(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (26 juin 1791.] pour la préparation de la séance du 23 juin 1789. Je demande donc que, conformément au décret qui permet la libre circulation des personnes el des choses dans tout le royaume, M. et Mme de Brézé obtiennent leur liberté. M. Chabroud. Les pièces relatives à cette arrestation ont été remises au comité des rapports. M. Bouche. Les principes sont pour que la liberté soit rendue sur-le-champ à M. de Brézé. M. Livré. Voici le décret que je propose: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture des procès-verbaux d’arrestation et d’interrogatoire des sieur et dame de Brézé, par la municipalité de la ville du Mans, département de la Sarthe, les 23 et 24 du présent, décrète que l’arrestation des sieur et dame de Brézé sera levée. » (Ce décret est adopté.) M. de Noailles. Messieurs, vous avez décrété hier le licenciement des gardes du corps et vous en avez renvoyé le mode au comité militaire. 11 se trouve dans leurs quartiers quelques chevaux à l’emploi desquels il faut pourvoir* J’ai l’honneur de proposer à l’Assemblée de donner ces chevaux au régiment des chasseurs d’Alsace qui marchent à grandes journées \ers les frontières et qui ont tant de fois donné des preuves de leur patriotisme, à la charge par ce régiment de rendre aux autres régiments une pareille quantité de chevaux. Ils ont besoin d’être bien montés pour se porter avec force et rapidité à toutes les attaques qu’ils sont prêts à repousser. ( Murmures à droite.) Les chevaux de l’ancienne gendarmerie ont passé entre les mains des officiers de plusieurs régiments. II y aura bien plus d’avantages à distribuer ceux des gardes du corps aux soldats d’Alsace qui auront à combattre l’ennemi. M. Camus. Je crois voir un inconvénient à cette disposition, et voici pourquoi. Lorsque nous avons parlé des gardes du corps, nous les avons toujours considérés comme appartenant absolument à la liste civile. Or, si une fois vous disposez de leurs chevaux, je crains qu’ensuite on ne vous dise : Vous avez ordonné leur licenciement, il faut maintenant leur accorder des retraites: et c’est le Trésor public qui doit les payer, puisque c’est le Trésor public qui a profité du prix de leurs chevaux : Voilà l’inconvénient. Je crois qu’il serait plus sûr de ne nous mêler en aucune manière des chevaux des gardes du corps, de leur laisser ce qui leur appartient, mais aussi ne leur payer aucune retraite : je demande donc l’estimation des chevaux. M. de Houilles. J’adopte la molion de M. Camus. M. Anson. Je demande que cette motion soit renvoyée au comité militaire pour qu’au moins le rapport du licenciement soit fait avant qu’on dispose des chevaux. (Le renvoi au comité militaire est décrété.) M. Chabroud, ex-président, prend place au fauteuil. M. Gaultier - Biauzat fait lecture d’une 535 adresse de la société des amis de la Constitution de Versailles, qui annonce que tous les citoyens de celte ville sont à leur poste, veillent nuit et jour sur le salut public, et jurent d’obéir aux décrets de l’Assemblée nationale, sans qu’ils soient revêtus de la sanction royale. M. le Président fait donner lecture par un de MM. les secrétaires : 1° D’une adresse du département de l’Eure, district, municipalité et garde nationale d’Evreux réunis , qui présentent à l’Assemblée nationale l’hommage de leur fidèle attachement à ses décrets, et l’assurent du maintien de l’ordre et de la tranquillité dans cette ville ; 2° D’une adresse de la société des amis de la Constitution de Provins , qui adhèrent d’avance à tous les décrets de l’Assemblée nationale, persuadés que des députés qui, en 1789, se rassemblèrent dans un Jeu de paume sous les yeux du despotisme armé, ne trembleront point en 1791, où les tyrans fuient dans l’espoir de vaincre; 3° D'une adresse du directoire du département de l’Aisne, qui rend compte des mesures qu’il a prises pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité publique : il annonce que le 6e régiment de dragons, eu quartier à Laou, s’est empressé de renouveler les preuves de son patriotisme; il réitère le serment de vivre libre ou mourir, et le fait également au nom des administrés du département de l’Aisne, dont