[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 août 1790.] adoptée toutes les marines de l’Europe, dans vos propres institutions. C’est la loi martiale des vaisseaux, et certes la loi martiale est nécessaire là surtout où le danger est si pressant et menace l’existence de toute la communauté entière. J’abrège ce détail affligeant des erreurs de nos semblables et des rigueurs de la loi. Je m’arrêterai avec plus de complaisance sur des dispositions que votre humanité accueillera avec faveur. Le comité, qui sait que le premier droit de l’homme, dans le malheur, est à la compassion et au secours de ses semblables, a voulu rappeler cette grande vérité, qui est encore plus de sentiment que de principe, et il l’a fait en vous proposant de statuer que le capitaine d’un vaisseau, qui ne portera pas des secours à un ennemi dans la détresse, sera puni comme celui qui ne poursuivrait pas l’ennemi battu ou mis en fuite. N’est-ce pas en effet la plus belle des victoires que des secours donnés à l'ennemi dans le danger? Cet article s’étend à plus forte raison aux bâtiments neutres ou français, et peut avoir son application en temps de paix comme en temps de guerre. Ah! s’il est des circonstances où les hommes de toutes les nations doivent se regarder comme frères, se prêter des secours dont chacun peut avoir besoin à son tour, ne se rencontrent-elles pas surtout dans cet état pénible qui les rapproche par des fatigues et des dangers communs, et où ils ont tous le même ennemi à combattre, les éléments, et la nature qui trop souvent les punit d’avoir triomphé d’elle? Le même esprit a déterminé le comité à établir des peines contre ceux qui, abusant d’une victoire qui ne devrait inspirer que des sentiments de compassion, dépouillent ou maltraitant les ennemis vaincus ; hommes et malheureux, ils ont un double titre à tous les égards d’une tendre humanité. On doit observer que là, la loi ne fait que suivre les progrès des mœurs ; sur presque tout le reste, vos lois ont devancé nos mœurs et doivent les changer. En vous offrant une nouvelle loi pénale, le comité vous propose d’abroger toutes les dispositions pénales contenues dans les anciennes ordonnances de la marine ; cependant il a trouvé dans celle des classes de 1784 un sujet d’exception. Le chapitre de la désertion y porte l’empreinte d’un sentiment d’humanité fait pour honorer son auteur. Le comité vous propose d’en ordonner l’exécution provisoire, à quelques modifications près qu’il a jugées indispensables. Le projet de décret, que vous propose le comité, est l’ouvrage de tous ses membres; il n’y a pas un article qui n’ait été minutieusement discuté, et qui n’ait passé à une grande majorité. Le projet en totalité a l’approbation de tous ceux qui y ont concouru. Il a cherché partout des lumières, et il a espéré en trouver dans le code maritime de cette nation voisine que la liberté avait conduite à l’empire des mers; sans doute il ne faut pas condamner légèrement des institutions qu’ont suivi de si grands succès; mais le comité a trouvé la disposition de ce code contraire à vos principes, et il ne s’en est pas servi. Le comité sent toute l’imperfection de son ouvrage, plusieurs années d’expérience et de méditation ne suffiraient peut-être pas pour le rendre ce qu’il doit être; et le comité, pressé par les circonstances, n’a pu lui donner à beaucoup près le temps qu’exige un tel ouvrage. C’est cette connaissance bien sentie de son imperfection, c’est l’espérance de pouvoir, d’après ses SÉRIE. T. XVIII. 