fÊtats gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage d’Êvreax.J 395 Qu’il soit pourvu à une meilleure administration des domaines de la couronne et des forêts, à l’encouragement des plantations et de l’exploitation des mines de charbon de terre ; et que les députés aux Etats soient même autorisés a consentir l’aliénation à perpétuité des domaines et des forêts, pour le prix en provenant être employé à acquitter d’autant les dettes de l’Etat. Qu’à des époques fixées, il soit fourni un compte exact de remploi, tant des revenus ordinaires que des sommes qui seront accordées pour subvenir aux besoins ae l’Etat, et qu’il soit pourvu aux moyens d’empêcher le divertissement de tous les deniers publics, dont le versement se fera au trésor royal aux moindres frais possibles. Le duc de Bouillon, uniquement occupé du bien et de la puissance de la nation française, désirerait que les Etats généraux s’occupassent à donner au clergé une activité que son régime semble lui ôter. Ministres des autels, ils sont, sous ce titre, le premier ordre de l’Etat ; mais réellement ils ne tiennent à aucun ! Point de famille ! Point de successeurs ! Ils ne se sont occupés jusqu’à présent que de maintenir des privilèges, souvent à charge à la nation, et toujours à la portion la plus utile de leur ordre. C’est aux Etats généraux à leur donner un régime, qui en répandant d’une manière plus utile et plus égale les biens immenses dont ils jouissent, et en laissant à l’ordre supérieur du clergé une portion suffisante de ces mêmes biens pour venir au secours des pauvres, remît ceux de l’ordre inférieur dans un état qui pût les mettre dans le cas d’exercer aussi leur charité. En réformant les abus, trouver des ressources dans ces mêmes réformes qui puissent être utiles à l’Etat, et que la totalité du clergé partage d’une manière uniforme avec le reste de la nation les moyens de venir à son secours. Au surplus, le duc de Bouillon donne, par le présent, aux députés de l'ordre de la noblesse qui seront envoyés aux Etats généraux, suivant et conformément à la lettre du Roi, ses pouvoirs généraux et suffisants pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et de chacun des citoyens ; sous la réserve néanmoins de tous les droits qui lui sont acquis par son contrat d’échange, en vertu duquel il possède le comté d’E-vreux, et dont il réclame la sanction et la pleine et entière exécution. Arrêté au château de Navarre, le 14 mars 1789. le duc de Bouillon, comte d’Evreux. CAHIER Des doléances du bailliage secondaire de Beau - mont-le-Roger (1). Du mardi quatorzième jour de mars 1789. Devant nous, Jacques-Glaude-Lucas de Lamare-aux-Ours, conseiller du Roi, lieutenant général-ancien juge particulier civil, criminel et de police au bailliage royal de Beaumont-le-Roger, assisté de maître Pierre Marcel, greffier desdits sièges, les-dits députés au bailliage secondaire de Beaumont-le-Roger, reprenant la suite de leur opération du ---- - ’■ t . - -y---- - — ------ - _ - ..... ■■■. ___ — . . (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. 1” Série, T. III. mardi 10 dudit mois, et rapport fait à l’assemblée, par MM. les commissaires députés, de leurs opérations sur la réduction en un seul de tous les cahiers des quatre-vingt-treize paroisses qui composent cette dite assemblée, elle a procédé à la formation dudit cahier de réduction de la manière qui suit : Rendus aux vœux du monarque chéri qui nous assemble autour de lui, comme un père tendre au milieu de sa famille, qui avec la franchise de la loyauté nous expose ses besoins, les nôtres, puisque ce sont ceux de l’Etat, qui nous invite à proposer les moyens de bonification, d’amélioration dans toutes les parties de l’administration ; nous apportons les sentiments de la plus vive et de la plus respectueuse reconnaissance, et nos expressions seront des sacrifices au bien de l’Etat. Puisse ce témoignage de notre sincère dévouement nous faire rentrer dans les droits de nous imposer nous-mêmes, avec le concours de l’autorité sacrée du monarque, et dans ceux d’une liberté presque étouffée par des abus augmentant progressivement ! C’est d’après les vœux réciproques du monarque et de tout bon Français que nous allons exposer avec confiance, excités par les propres termes de Sa Majesté, et nos vœux et nos griefs, nos plaintes, nos doléances et nos demandes. Art. 1er. Le vœu de l’assemblée est que, dans la nomination des députés à élire à l’assemblée générale du bailliage principal d’Evreux, ceux que nous allons députer ne puissent élire que des personnes