[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1791.] 577 M. Emmery, rapporteur. Les règlements mi-1 litaires ne permettent pas la présence de domestiques, il est inutile de le spécifier, puisque les cavaliers seront obligés de se conformer à tous les règlements militaires. M. Rewbcll. J’insiste sur ma motion, et je demande que tous ceux qui ne seront pas officiers ne puissent pas avoir de valets, sous peine d’être exclus. M. Chabroud combat cette motion et appuie les observations de M. Emmery, rapporteur. (L’ Assemblée, consultée, rejette l’amendement de M. Rewbell.) Le projet de décret, modifié par l'amendement de M. Gaultier-Biauzat, adopté par le rapporteur, est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, à laquelle il a élé rendu compte par son comité militaire, qu’environ 300 jeunes citoyens de la ville de Paris, tous ayan t servi dans la garde nationale depuis le commencement de la Révolution, se sont réunis pour former une troupe à cheval, et demandent à être employés à la défense des frontières; qu’ils se sont imposé à eux-mêmes l’obligation de servir jusqu’au 15 novembre 1792, à moins que l’Assemblée nationale ne veuille les licencier plus tôt, et qu’ils se sont engagés à subvenir à leurs propres dépens aux frais de leur habillement, armement, équipement, et de l’équipement de leurs chevaux, comme aussi à l’entretien de ces objets, même de déposer une certaine somme pour être employée à l’habillement des trompettes; en applaudissant au patriotisme et au zèle de ces jeunes citoyens, a décrété ce qui suit : Art. 1er. « 11 sera formé un corps de troupes à cheval, sous la dénomination de gardes nationales volontaires parisiennes à cheval, qui servira conformément aux ordonnances et règlements militaires concernant les troupes à cheval, et sera composé de jeunes citoyens ayant servi dans la garde nationale depuis le commencement de la Révolution. Art. 2. « Ce corps sera composé de 4 escadrons, dont un auxiliaire, destiné à recevoir et à former les hommes et les chevaux de recrue. Art. 3. «L’état-major du corps sera composé de 2 lieutenants-colonels, 4 adjudanis-officiers, un quartier-maître-trésorier, un chirurgien, un alie-chirurgien, un maréchal-expert, 4 maréchaux ferrants, un maître éperonnier, un maître sellier, un maître tailleur et un inspecteur des fourrages. Art. 4. « Chaque escadron sera composé de 2 compagnies. Art. 5. « Chaque compagnie sera composée d’un capitaine, un lieutenant, un sous -lieutenant, un adjudanl-sous-offlcier, un maréchal des logis en chef, 2 maréchaux des logis, 4 brigadiers, 4 sous-brigadiers, 53 volontaires et un trompette, faisant en tout 68 hommes. Ait. 6. « Le plus ancien capitaine des 2 compagnies 1” Série. T. XXX. formant l’escadron le commandera sous le titre de chef d’escadron. Art. 7. « Le choix des officiers et sous-officiers sera fait de la même manière que dans les bataillons de gardes nationales volontaires à pied. Art. 8. « Les guidons porteront la devise et seront aux couleurs décrétées pour les drapeaux des gardes nationales volontaires à pied ; ils seront portés par des maréchaux des logis eu chef, au choix du premier lieutenant-colonel. Art. 9. « Du jour où les gardes nationales volontaires parisiennes à cheval seront reçus par les commissaires des guerres pour entrer en activité, ils recevront 20 sols par jour de solde. La paye de chaque grade sera dans la même proportion, conformément à ce qui a été réglé pour les gardes nationales volontaires à pied. » (Ce décret est adopté.) Un de MM. les secrétaires fait lecture : 1° D’une lettre de M. Bailly, maire de Paris , dans laquelle il fait part à l’Assemblée des adjudications définitives auxquelles la municipalité a procédé pendant la semaine dernière, et qui se montent à 1,071,900 livres; 2° D’une note du ministre de la justice ainsi conçue : « Conformément aux décrets des 21 et 25 juin dernier, le ministre de la justice