118 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juin 1791.] incessamment à l’ordre du jour l’Instruction préparée par son comité féodal sur les droits de champart. ( Marques d'assentiment.) M. La vie. Je demande que le comité féodal nous fasse Je rapport des demandes envoyées du département du Lot sur ces mêmes droits. �Marques d'assentiment.) M. Rabaud-Saint-Etienne, au nom des comités de constitution et militaire. Messieurs, c’est par vos ordres que je viens remettre aujourd’hui sous vos yeux le décret que vous avez rendu le 30 mai sur la gendarmerie nationale. Le décret général sur la gendarmerie laisse aux directoires de département la latitude la plus grande dans le choix des officiers qui doivent former le remplacement actuel. En conséquence, les directoires de département ont pour la plupart procédé à l’élection de ces officiers ; cependant, lorsqu’ils en ont rendu compte au ministre, le ministre a écrit que plusieurs de ces officiers ayant plus de 45 ans d’âge, ils ne pouvaient pas, aux termes du décret, être admis. Ces divers objets furent renvoyés au comité et j’eus l’honneur de vous faire un rapport en conséquence duquel vous arrêtâtes le décret suivant, dont j’ai l’honneur de vous rapporter en ce moment la dernière disposition : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution et militaire, en interprétation de l’article 6 du titre II, et des articles 7, 8 et 9 du titre VII du décret concernant l’organisation de la gendarmerie nationale, déclare que le titre VII ayant pour objet la composition actuelle de la gendarmerie nationale, et le titre II, l’avancement futur des officiers de ce corps, les dispositions relatives à l’àge des officiers de ligne qui pourront y être admis, énoncées en l’article 6 du titre II, ne sont point applicables à la présente composition. « En conséquence, l’Assemblée nationale décrète que les officiers des troupes de ligne, âgés de plus de 45 ans, qui ont été élus par les directoires de département pour la présente composition, sont bien et valablement élus, pourvu que les autres dispositions du décret aient été observées; et qu’il n’y a lieu a empêcher que lesdits officiers élus soient pourvus par le roi. » Vous rendites ce décret le 30 mai. Le lendemain, à la lecture du procès-verbal, où je ne me trouvais pas, on fit plusieurs représentations sur les inconvénients de faire, pour la première formation, une exception à la loi générale et vous renvoyâtes le décret et les observations à un nouvel examen de vos comités. En conséquence de vos ordres, Messieurs, les membres de ces comités ont été consultés; ils ont pensé que les officiers de ligne ne pouvant entrer à l’avenir dans la gendarmerie nationale que par le grade de sous-lieutenants, il sera alors extrêmement facile d’exécuter la loi très sage qui porte qu’on ne pourra être admis dans le corps après l’âge de 45 ans; mais que, pour la première formation, tous les grades sans exception devant être doublés, il serait peut-être difficile que ce doublement s’opérât très promptement si le choix des corps administratifs était restreint aux sous-lieutenants de la ligne, âgés de moins de 45 ans. Un grand nombre de départements ont pensé que le décret sur la composition habituelle de la gendarmerie ne fixant que l’âge nécessaire pour le seul grade de sous-lieutenant, cet âge de 45 ans ne devait pas nécessairement être un taux commun pour tous les grades; observant d’ailleurs que le décret que vous avez rendu depuis sur les règles de la formation actuelle ne prescrit aucun maximum d’âge, ils ont cru pouvoir nommer des sous-lieutenants de ligne au-dessus de l’âge de 45 ans : toutes les nominations faites dans la classe de ceux qu’on appelait officiers de fortune sont de ce genre. Il y a dans cet instant un grand nombre de ces officiers de nommés; en préférant ce service à leur pension de retraite, ils procurent à la nation une économieconsidérable.Vos comités persistent à vous proposer de confirmer ces nominations. Voici, en conséquence, le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu de son décret du 30 mai, renvoyé par décret du 31 à l’examen des comités de Constitution et militaire, concernant les officiers tirés de la ligne et âgés de plus de 45 ans, qui ont été élus