268 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE des parties, afin de les transmettre fidèlement chaque jour à la Convention et au peuple français. Un membre observe que la Convention ne peut prononcer sur ces pétitions contradictoires que sur le rapport des commissaires des Colonies. La pétition est en conséquence renvoyée à cette commission, et les pétitionnaires sont admis aux honneurs de la séance (115). 49 Elle renvoyé au comité des Finances une pétition qui lui est présentée par les créanciers de l’émigré Louis Stanislas Xavier Capet ci-devant Monsieur (116). 50 LOUIS (du Bas-Rhin) : Citoyens, je viens, au nom de vos comités de Salut public et Militaire, vous faire part de quelques observations, et vous soumettre des mesures qui leur ont paru importantes, relativement à la situation de la force armée de Paris, et à des circonstances qui peuvent influer sur la prospérité des armes de la République. Les premiers regards qui se portent sur l’organisation du service militaire à Paris ne permettent pas de douter combien les corps qui en sont chargés diffèrent de l’institution commune. D’un côté, on remarque de nombreuses divisions militaires formées sans adjonction d’aucune compagnie de canonniers, tandis qu’il existe réellement des compagnies de canonniers que la solde dont elles jouissent, leur création et l’ordre de service qui leur est particulier, rendent absolument étrangères à ces divisions. Mais, s’il est important d’organiser la garde nationale suivant le décret du 13 mars 1792 (vieux style), il n’est pas d’un moindre intérêt de mettre les compagnies de canonniers soldés, et actuellement à Paris, à portée de servir plus utilement encore la chose publique ; elles y semblent principalement appelées par les circonstances dans lesquelles se trouvent les armées françaises; en effet, la rapidité des conquêtes qui signalent leur marche victorieuse ne pourrait manquer d’affaiblir considérablement ces armées si leurs canonniers volontaires étaient incessamment obligés de demeurer dans chaque place ou fort nouvellement conquis, pour en assurer eux-mêmes le service. Vos comités de Salut public et Militaire, s’étant occupés des moyens de prévenir la nécessité de semblables disséminations, vous présentent comme vraiment dignes de veiller à (115) Moniteur, XXII, 513-514. F. de la Républ., n° 56 ; Mess. Soir, n° 820 ; Gazette Fr., n° 1048 ; Ann. Patr., n° 684 ; Ann. R.F., n°55; J. Fr., n°781; J. Mont., n°32; J. Paris, n°56. (116) P. V., XLIX, 224. la conservation de ces boulevards devenus si importants pour la République celles des compagnies de canonniers formées à Paris qui y sont encore existantes. Elles méritent d’autant plus cette préférence que déjà depuis longtemps elles ont paru ambitionner un service plus actif que celui dont elles sont aujourd’hui chargées; vos comités, en les proposant pour cette nouvelle destination, ont pensé que c’était seconder, autant qu’il est possible, leur attente, et offrir à la Convention nationale l’occasion de donner une nouvelle marque de confiance à des républicains dont les services dans le cours de la révolution, l’expérience et le patriotisme sont également reconnus. Le rapporteur termine par un projet de décret qui est adopté en ces termes (117) : Un membre [LOUIS (du Bas-Rhin)] propose et la Convention adopte le décret suivant relatif aux canonniers de Paris. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Salut public et Militaire décrète : Article premier.- Il sera procédé, sans délai, à la formation d’une compagnie de canonniers volontaires par section à Paris, conformément à la loi du 13 mars 1792 (vieux style), sur l’organisation de la garde nationale. Art. II.- Le comité de Salut public pourra disposer pour les besoins des armées, des compagnies de canonniers soldés actuellement à Paris. Art. III.- Il sera délivré des congés à tous ceux des canonniers soldés qui ne seront pas dans le cas de faire la campagne (118). 