348 (Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalquier.] CAHIER D’instructions et doléances de l’assemblée du troisième ordre de la sénéchaussée de la ville de Digne, convoquée le 1er avril 1789, pour être présenté aux Etats généraux du royaume , par les députés qui seront élus à l’assemblée de la sénéchaussée de la ville de Forcalquier (1). GOUVERNENENT MONARCHIQUE. Art. 1er. Le vœu le plus solennel du troisième ordre est que le gouvernement soit constamment monarchique. Il est le plus doux, le plus favorable à la nation et le plus glorieux pour le monarque; la gloire du prince et le bonheur des sujets doivent être soutenus par des lois qui soient respectivement observées. LETTRES DE CACHET. Art. Les lettres de cachet, ne présentant que l’abus le plus terrible du despotisme ministériel, étant inconciliables avec la liberté individuelle des citoyens, l’abolition doit en être sollicitée avec instance : la liberté de chaque personne fait partie de la liberté publique. Si, cependant, le citoyen tramait ou intriguait contre la chose publique, ou si des considérations très-puissantes exigeaient qu’on l’arrêtât sur-le-champ, on doit le conduire dans les prisons ordinaires pour être jugé par ses juges naturels. Les prisons d'Etat deviennent absolument inutiles, et la suppression doit en être ordonnée. RETOUR PÉRIODIQUE DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Art. 3. La périodicité des Etats généraux de trois en trois ans est indispensable, absolument nécessaire, si l’on désire que la liberté publique ne souffre jamais d’altération. Ce retuur doit être demandé avec instance. COMMISSION INTERMÉDIAIRE. Art. 4. Réclamer contre l’établissement de toute commission intermédiaire dans l’intervalle d’une tenue des Etats généraux à l’autre. Une pareille commission formerait insensiblement une aristocratie dangereuse. RÉGENCE. Art. 5. Dans un cas de minorité du successeur à la couronne, ou, dans tout autre cas qui empêcherait le souverain de régner, la régence ne pourra être déférée que par les Etats généraux. Ils seront convoqués de droit, et extraordinairement assemblés a Versailles dans un mois. ÉTATS GÉNÉRAUX SUBSÉQUENTS. Art. 6. Si aux Etats généraux tous les vœux Re peuvent être conciliés ; si chaque détail ne peut atteindre à une perfection complète, il y sera ourvu ensemble sur tous les autres chefs de oléances que les peuples pourront former, aux Etats généraux subséquents. RANGS ET DISTINCTIONS. Art. 7. Dans un grand Etat, il est nécessaire de tri Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. ne pas confondre les rangs : il ne faut pas en détruire les distinctions. L’assemblée nationale doit abolir toute servitude et tout ce qui contraste avec les droits et la dignité de l’homme et du citoyen. Les rangs peuvent et doivent être conservés sans en humilier aucun. POUVOIR LÉGISLATIF. Art. 8. Le pouvoir législatif n’appartiendra qu’à la nation; mais la puissance exécutrice et de gouvernement n’appartiendra qu’au Roi. Les lois, qui auront été déterminées par l’Assemblée nationale, seront enregistrées dans le dépôt appartenant aux Etats généraux, et de suite adressées aux Etats des provinces et administrations provinciales, pour y être enregistrées, observées, et envoyées dans les villes royales de la province, qui en feront part aux communautés de leur arrondissement. IMPÔTS. Art. 9. Le pouvoir d’établir, d’accorder et de proroger l’impôt, sera solennellement, et par une loi d’Etat, déclaré et reconnu n’appartenir qu’à la nation assemblée. Aucune sorte d’impôt ne pourra avoir plus de durée que l’intervalle de la tenue des Etats généraux à l’autre. EMPRUNTS. Art. 10. 11 ne sera jamais fait d’emprunts qu’au-tant que la nation l’aura délibéré. Les emprunts sont des impôts d’autant plus dangereux qu’ils paraissent d’abord moins effrayants. VÉRIFICATION DES DETTES DE L’ÉTAT Art. 11. Il sera procédé, par les Etats généraux, à la vérification des dettes de l’Etat. Celles qui seront reconnues justes et légitimes seront reconstituées au nom de la nation ; et elle décidera si les intérêts de la dette doivent être réduits au taux de la loi. IMPOTS PAYÉS INDISTINCTEMENT PAR LES TROIS ORDRES. Art. 12. Tous les impôts, sans exception, doivent être payés par les trois ordres, proportionnellement à leurs facultés et revenus quelconques, non-seulement pour le rétablissement des finances, mais encore pour l’avenir et à jamais, en renonçant à toutes exemptions pécuniaires. Et au moyen de ce, les roturiers qui ont acquis ou acquerront à l’avenir des fiefs, ne seront plus soumis à payer aucuns droits de franc-fief. Il ne peut pas plus exister des biens exempts de charges publiques, u’il ne peut exister des personnes indépendantes es lois de la souveraineté. Les exemptions féodales et les immunités ecclésiastiques ne sont que des abus incompatibles avec l’ordre social. Les divers ordres de l’Etat n’ont d’autre droit que celui de ne payer que les impôts qu’ils ont librement consentis ; et ce droit est autant le patrimoine du tiers-état que celui du clergé et de la noblesse. RETRANCHEMENT ÉCONOMIQUE. Art. 13. Avant que de voter sur aucun impôt, il est de l’intérêt des peuples de pourvoir aux retranchements économiques, de fixer la véritable [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ‘Sénéchaussée de Forcalquier.J 34g dépense de î’Etat par départements, et arrêter toutes les réformes salutaires que le bien général exige. IMPÔT UNIQUE. Art. 14. Les députés voteront pour un impôt unique qu’il plaira à la sage prévoyance des Etats généraux d’arrêter, qui ne compliquera ni la perception ni la comptabilité, et qui sera supporté également par les trois ordres, dans la proportion de leurs biens et revenus ; voteront pour une taxe sur la valeur réelle et foncière des maisons des villes, bourgs et villages, et châteaux, à raison de 40 sols par 1,000 livres, indépendamment des impôts indirects et volontaires, tels que ceux sur le tabac, les portes, les cartes, sur tous les grands objets de luxe, sur les capitalistes, les rentiers à viager et les agioteurs. FERMIERS GÉNÉRAUX ET TRAITANTS. Art. 15. Solliciter avec force le renvoi des fermiers généraux et des traitants : le bonheur des peuples y est attaché. Les provinces feraient verser directement les subsides dans le trésor de la nation. Leur administration ne sera ni vicieuse ni tyranique ; les peuples seront soulagés ; l'Etat aura plus de revenus et toutes les ressources nécessaires pour l’extinction de la dette publique. PLACES INUTILES. Art. 16. On remarquera la suppression de toutes les places auxquelles on attache de grands revenus et de petites fonctions. