[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 décembre 1790.] projet de réforme de l'administration de la justice, que s’il devait avoir lieu, l’état d’un grand nombre de personnes serait rendu nul par le fait, et peut-être cent mille familles seraient réduites à la misère. Celte considération me touche d’autant plus vivement que je suis moi-même dans ce cas ; mais voici mes principes : Les législateurs nous doivent la justice ; ils doivent nous la faire rendre avec le moins de frais, et le plus promptement possible. Tout citoyen est responsable du mal que le peuple souffre s’il peut l’empêcher : tout comme il l’est du bien qu’il peut faire et qu’il néglige. Témoin continuel et souvent l’instrument forcé des maux causés par l’administration de la justice et l’exécution des jugements, je me suis livré depuis longtemps à des projets de réforme de nos ordonnances ; j’ai eu l’honneur d’en remettre un à M. de Miro-mesnil en mains propres, en 1778, à peu près dans le goût de celui imprimé chez M. Knapen. Je demandais à être admis à en faire le développement et à répondre aux objections. Ma démarche étant restée sans réponse, je m’imposai silence. Mais aujourd’hui que la nation a repris ses droits ; mais aujourd’hui qu’elle vous a chargé d’assurer son bonheur par une bonne Constitution, je ne puis, sans trahir mon devoir, vous laisser ignorer tout ce que je crois être propre à y contribuer. C’est le bien générai qui fait l’objet de votre Importante mission, un de ses objets est de rendre tous les hommes utiles, d’augmenter le plus qu’il est possible la masse du produit des terres, de l’industrie et du commerce, et d’assurer à chaque individu la tranquillité dans ses occupations; un homme qui fera croître deux épis de blé où ci-devant il n’en venait qu’un, celui qui par sa main d’œuvre poussera à six livres le prix d’une livre de chanvre qu’on ne vendait qu’à trois livres, et celui qui en exportant cette même livre de chanvre façonnée, en retirera sept livres, voilà des hommes vraiment utiles, etun de ces hommes vaut plus à l’Etat que cent mille suppôts de la justice (1). Non seulement ceux-ci ne produisent rien ; mais tous leurs travaux ne tendent qu’à affaiblir les sources de la prospérité publique. Si ces considérations vous déterminent à adopter le plan de réforme que j’ai l’honneur de vous proposer, ou tout autre que vous trouverez meilleur que le mien, la justice vous impose des devoirs indispensables envers les familles qui perdraient leur moyen de subsistance. Chaque citoyen a le droit d’être nourri et entretenu par la société, s’il met dans la société sa part du travail ou des fonctions auxquels par sa naissance et son emploi il a été destiné. Si, pour le plus grand avantage général, la société juge que ce travail ou ces fonctions lui sont inutiles, elle doit les réformer; mais elle ne peut (1) Je suppose que par la réforme dans l’administration do la justice cent mille familles soient rendues à l’agriculture, aux arts et métiers et au commerce. Je suppose chaque famille composée de cinq personnes y compris un domestique ; je suppose chaque famille composée de cinq personnes y compris un domestique ; je suppose la journée ouvrable de chaque personne ne valoir que dix sols, cela fera un produit au profit de l’Etat de près de soixante millions : je suppose par contre qu’aujourd’hui chaque famille ue coûte à l’Etat que 1200 livres par an, ce qui fait 120 milUons au lieu de 180 millions. 687 laisser dans le malheur le citoyen, qui, sous la sauvegarde delà justice, élevait sa famille dans des occupations et dans des sentiments propres à son état, et nullement fait pour les travaux d’un autre état : elle doit le dédommager, soit en lui confiant d’autres emplois analogues à ses talents, soit en lui fournissant sa subsistance, et les moyens de continuer l’entretien de sa famille et l’éducation de ses enfants. Chaque district se chargerait avec transport de cette dépense momentanée, si elle lui était présentée comme le prix de. sa délivrance de lachi-cane et comme un impôt qui successivement diminuerait et s’éteindrait par les gages que le roi accordera aux officiers de justice, et qui sera infiniment moins désastreux que l’impôt de la chicane. Je iinis, Messieurs, et pour toute péroraison, je vous prie de me permettre de répéter: Si vous ne garantissez pas nos habitants de la campagne de la chicane, vous n'aurez rien fait pour eux ; et je conclus qu'il ne faut point de juré en matière civile. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du mardi 28 décembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. d’Estagnio! présente à l’Assemblée une adresse de félicitation du tribunal du district de Sedan. En s’applaudissant de la commission honorable d’annoncer une installation qui le dépouille de l’office de grand-séQéchal; qui, après avoir été possédé par l’immortel maréchal de Faber, a été accordé à un de ses pères en récompense de ses services et à ceux de sa famille , il ajoute qu’il a détourné ses regards des sacrifices multipliés d’intérêt personnel, de fortune et de vanité que les circonstances exigent, pour se livrer avec transport au doux plaisir de concourir, avec ses collègues, au bonheur de sa patrie. (L’Assemblée, après avoir donné de justes applaudissements au patriotisme de ce membre, ordonne qu’il sera fait mention de cette adresse dans son procès-verbal.) M. Varia, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. MM-Talleyrand-Pértgord, évêque d'Autun , Le Borlhe de. Graudpré , curé d’Oradoux-Sannois, et Moutjallard, curé de Bar j ois, se présentent successivement à la tribune et y prêtent le serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier. M.<*ossuïn,aM nom du Comité de constitution . La commune de La Bresse, département des Vosges, par une exception dont il n’existe pas d’exemple, jouit, depuis plusieurs siècles, du droit de nommer les juges qui composaient le (1) dette séance est incomplète au Moniteur .