a apposé le sceau de l’Etat aux décrets portant vente de biens nationaux aux municipalités dont l’état suit, savoir : Aux municipalités d’Avallon, de Gheney, de LunéviLe, Tours, Ghancenay, Rouen, Saint-Benoît, Saint-Mihiel, Château-Arnoux, Quintenas, Vullavoire, Vilhon, Bar-sur-Seine, Champé, la Ghapelle-des-Pots, Cramant, Cuis, Fave-en-Haye, Mery, Millery, Rochefort, Saint-Baussant, Saint-Qaentin, Soissoos, Soligny-les-Etangs. « Le ministre de la justice transmet à M. le président de l’Assemblée nationale les doubles minutes des décrets ci-dessus, sur chacune desquelles est signé de sa main l’ordre d’expédier et sceller du sceau de l’Etat. » Signé : M.-L.-F. Duport. L’ordre du jour est un rapport des comités diplomatique et d’Avignon sur Avignon et le Com-tat-Venaissin. M. de Menou, rapporteur. Avant de faire mou rapport, j’ai l’honneur d’observer que l’affaire d’Avignon a été discutée, il y a quelques jours, chez M. le garde du sceau, dans un comité très nombreux, composé de tous l s députés des départements voisins d’Avignon. Hier, j’avais convoqué pour le soir les comités diplomatique et d’Avignon, pour leur communiquer mon rapport; je m’y suis rendu avec les pièces et les titres à l’appui : il n’y est venu personne. C’est donc le résultat des conférences tenues chez M. le garde du sceau, que je viens vous présenter. M. l’abbé Maury. Le comité d’Avignon n’a pas été informé de ce rassemblement; les membres de ce comité n’y assistaient pas. M. Chabroud. H a été annoncé quatre fois ici. 37 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 septembre 1791.] 578 M. l’abbé Mawry. L’usage constant dans cette Assemblée, c’est de n’entendre de rapports que lorsqu’ils expriment les idées d’un comité; les conférences qui se tiennent chez les ministres nous sont absolument étrangères; le rapport qu’on vous annonce n’est donc pas conforme à l’usage r* çu. Je n’ai aucune raison de chicaner sur les formes; je suis plus impatient que personne de voir enfin cette grande affaire terminée; mais j’ai l’honneur de vous observer que, si vous entendez aujourd’hui le rapport que vous annonce M. de Menou, rapport qui ne peut vous faire connaître que son opinion individuelle, je demande que, conformément à vos usages, vous ordonniez que les pièces soient déposées à votre comité pour être communiquées à tous les membres de l’Assemblée qui en voudront prendre connaissance, pour être en état de traiter, quand la question sera ouverte. Ce rapport ne devant donc pas être discuté en ce moment, il est inutile de l’entendre. Quant à moi, je vois un objet très important à mettre sous les yeux de l’Assemblée, et qui serait un travail préparatoire infiniment utile aux comités dip'omatique et d'Avignon, et voici, Messieurs, ce travail qui serait une base lumineuse. Le rapport ne peut être fondé que sur le rapport des commissaires médiateurs envoyé' à Avignon. Eh bien, je demande à l’Assemblée à être renvoyé individuellement, à mes risques et périls, comme accusateur, au tribunal de la haute cour nationale u’Onéans où je demande à poursuivre les médiateurs. Un membre : Eh bien, allez-y ! M. l’abbé Manry. Messieurs, je vous supplie de considérer la position où se trouve aujourd’hui l’Assemblée. Les médiateurs ont été nommés par le roi sur la demande de l’Assemblée i atio-nale. Les agents du pouvoir exécutif so t assurément responsables; on ne peut pas les poursuivre, sans qu’ils soient dénoncés par l’Assemblée à la haute cour nationale. Il faut donc que vous examiniez s’il y a lieu à accusation quand je les dénonce. Messieurs, s’ils sont irréprochables, car ils vous l’ont dit, je leur rends un grand service; car je prends sur moi tout l’odieux de la calomnie. Mais, Messieurs, vous ne savez pas encore s’ils sont innocents ou coupables; mais ce que vous savez tous, c’est que, d’un bout de la France à l’autre, ils ont été bien ou mal accu-és. Or, toutes les fois que h