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait, dans une province, un gouverneur, un lieutenant du Roi, un commandant, avec patentes, et quelquefois avec deux ou trois commandants en sous-ordre. Ces places ruinent les peuples sans aucune utilité pour l’Etat. OFFICES INUTILES. Art. 17. Selon les principes de la raison, et d’après nos lois provençales, il ne peut exister aucun office inutile. Ils troublent la police de l’Etat, et sont un poids onéreux pour la nation. On demandera la suppression de tous offices de finances et autres qui n’ont été, dans l’origine, que des impôts déguisés, et qui ont mis le plus grand embarras dans l’administration publique. PENSIONS. Art. 18. Pour prévenir les abus énormes et les déprédations du trésor public, occasionnées par les pensions, il est du plus grand intérêt qu’à l’avenir elles soient supprimées, et qu’il soit fixé, par les Etats généraux, une somme annuelle destinée pour les gratifications, au choix de Sa Majesté. Quant aux pensions établies, il est important de porter l’examen le plus sévère sur celles qui ont été données sans motif, et qui n’ont eu pour base que l’appui et l’abus du crédit. PRIVILÈGES EXCLUSIFS. Art. 19. Toutes maîtrises et privilèges exclusifs, ui gênent la liberté des arts et du commerce, oivent être proscrits. Il ne faut pas que des ressources communes à tous soient réservées à un seul. ALIÉNATION DES DOMAINES. Art. 20. Les rois ne vivant plus de leurs domaines, on gagnerait beaucoup de rendre lesdits domaines aliénables. Ils sont la proie de quelques courtisans. Eu les rendant au commerce, on les rendrait à la bonne culture, et on accroîtrait d’autant les revenus de la nation. 11 est de son intérêt que le Roi rentre dans ses domaines, qui ont été engagés, inféodés ou échangés avec perte, sauf de les revendre à leur juste valeur. ABOLITION DE LA DÎME. Art. 21. Parmi les bienfaits que les peuples osent espérer de la sage prévoyance des Etats généraux, celui de l’abolition de la dîme serait le plus distingué. Les ministres de notre sainte religion recevraient des honoraires qui, en posant de justes limites d’accroître leurs revenus, mettraient encore leurs consciences et celles de leurs paroissiens à l’abri des regrets. VENTE DES DOMAINES DE L’ÉGLISE. Art. 22. La vente de tous les biens et domaines de l’Eglise indistinctement sera autorisée ; et la vente en sera faite par des commissaires établis par les Etats généraux. Le produit en sera appliqué : 1° A l’extinction des dettes du clergé, à la subsistance des religieux ; 2° A former des honoraires aux archevêques, évêques et autres ecclésiastiques ; 3° Aux congrues des curés et vicaires ; 4° A des pensions pour des prêtres infirmes, et finalement a concourir au payement de la dette nationale. AUGMENTATION DE LA CONGRUE DES CURÉS ET VICAIRES. Art. 23. L’augmentation de la congrue aes curés, et l’exemption des décimes, sont de toute justice. Les peuples tiennent, par reconnaissance et une rare estime, aux pasteurs du second ordre, qui leur rappellent les prêtres de la primitive Eglise par leurs travaux et leurs charités. L’amélioration de leur sort ne doit point être laissée à l’assemblée du clergé, mais confiée aux Etats généraux qui, sûrement, s’en occuperont avec joie. L’augmentation doit être relative à l’importance des lieux ; la moindre, de mille livres; tout casuel supprimé; la congrue des vicaires, fixée à la moitié de celle des curés. SUPPRESSION DES BÉNÉFICES SIMPLES. Art. 24. Tous les bénéfices, autres néanmoins que ceux dépendant d’un patronage laïque, demeureraient supprimés au décès ou démission des titulaires actuels. ORDRES RELIGIEUX. Art. 25. La réformation et la suppression des ordres religieux ne doivent point être abandonnées. On doit, au contraire, demander l’exécution des lois promulguées, et le rétablissement de la commission destinée à cet effet. 350 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcaiquier.J QRDRE DES HOSPITALIERS DË SAÏNT-JEAN DE JÉRUSALEM. Art. 20 i Parmi les ordres religieux, le plus inutile est celui des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Les individus de France* qui en sont membres, sont soumis à un souverain étranger, et ils exportent» tous les ans* hors du royaume, des sommes immenses, qui, jointes aux revenus dont ils jouissent individuellement, s’élèvent environ à 8 millions de livres, Ge revenu pourrait servir à des établissements patriotiques, et , distribué à quatre ou cinq mille officiers qui ont servi fidèlement la patrie, leur assurerait une retraite honnête. La suppression de cet ordre en France, en laissant jouir tous les titulaires de leurs bénéfices et commanderies, serait très-avantageuse à l’Etat. PLURALITÉ DES BÉNÉFICES. Art. 27. Supplier, avec ce zèle qu’inspire une religion éclairée des principes delà saine raison, d’abolir à jamais fia pluralité des bénéfices, de quelque nature et espécé qu’ils soient. Elle était inconnue dans les beaux jours de l’Eglise. Elle né fut introduite que quand là possession des richesses eut fait perdre aux ecclésiastiques le véritable esprit de leur vocation. Un abus aussi scandaleux nécessite la réforme la plus sévère. Il est de la dignité de la nation d’y pourvoir. RÉSIDENCE DES ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES, Art. 28. Demander avec instance l’exécution des lois canoniques et civiles, Oui ordonnent aux archevêques et évêques la résidence dans le lieu de rétablissement de leür siège. Ils doivent à leurs devoirs, au bon exemple et à l’intérêt politique de leur diocèse, cette soumission aux décisions des conciles et atix ordonnances du royaume. Les peuples qüi les connaissent désireraient de n’être pas forcés de les leur rappeler. JURIDICTION DES ARCHEVÊQUES, ÉVÊQUES ET DE LEURS OFFICIAUX, Art. 29. Demander que la juridiction des archevêques et évêques, et de leurs officiaux, soit limitée précisément aux matières spirituelles, et qu’ils ne puissent instruire, ni juger au civil, ni au criminel, soit entre ecclésiastiques ou laïques, Sans cette restriction, elle ne présente qu’un mélange de spirituel et de temporel, pernicieux, sous tons les rapports, à la religion et