/ [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.] 443 ses écrits, ses opinions sur les imperfections de la constitution, afin qu’une autre législature puisse y remédier, si elle le juge convenable. « Je suis avec respect, etc. « Signé : d’ANTRAiGUES, député du Bas-Vivarais. » « Veuillez, je vous prie, faire lire ma lettre à l’Assemblée. » M. GroupIIIean. Je demande que la lettre soit renvoyée à son auteur, et qu’il lui soit annoncé que l’Assemblée ne recevra son serment qu’à la tribune. M.AValouet. Je pense que l’Assemblée doit exiger le serment civique de tous ses membres; mais je crois aussi que censurer la lettre de M. le comte d’Antraigues, ce serait porter atteinte à cette liberté d’écrire que vous avez voulu consacrer. Je crains aussi que cette censure ne fît, dans les provinces, une impression désagréable. M. le comte Charles de Lameth. Le désir que montre M. le comte d’Antraigues de prêter le serment civique sans attendre l’entier rétablisse-sement de sa santé est sans doute très louable. Les restrictions que M. d’Antraigues fait à son serment ne peuvent être que l’effet de ses scrupules et de sa sollicitude sur le sort de la chose publique. Ce député a déjà publié des opinions diamétralement opposées aux principes de l’Assemblée, et sans doute que c’est pour lui un grand besoin que d’écrire sur les objets de politique. Je crois que nous devons recevoir son serment, et lui laisser entière liberté d’écrire. La constitution a-t-elle quelque chose à craindre de la plume d’un homme qui s’est mis si souvent en contradiction avec lui-même? M. le Président. J’ai encore trois lettres à vous communiquer ; elles sont toutes trois dans les mêmes principes, et signées, l’une de M. Le Carpentier de Chailloué, la deuxième de M. le vicomte de Mirabeau, et la troisième de M. de Bou-ville. ( Voy . ces documents annexés à la séance. L’Assemblée ne statue rien sur ces lettres et passe à l’ordre du jour. M. Charles de Lameth. La commune de Soissons est fort agitée en ce moment-ci. Deux députés viennent d’arriver en grande hâte, pour réclamer contre elle une détermination du comité permanent de cette Ville, qui fixe le prix des journées de travail à 20 sous, c’est-à-dire au taux le plus élevé. Cette détermination exclut des élections à la municipalité, un grand nombre de citoyens. La raison en est simple ; le prix des journées de travail n’avait jamais été, dans cette ville, porté à plus de 12 sous. Cependant l’élection aux municipalités se-fait demain à Soissons, et je sollicite aujourd’hui de l’Assemblée un décret qui ne fixe le prix contre lequel on réclame qu’à 15 sous au plus. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette motion. M. le Président annonce que le Châtelet demande à être admis dans l’Assemblée, pour y prêter son serment civique. — L’Assemblée recevra ce soir les officiers de ce tribunal. L’ordre du jour appelle un rapport du comité des finances. M. Lebrun monte à la tribune et fait le rapport suivant de la dépense des affaires étrangères. Messieurs, votre comité des finances vous a présenté l’aperçu des réformes et des économies qu’il a jugées praticables et nécessaires, non pas un aperçu vague, sans bases positives, ouvrage de l’imagination et de l’espérance, mais un aperçu fondé sur les calculs approfondis et sur l’examen sévère de toutes les parties de la dépense. Sans doute les résultats qu’il vous a offerts peuvent éprouver encore quelque variation, parce que l’ouvrage entier de la constitution n’est pas terminé; parce que votre comité, quoique pénétré de votre esprit, n’a pas été peut-être assez heureux pour deviner toutes vos vues, pour anticiper toutes vos résolutions. Mais ses plans, encore hypothétiques dans quelques parties, ne s’écarteront toujours que d’une quantité infiniment petite de la réalité; et quelle que puisse être la différence, vous pouvez, dès aujourd’hui, vous appuyer sur une réduction de plus de cent millions dans la dépense du trésor public. Vous concevez, Messieurs, et nous vous l’avons déjà répété, que ces cent millions, retranchés à la dépense du Trésor public, ne seront pas relran-chés en entier de la dépense de la nation . Mais plus de 60 millions seront économisés même sur cette dernière dépense, et ce sera encore une grande économie que de livrer à l’administration paternelle des départements une dépense de trente ou quarante millions qui, faite autrefois par le gouvernement, se faisait souvent au hasard, souvent au gré de la