[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 mars 1791. J 672 présent décret, les directoires de district nommeront des commissaires pour procéder, sans délai, sous la surveillance des directoires de département, à l'inventaire des sels et tabacs qui sont maintenant dans les mains de Mager et ses cautions, ainsi que des terrains, bâtiments, pataches, bateaux, voitures, chevaux, meubles et ustensiles de toute espèce, servant à l'exploitation, tant dudit Mager et ses cautions, que de Kalendrin et ses cautions, à l’exception néanmoins des partie-qui pourraient concerner les entrées des villes conservées jusqu’au 1er mai, desquelles parties il ne sera fait inventaire qu’à l’époque où finira la perception. « A la clôture de chacun desdits inventaires, en chaque lieu, lesdits sels, tabacs, terrains, bâtiments, pataches, bateaux, chevaux, voitures, meubles et ustensiles seront remis à la nation par lesdits Mager et Kalendrin et leurs cautions, à qui les commissaires en donneront acte. >> M. Martineau. Les articles suivants, relatifs à la vente des magasios nationaux, et des sels et des tabacs emmagasinés me paraissent extrêmement importants. O ; i prupose effectivement dans l’article 7 que ces objets soient vendus à l’enchère ; mais on ne donne pas de moyens propres à prévenir le gaspillage, on ne fixe pas l’à-peu-près du prix. On vous a dit que les préposés à la vente des sels n’en vendent pas pour faire perpétuer leurs émoluments. N’inculpons personne gratuitement et disons la vérité. Pourquoi vos sels ne se sont-ils pas vendus jusqu’à présent? En voici, à mon sens, la raison. Vous avez, je crois, déterminé que vos entreposeurs de sel le vendraient 3 sols la livre; je sais que plusieurs gardes de greniers à sel se sont plaints qu’on ne leur laissait pas la liberté de vendre leur sel au prix courant. Je demande s’ils pouvaient vendre du sel à 2 ou 3 sols la livre, lorsque tout le public en trouve, tant qu’il en veut, à 1 sol la livre et même à 9 deniers. Voilà la véritable raison puur laquelle votre sel ne s’est pas vendu jusqu’à présent. Ces objets sont très importants ; je demande le renvoi du reste du projet de decret aux comités des finances et de l’imposition reunis, ei l’ajournement de la discussion à lundi. M. de Folleville. J’appuie l’ajournement. On ne nous dit pas quelles sont les conditions; on ne nous dit pas ce qui peut appartenir à la ferme générale et à la nation. Le comité ne nous dit jamais que la moitié de ce qu’il faut, nous dire et veut qu’on adopte de confiance tout ce qu’il nous présente ; il faut qu’il nous fournisse des renseignements ultérieurs et nécessaires. M. Camus. Je demande que l’A-serablée s’occupe en même temps des moyens de replacer les employés de la ferme et ne la régie, ou de leur faire un sort quelconque. M. Reederer, rapporteur . Il n’existe plus que la perception des douanes qui puisse fournir un moyen de remplacement aux employés. Vous n’aurez plus dans l’intérieur du royaume aucun de ces percepteurs armés qu’on appelait employés; vous n’aurez plus que pour votre contribution foncière et mobilière que les percepteurs municipaux. La perception des droits d enregistrement exige des personnes instruites dans les affaires, dans les lois domaniales. Nous sommes obligés, même, pour détromper les commis, qui pourraient se fonder sur de fausses espérances, de relever une erreur importante. Quelques personnes ont pensé qu’on distribuerait le papier timbré, comme autrefois le tabac, dans des entrepôts. Gela serait impossible. La perception du droit de timbre exige elle-même de grandes connaissances, comme celle des droits d’enregistrement; elle entraîne des détails minutieux. Il faut différencier la nature des actes et des lettres de change. Je dis donc que non seulement la perception du droit de timbre doit être pour l’économie, réunie à celle du droit d’enregistrement, mais que l’une et l’autre exigent des connaissances que n’ont pas la plupart des anciens percepteui s accoutumés à des perceptions purement mécaniques, et qu’elles ne peuvent, par conséquent, leur offrir aucune ressource. Les