choisies dans no.tre ordre. Tel est le régime des deux autres ; tel doit être le nôtre, qui ne le leur cède ni en amour pour son Roi ni en élévation de sentiments. Et pour que ce vœu ait sa pleine et entière exécution, nous révoquons dès à présent tous les pouvoirs donnés à nos députés qui y contreviendront, déclarant nul tout ce qui y serait contraire. Art. 2. Que, dans les pouvoirs à donner aux députés de notre ordre aux Etats généraux, il soit inséré comme clause essentielle, qu’ils se joindront aux députés de notre ordre dans les autres provinces, pour être statué que lesdits députés conjoints, s’il y a lieu, avec ceux des deux premiers ordres, opineront par tête et non par ordre, et qu’aucune loi, aucune imposition, n’auront de sanction, sans le concours des trois ordres. Art. 3. La complication et la diversité des affaires importantes à traiter aux Etats généraux, faisant rèvoir que tout n’y pourra être approfondi, les ases immuables posées à la félicité publique, la prospérité du royaume, le bien de tous en général et en particulier devant en être les principaux objets ; les députés sont autorisés à demander le retour périodique des Etats généraux ; et-après en avoir mûrement pesé et délibéré la nécessité, en rapprocher et reculer les époques eu égard aux circonstances et au bien de l’Etat. Art. 4. Qu’il soit yivement sollicité par nos députés, le rétablissement des Etats particuliers à notre province et suivant les accords faits entre nos anciens monarques et nos ancêtres; droit inaliénable et imprescriptible. Que l’exercice en soit rendu à l’instant de l’ouverture des Etats généraux. Qu’il soit accordé que le siège des Etats provinciaux sera établi et fixé à Caen, comme le centre de la province. Que leur formation soit composée des membres des trois ordres, en nombre égal du tiers: aux deux autres réunis , élus et choisis par un 20 303 [États gén. 1789. Cahiers. j ARGHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage d’Évreux.j suffrage libre, sans aucune influence étrangère. Que leur organisation soit donnée par eux-mêmes, en évitant, autant qu’il se pourra faire, la complication des moyens. Que les Etats provinciaux soient les gardiens, les défenseurs de nos privilèges. ,1. Que nos députés aux Etats généraux ne puissent voter, consentir aucune loi, aucun impôt, que cette juste demande de nos Etats provinciaux ne soit octroyée. Art. 5. Qu’ils ne puissent après accorder aucun impôt, qu’il n’ait été procédé à l’examen détaillé de l’état actuel des finances par recette, dépense et déficit ; à cet effet, nous les autorisons à demander à se faire représenter tous les renseigne-' ments convenables, la profondeur de la plaie ne ) pouvant être connue avant que d’avoir été sondée. Art. 6. Que les propositions ci-dessus acceptées et remplies, les impôts, tels qu’ils seront déterminés et consentis ne puissent, sous quelque prétexte que ce soit, être augmentés, ayant reçu par le consentement général de la nation le caractère et la sanction de l’immutabilité. Art. 7. Que, pour entretenir la confiance entre le monarque et son peuple, il soit rendu chaque année un compte exact, par la voie de l’impression, de l’état des finances sur la route tracée par ce ministre qui les gouverne actuellement avec la supériorité du génie et la probité du citoyen. Que ce compte, après sa reddition, soit examiné par des commissaires en nombre suffisant, et pris par la voie d’élection, dans les trois ordres, en se conformant aux principes de l’organisation des assemblées prescrite par les articles ci-dessus. Art. 8. Que les pouvoirs qui seront donnés à ces commissaires ainsi élus soient restreints uniquement à l’examen de ce compte, dont ils sont requis et priés d’approfondir le résultat, avec l’intégrité et l’impartialité de bons citoyens. Et qu’après ils instruisent la nation, parla voie de l’impression, de l’état des finances, et en cas de dilapidation, ils en fassent la dénonciation, pour les faire réprimer, à des Etats généraux sollicités et demandés à ce sujet. Art. 9. Que l’établissement de l’impôt nécessaire aux besoins pressants de l’Etat soit perçu en argent, et non autrement; que ce subside soit accordé par le vœu des trois ordres réunis ; tous les sujets sans distinction d’ordres et d’états devant contribuer également dans les proportions de leur§ fonds, sans que personne pùt alléguer privilèges ou exemptions, lesquelles demeureraient dès l’instant supprimés. .Que tous, indistinctement, soient compris aux mêmes rôles. Que, pour ôter l’odieux qu’inspire le mot taille , cet impôt