97 propres réflexions et les observations de ceux qu’il intéresse, vous en proposer lui-même la réforme avant la fin de ses travaux, qui le déterminent à vous proposer de ne le décréter que provisoirement ; mais le temps presse et ne permet pas à l’Assemblée de retarder la décision qu’elle voudra prendre. L’escadre est armée; douze mille hommes forment une société particulière, et cette société est sans lois. En comparant celle que leur donnera l’Assemblée nationale avec ce code si rigoureux, auquel ils étaient naguère soumis, ces hommes renouvelleront comme marins, à l’Assemblée, les remerciements qu’ils lui doivent déjà comme citoyens. Puisse cette loi même, dans son état d’imperfection, devenir le germe d’une loi plus parfaitel Que les marins redoublent de zèle pour une patrie qui voit en eux ses enfants, et qu’ils ont si bien servie, lorsqu’elle ne les payait que de rigueur et d’ingratitude. A cette époque, sans doute prochaine, où la Révolution triomphant de tous les obstacles qu’elle a dû rencontrer, et réparant les maux momentanés, inséparables d’un si grand changement, aura consolidé le bonheur comme la liberté des Français, les peuples de l’Europe, jaloux de notre sort et de nos progrès, voudront aussi imiter notre exemple, et les marins feront connaître aux extrémités du monde la félicité de la nation française. Que le code qui les régira, celui qu’ils connaîtront le mieux, soit aussi le plus frappant exemple de tout ce qu’ils pourront dire de la douceur et de la sagesse de vos lois ! PROJET DE LOI PÉNALE, pour être exécutée provisoirement dans les armées navales , escadres , divisions, et sur les vaisseaux de guerre (1). L’Assemblée nationale, s’étant fait rendre compte, par son comité de la marine, des lois pénales suivies jusqu’à ce jour dans les escadres et sur les vaisseaux de guerre, et les ayant jugées incompatibles avec les principes d’une Constitution libre, décrète pour être exécutés provisoirement les articles suivants ; Titre 1er. — Des jugements. Art. 1er. Les peines à infliger pour les fautes et délits commis par les officiers, matelots et soldats qui servent dans l’armée navale, seront distinguées en peines de discipline ou simple’ correction, et peines afflictives. Art. 2. Le commandant du bâtiment, et même l’officier commandant le quart ou la garde, pourront prononcer les peines de discipline contre les délinquants, à la charge par l’officier de quart ou de garde, d’en rendre compte au capitaiue. Art. 3. Les peines afflictives ne pourront être prononcées que par un conseil de justice, et d’après le rapport d’un jury militaire, qui, sur les charges et informations , aura constaté le délit et déclaré l’accusé coupable ou non coupable. Art. 4. S’il y a rébellion ou sédition en présence de l’ennemi ou dans quelque danger pressant qui compromettrait imminemment la sûreté du vaisseau, le capitaine, après avoir pris l’avis de ses officiers, pourra faire punir les coupables suivant l’exigence des cas. (1) Le projet de loi pénale avait été imprimé séparément et distribué à l’Assemblée nationale en juillet 1790. ï jAsserablée national®.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (16 août 1790.] Art. 5. Le jury militaire sera composé, pour les officiers mariniers, de deux officiers de l’état-major et de cinq officiers mariniers ; Pour les matelots et autres gens de l’équipage, d’un officier de l’état-major, trois officiers, trois matelots ; Pour les soldats embarqués, d’un officier d’infanterie, ou, à son défaut, d’un officier de l’état-major, trois sous-officiers, et, à leur défaut, trois officiers mariniers et trois soldats. Art. 6. Le conseil de justice sera composé des officiers de l’état-major, s’ils sont au nombre de cinq ; et s’ils sont en moindre nombre, les premiers maîtres du vaisseau y seront appelés, en commençant par le maître d’équipage, le premier pilote et le maître canonnier. Le conseil sera présidé par l’officier le plus ancien en grade après le commandant. Le lieutenant en pied fera les fonctions de rapporteur, et l’écrivain du vaisseau celles de greffier du conseil. S’il y a un Commissaire d’escadre à bord du vaisseau où se tiendra le conseil de justice, il aura séance et voix délibérative au conseil. Art. 7. Lorsqu’un officier marinier, sous-officier, matelot, soldat ou autres personnes de