droits de patentes remplacent les entrées des villes; c’est encore un bonheur, que, au lieu d’exiger des percepteurs armés, ils puissent être confiés aux receveurs de la contribution foncière et mobilière. Il n’y a donc que les douanes qui offrent à la nation un asile à donner aux anciens employés. Quelque respectable que soit leur malheur, on ne regrettera sans doute pas l’ancien régime, où l’on choisissait les modes de perception bien plus pour donner des places, que pour i’avantage des contribuables. On ne regrettera pas cette multitude d’hommes armés qui dépeuplaient nos campagnes, et consumaient une partie des revenus publics. Les employés ne doivent donc plus attendre de ressources que dans ce qu’ils pourront obtenir de la munificence nationale et de la générosité parliculière : vous leur devez la préférence pour la perception des douanes, et c’est ce à quoi pourvoit notre article 11. M. Lavenne. Je demande l’ajournement de la motion deM. Camus, et de l’article 11, jusqu’au rapport très prochain sur les douanes. M. Vernière. Il n’y a qu’un tiers des sels en magasin qui appartiennent à la nation ; les deux autres tiers sont aux fermiers. Je demande que le comité présente un projet de décret sur les précautions à prendre pour en faire la distinction. (L’Assemblée ajourne le reste du projet de décret à lundi, sauf l’article 11 qu’elle ajourne jusqu’au moment où le comité d’agriculture et de commerce fera son rapport sur les douanes nationales.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret concernant les dispositions qui doivent compléter l'organisation des corps administratifs (1). M. Démeunier, rapporteur. D’après les observations qui ont été laites à la séance d’hier par M. de Mirabeau el par plusieurs autres membres, sur les articles 16 et 17, le comité a examiné à nouveau ces articles, ainsi que l’Assemblée l’avait ordonné ; nous en avons modilié le texte et nous avons rédigé un article additionnel qui deviendrait l’article 18. Voici, Messieurs, la rédaction que nous vous proposons pour l’article 16 : Art. 16. « La session annuelle de chaque conseil de défi) Voyez ci-dessus, séance du 2 mars 1791, page 630, le rapport de M. Démeunier et le projet de décret du comité de Constitution. 15 mars 1791. [ 673 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. partement, ordonnée par l’article 21 delà seconde section du décret eu 22 décembre 1789, aura lieu sans aucune convocation : l’époque de cette session ne pourra être ni retardée ni avancée, à moins que, d’après une nécessité reconnue par la majorité des membres du conseil, et sur une pétition qu’ils auraient adressée au roi, le roi n’en eût accordé la permission. Dans le cas où l’époque du rassemblement serait avancée, les directoires de département le notifieraient aux directoires de district, afin que l’infervalle prescrit, entre la tenue des conseils de district et celle de département, soit toujours observée. » M. de Mirabeau. Je demande, avant de statuer sur cet article, que M. le rapporteur nous fasse également lecture de l’article 17 et de l’article additionnel qu’il propose. M. S&émeunier, rapporteur. Voici l’article 17 : Art. 17. « Les conseils de département ne pourront ni discontinuer leurs séances, ni s’ajourner qu’aux époques fixées par la loi, à moins que la nécessité des circonstances n’ait, sur leur demande, déterminé le roi à autoriser cette discontinuation ou cet ajournement. » Voici maintenant l’article additionnel qui deviendrait l’article 18 : Art. 18 (nouveau). « Néanmoins, dans le cas où la sûreté intérieure d’un département serait troublée au point qu'il fût nécessaire de faire agir la force publi-ue de tout le département, le président du irectoire sera tenu de convoquer le conseil, et, à défaut de convocation, le conseil sera tenu de se rassembler, mais toujours en donnant sur-le-champ avis de ce rassemblement extraordinaire à la législature, si elle est réunie, ainsi qu’au pouvoir exécutif -, le conseil ne pourra alors s’occuper que des moyens de rétablir l’ordre, et il se séparera aussitôt que la tranquillité ne sera plus troublée. » (Les