prenne une autre dénomination quelconque. Art. 10. Plus confiant dans la bonté, la magnanimité de notre auguste monarque, que dans les exemples donnés par les rois, ses prédécesseurs, entre autres le roi surnommé le Bon , c’est avec une tendre émotion que nous nous rappelons que lui-même a proposé ae faire au bien de ses peuples le sacrifice de ses augustes prérogatives, en consentant à faire supporter à ses propres domaines la proportion de l’imposition ainsi qu’à ceux des princes de son sang. Art. 11. Comme il est d’un principe de la plus exacte équité, que la contribution à la dette nationale soit supportée avec égalité, tous les avantages que l’on retire de la société étant égaux, l’assemblée trouverait juste que tous les parcs, jardins, lieux de plaisances, châteaux, supportassent la contribution, sans égard aux qualités et rangs des propriétaires, les seules maisons royales exceptées. Art. 12. Qu’au moyen de subside, impôt accordé sous la dénomination telle qu’il plaira aux Etats généraux lui donner, les vingtièmes, taille, capitation, et tous les accessoires, soit réels ou personnels, demeurent éteints et supprimés; qu’à ce subside ou impôt qui leur sera substitué, toutes les propriétés foncières soient assujetties et soumises. Que la répartition de l’imposition partielle sur chaque paroisse soit faite par la municipalité. Art. 13. Pour prévenir les difficultés qui pour raient s’élever entre les propriétaires et les fer miers actuels dont la durée des baux pourrait s’étendre à plusieurs années au delà de la perception de l’impôt ainsi fixé, l’assemblée croit conforme aux règles de la justice que le fermier soit tenu d’acquitter à la décharge du propriétaire la même somme à laquelle il se trouverait lors imposé seulement : et dans le cas prévu où l’imposition foncière excéderait la somme payable par le fermier, il serait de même obligé de l’acquitter aux préposés ou receveurs, sur et en déduction de ses fermages, si mieux n’aimait le propriétaire acquitter lui-même cet excédant. Art. 14. Tous les sujets ne sont pas propriétaires; tous ne sont pas fonciers, mais tous doivent une contribution aux besoins de l’Etat ; les en exempter ce serait une injustice, contre laquelle la loi naturelle réclamerait;il est donc d’une nécessité absolue qu’ils y contribuent, et c’est peut-être dans cette classe trop nombreuse des capitalistes, négociants, marchands, artistes et artisans, que se trouve la plus grande aisance. Mais comment fixer une imposition sur leurs têtes ? l’arbitraire se présente dans tous les systèmes. Peut-être que celui qui aurait tout l’ensemble de ce vaste empire pourrait développer un système où l’équilibre, l’égalité, ce premier produit de la justice, seraient gardés. Est-il insoluble ce problème politique? Ne sommes-nous pas encouragés à en avoir la solution, par les combinaisons du laborieux ministre qui préside aux finances , par la confiance aux lumières, à l’intégrité des députés des trois ordres, se prêtant un mutuel secours? C’est dans cet espoir que nous ne balançons pas à renvoyer à la décision des Etats généraux ce point de question, qui tient à la morale et à la politique. Art. 15. De ces deux impôts, foncier et personnel, il en est un troisième qui a sa proportion relative : c’est l’impôt connu sous le nom de corvées. La loi précise qui le détermine, est une suite nécessaire, un accessoire individuel de ces deux-là, qui conséquemment doit être supporté par tous les contribuables à ces deux impôts. Comme cet impôt est uniquement applicable aux localités, sa destination étant pour la construction, réparation et entretien des routes, ponts et chaussées et autres ouvrages publics ; que son régime, son administration soient déférés aux Etats provinciaux, qui chaque année en fixeront la levée à la proportion des ouvrages à entreprendre pendant l’année ; les rôles et la perception partielle seront faits par les municipalités ipt leurs receveurs* % Art. 16. Pour prévenir toute suspicion d’abus {États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Èvreux.j 307 dans la manutention des deniers en provenant, qu’il soit statué qu’ils resteront aux mains des receveurs de la municipalité de chaque paroisse, à la garantie de la communauté. Que le receveur ne s’en dessaisisse que sur le mandat des assemblées provinciales ou personne ayant pouvoir et caractère pour elles ; que ce mandat soit visé par le syndic des paroisses où les travaux auront été faits et le syndic de la municipalité où l’argent aura ôté levé. Art. 17. Qu’après l’impôt concerté et