51 Un membre [HARMAND (de la Meuse)], au nom des comités de Sûreté générale et de Salut public, donne lecture d’un procès-verbal qui leur a été transmis par l’administration de police, sur ce qui s’est passé à la séance de la société populaire des Quinze-Vingts le 24 de ce mois. Des agitateurs de diverses sections s’y sont introduits et par des déclamations insensées essayoient de troubler la tranquillité publique en formant dans cette société un noyau de réunion, mais les bons citoyens du fauxbourg Antoine n’ont point donné dans le piège ; la société est demeurée calme, malgré les clameurs de quelques femmes qui compo-(117) Moniteur, XXII, 506-507. Débats, n° 784, 789-790; Bull., 27 brum. ; J. Mont., n° 32; J. Paris, n° 56. (118) P.-V., XLIX, 224-225. Moniteur, XXII, 507; Débats, n° 784, 790-791; Rép., n° 56; Bull., 27 brum.; J. Mont., n° 32; J. Perlet, n° 783 ; C. Eg., n° 819 ; Mess. Soir, n° 820 ; F. de la Républ., n° 56; Gazette Fr., n° 1048; J. Fr., n° 781; Ann. Patr., n° 684; Ann. R.F., n" 56. Rapporteur Louis (du Bas-Rhin) selon C* II, 21. SÉANCE DU 25 BRUMAIRE AN III (SAMEDI 15 NOVEMBRE 1794) - N° 51 269 soient en grande partie les tribunes. Le comité a cru devoir rendre compte de ces faits, non pour prémunir l’opinion publique, mais seulement pour apprendre aux meneurs et aux intrigans qu’ils sont exactement surveillés par le gouvernement et que l’oeil du comité toujours ouvert sur eux, les suit jusques dans leur repos, si toute fois le crime peut reposer (119). HARMAND (de la Meuse), au nom du comité de Sûreté générale, a donné lecture de la pièce suivante (120) : Comité révolutionnaire du huitième arrondissement, le 24 brumaire de Van troisième de la République française, une et indivisible. Situation politique. Société populaire des Quinze-Vingts, séance du 24 brumaire. La société populaire des Quinze-Vingts va désormais être le point central de ralliement et de rassemblement des jacobins, du club électoral et des citoyens intéressés à troubler l’ordre actuel. C’est là le tableau que présente la séance d’hier. Immédiatement après la lecture du procès-verbal, Trouville, commandant en second de la force armée, est monté à la tribune et a fait lecture d’un libelle où la Convention était trai-née dans la boue. Cette lecture a occasionné de très grands applaudissemens et des sorties violentes contre le gouvernement; mais tout cela n’était que le prélude de scènes bien plus désespérantes pour les bons citoyens. Une nuée de gens inconnus, les uns se disant Jacobins, les autres du Club électoral, se sont présentés dans la salle. Braves citoyens du faubourg Saint-Antoine, ont-ils dit, vous, la terreur des aristocrates, l’effroi des modérés, les soutiens de la Révolution; vous seuls, les vrais défenseurs des droits du peuple, vous voyez devant vous vos malheureux frères les Jacobins persécutés : nous venons vous demander d’être admis dans votre société. On nous a exclus de notre salle, mais nous nous sommes dit : Allons au faubourg, c’est là que nous serons inattaquables, et que, réunis avec les sans-culottes, nous pourrons porter des coups plus sûrs, et sauver le peuple et la Convention de l’esclavage. Ce langage astucieux et perfide n’a point trouvé d’obstacles, et la société a arrêté que les membres qui se présentoient, sans autre examen, auraient place et délibération dans la société. Fiers d’avoir été reçus, ils se sont permis les propos les plus atroces contre le gouvernement actuel, contre les comités de la Convention; ils ont provoqué l’insurrection, en lisant avec emphase cet article des droits de l’homme : « Lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour une portion du peuple, le plus sacré et le plus indispensable des devoirs ». (119) P.-V., XLIX, 225. (120) Bull., 26 brum. Moniteur, XXII, 507, n’indiquent que le comité de Sûreté générale, contrairement au P.