l’équipage, non compris dans l’état major, seront révenus d’un délit dont la punition ne peut tre prononcée que par le conseil de justice, l’officier de quart ou de garde en dressera la plainte par écrit s’il n’y point d’autre partie plaignante , et la présentera au commandant du vaisseau. Art. 8. La requête en plainte ayant été répondue d’un soit fait ainsi qu'il est requis , sera remise à l’officier chargé du détail, qui procédera à l’information , audition de témoins , et interrogatoire de l’accusé. Art. 9. Le procès étant en état, l’officier chargé du détail en rendra compte au commandant, qui ordonnera sans délai la formation d’un jury. Art. 10. Le jury indiqué par le capitaine sur le rôle du quart dont ne sera pas l’accusé, sera présenté à celui-ci en nombre double de chaque grade, dont il lui sera loisible de récuser la moitié. La récusation exercée ou renoncée par l’accusé, le jury sera réduit au nombre de sept et assemblé sur-le-champ pour prendre connaissance de l’état du procès, en entendre le rapport, la lecture des informations et de l’interrogatoire de l'accusé, qui sera répété en présence du jury, s’il est jugé utile. Art. 11. Aussitôt que le jury aura arrêté son avis à la pluralité de cinq sur sept , il fera avertir sur-le-champ le conseil de justice qui s’assemblera sur le pont, en présence de l’équipage. Art. 12. Le conseil de justice étant formé, les membres qui les composeront assis et couverts, le jury se présentera, les membres qni le composent debout et découvert, et le plus ancien prononcera que l’accusé est coupable ou non coupable du délit exposé dans la plainte. Art. 13. Si le jury a déclaré l’accusé non coupable, le président du conseil prononcera, sans autre délibération, que l’accusé est déchargé de l’accusation. Art. 14. SI l’accusé est déclaré couprble le conseil examineraquelle est la peine que la loiâppli-queau délit; et, après avoir pris les vdx,le président prononcera le jugement. Art. 15. Le jugement dn conseil de justice sera porté au capitaine du vaisseau pour en ordonner l’exécution ; 11 pourra, suivant les circonstances, adoucir la peine prononcée par le conseil de justice, et la commuer en une peine plus légère d’un degré seulement. Art. 16. Le conseil de justice d’un vaisseau ne pourra prononcer la peine de mort ni celle des galères. Art. 17. Dans tous les cas où le délit dont le jury aurait déclaré l’accusé coupable, donnerait lieu à l’une ou l’autre de ces peines, le conseil déclarerait alors que l’objet passe sa compétence, et se bornerait à ordonner que l’accusé serait retenu en prison. Si le vaisseau était en escadre ou faisait partie d’une division composée au moins de trois vaisseaux, le capitaine rendrait compte au commaü-dant de ce jugement du conseil de justice, et le commandant ordonnerait, à la première relâche, la tenue à son bord d’un conseil martial composé de onze officiers de l’escadre, qui jugerait souverainement. Dans tout autre cas, l’accusé serait déposé avec la procédure au premier port où il y aurait un nombre suffisant d’officiers pour composer un pareil conseil martial. Art. 18. Si un officier embarqué est prévenu d’un crime, le conseil de justice composé de l’état-major sera converti en jury militaire. Le jury prononcera si l’accusé est coupable, ou non coupable. Dans le cas où l’accusé sera reconnu coupable, il sera suspendu de ses fonctions et retenu comme prisonnier à bord, jusqu’à ce qu’il puisse être traduit devant un conseil de justice à bord du général, si le vaisseau fait partie d’une escadre, ou dans le premier port ou se trouverait un nombre suffisant pour composer un conseil martial. Art. 19. II sera tenu par l’écrivain du Vaisseau un registre particulier dans lequel il insérera chaque jour le nom des hommes qui auront subi soit une peine de discipline ordonnée par le capitaine, soit une peine afflictive prononcée par lé conseil de justice, et ce registre sera, au