accordé aux Etats généraux, la loi qui en ordonnera la levée soit claire et précise; que l’on en bannisse scrupuleusement les termes équivoques; qu’ils soient à la portée de tout le monde. On désirerait que les dispositifs poùr son impartition et sa réimpartition fussent dictés avec la même clarté et la même précision. Art. 18. Le gouvernement, ayant déjà reconnu que la simplification des moyens était au peuple un avantage précieux, avait réduit le nombre des collecteurs à deux, avec liberté aux municipalités de n’en établir qu’un. Sans doute cette loi était dictée par l’humanité, qui ne veut pas qu’on arrache à leur travail cinq ou six malheureux artisans ou journaliers ; mais cette loi avait un inconvénient encore ; il fallait nommer tous les ans; il y avait des disputes, des procès de préférence. L’assemblée , pour écarter ces inconvénients, demande qu’il soit statué qu’il n’y ait dans un endroit qu’un unique receveur, choisi par la municipalité à bureau fixe, où tous les contribuables seront tenus de verser dans le courant des trois mois de chaque quartier leur contribution. Art. 19. Que chacun de ces receveurs fasse arrêter son compte tous les mois par le syndic de la municipalité et tous les trois mois au moins, verser ses fonds directement au trésor royal, par la voie des directeurs des postes aux lettres, au bureau le plus prochain duquel ils déposeraient leur argent avec leur bordereau. Qu’incontinent après l’arrivée à l’hôtel des postes, il soit porté au trésor royal. Au surplus, pour indemniser les directeurs des postes, les Etats généraux fixeraient une modique rétribution. Art. 20. Cet article ne consistera qu’en une simple observation, et fera connaître le vœu de beaucoup de personnes qui regrettent le transport de plusieurs millions à l’étranger, pour se procurer à grands frais une plante dont la culture avait pris avantageusement en France, c’est-à-dire le tabac. L’assemblée, cédant aux considérations d’Etat, abandonne volontiers ses idées sur cet article, le tabac n’étant pas d’ailleurs de première nécessité. Art. 21. Elle ne croit pas devoir se restreindre aussi rigoureusement sur un autre monopole, celui de l’impôt du sel. Les considérations d’Etat nous empêcheront d’en demander la suppression totale. Le sel, ce bienfait de la seule nature, qui se puise dans un de ses éléments, et dont l’élaboration est due aux rayons bienfaisants du soleil, Le sel, ce besoin de première nécessité, dont la distribution aux bestiaux produirait tant d’avantage à nos agriculteurs, devient, malgré ces avantages, un fléau pour les provinces, où sa vente est exclusive, où, sans besoin, sans moyen de l’acheter, on y est inhùmaiiïerdent forcé par des brigades armées. Désarmons; ces brigades tout eü conservant cet impôt : que lë prix en soit modéré à 5, 6 ou 7 sous au plus ; l’appât du grain ne donnera point le triste spectacle de voir aux galères ceux que la fiscalité appelle contrebandiers. Le pauvre pourra s’en pourvoir; la diminution le rendant à un taux modique, ôtera l’envie d’en introduire en fraude. Mais est-ce dans ce temps désastreux que cette diminution peut être proposée? Elle le peut sans doute. Les moyens paraissent s’en présenter naturel-ment. Combien de provinces en France ne connaissent point ce droit ! N’est-il pas juste que, dans la crise présente, il y ait une proportion entre toutes les provinces, que l’on calcule le manque que cette diminution pourrait faire aux finances, et que la somme de ce manque soit répartie sur les provinces affranchies ? Et ce manque devient un mince objet par la suppression de tous les employés. Que l’achat et l’emplacement des sels soient remis aux assemblées provinciales. Que le receveur-magasinier dans chaque endroit soit réduit aux simples appointements fixes. Qu’il soit sous la surveillance des municipalités. Tous ces retranchements rendront bien légers ce manque à remplacer. Qu’il nous soit permis de dire à MM. les Bretons qui ont senti l’abus des privilèges de corps à corps, et de particuliers, combien il est davantage préjudiciable de province à province. Art. 22. Tout retentit du mot de liberté individuelle ; la nature crie au fond des cœurs, la constitution des Francs la réclame, et nous la réclamons. Comment la concilier, cette liberté, avec la ferme des aides? Le droit simple eh lui-même, s’accroissant par degrés, est devenu un colosse monstrueux qui, par ses agents, guette, furète, épie, paye les délations, entretient des délateurs pour se procurer l’avantage pécuniaire des procès-verbaux ; d’ailleurs la confiance est