruction publique (102). (100) Voir A.P., CII, 12 frim., 35. (101) P.-V., L, 147. (102) P. -V., L, 147. Moniteur, XXII, 618; Débats, n° 795, 962. 44 Le citoyen Jeudy de L’Hourmeau, présente un ouvrage sous ce titre : L’horoscope de la France. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoyé au comité d’instruction publique (103). 45 Le citoyen Chabouille, détenu aux Mag-delonettes [Paris] depuis un an, fait hommage à la Convention nationale d’un ouvrage sur les abeilles, fruit de son travail pendant sa détention. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité d’Agriculture (104). 46 Un membre [PÉRÈS], au nom du comité de Législation, fait un rapport sur une lettre écrite par la seconde section du tribunal criminel du département du Nord, il propose et l’Assemblée adopte le décret suivant: La Convention nationale� après avoir entendu le rapport de [PÉRÈS au nom de] son comité de Législation sur le référé de la seconde section du tribunal criminel du département du Nord, du 29 brumaire dernier, dans lequel elle demande si la question intentionnelle doit être posée dans les affaires dont la connoissance spéciale lui est attribuée par le décret du 19 vendémiaire, ainsi que sur le référé de l’accusateur public près ce tribunal, sous la même date, dans lequel il expose les embarras et les entraves que va éprouver cette section, à raison des limites de sa compétence et de la variété des délits dont sont prévenus, ou dont se trouveront coupables par les débats, les individus arrêtés en exécution des lois des 7 et 17 septembre 1793 et 26 frimaire dernier; Considérant qu’à la vérité, la loi du 26 frimaire défend de poser la question institutionnelle ; mais que depuis est intervenu celle du 14 vendémiaire qui consacre ce principe d’éternelle vérité, qu’il ne peut exister de crime là où il n’y a pas eu d’intention de la commettre, et qui ordonne en conséquence que la question relative à l’intention sera posée dans toutes les affaires soumises à des jurés de jugement ; ainsi cette loi générale étant postérieure à la première l’abroge naturellement et de droit : Passe à l’ordre du jour; et, au surplus, décrète ce qui suit : (103) P.-V., L, 147. Gazette Fr., n° 1060. (104) P.-V., L, 147. Bull., 10 frim. (suppl.) ; M.U., n° 1360.