faveur, toujours sans égalité, sans proportion connue, toujours avec une complication dangereuse et d’opérations et d’instruments. Du moins, Messieurs, la dépense touchera immédiatement à la recette. Le contribuable sera consolé par la certitude de voir s'employer utilement ce qu’il aura payé; du moins le malheur n’accusera plus les mains qui répandront le soulagement et les grâces; du moins la comptabilité des finances sera réduite à un petit nombre d’éléments connus de tout le monde, et on ne redoutera plus cette confusion qui a décrié les calculs et enveloppé les erreurs des ministres. Ce tableau, Messieurs, a dû vous rendre présent le gage d’une prompre restauration. Déjà elle serait opérée, si de malheureux événements n’avaient pas contrarié la marche de la liberté publique, si des changements imprévus, incalculés, mais trop nobles dans leur cause pour être condamnés dans leurs effets, n’eussent fait chanceler tout-à-coup le vieil édifice des finances, et nécessité à tout reconstruire, au lieu de tout modifier. Mais ces changements même, qui ont les dan-ers du moment, porteront sur l’avenir la plus eureuse influence. L’hydre des abus sera coupée sans retour, et tout ce que vous aurez retranché aux abus deviendra le germe d’une nouvelle prospérité. Mais nous nous tromperions, Messieurs, si, sur la foi de ces économies, nous nous exagérions la grandeur de nos ressources, et la diminution que nous pouvons opérer sur les impôts. Chaque jour accroît le vide du Trésor public; aux perceptions déjà évanouies, il faut ajouter le décroissement progressif de toutes les autres, sans aucun décroissement effectué sur les frais de recouvrement ; et les peuples, abusés d’une vaine espérance, ne croyent déjà plus à nos besoins et jouissent d’un avenir imaginaire. Il ne faut cependant pas vous le dissimuler, 444 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.] Messieurs ; après le retranchement le plus rigoureux, 450 millions de revenu effectif seront encore nécessaires pour faire face aux dépenses fixes des départements, pour asseoir l’intérêt de la dette publique, pour assurer un fonds de remboursement modique d’abord, mais qui, toujours croissant, opérera bientôt la restauration entière de l’Etat. 11 ne faut pas nous dissimuler que jamais nous n’atteindrons à ces 450 millions uniquement par des impôts directs, par des impôts qui ne s’écartent point des principes rigoureux de la théorie. Quand votre comité présenta à votre délibération le décret du remplacement de la gabelle d’Anjou, il se flattait, il avait droit de se flatter, que cette mesure, adoptée par une province, deviendrait bientôt la loi de toutes les autres; que les peuples n’y verraient qu’un allègement à un fardeau qu’ils supportaient avec impatience. Vous nous ordonnâtes de vous présenter le projet d’un remplacement général. Sans doute vous avez plus d’une fois accusé nos lenteurs ; mais, si vous daignez porter vos regards sur les circonstances qui nous ont environnés jusqu’ici, vous sentirez, Messieurs, qu’il n’était peut-être pas de la prudence de vous offrir des projets quand il manquait à tous vos projets leur véritable point d’appui, des corps administratifs, qui, pénétrés de la justice de vos décrets, en assurassent l’exécution; quand toutes les provinces, émues par des prétentions et des espérances, attendaient de grands soulagements, et ne connais* saient pas encore la mesure exacte de nos besoins ; quand de tous côtés l’insurrection contre les impôts auciens devait alarmer sur le sort des impôts qu’on serait forcé d’établir. Ces temps de trouble et d’anarchie doivent enfin être écoulés, et l’intérêt le plus pressant, l’intérêt le plus sacré, celui de noire constitution, vous commande aujourd’hui de protéger les revenus qui vous restent, et de remplacer ceux qui vous sont échappés. Les peuples, rendus au sentiment de leurs véritables intérêts, se souviendront que, pour être libres, il faut être justes, que sans revenus publics, sans foi publique, il n’y a que despotisme ou anarchie. Ils compareront l’avenir et le passé; ils se rappelleront quels étaient les vœux qu’ils formaient a l’époque de notre convocation, et contents d’un ordre de choses qui a passé de si loin leurs espérances, ils accepteront sans murmure le fardeau modéré que la justice et l’honneur nous impose. Oui, Messieurs, nous avons déjà le gage de cette heureuse révolution. Nos serments garantissent l’harmonie de la nation, comme la nôtre et la marche