articles 16, 17 et 18 nouveau sont décrétés.) M. Oémennier, rapporteur , donne lecture de l’article 18 du projet de décret. M. Pétion de Villeneuve. Au lieu de dire tout simplement que les conseils de département seront tenus d’adresser le procès-verbal de leur session, je voudrais que l’article portât qu’ils seront tenus d’adresser chaque année au roi deux expéditions du procès-verbal de leur session, dont l’une serait déposée aux archives de l’Assemblée nationale. M. Déiueunier, rapporteur. J’adopte l’amendement et je propose la rédaction suivante : Art. 19. {Art. 18 du projet.) « Les conseils de département seront tenus de faire adresser au roi, chaque année, et dans la quinzaine après la clôture, deux expéditions du procès-verbal de leur session, dont l’une sera déposée aux archives de l’Assemblée nationale. » {Adopté.) M. Démeunier, rapporteur , donne lecture des articles 19, 22 et 23 du projet de décret, et dit : Lorsqu’une administration de département aura lro Série, T. XXIII. prononcé sur des discussions relatives ou à la formation d’une assemblée ou aux conditions d’éligibilité, ou enfin aux divers cas désignés dans l’article 19 et dans l’article 22, nous avons pensé que l’on pourrait en appeler au directoire d’un département voisin. Il y a lieu de croire qu’on profitera rarement de cette faculté; mais il est conforme à vos décrets, il nous a paru conforme à la raison d’établir deux degrés pour ceux qui voudraient en profiter. Alors, à l’article 22, il faudrait ajouter ces mots, qui ont été omis : « La partie qui croira pouvoir réclamer contre la décision en appellera à l’une des administrations des trois départements, dont les chefs-lieux seront les plus voisins, laquelle prononcera en dernier ressort. » M. de Mirabeau. Certainement vous avez levé une partie des objections en établissant une voie d'appel. Il est impossible, en matière d’éligibilité, de s’en passer; mais je voudrais encore : 1° qu’on distinguât l’éligibilité pour les corps administratifs et l’éligibilité pour les corps judiciaires; 2° qu’il y eût une loi sur l’appel des décisions de l’éligibilité pour les corps judiciaires : ainsi je proposerais que les corps électoraux, dans leur première session, jugeassent de ces sortes d’appel. {Murmures.) Observez que ie ne fais que substituer le mot électoral à celui de directoire. M. Regnaiidfde Saint-Jean-d'Angêly). Il faut nécessairement que le pouvoir exécutif puisse refuser la commission au sujet dont l’élection à la place de juge sera contestée. Je crois que, pour toutes les autres é!eclions, les contestations doivent d’abord être portées au directoire de département, de là au département voisin qui donnera son avis; enfin, en dernier ressort, au tribunal de cassation. M. Lanjulnais. Vous avez déjà décrété que les assemblées primaires et les assemblé -s électorales jug raient des contestations qui pourraient s’élever dans leur sein; l’appel sera porté au département. Il ne faut donc pas permettre d’interjeter un troisième appel, qui embarrasserait la marche des élections. M. Chapelier. Je pense qu’en matière d’élection on ne peut pas aller aussi soudainement, de manière qu’un directoire de département puisse être maître absolu des élections. Je crois même qu’il y a une distinction remarquable à faire à ce sujet. II peut y avoir, sur les élections, deux manières de les attaquer. La première, parce que l’Assemblée a été tenue irrégulièrement, et que l’élection ne s’est pas faite suivant la forme prescrite par la Constitution. Celte question-là est une pure question d’administration et qui doit être jugée par le directoire de département. L’autre partie de la distinction est celle-ci. Lorsqu’il est question des difficultés ordinaires à l’occasion des élections, ce sont de véritables questions d’Etat. Elles portent sur la faculté d’être ou de n’ôtre pas éligible. Or, ce n’est pas là du tout une affaire d’administration, c’est une question d’Etat, un droit de citoyen qu’il faut faire juger par les tribunaux. Il n’y a qu’eux qui puisseut juger cela dans les cas spécifiés par vos lois. {Applaudissements.) 43