par les directoires de département dans la composition actuelle de la gendarmerie nationale, persiste dans son décret du 30 mai, et charge son président de se retirer inces-sament par-devers le roi pour le présenter à la sanction. » M. Chabroud. Je crois que si nous nous laissons conduire par des intérêts particuliers, nous tomberons dans de grands embarras. Il est vrai que quelques départements, interprétant mal vos décrets, ont nommé des personnes âgées de plus de 45 ans ; mais quelques autres se sont ravisés, et ont fait de nouveaux choix : dans ces cas, quel parti prendrez-vous ? Cette observation n’est que de convenance ; en voici une de principe : Vous avez admis les officiers de la gendarmerie nationale à des fonctions civiles et judiciaires : or, après l’âge de 45 ans, un homme qui n’a jusqu’ici fait que le métier des armes, est peu propre à acquérir les connaissances nécessaires à ces fonctions délicates, et à contracter de nouvelles habitudes. Il serait extrêmement dangereux que des intérêts particuliers vous fissent ici broncher sur le principe et déroger à la loi. M. d’André. Ces officiers dits de fortune, parvenus au grade de sous-lieutenant par leur mérite et leurs services, sont la plupart plus frais et plus valides que ces hommes, mollement élevés dans les villes, ne le sont à 30 ans. Vos deux lois, contenant, l’une les règles futures pour l’admission dans la gendarmerie nationale, l’autre, qui depuis a déterminé le mode de la composition actuelle de ce corps, sont deux lois absolument distinctes et séparées, et qui doivent influer l’une sur l’autre : or, la dernière ne contient aucune condition d’âge. Je demande donc que l’Assemblée persiste dans son décret du 30 mai. M. Muguet de Aanthou appuie les observations de M. Chabroud. M. Boutteville-Dumetz appuie l’avis des comités. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il y a lieu à délibérer sur le projet de décret des comités.) M. Dubois-Crancé. Je propose, par amendement, qu’il soit décrété que nul ne puisse être nommé capitaine sans avoir 10 ans de services en pleine activité et sans interruption, et qu’il [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juin 1791.] jjg faille 6 ans de la même activité pour pouvoir être nommé lieutenant. M. Rabaud-Saint-Etienne, rapporteur. Les précédents décrets ont déterminé les conditions auxquelles les sujets peuvent être nommés; il n’y a donc pas lieu à délibérer sur cet amendement. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a as lieu à délibérer sur l’amendement de M. Du-ois-Grancé et adopte sans changement le projet de décret présenté par M. Rabaud-Saint-Etienne.) M. le Président. La parole est à M. Fréteau-Saint-Just pour faire un rapport sur la situation du royaume. M. Eréteau-Saint-Jnst, au nom des comités de Constitution, diplomatique , militaire, des rapports et des recherches. Avant de commencer le rapport que je suis chargé de faire à l’Assemblée, je dois tout d’abord l’informer que j’ai en main toutes les pièces qui pourraient justifier les détails que je vais lui donner; je la supplie toutefois de ne pas m’interrompre pour m’en demander la lecture, m’engageant à lui en donner connaissance, si elle le désire, après mon rapport. Messieurs, Vos décrets ont chargé les comités de Constitution, diplomatique, militaire, des recherches et des rapports, de l’examen de plusieurs pièces envoyées de divers départements à l’Assemblée nationale. Ces pièces consistent dans des adresses de directoires, et des lettres, soit de municipalités, soit de différents membres des corps administratifs, de citoyens isolés ou réunis; enfin, décommandants pour le roi. Toutes sont relatives à la sûreté du royaume et des frontières ; elles prouvent toutes que l'inquiétude des esprits est générale, que plusieurs symptômes d’agitation se manifestent, que des émissaires cherchent à corrompre la fidélité des troupes de ligne, que Worms, Manheim et les villes des environs ne peuvent contenir le nombre immense des émigrants, et que tout annonce, sinon des mouvements, au moins des dispositions hostiles de la part d’un grand nombre d’entre eux. Quant aux objets principaux de demandes qui vous sont adressées, vous les connaissez, Messieurs. Ces lettres provoquent à l’envi