[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 1791.] 708 l’estimation de la clientèle qui en augmentait la valeur en raison de son importance et des recouvrements à faire au prolit des acquéreurs. De sorte que la valeur réelle intrinsèque et la plus modérée, que l’on peut prendre pour base de révaluaiion de chaque of lice, est de 60,000 livres. A l’égard de l’indemnité, vous la réglerez, Messieurs, suivant votre équité. Les saintes lois qui veillent à la conservation des biens et des personnes, la justice la plus rigoureuse et vos principes veulent que, dans le cas d’éviciion forcée, le remboursement et l’indemnité soient poportionnés à la valeur réelle et intrinsèque des objets dont on est dépossédé et cela au moment de l’éviction. Par exemple si la nation juge à propos de disposer de deux héritages contigus de meme nature, de même étendueet de même valeur, pour y élever un édifice public; que l’un de ces héritages ait coûté 1 ,000 francs il y a 40 ou 50 ans, et que l’autre acheé tout récemment ait coûté 10,000 livres, qui est la valeur réelle et actuelle des deux héritages, le propriétaire du premier recevra le même dédommagement que le propriétaire du second, parce que la propriété enlevée au premier, et que lui ou ses auteurs avaient acquise anciennement à un prix modique, valait autant que celle enlevée au second, du moment de la dépossession. La conséquence nécessaire etjusteest que chacune des deux propriétés ayant la même valeur au moment de l’éviction doit être payée de même, c’est-à-dire au même taux ni plus ni moins. Ce raisonnement simple est sans réplique. En effet, la valeur d’un office que l’on vend avec ses accessoires est égale pour celui qui vend et pour celui qui achète. En passant d’une main dans l’autre, cette valeur u’augmente pas; ainsi, un office qui valait 60,000 livres d’après l’évaluation la plus modérée doit être remboursé sur ce pied et non pas au prix qu’il a coûté il y a un siècle. Le dédommagement doit être proportionné à la perte ; c’est une obligation de droit; elle est stricte, naturelle et juste; vous avez promis de la remplir envers tout le monde; la justice, le respect dû aux propriétés, l’humanité, les droits de l’homme et vos décrets vous en imposent également le devoir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHABROUD. Séance du mardi 12 avril 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Prugnoii, au nom du comité d'emplacement, présente trois projets de decrets, tendant à autoriser différents directoires de départements et de districts à acquérir des biens nationaux, aux frais des administrés, pour y placer les corps administratifs. Ces décrets sont ainsi conçus : Premier décret. « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le directoire du département de la Creuse à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formes prescrites par les décrets de l’Assemblée nationale pour la vente des biens nationaux, la mai-on des Récoltes de la ville de Guéret, pour y placer les corps administratifs du département et du district; excepte néanmoins de la présenie permission d’acquérir, le jardin du côté du nord desdits bâtiments, de la contenance du 1,230 toises cariées, le pré qui est à la suite, de 576 toises, et un autre jardin du côté du midi, de 777 toises 3 pieds, pour être lesdits jardins et prés vendus séparé-rémentdans les formes ci-dessus prescrites, sans que cela puisse nuire au jour dont le bâtiment a besoin. » (Adopté.) Deuxième décret. « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le directoire du département de la Corrèze à acquérir, aux frais des administrés, dans les formes prescrites par les décrets de l’Assemblée nationale pour la vente des biens nationaux, la maison des Feuillants, jardins et bâtiments en dépendant, contenant en totalité un arpent ou environ, pour y placer l’administration du département ; autorise pareillement le directoire à faire faire les réparations et arrangements intérieurs nécessaires pour leditemplacement, d’après les devis estimatifs qui ont été dressés des ouvrages à faire; à l’adjudication au rabais desquels il sera procédé, et le montant supporté par les administrés. » (Adopté.) Troisième décret. « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le directoire du district de Sens, département de l’Yonne, à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formes prescrites par les décrets de l’Assemblée nationale pour la vente des biens nationaux, les bâtiments de la bibliothèque du ci-devant chapitre deSens et dépendances, ainsi qu’ils sont désignés sur le plan qui sera joint à la minute du présent décret; l’autorise pareillement à faire faire les réparations et arrangements intérieurs, portés au devis estimatif qui en a été dressé le 25 mars dernier, d’après l’adjudication au rabais qui en sera faite en la manière accoutumée, et dont le montant sera supporté par lesdits administrés. » (Adopté.) M. le Président donne lecture : 1° D’un mémoire du sieur Déchamps, marchand épinglierà Pont-à-Mousson, lequel fait part àl’As-semblée qu’il a trouvé un moyen pour convertir le métal des cloches en pièces de monnaie. (Ce mémoire est renvoyé au comité des monnaies.) 