le courage et la fermeté seront inébranlables pour le maintien de la Constitution. M. de Cussy donne lecture d’une adresse du conseil général de la commune de Caen , qui, comme tous les Français, s’empresse de se rallier autour de l’Assemblée nationale, et fonde sa confiance sur les représentants de la nation, dont le courage invincible et inébranlable s’accroît par les dangers, et dont le Jeu de paume de Versailles ne fut que le premier témoin. M. Alexandre de Beaukarnais, président , prend place au fauteuil. M. Oiqtort, au nom du comité de Constitution . Il s’agit, Messieurs, de mettre à exécution le décret que vous avez rendu hier. Vous vous rappellerez qu’il ordonne que toutes les personnes qui ont accompagné la famille royale seront mises en état d’arrestation pour être interrogées sans délai. Il porte en même temps que le roi et la reine seront entendus dans leurs déclarations, et qu’il sera procédé ensuite à une information. L’exéculion de ces décrets nous a paru très simple. Les événements qui donnent lieu à cette poursuite sont d’une nature telle que l’information doit être faite par le tribunal de l’arrondissement du lieu où les événements se sont passés. Relativement à l’interrogatoire et à l’audition des témoins, ce sont des commissaires de ce tribunal qui doivent y procéder ; relativement à l’audition du roi et de la reine, nous avons pensé que ce devait être des commissaires pris dans le sein de l’Assemblée nationale qui reçussent les déclarations. (Murmures.) Les motifs du comité, à cet égard, sont d’abord la distinction que vous avez vous-mêmes établie, et qu’il était nécessaire d’établir entre l’interrogatoire de ceux qui ont accompagné le roi, et la déclaration du roi et de la reine. 11 nous a paru ensuite que c’était peut-être répondre à la confiance que le public nous a marquée dans 536 [Âssèmblée nationale.’ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juin 1791.] cette circonstance, et que vous donneriez peut-être plus de consistance à cette démarche en chargeant des membres de cette Assemblée de cette mission importante. Nous avons cru enfin que cela était peut-être nécessaire à l’observation de la dignité réciproque des deux pouvoirs qui existent à côté l’un de l’autre, et qui doivent, tant qu’ils existent, être respectés. Voici le projet que nous vous proposons : « Art. 1er. 11 sera, par le tribunal de l’arrondissement des Tuileries, lequel, à cet effet, nommera dans son sein deux commissaires, informé partout où besoin sera, sur les événements de la nuit du 20 au 21 de ce mois, ainsi que sur les faits antérieurs et postérieurs qui y sont relatifs. « Art. 2. Il sera, par lesdits commissaires, procédé sans délai à l’interrogatoire de ceux qui sont en état d’arrestation, en vertu du décret du 25 de ce mois, ainsi qu’à l’audition des témoins. « Art. 3. L’Assemblée nationale nommera trois commissaires pris dans son sein, pour recevoir les déclarations du roi et de la reine relativement aux dits événements. « Art. 4. Le tout sera rapporté à l’Assemblée nationale pour être pris, par elle, les résolutions qu’elle jugera convenables. » Dans le premier article, nous avons mis qu’il sera informé partout où besoin sera; cela est nécessaire, parce que le tribunal d’arrondissement ne pouvant pas lu former hors de son arrondissement, et tes prévenus étant à l’Abbaye, on aurait pu élever des difficultés. M. Chabroud. Si la compétence qui nous a paru être le tribunal d’arrondissement, si le caractère du délit dont il s’agit de vérifier, de poursuivre les faits n’étaient pas évidents, je serais de l’avis de l’article, je croirais qu’il faut faire informer par le tribunal de district. Mais, comme il me semble que le caractère du délit est évident sur le fait dont il s’agit, je crois que, dès lors, la compétence est déterminée et que les juges chargés de la connaissance des crimes de lèse-nation sont les seuls qui peuvent prendre connaissance des faits dont il s’agit. On me dira peut-être qu’il y a de la difficulté de faire transporter à Paris le tribunal séant à Orléans. Or, il est évident qu’on ne peut pas dire que ce n’est pas un crime de lèse-nation. : je crois que cette difficulté ne doit pas arrêter