tranquille de nos travaux. Sous un Roi qui ne veut plus que des citoyens pour sujets, il n’est plus de Français qui ose refuser d’être citoyen. Il vous avait été proposé de fixer à 20 millions les dépenses personnelles du Roi et de son auguste famille, et de là résultait une économie de 5 millions. Une respectueuse inquiétude ne vous a pas permis de regarder cette fixation comme prononcée et irrévocable; vous avez supplié Sa Majesté de consulter moins son économie personnelle que la dignité du trône et l’amour de ses sujets. Nous attendrons qu’elle ait daigné exprimer son vœu, ou que vous nous ayez ordonné de vous indiquer le terme auquel les circonstances vous forceraient de vous arrêter. 3 millions 540,000 liv. ont été retranchées sur la maison des princes, frères du Roi. 20 millions d’économie ont été déterminés sur le département de la guerre. C’est à votre comité militaire de le renfermer dans les limites provisoires que vous lui avez marquées, ou à vous de l’y rappeler. Sans doute il ne faut rien ôter à votre sûreté ; mais il ne faut rien donner à de vaines alarmes, ni à ce luxe d’émulation et de rivalité qui a tourmenté jusqu’ici toutes les nations de l’Europe, et par l’ostentation de leurs forces, anéanti leurs forces véritables. Un million 500,000 liv. a été promis sur la marine ; le comité que vous avez établi ramènera sans peine à cette faible économie un département où l’administration dispersée a eu nécessairement jusqu’ici ses abus, et sur lequel doit partir l’influence de la révolution. Un million de retranchements successifs a été annoncé sur les affaires étrangères, et nous allons vous offrir la certitude que cette réduction est déjà très avancée. Nous n’avons pas pu, nous n’avons pas dû vous offrir imprimé le tableau du département des affaires étrangères : le voile d’un grand intérêt politique le couvre, et dans ce moment même vous n’attendez pas de nous des développements que cet intérêt nous défendait d'exiger. La dépense des affaires étrangères, telle qu’elle avait été calculée pour l’année dernière, telle qu’elle vous est présentée dans l’état des revenus ordinaires et des dépenses fixes qui sont sous vos yeux, s’élevait à 7,330,000 livres. Elle se partage en cinq branches. 1° Secrétaire d’Etat et bureaux de la Cour. Les appointements du secrétaire d’Etat. 300,000 Bureaux ........................... 300,000 Voyages de la cour ................. 25,000 Fournitures, etc .................... 25,000 Correspondance journalière .......... 100,000 Présents du roi .................... 200,000 Remboursements, indemnités pour divers objets ....................... 250,000 1,200,000 2° Ministres, ambassadeurs et autres employés. Appointements et traitements ........ 2,550,000 Frais de voyages, de premier établissement, dépenses extraordinaires de service et de représentation ........ 450,000 Frais accessoires du service des ambassadeurs ............... . ....... 300,000 4,500,000 3° Subsides et secours. A l’Infante duc de Parme ............ 375,000 Au duc de Deux-Ponts .............. 500,000 Au prince de Nassau-Saarbruck ...... 100,000 A divers étrangers .................. 375,000 5,850,000 4° Dépenses secrètes ................ 200,000 Fonds réservés pour les dépenses imprévues .......................... 450,000 5° Dépense ordinaire des ligues suisses et grisons ....................... 830,000 Total 7,330,000 Tel était, Messieurs, l’état présumé de la dépense en 1789. % [6 février 1790. j 445 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Notre premier soin a été de comparer le présent avec le passé. Nous n’avens pu remonter que jusqu’en 1772, et voici le tableau que nos recherches nous ont mis à portée de vous offrir. En 1772 73 74. 75. 76. 77. 78. 79. 80, 81 82. 83 84 85. 86, 87 88 9,296,000 8,864,000 7,203,000 1 1,510,000 8,767,000 8,314,000 11,287 000 7,957,000 11,843,000 11,825,000 14,154,000 13,624,000 11,210,000 9,771.000 9,616,000 10,955,000 11,652,000 Et dans ce calcul n’étaient pas comprises les ligues suisses. L’année 1789 nous a donc ramenés à un degré d'économie, dont nous nous étions depuis longtemps éloignés. Des circonstances connues avaient élevé la dépense depuis 1775. Nos malheurs et la nécessité, bien plus peut-être que les convenances politiques, l’ont fait retomber au point où elle se trouve aujourd’hui. En vous développant, autant que le permet la raison d’Etat, toutes les parties de cette dépense, nous vous indiquerons le résultat de nos réflexions sur