à la tranquillité des peuples. Les ecclésiastiques, par dü esprit d’empire et de domination, ont toujours cherché à confondre la distinction réelle et sensible des deux puissances. GLERGÉ DE PROVENCE. Art. 30.. Lé clëfgé de Provence doit être séparé dé Padmihistratiôn générale du clergé de France, puisqu’il partage, avec les autres ordres, l’administration. Il doit venir, dans le sein de sa famille, partager toutes lés charges, et verser, dans la caisse commune de la province, les deniers provenant des impositions les concernant. RÉGALE. ÀTt. 31. îfêtânt ili juste ni raisonnable que les titulaires des bénéfices soient privés du droit, que toutes les lois leur accordent, de se choisir leurs successeurs, et n’en jouissent cependant point lorsque la régale est ouverte et qu’on affecte de ne point la fermer , il est essentiel qü’üne loi nationale ordonne qu’elle le sera par la prestation dü serment du pourvu entre les mains du roi. CONSTRUCTION ET ENTRETIEN DES MAISONS CURIALES, DES ÉGLISES. Art. 32. Les maisons curiales, lê logement des vicaires, et les églises ne doivent plus être à la charge des peuples, puisque leür construction et leür entretien sont une des principales , destinations des biens ecclésiastiques. Demander, en conséquence, la révocation de tous les édits qui mettent les dépenses à la charge des villes et communautés. CONCORDÂT. Art. 33. Le concordat, aussi irrégulier qu’iiü-politiquê, sera révoqué comme contraire à l’honneur de la religion et au bien dü royaume. CHAPITRES NOBLES. Art. 34. La dotation des corps et des chapitres étant le fruit des bienfaits et de la munificence des peuples, c’est attenter à leur patrimoine que d’avoir pris des mesures pour leur en fermer l’entrée. Il est essentiel de demander la révocation de toutes lettres patentes, édits et déclarations du roi, portant érection de la plupart des chapitres et corps, tant d’hommes que de filles, en corps et chapitres nobles, dans tous lesquels les citoyens du troisième ordre seront admis comme par le passé. ADMISSION DU TROISIÈME ORDRE A TOUS LES EMPLOIS MILITAIRES ET CIVILS. Art. 35. Le troisième ordre doit être admis à tous les emplois militaires et civils. C’est la nature qui donne les talents et les distribue, sans suivre le hasard de la naissance. Pourquoi priver la patrie des ressources que la nature lui ménage dans toutes les conditions et dans toutes les classes des citoyens ? Les fastes de l’histoire vengent le tiers -état des préjugés indécents du second ordre. L’harmonie, le patriotisme n’existent, dans toute leur grandeur , qüVutant que tous les membres de l’Etat participent à tous ses avantages. ÉDUCATION ET MOEURS DËS JEUNES GENS. Art. 36. Il est du plus grand intérêt de l’assemblée nationale de s’occuper de l’éducation et des mœurs des jeunes gens. C’est au magistrat civil à y veiller ; ce droit et ce devoir lui appartiennent. Les enfants, dévant former un jour les citoyens de tous les ordres de la société, c’est aux magistrats à les faire élever de la manière la plus propre à donner de l’énergie à l’âme, à leur montrer partout l’idée du bien général unie à celle du bien particulier, et à éloigner de leur cœur toute idée de superstition qui rétrécit l’esprit, et qui a désolé, pendant des siècles, les peuples et les rois. Les sciences et les arts font l’ornement de la société, la force et le bonheur d’un empire. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, (Sénéchaussée dé Forcalquier.] 3gi L’ignorance rend les peuples stupides, et fait des esclaves. COMMUNAUTÉS, OFFICES MUNICIPAUX. Art. 37. Sa Majesté sera suppliée de faire jouir indistinctement toutes les communautés des droits et prérogatives attachés aux offices municipaux créés par l’édit du mois d’avril 1692, supprimés ensuite, et créés de nouveau par un autre édit de 1733. Ces offices furent réunis par la province, moyennant le prix de 1,798,00.0 livres, suivant l’arrêt du conseil du 21 mars 1757. Cependant les communautés seigneuriales-sont privées depuis longtemps d'une partie des droits attachés aüx-dits offices, et notamment de celui de faire présider par les maires et consuls leurs assemblées, générales et particulières, à l’exclusion de tous officiers des seigneurs, et d’avoir la préséance dans toute les cérémonies publiques, sur les mêmes officiers ; et que lesdits maires et consuls soient rétablis et maintenus dans le droit d’exercer la police conformément à ce qui est porté par l’édit de 1699, portant création d’offices de lieutenants généraux de police, qui ont été réunis au corps de la province. JURIDICTION DES JUGES DE POLICE. Art. 38. L’intérêt public unit ses vœux pour que la juridiction des juges de police soit autorisée â statuer définitivement et sans appel jusqu’à là somme de 30 livres au moins ; qu’il soit fait un réglement plus étendu, plus Clair pour tous les objets dont la connaissance lui sera dévolue. Demander que les amendes pécuniaires, prononcées par les juges de police, soient appliquées en faveur des pauvres : le motif est que ce tribunal a pour objet principal la paix et la concorde de tous les citoyens. Que tout s’y termine sans frais ; cette justice, se rapprochant plus des mœurs du peuple, il est rare qu’il se plaigne de ses jugements. Une plus grande étendue de pouvoir ne peut qu’opérer un grand bien. GABELLE. Art. 39. La gabelle fut reconnue un impôt odieux ét nuisible, même lors de son établissement. Elle a détruit et ruiné les campagnes et leurs habitants. Le meilleur des rois l’a déclarée, en dernier lieu, un impôt désastreux et en a solennellement promis la suppression. On ne peut élever, nourrir les troupeaux et les bestiaux nécessaires au cultivateur, sans l’usage libre du sel. Le gouvernement doit faveur et protection à l’agricUl-tUre ; elle'sera éclatante si cet impôt est entièrement proscrit. AGRICULTURE. Art. 40. L’agriculture étant un des premiers arts utiles, il importe à tout gouvernement de la favoriser. L’histoire de l’univers entier nous apprend que les nations agricoles sont les plus riches et les plus heureuses. Des distinctions aux agronomes, des encouragements aux laboureurs, assureraient une plus grand quantité de productions qui répandraient partout l’abondance. Les troupeaux, plus nombreux et mieux entretenus, donneraient des laines de meilleure qualité et des engrais plus propres à vivifier un sol léger et peu productif. Art. 4L De prendre en