l’Assemblée. Il s’agit d’une affaire très majeure, très importante et très grave dans laquelle l’Assemblée doit se conformer à ces principes. Je ferai encore une autre observation relativement au tribunal qui est en ce moment à Orléans, il parait qu’il ne s’est nullement occupé de sa mission; je n’en ai du moins aucune connaissance. J’ajoute que l’Assemblée n’avait établi ce tribunal que provisoirement et que, selon sa constitution, les juges, qui doivent prononcer en matière de crime de lèse-nation, sont les juges du tribunal de cassation. Je demande donc que l’article 1er proposé par le comité soit amendé en ce sens: que l’information sera faite par les juges chargés de la connaissance des crimes de lèse-nation, et qu’il soit ordonné que, par un extrait du tribunal de cassation, il sera procédé à l’instruction dont il s’agit. M. Duport, rapporteur. 11 me semble que le préopiuant s’est trompé même dans l’application des faits. En effet, Messieurs, il ne s’agit pas ici déjuger un crime de lèse-nation. N’oubliez pas que les procédures qui vont être prononcées dans l’application des principes seront rapportées à l’Assemblée nationale, qui seule pourra déterminer s’il y a lieu à cassation et à quel tribunal ils seront renvoyés. Il ne s’agit ici que d’une première procédure, il est nécessaire que cette première procédure soit attribuée à tous les juges. En effet, aussitôt qu’un délit est commis, la première chose dont il faut s’occuper est de saisir les prévenus et de recueillir les premiers éclaircissements. U est impossible d’appliquer cette opération aux juges qui doivent juger définitivement, parce que cela mettrait un très grand obstaele au recueillement des vérités. Ainsi, si même nous ne rendions point de décrets, il ne s’en suivrait pas moins que tout tribunal qui se trouverait saisi, soit des plaintes, soit de l’événement, serait autorisé par vos décrets à prendre les premières informations, et à vous les renvoyer ensuite pour leur donner leur dernière destination; comme il était possible qu’ici il y eût des informations à prendre dans plusieurs endroits, il était nécessaire de déterminer, d’une manière plus précise, quel serait le tribunal qui serait chargé de ces fonctions. D’abord il était possible qu’il y eût dans plus d’un endroit des informations à prendre relativement aux faits qui se sont passés; et il est indispensable de concentrer toute l'instruction sur un fait unique, dans un tribunal unique. D’après vos décrets, les juges auraient pu croire nécessaire d’informer et de lancer les décrets avant de procéder à des interrogatoires réguliers. Il fallait donc lever ces doutes. Gomme votre décret d’hier porte que ceux qui seront en état d’arrestation seront interrogés sans délai, il était utile de l’exprimer dans un article particulier atin que le tribunal voie que telle est l’intention de l’Assemblée nationale. J’observerai encore qu’il est important, dans la circonstance aciuelle, de montrer que l’Assemblée nationale s’occupe promptement de recueillir toutes les instructions relatives aux événements qui se sont passés : c’est en montrant que vous vous occupez de tous ces objets d’inquiétude que vous mériterez la confiance de la nation. Aussi il a paru nécessaire à votre comité de déterminer promptement ceux qui pourraient recueillir les informations, et il nous a paru nécessaire que ce fût le tribunal d’arrondissement. M. Chabroud propose que ce soit le tribunal de cassation; j’observerai à l’Assemblée que cela contredirait vos principes constitutionnels. En effet, tout juge est autorisé à prendre des informations; et dans aucun cas le tribunal de cassation n’est appelé ni par la Constitution, ni par la loi à remplir ces fonctions; aiusi c’est en conservant chaque institution dans sa place, c’est par l’observation de tous ces degrés de la justice, que vous montrerez que les événements n’ont pas changé votre morale; ainsi je demande que l’article soit mis aux voix, car il me paraît impossible de prononcer différemment. (L’Assemblée ferme la discussion et accorde la priorité à l’article du comité.) L’article est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Il sera, par le tribunal de l’arrondissement