chacune, et les limites dans lesquelles nous avons cru qu’elles pouvaient être successivement rappelées, si les circonstances, qui dans ce département commandent avec plus d’empire que dans tout autre, permettaient d’asseoir des bases certaines et invariables. Les appointements du secrétaire d’Etat furent fixés d’abord, sous M. de Vergennes, à 218,000 livres, et s’étaient élevés bien plus haut à l’époque de sa mort. Après lui, ils furent arrêtés à 300,000 liv. dont il faut retrancher 20,000 liv. pour intérêt de 400,000 liv., prix de la finance de la charge du secrétaire d’Etat. Restait donc 280,000 liv. Nous avons cru que cet article pouvait être réduit, mais qu'il était un terme à cette réduction. Le ministre d’une grande puissance est assujetti à une grande représentation . L’intérêt politique, bien plus que l’intérêt de la dignité, l’exige ; et quelle que soit son économie personnelle, il lui faut pour certains jours, pour des circonstances imprévues, une grande dépense habituelle. Le ministre a proposé de se soumettre au retranchement le plus rigoureux, mais il a observé qu’il fallait que la dépense extraordinaire fût faite par l’Etat, et vous jugez, Messieurs, qu’il n’y a point à balancer entre un traitement fixe et une dépense incertaine. Les bureaux, portés à 300,000 livres, nous ont Earu, dans un Etat forcé, des commis trop nom-reux,des appointements peut-être exagérés. Mais dans cette partie une économie soudaine aurait ses dangers. Le secret de l’Etat est dans les bureaux ; il faut choisir et ménager les hommes qui y sont employés, et de là, la nécessité de les conserver, lors même qu'ils seraient devenus inutiles de les tenir encore attachés à la chose publique par une honorable retraite. Ce n’est donc que le temps, Messieurs, qui peut amener une entière réforme. Le ministre travaille à la hâter par tous les moyens qui sont en son pouvoir. Les voyages de la cour entraînent le déplacement des bureaux, et ce déplacement des gratifications. C’est depuis longtemps que cet objet a été fixé à 25,000 livres. L’année dernière, il n’y a point eu de voyages, mais il y a eu des contrariétés et des mouvements plus dispendieux que des voyages. 25,000 livres pour des fournitures de bureaux et autres dépenses. Cet article nous a paru excessif après toutes les autres dépenses dont il est l’accessoire, et nous avons cru qu’il devait être entièrement supprimé. Courses et services de la correspondance journalière, 100,000 livres. Cet article est et doit toujours être indéterminé. Il est impossible d’en assigner les limites autrement qu’après l’année révolue, et c’est sur une longue expérience qu'il a été porté par aperçu à 100,000 livres. Les présents du Roi, 200,000 livres. Cette somme a été fixée depuis longtemps. 11 existe toujours dans les bureaux un assortiment d’effets précieux qui s’élèvent à cette valeur. On les rétablit à mesure que les circonstances déterminent l’emploi d'une partie. Cette dépense nécessaire n'est, sous aucun rap port, perdue pour l’Etat; elle porte dans les pays étrangers nos goûts, notre luxe, et elle est rendue avec usure à notre commerce et à notre industrie. La fixation des indemnités et des rembourse-mens ne peut-être qu’éventuelle. Elle a été déterminée par aperçu, à 250,000 livres, d’après une année commune*, et doit ou s’étendre ou se resserrer dans des circonstances données. Ce sont des secours à des Français qu’il faut rendre à leur patrie, des dépenses pour le bien des arts et du commerce. Si nos rapports diminuent, si le nombre de nos ministres décroit, cette dépense décroîtra aussi. Elle peut augmenter si les appointements sont trop réduits; alors l’intérêt calculerait tout, et l’économie de l’ambassadeur ferait la dépense de la nation. Ambassadeurs et ministres, 2, 550,000 livres. Cette partie peut diminuer, et par une réduction sur les appointements, et par une réduction sur le nombre des ministres. Il a été sans doute un temps où la faveur les a peut-être trop multipliés, où il n’était point de petite puissance, de petite République, si lointaine si indifférente qu’elle pût être, qui ne fût honorée d’un représentant du Roi de France. Ces ministres, appartenant à une classe distinguée; appelés à de grandes espérances, avaient nécessairement de grandes prétentions et, peut-être, une idée exagérée de la dignité extérieure de leur représentation. De là aussi l’exagération dans les traitements, de-là des comparaisons d’homme à homme,, de place à place, d’où résultait toujours la nécessité d’accorder davantage. Depuis Louis XIV surtout, nos ambassadeur� avaient marqué dans les cours de l’Europe, comme leur souverain parmi les rois. Il ne leur était pas permis den’être qu’honorables, ils étaient condamnés à être magnifiques ; l’intérêt des étrangers, d’accord avec la vanité nationale, leur faisait une loi d’un luxe qui n’était pas toujours utile au succès de leur mission. 