considération que les bœufs, en Provence, sont d’une excessive cherté; ils y manquent presque partout ; l’agriculture en souffre. La cause de ce mal procède de la quantité de jeunes veaux que l’on tue. 11 est de la plus haute importance, pour les cultivateurs, qu’on s’occupe des moyens efficaces d’empêcher cette destruction, ett prohibant de tuer des veaux au-dessous de l’âge de six mois. Des lois sur cet objet sont dignes des grandes vues d’utilité publique de l’Assemblée nationale. Prohiber encore la conduite des boeufs hors du royaume. DÉFRICHEMENTS, CHÈVRES, Art. 42. Lés défrichements dans des terrains montüeüx, l’introduction des chèvres dans les bois, font les plus grands maux, détruisent les arbres, les baliveaüx et des gâzottS précieux pour la nourriture des bestiaux. Les terrains défrichés produisent véritablement quelques affilées * mais lavés par les orages, les cultivateurs les abandonnent , et les pluies plus rapides dévastent leS biens de la plaine, Le moyen d’obvier à ceg inconvénients est de prohiber tous défrichements quelconques dans les lieux montueux et l’introduction des chèvres autres qüe celles qui sont nécessaires pour la conduite des troupeaux d’avi-rage, sauf la conservation des chèvres dans les communautés qui ont obtenu iâ permission. DROITS SUR LES MARCHANDISES. Art. 43. La balance du commerce entre les diverses nations de l’Europe ne permet pas quél’on supprime les droits sur les marchandises ; mais les bureaux établis poür la perception de ces droits doivent être reculés aux frontières, pour que la circulation intérieure ne puisse éprouver aucune gêne dangereuse. 11 faut également demander un nouveau règlement ou tarif de ces droits, qui ne laisse rien d’obscur sur la quotité et la légitimité de la perception. OFFICES DES JURÉS-PRÎSEURS. Art. 44. La création des jurés-priseurs a occasionné des plaintes dans tout le royaume. Plusieurs provinces en ont relevé avec énergie les dangers et les abus. Elles ont été contestées. Notre ressort est dans le cas dé porter des doléances également fondées, Il sollicite de la justice et de l’amour de Sa Majesté pour son peuple la suppression desdits offices. JURIDICTIONS CONSULAIRES, Art. 45. On doit demander qu’il soit établi des juridictions consulaires dans toutes les. principales villes ; qüe l’on donne aüX jugés ordinaires dans les autres lieux toüs les privilèges de ces juridictions pour les affairés de commerce, et attribution de souveraineté à leurs jugements, jusqu’à une certaine somme déterminée. NOTAIRES. Art. 46. Lâ fortune des peuples tient aux fonctions des notaires. Ils sont les dépositaires de leur confiance. Elles ne doivent pas être données indifféremment à tout sujet qui se présente. Il est nécessaire que l’homme public soit instruit et d’une réputation bien établie. Pour éviter les surprises et donnerà cet état la considération qui lui est due, il importe de solliciter des règlements pour établir le meilleur régime, et qui fixent les 352 [États gén., 1789. Cahiers.] . ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de F orcalquier.) . honoraires des notaires pour chaque acte, ainsi que pour les expéditions. CONTRÔLE. , Art. 47. Les motifs de l’établissement du con-; trôle sont infiniment louables pour la sûreté des actes. Mais cet établissement, qui, dans son principe avait uniquement pour objet l’utilité publique, est devenu une source de vexations portées au dernier terme ; et la multiplicité des jugements rendus sur les divers objets en fait un chaos tellement absurde et inexplicable, que la perception est devenue entièrement arbitraire. La nation ne peut s’accoutumer à voir changer en loi bursale des établissements de police et d’ordre public. DROITS DOMANIAUX. Les députés demanderont avec instance la suppression de tous les droits que l’on appelle domaniaux, tels que ceux des greffes, centième denier et autres, et que le contrôle reprenne sa première destination, sans être supprimé. Mais il sera demandé que ces droits soient diminués et rendus uniformes et proportionnels à toutes sortes de sommes, de manière qu’ils frappent sur le riche comme sur le pauvres. On doit rédiger un nouveau tarif plus clair, plus précis, et non susceptible d’extension et de fausses interprétations. EXPLOITS POUR TAILLES. Art. 48. Tous exploits concernant la levée, commandements et exécutions pour taille, pourront être faits par les sergents ordinaires pour éviter les frais. VÉNIATS. Art. 49. Les véniats, décernés par les tribunaux supérieurs et autres magistrats, contre les juges intérieurs, officiers publics, et arbitrairement contre tous autres justiciables, n’étant qu’un abus d’autorité, contraire aux ordonnances, doivent être prohibés aussi solennement que les lettres de cachet. VISITE DE CORPS. Art 50. Les corps de justice des villes et communautés ne seront soumis à aucune sorte de visites d’obligation à l’égard des étrangers de quelque état et condition qu’ils soient, ne devant y avoir d’exception à cette règle que pour le Roi, les princes et les commandants des provinces. Art. 51. Les recherches tyranniques que les particuliers éprouvent de la part des traitants et commis au contrôle, pour les droits domaniaux, nécessitent une loi nationale pour que tous les droits soient perçus dans le terme d une année, sans aucune réserve. MILICE. Art. 52. Demander que Sa Majesté s’occupera de recruter ses armées par toute autre voie que par le tirage de la milice, qui ne pèse que sur le troisième ordre, et principalement sur la classe utile des laboureurs, et fait déserter les campagnes. TROUPES EN TEMPS DE PAIX. Art. 53. Qu’en temps de paix, il n’y aura sur fùed qu’un nombre fixe de troupes ; les autres icenciées. Les troupes en réserve seront distribuées dans chaque province et par départements, où l’on pourrait les employer à des ouvrages d’utilité publique, et assurer la police des grandes routes et des chemins coupés par des torrents ou des bois. Les soldats invalides pourraient être envoyés sur les frontières pour surveiller la contrebande. LIBERTÉ DE LA PRESSE. Art. 54. Demander la liberté de la presse. PRÉSIDENTS PERPÉTUELS DES CORPS ET ADMINISTRATIONS. Art. 55. Pour l’harmonie de tous les ordres de l’Etat, de tous les corps et communautés qui concourent à l’avantage général des administrations, il est important d’en supprimer les présidents perpétuels et la permanence de tous les membres