l’augmentation des troupes de ligne, l’adjonction des gardes nationales, l’envoi d’armes et de munitions dans plusieurs cantons voisins des frontières, des dispositions locales contre les entreprises du dehors, la suspension de la liberté du passage chez l’étranger, de l’argent, des armes, même des personnes ; enfin, quelques-unes vont jusqu’à demander le licenciement, ou de l’armée entière, ou de tout ou partie du corps des officiers. Les motifs de ces demandes vous sont également présents. D’abord, de grandes puissances de l’Europe ont sur pied des armées nombreuses et bien exercées, que la paix du nord pourrait laisser sans occupation, et que des spéculateurs inquiets craignent de voir retomber sur la France, en haine de la liberté qu’elle s’est donnée. L’Espagne a formé un cordon impénétrable sur ses frontières; la Savoie a tiré quelques régiments du Piémont, et l’on assure que ses forces sur le revers des Alpes sont sur un pied plus imposant que de coutume. Ces mesures sont accompagnées de signes de refroidissement de quelques alliés, et de précautions assez offensantes, prises en plusieurs lieux contre les Français. Quant à l’agitation des esprits dans l’intérieur, elle résulte des écrits pleins d’amertume et de hardiesse, émanés de quelques princes ecclésiastiques d’Allemagne, traduits dans les deux langues, latine et française, semés avec profusion en Alsace et dans la Basse-Lorraine; D’autres écrits encore respirant la sédition et la révolte, répandus en France du côté du Luxembourg; Enfin, du passage chez l’étranger de nos exministres, des anciens agents du pouvoir, d’une foule immense de personnes riches et puissantes. A ces circonstances se joint le rappel soudain de tous les mécontents, qui étaient déjà depuis longtemps hors du royaume et qui reviennent d’Angleterre, de Suisse, de Genève, et se. réunissent dans le point le plus suspect, à Worms et dans les environs. L’achat qu’on assure qu’ils ont fait à tout prix, d’armes, de chevaux, d’équipages de guerre ; les enrôlements, les compagnies qui se sont formées à Etteinheim, chez M. le cardinal de Rohan ; les commissions d’officiers, demandées dans de nouveaux corps; les insultes à nos gardes nationales, à des Français de tout état, circulant paisiblement pour leurs affaires sur l’autre rive du Rhin; la comparution, sur celle qui nous appartient, d’officiers et de soldats en uniforme ; les projets ou les vœux sanguinaires exprimés dans des lettres qui prouvent la correspondance très animée qui rapproche les différents membres de cette vaste coalition, et les lie, soit à nos anciens ambassadeurs réfractaires au serment, soit à des ministres des cours étrangères réputées les plus opposées à la France, soit à M. de Galonné et à ses nombreux amis; Enfin, l’importance des noms que l’opinion place à la tête des projets de contre-révolution, est un motif puissant d’inquiétude et d’ombrage. Faut-il ajouter à ce tableau, Messieurs? Des indices très forts ont annoncé qu’on cherchait à pratiquer les chefs des ateliers de Paris. On remarque avec inquiétude, dans cette capitale, une affluence de gens suspects et de vagabonds : la fausse nouvelle de la marche d’armées immenses contre le royaume, et d’autres du même genre, sont imaginées à tout moment, et répandues pour aigrir le peuple, l’alarmer, le porter à des excès. Les brigands sont réunis, protégés, soldés en divers lieux de la France par des mains invisibles. Il existe à Paris des agents du dehors, quelques-uns de ces mêmes suppôts d’intrigue et de fourberie, qui ont tout brouillé, durant le cours des années dernières, dans quelques contrées peu éloignées. On craint, et ici, Messieurs, je vous parle avec la plus grande assurance, on craint les conventicules de ces hommes détestables; on cite les propos et les aveux indiscrets échappés à plusieurs sur leur influence dans les incidents et les désordres locaux, qui arrêtent sans cesse notre marche. Ajoutez à ces principes de troubles les fausses idées accréditées à dessein parmi la multitude, pour lui faire confondre à toute heure la liberté avec la licence, la soumission aux lois avecfes-clavage, l’empire de la Constitution avec l’ancien despotisme, l’action modérée* et soumise à une sévère responsabilité, de tous les délégués du