446 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.] Süus l’empire de la liberté, nous déployerons un nouveau caractère. Nos ministres seront plus habiles que brillants. Forts de notre puissance réelle et de notre immobilité, nous laisserons les autres nations s’agiter encore dans le cercle de la vieille politique, et nous leur opposerons nos principes, nos vertus, et notre courage. Nous ne croirons cependant pas qu’une nation, attachée par tant d’intérêts au reste de l’univers, puisse s’isoler du système général et imiter ces puissances de l’Asie qui, sans commerce et sans relation, ignorent, pour ainsi dire, si elles ont des voisins, ou dédaignent de les connaître et de les ménager. Mais ce que nous retrancherons du faste de nos négociateurs, il faudra le donner à leur instruction. Il nous manque une école de politique et des encouragements à ceux qui ne portent dans cette carrière que des talents et le désir d’êtres utiles. Jusqu’ici, Messieurs, elle a été stérile pour ceux qui s’y sont voués sans fortune et sans appui. Et vous penserez, peut-être, qu’ils méritent enfin de fixer les vœux de la nation, que ce n’est qu’en s'occupant de leur sort que vous pouvez assurer la tradition et le goût des connaissances les plus importantes à notre prospérité. Frais de voyage, de premier établissement, dépenses extraordinaires de service et de représentation, 450,000 livres. Cet article, Messieurs, avait été fixé d’après l’ancien système, et, peut-être, d’après d’anciensabus. Plus d’une fois on a vu nos ambassadeurs circuler de cour en cour, nommés à une ambassade, partir pour une autre, dévorer des traitements attachés à des fonctions qu’ils n’avaient pu remplir, et se rembourser des dépenses d’un établissement qu’ils n’avaient pas fait. Rien de tout cela n’appartient ni à nos temps, ni au ministère actuel. On verra désormais nos ambassadeurs fixer un pays qu’ils auront appris à connaître, y servir la patrie jusqu'à ce que de grands succès les aient marqués pour des emplois plus importants. Frais accessoires du service des ambassadeurs, 300,000 livres. G’est encore ici, Messieurs, un article indéterminé soumis aux circonstances, mais où de nouveaux principes ont amené déjà l’ordre et l’économie. Sudsides et secours-à des étrangers. Les subsides connus portent avec eux leur motif ou leur excuse. Il en est que nos intérêts commandent ; il en est d’autres que la bienséance justifie. Dans d’autres temps, vous vous défendrez peut-être sévèrement de scruter cette partie de la dépense des affaires étrangères. Elle tient à vos intérêts les plus délicats, et ce n’eût pas été sans effroi que les �ministres du vieux temps eussent vu la violation du secret que les circonstances ont nécessitée. Dépenses secrètes, 200,000 livres, Dépenses imprévues, 450,000 livres. Les dépenses secrètes sont couvertes, et doivent l’être d’un voile encore plus épais. Votre comité a été étonné, Messieurs, qu’un objet qui pouvait cacher tant d’abus, n’eût pas été plus étendu. Des dépenses imprévues doivent être calculées dans tous les départements, mais elles ne sont pas toujours effectuées. La somme qui leur est assignée dans les affaires étrangères, se reverse, ainsi que toutes les autres, sur l’année suivante, quand elle n’a pas été consommée. La dépense des Ligues Suisses et Grisons, 830,000 livres. Get article, plus considérable autrefois, a été réduit par le ministre : quelques dettes qui restent encore à acquiter, et qui s’acquittent chaque année, promettent pour l’avenir la perspective d’une plus grande économie. Tout ce qui touche à nos alliés, les plus anciens, les plus fidèles, les plus nécessaires, doit être sacré pour nous. Quand vous peserez dans la balance d’une sage politique tous les avantages que vous devez à ce sacrifice annuel ; quand vous porterez vos regards sur cette ligne immense dégarnie de troupes, de forts, de citadelles, et gardée par la fidélité de vos vois! ns ; quand vous songerez que d’autres canaux vous ramènent une grande partie de ces sacrifices, vous sentirez qu’il est un terme aux économies que vous conseilleraient les circonstances. 