quelconques. Rien ne décourage et n’entrave autant la marche des idées pour opérer le bien, que de voir continuellement en place le même homme lorsqu’il n’y est pas appelé par le vœu de la confiance; il y devient exigeant, et il reste insensiblement le maître absolu. On verrait le retour du zèle patriotique et charitable, si le voeu de la cité et des administrateurs nommait le citoyen qui doit les présider. CONSTITUTIONS DE LA PROVENCE. Art. 56. La Provence doit être maintenue dans ses franchises et dans sa constitution. Les lois de son union à la couronne doivent être à jamais respectées. ADMINISTRATION MUNICIPALE SUBORDONNÉE AUX ETATS DE LA PROVENCE. Art. 57. L’administration municipale, dans ses rapports avec l’ordre général et avec la liberté politique, ne doit être subordonnée qu’aux Etats généraux du pays. ASSEMBLÉE DES TROIS ORDRES EN PROVENCE. Art. 58. Pour donner une nouvelle vie à cette province, pour répandre sur tous les individus la félicité commune, le Roi sera très-humblement supplié d’y autoriser une assemblée des trois ordres qui soit convoquée incessamment, et pendant la tenue des Etats généraux, le troisième en nombre égal avec les deux autres réunis, pour y arrêter des lois constitutionnelles, en demander ensuite la sanction à Sa Majesté, et solliciter la révocation de l’ordonnance de 1535 au chef où elle attribue la charge de procureur du pays aux sieurs consuls et assesseur de la ville d’Aix. Demander qu’à la même assemblée soient admis les gentilshommes non possesseurs des fiefs, et le clergé du second ordre. ÉVOCATIONS. Art. 59. Toute évocation de grâce et de privilège doit être proscrite. OPINER PAR TÈTE. Art. 60. Dans les Etats généraux, on doit opiner par tête et non par ordre. Les rangs peuvent être distincts, mais il ne faut pas diviser les intérêts. Il n’y a qu’une nation, qu’une patrie, qu’un bien public. Les voix seront recueillies par [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Séné .haussée de Forcalquier. J 333 scrutin, toutes les fois qu’il sera requis par un membre de l’assemblée. mauvaise administration des finances. Art. 61. La mauvaise administration des finances étant.le foyer des révolutions les plus désastreuses des empires et le vrai motif du peu d’influence d’une nation dans les affaires publiques, il est de la plus haute importance de prendre toutes les précautions inspirées par la prudence et la sagesse, pour qu’à l’avenir l’entrée du, trésor public soit fermée à toutes les déprédations qui l’entourent et le convoitent. La fidélité des ministres, une grande économie, l’abolissement des privilèges, des exemptions, seront toujours des vraies richesses ; et le ménagement des finances assurera encore au monarque une riche et immense possession, c’est le trésor des cœurs et de ses sujets. MINISTRES RESPONSABLES DE LEUR CONDUITE. Art. 62. Les ministres seront et demeureront responsables de l’abus de l’autorité qui leur est confiée, responsables encore de leur gestion, des divertissements des deniers nationaux, et comptables de l’emploi des fonds assignés par la nation pour chaque département. Les ministres coupâmes de quelques-uns des crimes désignés ci-dessus, ou d autres délits graves qui offensent la chose publique, seront jugés par les Etats généraux, et, en conséquence, le procès fait à M. de Calonne. COMPTES RENDUS AUX ETATS, IMPRIMÉS. Art. 63. Demander que tous les comptes rendus aux Etats généraux, vérifiés et certifiés par eux, soient rendus publics par la voie de l’imprimerie. JUSTICE RAPPROCHÉE, PROMPTE ET GRATUITE. Art. 64. Un des premiers fondements de la félicité publique est le règne des lois. Le vœu national est d’obtenir une justice rapprochée , prompte et gratuite. Les députés aux Etats généraux observeront que la ville de Digne se trouve au centre de la haute Provence ; qu’elle en a toujours été regardée comme la capitale et qu’elle est entourée de plus de deux cents paroisses, et de dix villes, dont la plus distante n’est qu’à 6 ou 7 lieues, et que la vallée de Barcelonnette n’en est qu’à 12. Demanderont que les justices subalternes soient autorisées à juger provisoirement en matière personnelle, jusqu’au concurrent de la somme de 200 livres, avec la clause nonobstant l’appel, et sans y préjudicier. TRIBUNAUX DE JUSTICE ; COMMENT COMPOSÉS. Art. 65. Le bonheur du peuple tient encore à la manière dont les tribunaux seront composés. Leur vœu est que la magistrature souveraine soit mi-partie entre la noblesse et le tiers-état ; que la vénalité des charges soit à jamais abolie ; que les charges soient données au mérite et aux sujets qui seront présentés par les Etats généraux de Provence à Sa Majesté, et dont elle sera suppliée de sanctionner le choix. REMBOURSEMENT DES CHARGES. Art. 66. Que le remboursement des charges de magistrature et autres soit fait par le corps de la i” Série* T. III. nation ; que le Roi sera supplié d’assigner des honoraires aux juges, qui -seront distribués en proportion de leur travail et de leur présence. MAGISTRATS PARENTS» Art, 67. Il ne pourra pas y avoir plusieurs parents dans le même tribunal jusqu’au degré de cousin germain, de consanguinité et d’alliances inclusivement : quelques familles ne doivent point être dépositaires d’une pareille importance de la puissance publique. TRIBUNAUX CARTUL AIRES ET DE PRIVILÈGE. Art. 68. Les tribunaux cartulaires et de privilège sont une surcharge pour les judiciables : l’administration de la justice souffre. Il importe donc de ne conserver que les tribunaux dont l’existence est nécessaire à l’ordre public. JUSTICIABLES JUGÉS PAR LEURS PAIRS. Art. 69. Que quand deux personnes du tiers-état plaideront ensemble, elles seront jugées par leurs pairs, qui seront des juges du tiers-état , et lorsqu’un nome plaidera contre un citoyen du troisième ordre, ou une communauté contre un seigneur, le procès sera jugé par des juges des deux ordres en nombre égal ; et dans ce cas, si le noble est demandeur, le président sera pris dans le tiers-état, et vice versâ ; et l’impair sera en raison inverse du président. La même règle aura lieu pour le criminel; les peines seront proportionnées au délit, et seront égales pour les trois ordres. INFAMIE DES CRIMES *, NE DOIT PAS REJAILLIR SUR LES FAMILLES. Art. 70. Demander que les peines prononcées et exécutées contre les individus ne rejaillissent pas contre leur famille; et solliciter une loi qui déclare les