2° D’une lettre de M. Le Prestre, de Château-Giron, lequel sollicite un décret qui accorde à Descartes, son grand oncle, l’honneur d’être placé dans le temple où doivent être déposées les cendres des grands hommes. Cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Un petit neveu de Descartes, le fils de la dernière descendante de ses frères, ose solliciter un décret qui accorde à ses cendres l’honneur d’être (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 avril 1791.1 709 placées dans le temple que l’Assemblée nationale a consacré aux mânes de nos grands hommes. « Descartes, éloigné de la France par la superstition et le fanatisme, est mort dans une terre étrangère. Ses amis, scs disciples voulurent que du moins il eût un tombeau dans sa patrie. Son corps transporté par leurs soins fut déposé dans l’ancienne église de Sainte-Geneviève. Il leur paraissait que celui qui avait rétabli la raison humaine dans les droits, devait être placé au milieu des écoles publiques où l’on s’appliquait à former celles des générations naissantes, afin que les cendres écartassent à jamais les préjugés de ce lien consacré par elles. « Ils lui avaient préparé un éloge public; mais la superstition défendu de louer un philosophe; l’orgueil ne permit pas d’honorer un particulier qui n’était qu’un grand homme; et si le prince royal, aujourd’hui roi de Suède, n’avait voulu éterniser par un monument l’honneur qu’avait eu son pays de servir d’asile à la philosophie persécutée, aucune distinction publique n’aurait vengé l’apôtre de la raison des amertumes auxquelles la haine de ses ennemis l’avait condamné; mais cette longue attente peut être plus que réparée. « Celui qui en brisant les fers de l’esprit humain préparait de loin l’éternelle destruction de la servitude politique, semblait autorisé de n’être honoré qu’au nom d’une nation libre. « Signé : René Le Prestre. » (Cette lettre est renvoyée au comité de Constitution.) Un membre présente un projet de mausolée de M. Mirabeau, par Paul Villiers, artiste, et demande qu’il en soit fait mention dans le procès-verbal. (L’Assemblée en ordonne le dépôt aux archives.) M. le Président. M. Tronchet, Messieurs, demande un congé de quinze jours pour rétablir sa santé altérée par les fatigues de sa présidence. (Marques d'assentiment.) M. Regnaud {de Saint-Jean-d' Angély). Il ne l’emploiera certainement pas à faire une contre-révolution. (Ce congé est accordé.) L’ordre du jour est un rapport du comité des finances sur les dettes des pays d'états. M. Garesclié, au nom du comité des finances (1). Messieurs, vous voilà bientôt au m; ment de répartir entre tous les départements de l’Empire les contributions générales que vous avez décrétées pour couvrir les dépenses de l’année 1791. Comment appellerez-vous à cette répartition les départements qui faisaient ci-devant partie des pays d’états? Chacun de ces départements, en exécution de l’aiticle 10 de la troisième section de votre décret du 22 décembre dernier, doit avoir à supporter une masse quelconque de dettes. Laisserez-vous ces départements sous le poids de ces dettes? ou jugerez-vous plus convenable d’accroître les vôtres par l’addition de celles des pays d’états? (1) Le Moniteur ne donne qu’un court extrait de ce rapport. Pour vous mettre à même de prononcer sur cette intéressante question ; pour vous faire connaître l’étendue du sacrifice que vous êtes appelés à faire ou à éviter, nous allons, le plus rapidement qu’il nous sera possible, vous dire ce qu’étaient originairement la plupart de ces dettes, les réductions qu’elles ont éprouvées jusqu’à ce jour, les causes auxquelles elles appartiennent, les intérêts auxquels elles sont soumises, et enfin la somme générale à quoi s’élève leur totalité. Suivant trois états du 18 novembre 1790, signés par M. Bourbon-Buffet et certifiés par MM. Gantheurs, Mesnaud, Durand-Chauves, Pottes et Curans, commissaires, il paraît que la totalité des dettes actuelles de la Bourgogne, tant pour son compte que pour celui du gouvernement, s’élève à 48,548,042 liv. 2 s. 5 d. Ces dettes se partagent en trois classes. Celles appartenant au gouvernement, comprises dans l’état de la dette publiq e par le comité des finances, et pour lesquelles la Bourgogne n’a prêté que son crédit, montent à .................... 21,465,110 liv. Celles relatives à la confection des canaux de Charotais, de la Bourgogne, de la Franche-Comté, et aux travaux de la rivière de Seille, montent à .............. 14,137,572 Celles plus particulières à le Bourgogne et dont quelques-unes remontent jusqu’à 1609, sont de .......... ' ............. 12,944,914 48,547,596 liv. Chacune des trois classes ci-dessus a besoin des éclaircissements suivants. La première, celle des dettes pour compte du gouvernement, embrasse les trois objets ci-aprè-: 1° Celui de 19,375,560 livres pour solde actuel des emprunts subsistants. Depuis le mois de mars 1778 jusqu’au mois de janvier 1783, le gouvernement a fait en Bourgogne, à rente constituée au denier 20, et quitte de toute retenue, 7 emprunts, s’élevant ensemble en principal et frais à 31,465,000 livres. Un arrêt du conseil autorisait les états de la province à retenir sur les impositions qu’ils versaient par an au Trésor public, 10 0/0 du montant de chaque emprunt. De ces 10 0/0 on défal iuait annuellement ce qui revenait aux intérêts de la somme empruntée ; le surplus s’appliquait à son remboursement ; de sorte que la portion des 10 0/0 nécessaire aux intérêts , diminuait chaque année dans la même proportion que croissait celle restante pour les remboursements. C’est à la faveur de ces dispositions auxquelles on a consacré partie des fonds réservés de 1779 jusqu’à ceux de 1787 inclusivement, que se doit la réduction des 7 emprunts ci-dessus à la solde actuelle de 19,375,560 livres. 2° Celui de 1,979,550 livres pour rachat en 1786 des droits d’aides pour le comté de Bar-su r-Seine. Ce rachat, ordonné en 1776, ne se réalisa qu’en 1786, par le versement au Trésor public de la somme ci-dessus. Mais en 1787 la régie des droits d’aides ayant été établie dans le comté de Bar-sur-Seine, le sieur Kalendrin , régisseur général des aides, reçut l’ordre de payer annuellement 97,330 livres pour intérêts au denier 20 de la somme parvenue au Trésor public.