désarmement, joint au rôle d’équipage. Titre II. — Des peines et délits. Art. leï. On ne pourra infliger aux matelots et officiers mariniers , comme peines de discipline, que celles ci-dessous dénommées : Le retranchement de vin, qui ne pourra avoir lieu pendant plus de trois jours ; Les fers, seulement avec un petit anneau au pied ; Les fers avec un anneau et une petite chaîne traînante; Les fers suf le pont, au plus pendant deux jours et une nuit ; La peine d’être â cheval sur une barre de cabestan, au plus pendant deux heures chaque jour. Celle d’être attaché au grand mât, au plus pendant deux heures chaque jour. Art. 2. Seront regardés comme délits contre la discipline, et ne pourront être punis que par les peines énoncées dans l’article 1er, les délits suivants : Tout défaut d’obéissance d’un matelot à un officier marinier, lorsqu’il n’est point accompagné d’un refus formellement énoncé d’obéir; L’ivresse, lorsqu’elle n’est point accompagnée de désordres; Les querelles entre les gens de l’équipage, lorsqu’il n’en résulte aucune plaie et qu’on n’y a point fait usage d’armes ou de bâtons; Toute absence du vaisseau sans permission de celui qui doit la donner ; [Assemblée nationale.) Les feux allumés à bord ou portés de terré à bord du vaisseau dans le temps et aux postes où ils sont défendus, en temps ae paix seulement, dans les cas non prévus par les articles suivants; Tout manque à l’appel, au quart et en général toutes les fautes contre la discipline, le service et la police du vaisseau, provenant de négligence ou de paresse. Art. 3. Les délits ci-dessus énoncés seront toujours regardés comme plus graves lorsqu’ils auront lieulanuit,et le temps de la punition seradoublé. Art. 4. Les peines de discipline pour les officiers seront les arrêts, la -prison , la privation de quelques mois de solde, la suspension de leurs fonctions pendant un mois au plus. Art. 5. Seront censées peines afflictives, et ne pourront êtrepronoocées que par un conseil de justice, ou un conseil martial, toutes les peines énoncées ci-dessous : Les coups de corde au cabestan, Les dégradations et diminutions de solde* La cal Le, La bouline, Les galères, La mort. Art. 6- L’homme condamné à la mort, et tjui devra être exécuté à bord, sera fusillé sur la patte de l’ancre, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Art. 7. Tout homme condamné aux galères pour un temps quelconque, ne pourra plus être employé sur les vaisseaux de l’Etat, en quelque qualité que ce soit. Art. 8.Tout officier marinier condamné à la calle sera, par l’effet même de cette condamnation, cassé de son grade d’officier marinier, et réduit à la basse paye de matelot. Tout matelot qui aura subi une pareille condamnation sera pareillement réduit à la basse paye. Art. 9. Tout homme coupable d’avoir tenu des propos séditieux ou tendant à affaiblir le respect dû à tout genre d’autorité qui s’exerce à bord du vaisseau ou de l’escadre, sera mis eû prison pendant six jours. Art. 10. Tout homme coupable d’avoir concerté aucun projet pour changer ou arrêter l’ordre du service, s’opposer à l’exécution d’un ordre donné ou d’une mesure prise, sera frappé de douzecoups de corde au cabestan, et mis à la queue de l’équipage, et s’il est officier, sera renvoyé dü service. Art. 11. Tout matelot ou officier marinier coupable d’un complot contre la sûreté ou la liberté d’un officier de l’état-major, sera condamné à trois ans de galères. Art. 15. Tout matelot, officier marinier, ou officier de l’état-major, coupable d’un complot contre la sûreté, la liberté ou l’autorité du commandant du vaisseau, ou de tout autre officier occupant un poste supérieur, sera condamné aux galères perpétuelles. Art. 13. Tout homme coupable de trahison ou d’avoir eu aucune intelligence perfide avec l’ennemi, sera condamné à la mort, et si quelque malheur public avait été la suite de ses mesures, il sera exécuté sur-le-champ à bord du