crimes personnels aux coupables, sans pouvoir laisser aucune note d’infamie aux parents ; demander, en outre, que les coupables soient punis sur les lieux du délit. JUGES; NE PEUVENT FAIRE DES RÈGLEMENTS. Art. 71. Il sera défendu à tous juges indistinctement de faire aucun règlement : lo droit -de législation appartient au Roi et à la nation exclusivement. Que le Code civil et criminel soit réformé ; qu’il n’y ait plus dans la procédure criminelle de pièce secrète, et qu’on donne à l’accusé un conseil, deux même s’il est nécessaire, pour qu’il ait les moyens de se défendre; qu’il n’y ait plus d’emprisonnement provisoire sans dn décret préalable, excepté le cas de flagrant élit constaté par des plaignants dignes de loi. DÉCRET DE PRISE AU CORPS. Art. 72. Que les décrets de prise au corps ne soient plus taxés avec cette légèreté qui dégénère en abus, et en un véritable délit. Deux juges, au moins, ou assesseurs prendront l’information, et .deux autres verront la procédure, l’examineront, décréteront et exprimeront, dans le décret, leurs motifs ; qu’il sera accordé des dédommagements à l’accusé poursuivi par le ministère public lorsqu’il sera envoyé absous et déchargé de l’accusation; qu’à cet effet, le Roi et les Etats généraux seront suppliés d’assigner des fonds pour donner à l’innocence opprimée une satisfaction pécuniaire qui, quelque forte qu’elle puisse être, ne 23 354 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Eorcalquisr.) sera jamais qu’un faible dédommagement à ses malheurs. PRISONS. Art. 73. Que les prisons soient saines ; que jes prisonniers pour dettes civiles ne soient pas confondus avec les accusés de crimes, et qu’à cet effet, il soit établi des prisons hors de l’enceinte des châteaux seigneuriaux. MOTIVER LES JUGEMENTS. Art.; 74. Que les motifs des jugements, tant au civil qu’au criminel, soient énoncés : c’est une consolation pour celui qui est jugé. BANQUEROUTE. Art. 75. Que toute banqueroute frauduleuse soit sévèrement punie. CHANGE D’INTENDANT DU COMMERCE. Art. 76. Les emplois ne devant point être multipliés sur la même personne, demander, avec instance, que la charge d’intendant du commerce soit distincte et séparée de celle des finances de la province. INTENDANT, PREMIER PRÉSIDENT. . Art-77. Demander que les fonctions du commissaire départi en Provence soient distinctes et séparées de la charge de premier président du Parlement : tout fait sentir l’incompatibilité de ces fonctions, et la nécessité de les diviser. ÉGALITÉ DE POIDS ET MESURES. Art. 78. L’égalité du poids, l’uniformité des mesures dans toute la province, et même dans tout le royaume. BUREAUX CHARITABLES, TRIBUNAUX DE PAIX. Art. 79. Les lois civiles doivent être simplifiées. 11 faut que le sanctuaire de la justice puisse être abordé par le pauvre comme par le riche. Ce serait un grand bien d’établir des tribunaux charitables partout, et des tribunaux de paix. La justice est la dette des rois envers tous les sujets : elle doit donc être perpétuellement présente à tous. EXÉCUTION POUR TAILLES. Art. 80. Que les commandements et exécutions pour tailles, et même pour les fermes des communautés, seront faits en vertu des délibérations ortant l’imposition, ou en vertu des contrats de ail de la trésorerie, ou des fermes qui auront une exécution parée, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir aucune contrainte ni homologation. RÉPARTITION DES SECOURS ÉTABLIS PAR LE ROI. Art. 81. Demander qu’en attendant la réformation de la constitution provençale, il soit ordonné que la répartition des secours" que le Roi accorde annuellement au pays, ensemble le produit de l’imposition de 15 livres par feu, affectée à la haute Provence, soit faite dans le sein des Etats et par eux arrêtée. LETTRES A LA POSTE. Art. 82. Que le respect le plus absolu pour toutes lettres confiées à la poste sera ordonné, et qu’on prendra le moyen le plus sûr d’empêcner qu’il n’y soit porté atteinte, sous telles peines que le Roi et les Etats généraux aviseront, ces sortes de contraventions devant être considérée� comme un attentat contre le droit des gens. JURIDICTIONS SEIGNEURIALES SUPPRIMÉES. Art. 83. Sa Majesté sera sollicitée de réunir toutes les juridictions seigneurial es, à l’effet que ses sujets ne puissent désormais être jugés que par des oh* ficiers indépendants de tout particulier, et qu’ils ne tiennent leur pouvoir et leur existence politique que de l’autorité royale. INCONVÉNIENTS DES DROITS FÉODAUX. Art. 84. Les inconvénients des droits féodaux opèrent la ruine des communautés et de leurs habitants; c’est ce qui est retracé dans toutes leurs doléances, et démonstrativement prouvé par une fatale expérience. On peut facilement s’en convaincre en comparant les augmentations et les améliorations progressives des territoires des villes libres, avec les détériorations et diminutions sensibles des territoires des lieux soumis aux droits féodaux, dans lesquels les malheureux tenanciers regardent moins leurs possessions comme le fondement de leur subsistance et celle de leurs familles, que comme la source et le prétexte de leur asservissement à des taxes de surexaction et de vexations de tous genres. De là viennent les découragements, l’abandon et le déguerpissement de leurs fonds ; et enfin, lës émigrations qui font déserter les campagnes, et vont peupler les grandes villes. RÉGIME FÉODAL. En conséquence, les députés solliciteront, avec les instances les plus respectueuses, mais les plus fortes, la suppression des restes funestes du régime féodal, source d’oppression et d’esclavage, qui enracinerait tous les abus. SUPPRESSIONS DES CORVÉES, PÉAGES, ETC. l°En supprimant les corvées, péages, pulvirage, banalités féodales, etc., et en permettant aux communautés de racheter des particuliers les domaines, bois et pâturages, quoiqu’ils aient été encadastrés. RACHAT DES CENS, SERVICES, TASQUES, ETC., ETG. 2° En permettant, tant aux communautés d’habitants qu’aux particuliers, de racheter tous les droits actuellement existants, soit qu’ils dérivent des fiefs, soit qu’ils aient été établis à prix d’argent, et de se rédimerde tous cens, services, tasques, fournages, albergues, cavalcades, leydes, bouages, chevalage, dinette, droits de lods, indemnités, et de tous autres droits seigneuriaux et féodaux quelconques, à un taux raisonnable qui serait fixé dans les Etats de chaque province. ABOLITION DU RETRAIT FÉODAL. 