s agents d’une grande nation sont accusés, toutes les fois qu’il se présente un accusateur qui garantit, sur sa responsabilité les faits qu’il avance, les accusations qui sont de l’espèce la plus terrible, qui m’exposent, moi, individuellement, aux suites les plus désastn uses si je suis un calomniateur, alors vous devez m’entendre. Je ne sais pas calomnier, je remplis un grand devoir, j� fais un grand sacrifice, je prends sur ma tête la vérité des faits que je vais énoncer. Je veux vous faire voir que les hommes que vous avez envoyés à 200 lieues d’ici pou r rétablir la tranquillité, se sont imaginé que l’œil de la justice ne les surveillerait pas, qu’ils étaient des vice-rois absolus, qu’ils pouvaient se conduire comme des despotes en empêchant la liberté, et qu’ils se sont mis à la tête d’un parti, au lieu de les concilier tous. Voilà le texte que j’ai à développer, voilà le texte que je veux vous présenter avec des preuves legales ; je demande à être entendu ; c’est moi que vous allez juger. Je ne réclame aucune faveur, je n’eu ai aucune et je m’en félicite ; mais je veux apprendre, Messieurs, à l’Assemblée avec quelle indignité on a abmé de sa confiance ; je veux apprendre à la France entière s’il est vrai que l’on ait calomnié vos commissaires média-t ur-qui n’ont été que des commissaires exterminateurs quand ils ont paru dans mon pays. Ainsi, Messieurs, tous les partis sont ici en présence : voici les représentants de la nation, voici les médiateurs d’Avignon, voici les députés ou ceux qui se disent fs dép tés d’Avignon, voici leur accusateur. Daignez m’entende, Messieurs, et assurément vous ne devez pas craindre si j’avance des faits faux qu’i's ne soient sur-le-champ contredits. Je vous demande, Monsieur le Président, de prendre les ordres de l’Assemblée pour que je sois entendu dans l’instant. (Murmures.) Plusieurs membres : Le rapport! Le rapport! M. l’abbé Maury. L’Assemblée nationale ne me soupçonnera sûrement pas de chercher à gagner du t-mps pour différer le rapport. Je vous ai observé d’abord que peut-être, d’après vos usages, le rapport n’avait pas encor-' acquis la matmité légale que vous êtes habitués à donner à ces documents ; mais s'il arrive par hasard que vous me renvoyiez au tribunal de la haute cour nationale, où assurément je n’ai point d’appuis, si vous me renvoyiez, dis-je, avec les trois médiat urs que je dénonce, que j’accuse, que je poursuivrai jusqu’à ce que j’aie obt nu justice, alors votre rapport tombe de lui-même, il n’a plus de hases puisque ce rapport est fondé sur le récit des commissaires. ( Rires ironiques à gauche.) Un membre : Vous voulez donc différer le rapport. M. l’abbé Maury. Ainsi, Messieurs, il appartient à chaque membre de cette Assemblée de faire une motion, et j’en fais une. A l’Assemblée seule appartient le droit de faire des décrets, et j’en sollicite un; mais la logique de votre délibération exige que je sois entendu avant M. le rapporteur. Au reste, j’obéirai avec respect et empressement aux ordres de l’Assemblée; et comme il m’est à peu près indifférent d’attaquer les médiateurs avant ou après le rapport, j’espère même que je trouverai dans le rapport un nouveau moyen de les attaquer ; mais vous ne devez pas entendre un rapport qui est inspiré par des hommes qu’on accuse et que j’accuse du crime de haute trahison. M. Mougins de Roquefort. Messieurs, la question que M. l’abbé Maury soulève est une exception dilatoire : elle a pour objet d’arrêter la décision d’une affaire instante et que l’intérêt public, le bien de l’humanité exigent d’accélérer. Cette affaire a été discutée pendant trois heures chez le ministre de la justice, en présence des députés des départements environnants et de plusieurs membres du comité diplo - atique : tout y fut dncuté approfondi, débattu, et si jamais affaire a eu une discussion complète, c’est celle-ci. Nous décidâmes que le résultat de cette conférence