-V. Les esprits étoient dans la plus grande exaspération, lorsque le président Cochery a donné lecture d’une lettre d’Eudine, détenu au Luxembourg, qui a encore donné lieu aux intrus d’augmenter la fermentation. Cette lettre donnoit le signal de l’insurrection la plus marquée; il est impossible de tracer sans frémir les propos auxquels elle a donné lieu : il suffira de dire que l’on appeloit les hommes de sang les seuls vrais patriotes. Enfin, après mille vociférations, voyant qu’il étoit impossible d’en venir tout de suite à leurs fins, les nouveaux venus ont proposé une adresse pour la séance prochaine, adresse qui seroit le résultat des réflexions qui avoient été émises. Ils ont promis solemnelle-ment d’amener quantité de leurs frères, ne doutant point qu’ils ne fussent à l’abri de tout, une fois réunis dans la société populaire des Quinze-Vingts. Il faut observer que les membres habituels de la Société n’ont rien dit; que ce sont des hommes éphémères et venus d’autres sections qui ont le plus contribué a attiser le feu, entre autres le nommé Tissot, de la section de Montreuil, et un autre dont on s’informera du nom. Humblet, (121), ancien membre du comité révolutionnaire de la section des Quinze-Vingts, a lui-même parlé avec la plus grande circonspection. Les bons citoyens gémissoient, avoient le cœur oppressé et le langage des lois et de la vertu s’est fait entendre par le citoyen Castille, sur la proposition faite d’afficher l’invitation à tous les citoyens, quels qu’ils soient, de se rendre dans la société des Quinze-Vingts. La grande affaire a été ajournée pour sextidi prochain, où il doit venir une forte recrue. On observera encore que les femmes étoient en plus grand nombre que les hommes, qu’elles occupoient la moitié de la salle, et que les nouveaux venus faisaient corps avec elle. HARMAND (de la Meuse) continue (122) : Si ce rapport [que nous a envoyé la police] (123) vous confirme la vérité pénible qu’il existe dans Paris une foule d’agitateurs et de malveillants ennemis, de l’ordre et de la tranquillité publique, agens secrets des ennemis de la révolution et vendus aux gouvernements étrangers, je vous donne aussi la certitude non moins assurée et bien plus satisfaisante, que leurs tentatives criminelles et leurs audacieuses entreprises resteront sans succès et sans complices; en vain, ils ont cherché à tromper les intrépides habitans du fauxbourg Antoine ; en vain ils ont osé invoquer les noms de patrie et de liberté pour voiler leurs complots et leurs trames contre-révolutionnaires : la société populaire des Quinze-Vingts a vu le piège qui lui étoit tendu, et les agitateurs n’ont obtenu d’autres applaudissemens et d’autres succès que ceux de quelques femmes égarées ou perdues, qu’ils avoient entraînées avec eux dans cette société ; non, jamais, les vainqueurs de la Bas-(121) Moniteur, XXII, 507, le nomme « Blay». (122) Bull., 26 brum. (123) Rép., n° 56. Moniteur, XXII, 507. 270 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tille, les destructeurs du trône et du despotisme, ne deviendront les artisans de l’anarchie, et les sectateurs des brigands et des hommes de sang ; jamais les hommes du 14 juillet et du 10 août ne deviendront les complices des conspirateurs du 9 thermidor. Votre comité m’a chargé de vous communiquer le rapports et les faits, non par la crainte que les hommes coupables, qui en sont l’objet, puissent désormais égarer l’opinion publique, mais pour faire connoître aux généreux habi-tans de Paris et du fauxbourg Antoine, quels sont ces hommes qui, jusqu’à présent, ont parlé de liberté, d’égalité et de patrie, et qui ne veulent de liberté que celle qu’ils donnoient eux-mêmes, d’égalité, qu’en usurpant tous les pouvoirs, et de patrie, que dans ceux qui, par complicité ou par crainte, ou par erreur, étoient associés à leurs projets ambitieux et parta-geoient leur tyrannie. Nous avons cru encore qu’il étoit utile de vous faire connoître ces faits, pour vous donner une preuve de la surveillance active de vos comités de gouvernement, et pour avertir les coupables eux-mêmes, que, sans cesse, votre comité de sûreté générale a les yeux ouverts sur eux; qu’il est à leur suite; qu’il tient leur signalement; qu’il connoît, ceux qui, dans différentes boutiques, ont demander à acheter vint mille douzaines de bonnets rouges pour organiser leur ralliement, et qui enlèvent chez les armuriers les pistolets à tout prix [et des sabres] (124). Oui, la police du gouvernement marche sans cesse avec eux; elle boit, elle mange à la même table; elle est dans tous les lieux publics, dans tous les