3° En abolissant le retrait féodal et surtout la cession du droit de prestation, dont l’exercice odieux est un véritable abus, principalement de la part des seigneurs de mainmorte, qui se sont arrogé la faculté de céder un droit qu’ils ne peuvent exercer par eux-mêmes. CHASSE ET PÊCHE. 4° En permettant généralement la chasse et la pêche qui sont de droit naturel, sans cependant porter atteinte aux ordonnances qui prohibent le port des armes. desr-lods. 5° Que dans le cas où les communautés ne [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalquisr.] ggg seront pas autorisées à se rédimer du droit du demi-lods, il soit ordonné que les maisons de charité, et les immeubles qui ont pour objet Vutilité publique, soient exempts, pour l’avenir, lu droit d’indemnité. VISITE PASTORALE ; DES DAIS. 6° Qu’il soit défendu, à l’avenir, aux évêques, lors de leurs visites pastorales, de s’emparer des dais sous lesquels on les reçoit à la porte des églises paroissiales, ou de mettre à contribution les communautés qui témoignent envie de ne pas laisser emporter les ornements de leur église. DROIT DE FORAINE. 7* La suppression du droit de foraine, qui n’est fondé que sur une possession abusive. COMMUNAUTÉS DE CE RESSORT, LEUR SITUATION. Art. 85. Solliciter Sa Majesté et les Etats généraux, avec ce zèle qui exprime le vœu du sentiment et de la douleur, de prendre particulièrement en considération que près de la moitié des communautés de ce ressort ont leurs terroirs situés sur le penchant des montagnes ; des rivières d’une vaste étendue, et des torrents affreux dans leurs débordements, les ravagent presque toutes les années. L’intempérie des saisons, les neiges, qui couvrent pendant six mois leurs terres, font périr les blés en les pourrissant. Les grêles, les orages, au moment où les blés touchent à leur màturité*, les pigeons, le gibier, les bêtes fauves répandent sur les contrées une si forte Inisère que des habitants sont dans la dure nécessité de manger bien souvent du pain d’avoine. 11 est de l’humanité et de tout intérêt politique de donner à ces pauvres communautés les secours efficaces pour assurer leur existence et arrêter les émigrations ; leurs maux et ceux des autres communautés sont encore prodigieusement aggravés par l’énorme quantité de droits féodaux auxquels elles sont soumises, et par la rigueur des seignëurs dans la perception. Oppresseurs impunément envers leurs vassaux, ils les ruinent par des pTocès iniques, et ils ne s’en désistent qu’en faisant augmenter et reconnaître des prétentions qui n’ont ni le vœu de la raison ni de l'équité, et dont l’ensemble se réunit pour faire renier à ces malheureux censitaires leur patrie et le lieu de leur naissance. Le régime féodal ayant tous les vices du régime fiscal, enlève au cultivateur toutes les ressources pour mettre en valeur ses terres, et anéantit l’agriculture, la vraie richesse des rois et des Etats. Les calamités vraiment affligeantes sont dignes de toucher le cœur sensible du monarque chéri qui nous gouverne. Elles cesseront, et la prospérité publique s’élèvera sur des bases éternelles, en établissant la liberté réelle des fonds , comme ses augustes prédécesseurs ont rendu aux peuples leur liberté primitive et personnelle. ÉLOGE DE M. DE CASTELANE, SEIGNEUR D’ESPAROU. Une seule communauté, qui est celle d’Esparou-les-Verdou, a donné des éloges à M. de Gastelane, son seigneur. Elle parle avantageusement de sa bonté et de sa bienfaisance envers les habitants ; de ses sollicitudes pour obtenir des secours de la part des administrateurs de la province, et de sa générosité à faire le sacrifice de sa pension féodale dans des époques fâcheuses, et à prêter, sans intérêt, à la communauté et aux particuliers, des sommes importantes pour le payement des impositions. MENDICITÉ. Art. 86. Demander au Roi et aux Etats généraux une loi qui obvie aux inconvénients de la mendicité, en ordonnant aux communautés de retenir et nourrir leurs mendiants valides, qui, au mépris de la loi, vaqueraient dans les provinces : dans lesquels établissements, il serait utile d’avoir des ateliers où on les fît travailler. VICAIRES SECONDAIRES. Art. 87. Sa Majesté sera suppliée d’ordonner qu’à l’avenir aucun prêtre ne puisse desservir aucune paroisse en qualité de vicaire secondaire, contre la volonté des habitants, manifestée par des délibérations des conseils généraux de tout chef de famille. RÉVISION DES ARRÊTS DU PARLEMENT POUR LES DROITS FÉODAUX. Art. 88. Il sera demandé une loi qui établisse une commission, mi-partie, chargée de revoir les arrêts rendus depuis cent ans par le parlement de Provence, sur les procès mus entre les seigneurs et leurs communautés, ou leurs vassaux; lesquels arrêts servent de fondement à la malheureuse jurisprudence féodale de ce parlement; et néanmoins tous ont été rendus par des juges possesseurs de fiefs, suspects, par conséquent, aux communautés et aux vassaux, et emphytéotiques; pour être le travail rapporté au conseil du Roi qui statuerait de nouveau et définitivement sur lés questions jugées paT ces arrêts. PRESCRIPTION DES DROITS FEODAUX. Art. 89. On demandera, avec la même instance, qu’en attendant l’effet du rachat, l’extinction ou amortissement des droits féodaux, on pourra alléguer et faire valoir la prescription par le défaut de demande du seigneur, et de celui de prestation depuis trente ans par le prétendu redevable, sans que le seigneur puisse opposer le défaut de dénégation, et puisse, depuis le susdit terme de trente ans, qui est le temps fatal et légal de la prescription de toutes les actions dérivant de tous jugements oti contrats quelconques; et de même suite, le retrait féodal sera borné au terme fatal d’une année à compter du jour de la vente, sans que l’acquéreur soit tenu de faire aucun acte de notification au seigneur direct. RÉVISION DE# COMPTES DE LA PROVINCE. Art-90. U n’est aucun objet qu’on doive demander avec plus d’instance que la révision des comptes de la province. Son administration est depuis si longtemps en proie à la cupidité la plus excessive, qu’on peut répondre que cet acte de justice, en décélant le vice, en indiquerait les déprédations en tous genres qui s’y sont commises. Il apprendrait encore à ses administrateurs à venir, à respecter les deniers destinés à l’utilité publique ; et l’on n’aurait plus la douleur de les voir employer à construire, à grands