serait mis sous les yeux de l’Assemblée : ainsi le rapporteur vous présente, non son vœu individuel, mais celui de votre comité [Assemblée nationale.] diplomatique et celui des députés des départements voisins. Il est donc juste de l’entendre. D’un autre côté, M. l’abbé Maury accuse les commissair s civils; mais, Messieurs, si vous admettiez de semblables accusations >our arrêter les opérations de l’Assemblée et enchaîner l’exé-pution de vos décrets, vous verriez naître tous les jours de pareils incidents : toutes 1t dans le Gomtat Venaissin. Toutes les passions qui agitent les hommes, s’y sont déployées avec cette violence inséparable de3 temps de réfutions. D’un côté, le désir passionné de la liberté, de l’étralité, et l'horreur du despotisme ; de l’autre, l’attachement non moins vif aux a miens préjugés, aux privilèges, aux distinctions, qui,deimis plu-ieurs iècles, étaient, au mépris des droits de l’homme, l’apanage de la nob'esse et du clergé; souvent l’astuce italienne i-e réunUsant à l’énergie de nos climats méridionaux ; dans presque tous les paitis, le désir secret de dominer, sentiment qui produit toujours les haines et les jalousies : telles sont, Messieurs, les causes physiques et morales des mouvements qui agitent les deux pays dont la de-tinée est soumise à vos délibérations. Entourés, pressés, pour ainsi dire, de tons côté-i i ar l’atmosphère de la liberté, les peuples comtadins et avignonais (au moins la majeure partie), veulent ainsi que les Français, rentrer dans tous leurs droits. Mais là, comme en France, la minorité, composée de gens qui n’aiment et ne considèrent qu’eux-mênies ; qui ne connaissent que l’intérêt particulier, auquel ils sacrifient toujours l’intérêt général ; qui consentiraient à la destruction et à l’anéantissement de tout ce qui n’est pas eux... la minorité, dis-j *, veut conserver l’anci n gouvernement, plus favo able à leurs privilèges et à leurs prétentions. El cette minorité, quoique très faible par elle-même, a cependant lutté, jusqu’à présent, a ee une sorte d’égalité, contre la majorité, parce que sans cesse elle a été soutenue, ravitaillée, augmentée par les mécontents et les antir-volulionnaires français. C’est cette circonstance très frappante qui a fait croire aux gens de bonne foi, mais qui n’approfondissent pas les événement-, que le parti qui vent la liberté, n’est pas aussi nombreux qu’on vous l’a toujours annoncé dans cette tribune : mais les pièces authentiques qui constatent l’émission du vœu des Comtadins et des Awgno-nais, sur leur état politique, prouvent combien est faible cette minorité, lorsqu’elle est abandonnée à ses propres forces, et lorsqu’elle n’est formée que des citoyens qui ont le droit de voter sur leur état politique. Ainsi cette minorité, sous les armes, présente un aspect assez imposant, parce qu’elle est presque entièrement composée d’etrangers ; mais dans les assemblées primaires, où tout ce qui n’est pas citoyen actif du pays ne peut être admis, elle ne forme pas la cinquième partie de la population des deux Etats réunis. Vos comités n’ont pas cru devoir entrer, Messieurs, dans les détails historiques de la médiation. Les commissaires médiateurs vous ont eux-mêmes re du, de toutes leurs opérations, un compte clair, exact et détaillé, que chacun de vous peut avoir sous les yeux, puisqu’il a été livré à l’impression et distribué aux membres de cette Assemblée. Vos comités n’ont pas cru devoir traiter de nouveau la question des droits de la France sur les Etats d’Avignon et du Gomtat venaissin; elle a été débatt e et discutée, à différentes époques, dans 22 séances de cette Assemblée; le pour et le contre von s sont suffisamment connus; et chacun peut s’êtie formé une opinion juste et saine de nos droits sur ces 2 Etats; droits qui ont été formellement réservés par l’Assemblée nationale, dans l’article premier de son décret du 25 mai, ARCHIVES PARLEMENTAIRES.