vaisseau . Art. 14. Toutmatelot ou officier marinier coupable d’ufie désobéissance envers l’officier de service, ou l’officier commandant, sera frappé de douze coups de corde au cabestan. Art. 15. Si la désobéissance est accompagnée d’injurés ét de menaces, le matelot ou officier m marinier qüi s’en sera rendu coupable, sera coü-damné à la calle. Art. 16. Tout matelot OU officier marinier coupable d’avoir levé la main contre un officier, sera condamné à trois ads de galères. Art. 17. Tout matelot ou officier marinier, coupable d’avoir frappé ud officier, sera Condamné à la mort. Art. 18. Toüt officier coupable d’avoir désobéi à son chef, et d’avoir accompagné Sa désobéissance d’un refus formellement énoncé d'obéir, sera mis an grade immédiatement inférieur à célüi qu’il remplit. Si sa désobéissance est accompagnée d’inj ures e1 de menaces, il sera cassé ; Et sera, danstous les cas, responsable sür sâ tête des suites de sa désobéissance. Art. 19. Tout commandant d’un bâtiment dë guerre, coupable d’avoir désobéi aux ordres ou aux signaux du commandant de l’armée, escadre ou division, sera privé de son commandement; et si sa désobéissance occasionne une séparation, soit de son vaisseau, soit d’un autre vaisseau dé l’escadre, il sera dégradé et déclaré indigne de servir. Si elle a lieu en présence de l’ennemi, il sera condamné à la mort. Art. 20. Tout matelot on officier marinier, coupable d’avoir quitté dans le cours ordinaire du service, un poste particulier du vaisseau à la garde duquel il aurait été proposé ; Si c’est pendant le jour, sera attaché au grand mât pendant une heure, et réduit à la paye immédiatement inférieure à la sienne. Si c’est pendant la nuit, il sera attaché au grand mât pendant deux jours, trois heures chaque jour, et sa paye éprouveraune réduction double de celle ci-dessus énoncée. Art. 21. Tout officier commandant le quart, coupable de l’avoir quitté pour s’aller coucher, sera mis à un grade inférieur au sien, et sera responsable sur sa tête de tous les accidents que le vaisseau éprouverait par soo absence du quart. Art. 22. Tout matelot ou officier marinier coupable d’avoir, dans un combat, ou dans un danger pressant, abandonné son poste pour se cacher, sera condamné à courir la bouline, et réduit à la plus basse paye de matelot. Art. 23. Tout officier coupable d'avoir, pendant le combat, abandonné son poste pour s’aller cacher, sera, s’il est à sa première campagne de guerre, déclaré incapable de servir, et, dans totit autre cas, condamné à la mort. Art. 24. Tout homme coupable d’ëvoir àchefll le pavillon pendant le combat, sans l’ordre exprès du commandant du vaisseau, sera condamné â la mort, Art. 25. Tout homme coupable d’avoir embarqué ou permis d’embârqUer sans ordre, des effets commerçables étrangers au service dü vaisseau, sera, s’il commande le vaisseau ou bâtiment national, déclaré incapable de Commander. S’il est officier de l’état-major ou officier marinier, il perdra deux ans de service effectif Stli* mer pendant lesquels il sera privé de tous les avancements auxquels il pourrait prétendre. S’il n’est ni officier, ni officier marinier, fiî matelot, il payera, par forme d’atfiende, deux fois la valeur de la marchandise. Dans tous les cas, la marchandise Sera Confisquée au profit de la caisse des Invalidés. Art. 26. Tout matelot ou officier marinier, éôu-pable d’avoir transporté à bord aucune matière inflammable, sans en avoir re£ü l’ordre, sera AftèfnVËS PARLEMENT AIRES} fie aôttt 1790.) £00 [Assemblée nationale.] frappé de douze coups de corde au cabestan, et en cas de récidive, aura la calle. Art. 27. Tout homme coupable d’avoir, en temps de guerre, allumé ou tenu allumés des feux défendus, sans précaution, et de manière à compromettre la sûreté du vaisseau, sera cassé, s’il est officier ou officier marinier ; recevra la calle, s’il est matelot ; et dans le cas où il en aurait été fait défense expresse par une