frais, des ponts et des chemins pour aboutir uniquement aux châteaux des seigneurs, Cette révision, en dévoilant les abus infinis de notre administration, achèverait de démontrer la nécessité de nous choisir librement, en corps de nation, nos procureurs du pays. DÉPUTATIONS AUX ETATS GÉNÉRAUX. Art. 91. Que, dans le cas où un ôïdrê quelcon- 356 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalquier.] que de cette province, en faisant sa députation aux Etats généraux, ne se serait pas conformé aux lettres de convocation et règlements y annexés, les Etats généraux sont suppliés de ne pas l’admettre à rassemblée nationale. CONTESTATION SUR LA QUALITÉ ET PRIX DU SEL ET DU TABAC. Art. 92. Les contestations qui s’élèveront sur la qualité du sel et du tabac, seront attribuées aux officiers municipaux, exclusivement à tous autres juges ; et on demandera que le tabac soit vendu en carotte et non en poudre. IMPÔT TERRITORIAL RELATIVEMENT A LA HAUTE PROVENCE. Art. 93. Dans le cas où l’on voterait pour l’impôt territorial, ou tout autre impôt unique, Sa Majesté et les États seront suppliés d’avqir égard à Remplacement des lieux, n’étant pas juste que la haute Provence, qui, par sa position, est soumise à des réparations qui absorbent une partie du revenu des fonds, qui est écrasée, presque tous les ans, par les orages; qui n’a aucune sorte de commerce et de débouché pour ses denrées; qui est obligée de se pourvoir, à grands frais, de plusieurs denrées de première nécessité qu’elle tire de la basse Provence, dont les denrées n’ont pas un prix proportionné à celui du reste de la province, fût soumise à une imposition territoriale sur le même taux que le reste de la province; parce qu’alors elle serait soumise, pour ainsi dire, à une double imposition. RÉTRÉCIR LES LITS DES RIVIÈRES. Art. 94. On sollicitera l’exécution du projet de rétrécir les lits des rivières de la haute Provence; et Sa Majesté sera suppliée de contribuer aux frais de cette importante réparation qui serait très-avantageuse à cette province, par les fonds nouveaux qu’elle acquerrait, et par la conservation de ceux qui sont actuellement en valeur, et qui sont continuellement dégradés par les crues des eaux, surtout dans la saison des orages. PROVINCIAUX QUI ONT DES AFFAIRES A PARIS. Art. 95. Supplier les Etats généraux de vouloir bien prendre en considération qu’il est important, pour ramener la confiance des provinciaux qui ont des affaires à Paris, de s’occuper des moyens pour qu’ils puissent faire parvenir sûrement leurs plaintes au Roi et aux ministres; que res mémoires ne soient pas interceptés dans les bureaux par les sous-ordres. DES EAUX DANS LES TERRES SEIGNEURIALES. Art. 96. Plusieurs communautés se plaignent que les seigneurs s’emparent des eaux, du cours et fuites d’icelles, et privent les habitants du produit qu’ils pourraient retirer des arrosages. Il est intéressant pour le public et pour le plus grand avantage de l’agriculture que toutes les eaux i'ussent communes, et que là où elles ne seraient pas trop abondantes, elles fussent partagées entre tous les propriétaires, à proportion de la conte-u ance de leurs propriétés. PLACES FRONTIÈRES. Art. 97. Les places frontières doivent être conservées ; et comme en temps de guerre, elles sont les premières exposées aux incursions de l’ennemi, et qu’elles en souffrent les premières pertes,' et dommages; que leur résistance est non-seulement utile, mais qu’elles sauvent quelquefois l’intérieur des provinces; il est juste de prendre les objets en considération, à l’effet de leur accorder les soulagements et les indemnités qu’elles méritent, surtout dans le pays de montagnes dénué de toutes ressources, lorsque les herbages, en temps de guerre, restent invendus. POUVOIR AUX DÉPUTÉS QUI IRONT AUX ÉTATS GÉNÉRAUX. Art. 98. Et finalement pour tous les objets qui peuvent avoir été omis dans le présent cahier, et qui peuvent tendre à la gloire du trône, à la prospérité de l’Etat et au bien général et particulier de la province, l’assemblée s’en réfère à tout ce qui pourra être représenté et observé par toutes les autres assemblées des sénéchaussées de la province ; et nos députés aux Etats généraux sont autorisés à suivre le mouvement de leur zèle et de leur patriotisme dans tout ce qui pourra être proposé pour le bien commun par tous les députés de l’ordre du tiers de toutes les provinces du royaume. CHASSE AUX PETITS OISEAUX. Art. 99. Demander qu’il soit défendu de chasser aux petits oiseaux dont la destruction est infiniment nuisible à la province, par la raison qu’ils se nourrissent de chenilles qui, depuis quelques années, dévorent les arbres de toute espece, surtout les amandiers, dont une partie a péri par la dévastation de ces insectes; prohiber, en conséquence, l’usage des toiles, filets, tirasses, gluaux, chouettes et autres instruments et moyens pour prendre les petits oiseaux. COMMERCE DE LA TANNERIE. Art. 100. Le commerce de la tannerie et pelleterie a beaucoup diminué en Provence. Il est reconnu et démontré que c’est la marque des cuirs, et les droits auxquels ils sont soumis, qui en a occasionné la diminution. Il est important au bien général de prévenir la perte absolue de cette branchejfde commerce par l’abolition de ces droits, ou du moins par une diminution considérable. Lu et arrêté, dans l’assemblée de l’ordre du tiers-état, le 6 avril 1789 ; et ont signé MM. les résident , les commissaires et le secrétaire : ressal, L. -G., président; de Roihas; Simon; Bourret; Michel Salvator; Rougon; Guaud; Thomas; Arnauld Faudon; Bayle; Trabue, greffier. Signé à l’original, collationné : Trabue. DOLEANCES Locales des villes et paroisses de la sénéchaussée de Digne (1). La communauté des Mées demande qu’il sera défendu à toute personne d’accaparer le blé à quel prix que ce soit, et qu’on n’en pourra acheter au delà de dix charges ; qu’il soit fait des représentations pour la réformalion des règlements de la communauté à l’effet d’augmenter le nombre des officiers municipaux jusqu’à quarante. Que le troisième consul soit mis au nombre des administrateurs de l’hôpital. Qu’on demande le renouvellement des règlements concernant la publication des enchères, et que tous les officiers municipaux pourront assister à la répartition et taxation de la capitation avec voix délibérative. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit dèt Archives de l'Empire,