11 y avait, Messieurs, sur cette partie, des pensions à des ministres, àdes veuves, àdes enfants de ministres qui avaient utilement servi. Nous avons cru que les récompenses ne devaient pas être plus ignorées que les services, et que le mystère, tôt ou tard, dégénérait en abus. La liste de ces pensions sera remise au comité que vous avez chargé de ce travail. Elles s’élèvent à 61,000 livres. Sous le nom d’ Employés se trouvaient encore des objets qui ne tiennent pas essentiellement à ce département, ainsi des commissaires des limites, ainsi des ingénieurs géographes chargés de les déterminer. Cette partie même nous a paru susceptible et d’économie et de réforme. Les limites qui devaient être fixées entre la France et l’Espagne, en vertu du traité des Pyrénées, ne le sont pas encore ; et cependant des commissaires ont été chèrement payés, et des ingénieurs géographes reçoivent toujours des appointements pour ce travail éternel. En Alsace, en Lorraine, le travail des limites était fini mais les appointements étaient conservés. Ges deux objets formaient une somme de 85,000 livres. Nous avons cru, Messieurs, qu’il était nécessaire d’assigner un terme à ces opérations, et de cesser de les payer quand elles sont finies. Quelques écrivains distingués, qui ont été ou qui sont encore chargés de rédiger des ouvrages politiques, sont portés sur l’état du département pour 23,000 livres. Nous avons pensé que la Duplicité des récompenses était nécessaire pour honorer la nation qui les accorde et les talents qui les obtiennent; que les récompenses même ne devaient peser sur le département des affaires étrangères, qu’autant que les talents lui sont actuellement utiles; que quand ils cessent de l’être, ce n’est plus que sur l’état des pensions qu’ils doivent être portée. Tel était l’état du département en 1789. La dépense qui s’élevait à 7,330,000 livres, n’est plus aujourd’hui que de 6,700,000 livres. Les appointements du ministre sont entrés pour 100,000 livres dans cette économie. Quand ces temps de crainte et de défiance seront évanouis, quand l’habitude de l’ordre aura calmé nos inquiétudes, alors, Messieurs, l’intérêt de l’Etat vous prescrira d’envelopper du voile du secret une grande partie de la dépense étrangère, sous peine de n’avoir ni amis, m alliés. Telle est la maxime des nations les plus sages, telle a été celle des rois les plus économes, et avec des ministres responsables, telle doit être la vôtre. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.] 447 Le temps soulève toujours ce voile, quand les circonstances qui l’avaient nécessité sont passées, et la vengeance publique retrouverait infailliblement le ministre qui aurait abusé du mystère. 11 n’appartient pas à votre comité d’en fixer les bases, mais vous sentez, Messieurs, qu’elles doivent toujours avoir une grande latitude, tant que l’Europe, agitée par l’incohérence de ses gouvernements, par les vieilles haines et les vieilles rivalités, offrira des dangers à prévenir, des dangers à repousser, et des intrigues à déjouer par des intrigues. Vous pourriez, dès ce moment, diviser en deux parties la dépense totale du département, l’une publique, soumise à une discussion publique, et justifiée par des pièces. L’autre confiée à la probité du ministre, et à la surveillance du Roi. La première comprendrait : 1° les appointements des secrétaires d’Etat, les bureaux ; Les appointements des ambassadeurs et des ministres ; Leurs frais de voyage, de premier établissement, de représentation; Les dépenses extraordinaires de service; Les frais accessoires; Les dépenses imprévues. La seconde comprendrait les subsides, etc. Secours à des étrangers ; Les ligues suisses, etc. Les remboursements et indemnités ; Les dépenses secrètes. D’après ce système de division, nous avons l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant : L’Assemblée nationale décrète : Art. 1er. Que la dépense du département des affaires étrangères sera fixée, pour 1790 seulement, à 6,700,000 livres et réduite au premier janvier 1791, à 6,300,000 livres. Art. 2. Que le secrétaire d’Etat sera tenu de rendre un compte appuyé de pièces justificatives de toutes les parties de cette dépense, sauf ce qui regarde les subsides et secours, les ligues suisses, les remboursements et indemnités, et les dépenses appelées secrètes, qui seront confiées à la probité du ministre et à la surveillance de Sa Majesté. TABLEAU.