proclamation faite dans les formes ordinaires, ou si son action avait donné lieu à quelque accident; de ce reconnu coupable, il sera condamné àtroisans de galères. Art. 28. Tout matelot ou officier marinier préposé à la garde d’un feu, et qui n’y aurait pas apporté l’attention prescrite, sera puni comme si lui-même avait allumé ou tenu allumé le feu, conformément à la disposition de l’article précédent. Art. 29. Tout matelot ou officier marinier coupable d’avoir, dans une circonstance quelconque, frappé avec armes ou bâton un autre homme de l’équipage, sera frappé de douze coups de corde au cabestan. Art. 30. Tout matelot ou officier marinier coupable d’avoir fait une blessure dangereuse, sera puni conformément aux lois générales du royaume. Art. 31. Tout officier coupable d’avoir maltraité et blessé un homme de l’équipage, sera interdit de ses fonctions et mis en prison pendant le temps déterminé par le conseil de justice, suivant la nature du délit. Art. 32. Tout officier coupable d’avoir fait à un homme de l’équipage une blessure grave, sera puni suivant les lois générales du royaume. Art. 33. Tout officier commandant une portion quelconque des forces navales de la nation, coupable d’avoir suspendu la poursuite, soit de vaisseaux de guerre, ou d’une flotte marchande fuyant devant lui, soit d’un ennemi battu par lui, lorsqu’iln’y aura pas été obligé par des forces ou des raisons supérieures, sera cassé et déclaré incapable de servir. Art. 34. Ainsi sera traité tout commandant d’escadre ou de vaisseaux, coupabled’avoir refusé des secours à un ou plusieurs bâtiments amis ou ennemis implorant son assistance, ou refusé protection à des bâtiments de commerce qui l’auraient réclamée. Art. 35. Tout commandant d’un bâtiment de guerre, coupable d’avoir abandon né dans quelque circonstance critique que ce soit, le commandement de son vaisseau pour s’aller cacher, ou d’avoir fait amener son pavillon lorsqu’il était encore en état de se défendre, sera condamné à la mort. Art. 36. Tout officier chargé de la conduite d’un convoi, coupable de l’avoir abandonné volontairement, sera condamné à la mort. Art. 37. Tout capitaine de navire du commerce faisant partie d’un convoi, coupable d’avoir volontairement abandonné le convoi, sera condamné à trois ans de galères. Art. 38. Tout officier commandant une armée ®u escadre, ou un bâtiment de guerre quelconque, coupable de n’avoir pas rempli la mission dont il était chargé, si c’est par impéritie, sera dégradé et déclaré incapable de servir; Si c’est par expresse volonté de sa part, sera condamné à la mort. Art. 39. Tout commandant d’un bâtiment de guerre quelconque, coupable de l’avoir perdu, si c’est par impéritie, sera dégradé et déclaré inca-[16 août 1790.1 pable de servir ; si c’est par expresse volonté de sa part, sera condamné à la mort. Art. 40. Tout pilote côtier coupable d’avoir perdu un bâtiment quelconque, soit public, soit particulier, lorsqu’il s’était chargé de sa conduite, et qu’il avait déclaré en répondre, si c’est par inattention ou négligence, ou toute autre cause, sera condamné à six ans de galères; Si c’est avec une expresse volonté de sa part, il sera condamné à la mort. Art. 41. Tout officier particulier chargé d’une expédition, mission ou corvée quelconque, coupable de s’être écarté des ordres qu’il avait reçus, et d’avoir par là fait échouer ou mal rempli la mission dont il était chargé, sera cassé et déclaré incapable de servir. Art. 42. Tout commandant d’un vaisseau de guerre, coupable d’avoir perdu son vaisseau, en s’écartant des ordres qu’il avait reçus, sera regardé comme l’ayant perdu volontairement et condamné à la mort. Art. 43. Tout homme, sans distinction de grade ou emploi, coupable d’avoir volé à bord des effets appartenant à quelque particulier, sera obligé à restitution des effets volés et frappé de douze coups de corde au cabestan ; en cas de récidive, il courra la