cafés, dans les spectacles; et dans tous les rassemblements; elle veille la nuit avec eux; et si le crime pouvait dormir, votre police serait encore à côté d’eux pendant leur sommeil ; et elle n’abandonnera la tâche pénible que vous lui avez imposée, qu’ après avoir rempli votre confiance, celle de la France entière, et après avoir assuré la tranquillité publique, en déjouant les complots des factieux et en les faisant arrêter : et j’annonce à la Convention que ceux qui sont désignés dans le rapport sont, dans ce moment, sous la main de la loi. (125) [et je vous annonce que Trouville et Tissot, deux des chefs de ce mouvement, doivent être arrêtés dans cet instant.] (126) (On applaudit vivement.) Plusieurs membres prennent successivement la parole et font diverses observations sur l’état actuel des circonstances et en particulier sur quelques objets d’approvisionnement dont on semble laisser manquer en ce moment la commune de Paris (127). TALLIEN obtient la parole, et dit (128) : (124) Rép., n° 56. (125) Bull., 26 brum. (126) Moniteur, XXII, 507-508. (127) P.-V., XLIX, 225. (128) Moniteur, XXII, 507. Débats, 783, 784. Ce rapport nous fait connoître quels sont les projets des hommes qui, en se réunissant aux débris des factions, crurent pouvoir parvenir à égarer cette portion intéressante du peuple, qui fut toujours l’amie des lois et de la Convention. Je pourrais ajouter quelques détails à ce qui vient vous être dit, car je demeure dans ce quartier. On est venu me rapporter qu’on avoit tout fait pour tromper les braves citoyens du faux-bourg Antoine ; mais ils ont répondu : ce n’est pas avec les hommes qui viennent crier dans notre société que nous avons renversé la Bastille, et que nous avons fait le 10 août; nous ne les connoissons pas. Ils étoient indignés des propos qu’on leur avoit tenus. Il est d’autres moyens qu’on emploie pour égarer le peuple, l’un des principaux est cette disette factice des objets de première nécessité, du charbon surtout qu’on ne distribue plus qu’en un seul lieu. J’en ignore la raison. Tandis que nous éprouvons cette disette, on assure que le canal de Briare, et tous les lieux cir-convoisins, regorgent d’approvisionnemens dont nous ne voyons pas la moindre partie. Il semble qu’on veuille à tout prix exciter des mouvemens, car on va jusqu’à intervertir l’ordre que le peuple a établi lui-même à ces distributions, ordre qu’il ne conserve qu’en passant les nuits ; et il est arrivé ce matin, que pour avoir voulu le déranger, il s’est fait sentir quelques secousses assez violentes. Je l’ai dit, et je le répète, il y a eu dans l’administration des subsistances de Paris, la plus grande malveillance. ( Applaudissemens .) Je ne doute pas qu’on ait eu projet d’affamer Paris, et celui des hommes dont les complots sont découverts aujourd’hui, est de retarder les arrivages pour occasionner du trouble. (Applaudissemens.) Je ne doute pas que les comités de gouvernements n’aient pris des mesures pour l’empêcher; mais ce n’est pas assez : il faut qu’ils fassent paroître devant eux les administrateurs des subsistances ; qu’ils leur demandent pourquoi ils ont laissé dans les ports une infinité d’objets de la première nécessité, qu’on est obligé de jeter à la mer. (Applaudissemens.) Il faut que les comités se fassent rendre compte ; et je ne dis pas ceci pour exciter l’opinion publique, mais pour qu’on fasse diminuer les besoins du peuple. Il faut que les comités se fassent rendre compte des approvisionnemens amoncelés dans les édifices publics de Paris : la ci-devant église de Saint-Sulpice, par exemple, où l’on assure que l’huile ruissèle; il faut qu’on sache pourquoi cette huile n’a pas été distribuée; pourquoi, tandis que les négocians de Paris et des départemens vont demander à la commission des Approvisionnemens, des réquisitions particulières pour alimenter leur commune ; pourquoi, dis-je, on les leur refuse, tandis que, comme j’en ai la preuve, on en donne à un homme qui n’a jamais été commerçant, et qui va dans les ports acheter une quantité considérable de cacao a vingt sols la livre, pour le revendre ensuite dix-huit francs. (On murmure.)