bouline. Art. 44. Tout homme coupable d’un vol avec effraction d’effets appartenant à des particuliers, sera obligé à restitution des effets volés, et condamné à recevoir la calle ; en cas de récidive, il sera condamné aux galères. Art. 45. Tout homme qui descendra à terre et s’y rendra coupable d’un vol, si c’est sur territoire français, sera frappé de douze coups de cordeau cabestan; si c’est sur territoire étranger, recevra la calle . Dans tous les cas, il sera tenu à la restitution des effets volés. Art. 46. Tout homme coupable d’avoir volé et fait transporter à terre des vivres, munitions, agrès ou autres effets publics du vaisseau, sera condamné à courir la bouline. Art. 47. En cas de récidive, ou si un premier vol de vivres et autres effets publics excédait en vivres une valeur de 50 rations, et en autres effets une valeur de 50 livres, l’homme qui s’en sera rendu coupable sera condamné à six ans de galères. Art. 48. Tout homme coupable d’avoir volé, en tout ou en partie, l’argent de la caisse du vaisseau ou de telle autre caisse publique, déposée à bord du vaisseau, sera condamné à neuf ans de galères. Art. 49. Tout homme coupable d’avoir volé à bord de la poudre, ou d’avoir recélé de la poudre volée, sera condamné à trois ans de galères. Art. 50. Tout homme coupable d’avoir volé ou tenté de voler de la poudre dans la soute aux poudres, sera condamné à la mort. Art. 51. Tout vol d’effets quelconques, fait à bord d’une prise, lorsqu’elle n’est pas encore amarinée, sera regardé comme un vol d’effets particuliers, et l’homme qui s’en sera rendu coupable sera frappé de douze coups de corde au cabestan. Art. 52. Tout homme coupable d’avoir dépouillé un prisonnier de ses vêtements et de les avoir volés, sera frappé de vingt-quatre coups de corde au cabestan. Art. 53. Lorsqu’une prise aura été amarinée, elle sera regardée comme possession nationale ; et tout vol d’agrès, munitions, vivres et mar-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 101 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 août 1790.] chandises, sera censé vol d’effets publics et puni conformément aux articles 46, 47, 48, 49 et 50. Art. 54. L’Assemblée nationale veut que le titre XVIII de l’ordonnance de 1784 sur les classes, ayant pour titre des Déserteurs , soit maintenu, et en” ordonne l’exécution provisoire, sauf les modifications suivantes: 1°. Aux campagnes extraordinaires à la demi-solde et aux deux tiers de solde, seront substituées des campagnes extraordinaires à la basse paye; 2° Aux campagnes extraordinaires auxquelles sont condamnés des ouvriers non navigants, sera substituée l’obligation de travailler dans le port pendant le même temps ; 3° Les peines qui pourraient être prononcées ou par le commandant du port ou par le chef des classes, ne pourront plus l’être que par le concours du commandant et intendant, et du major-général de la marine; 4° L’article 29 sera supprimé. Art. 55. Tous les hommes sans distinction, composant l’état-major ou l’équipage d’un vaisseau naufragé, continueront d’être soumis à la présente loi, ainsi qu’à toutes les règles de la discipline militaire, jusqu’au moment où ils auront été légalement congédiés ou distribués sur d’autres bâtiments. Art. 56. Les officiers, sous-officiers et soldats, soit des troupes de la marine, soit des troupes de terre, embarqués sur des bâtiments de guerre, seront assujettis, comme les officiers de place, officiers mariniers et matelots, à toutes les dispositions de la présente loi, pendant le temps de leur séjour sur les vaisseaux. Art. 57. Les peines de discipline et les peines afflictives prononcées dans les cas ci-dessus énoncés, seront applicables à tous les délits commis dans les arsenaux par les officiers mariniers et soldats. Art. 58. En ce qui concerne les manquements au service par négligence ou désobéissance de la part des employés civils, maîtres d’ouvrages et ouvriers entretenus dans les arsenaux, le commandant et l’intendant du port, chacun en ce qui les concerne, pourront, selon le cas, prononcer les arrêts, la prison pendant trois jours, la privation d’un mois de solde ou appointements ; pour tous autres délits majeurs, les délinquants seront légalement poursuivis, conformément aux ordonnances actuellement subsistantes pour l’exercice de la justice dans les arsenaux. — En observant toutefois ce qui est prescrit pour la formation et le prononcé d’un jury, lequel sera composé, pour le jugement des hommes civils, de citoyens non militaires. Art. 59. L’Assemblée nationale abroge toutes les dispositions pénales contenues dans les ordonnances de la marine qui ont paru jusqu’à ce jour ; entendant néanmoins ne porter aucune atteinte aux autres lois et règlements sur le fait de la marine, qui doivent être exécutés jusqu’à ce qu’il y ait été autrement statué. Plusieurs membres demandent l’impression du rapport. L’Assemblée ordonne l’impression et décide néanmoins qu’elle passera immédiatement à la discussion du projet de décret. M. de Champagny, rapporteur , donne une nouvelle lecture du préambule du décret. M. de liaehèze. Il est périlleux de faire du provisoire en semblable matière; je propose donc de faire une loi définitive et je demande que le mot provisoirement soit retranché du préambule. Cet amendement est unanimement adopté et le préambule est ainsi décrété : « L’Assemblée nationale, s’étant fait rendre compte, par son comité de la marine, des lois pénales suivies jusqu’à ce jour dans les escadres et sur les vaisseaux de guerre, et les ayant jugées incompatibles avec les principes d’une Constitution libre, décrète les articles suivants » : M. de Champagny, rapporteur , relit l’art. l8r. Titre Ier. — Des jugements. Art. Ier. « Les peines à infliger pour les fautes « et délits commis par les officiers, matelots et « soldats, qui servent dans l’armée navale, seront « distinguées en peines de discipline ou simple « correction, et peines afflictives. » {Adopté). M. de Champagny. L’art. 2 est ainsi conçu: « Le commandant du bâtiment, et même l’offi-« cier commandant le quart ou la garde, pour-« ront prononcer les peines de discipline contre « les délinquants, à la charge, par l’officier de « quart ou de garde, d’en rendre compte au « capitaine. » M. Martineau. Je demande que l’officier de quart ou de garde soit obligé de rendre compte immédiatement après le quart ou la garde, au commandant du bâtiment, des peines disciplinaires qu’il aura prononcées dans le cours de ses fonctions. M. Lanjninais. J’adopte l’amendement de M. Martineau et je propose de le compléter en attribuant, au commandant de la garnison du vaisseau, la même autorité qu’à l’officier de quart ou de garde, à la charge par lui d’en rendre pareillement compte au commandant du vaisseau. Ces deux amendements sont successivement mis aux voix et adoptés. L’article 2 est ensuite décrété comme ci-après : « Art. 2. Le commandant du bâtiment et « même l’officier commandant le quart ou la « garde pourront prononcer les peines de disci-« pline contre les délinquants, à la charge, par « l’officier de quart ou de garde, d’en rendre « compte au capitaine immédiatement après le « quart ou la garde. « Le commandant de la garnison d’un vais-« seau pourra également prononcer des peines « de discipline contre ceux qui la composent, à « la charge également d’en rendre compte au « commandant du vaisseau. » M. de Champagny. Je relis l’article 3. « Art. 3. Les peines afflictives ne pourront être « prononcées, que par un conseil de justice, et « d’après le rapport d’un jury militaire, qui, sur « les charges et informations, aura constaté le « délit, et déclaré l’accusé coupable, ou non cou-« pabie. » M. de Marinais. J’ai applaudi à l’établissement des jurés dans l’ordre civil pour la punition des crimes, mais je suis d’avis qu’il ne doit pas être admis dans l’ordre militaire* car je le