accordée jusqu’à la voie ruineuse de l’inscription de faux procès-verbaux, qui sont le marchepied aux ambulances, qui elles-mêmes sont l’échelon aux directions. Qu’à ce mot de liberté, mais liberté contenue dans ses justes bornes, il nous soit permis de demander rabolition de ce droit. Nous ne demandons pas à nous affranchir du produit qui est un des canaux par où l’argent s’écoule au profit de l’Etat, et subvient à ses charges. Mais que MM. les députés aux Etats généraux calculent : Les frais de régie, les frais d’hôtels et de bureaux ; La solde des employés, les gains immenses des régisseurs ; que le tout déduit, il y soit supplée par des abonnements de villes et bourgs. Que les débitants soient abonnés en sus des autreslimpositions à un taux moyen des droits qu’ils payent actuellement, pour le débit seulement fixé en proportion de l’imposition principale déterminée par les Etats généraux, distribuée aux Etats provinciaux et par gradation aux paroisses. L’abonnement fait par les municipalités, et l’argent versé dans la caisse de leur receveur. Qu’il en soit de même des bons gratuits, des droits d’inspection aux boucheries et cuirs. Art. 23. Il s’agit du contrôle des actes : Autant le s'Ceâu public était à désirer, pour assurer une date certaine aux actes, autant l’abus 308 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Évreux.) que l’on a fait de cette salutaire institution offre de justes réclamations. Tarif excessif en 1772, tarif qui n’existe plus, chaque contrôleur s’en faisant un. . Perception absolue; procès-verbaux si on a 1 la témérité de contredire. ] L’homme éclairé, consommé dans la jurispru-■ dence, portant à la rédaction d’un acte ses lu-; mières, sa probité, ne fera qu’un acte qui com-i promettra les contractants avec le traitant des contrôles. D’après notre connaissance sur l’utilité et l’avantage de cet établissement, qu’il soit sollicité un nouveau tarif, clair, précis ; chaque acte classé, qu’il ne puisse être interprété, ce tarif, ni commenté, et qu’il soit la règle invariable de la perception. Par cette forme fixe et déterminée, plus de directeurs, d’ambulants ; un simple inspecteur, pour vérifier, surveiller : place alors honorable, puisqu’il sera un homme de l’Etat pour le bon ordre. Le tarif sera l’unique juge dans cette partie ; ainsi point de directeur pour poursuivre à l’intendance. Faut-il simplifier la marche, le droit est assuré par le tarif ; que chaque notaire qui reçoit l’acte, le contrôle ; obvions aux antidates. Le registre sur lequel il portera son contrôle, sera coté et paraphé gratuitement par le juge royal ; l’enregistrement sera signé par les parties contractantes, et les témoins nécessairement présents. Le registre également coté et paraphé du juge, où il reporterait sur-le-champ l’extrait de son premier registre. Ce second registre serait arrêté jour par jour. Le juge en chef, le procureur du Roi, fe faisant ouvrir pour vérifier à toute réquisition, pour obvier à toute antidate. La crainte de la surveillance sera la sûreté des dates ; qu’une faible remise de 3 deniers pour livre soit l’indemnité des notaires ; il n’y aura plus lieu aux abus, après ces précautions. Déjà le notaire est homme public, déjà sa bonne conduite, son expérience, sa capacité, ses vie et mœurs ont l’approbation et le sceau de la justice; déjà il a mérité la confiance publique. S’il prêvariquait, il a son état de notaire à perdre ; il sera donc exact, honnête, et craindra de compromettre son honneur, sa fortune. Peut-être y aura-t-il une diminution dans les droits, et leur rapport au total ira-t-il à l’épargne? On peut au moins regarder cette question comme problématique ; couvrons le déficit. Les notaires de Paris, affranchis de ce droit, passent la majorité des actes qui opèrent le plus de droits. Que leurs actes soient assujettis au contrôle, et pour indemnité de la modique finance qu’ils ont ayée, qu’il leur soit accordé, pour un temps, deniers pour livre de remise sur les droits de contrôle. Nés tous libres, ne sera-ce qu’avec de l’argent que l’on conservera sa liberté ; son t-ce d’autres citoyens que le reste des notaires de la France? Liberté, égalité, distinction seulement d’ordre à ordre. Le payement du centième denier en succession collatérale forme encore un objet de perception onéreuse et injuste qui occasionne une infinité de poursuites et des inquisitions rigoureuses de la part des traitants, sous le prétexte que les estimations des biens ne sont pas portées à leur juste valeur. Nous tenons de la loi les biens de nos proches; ils doivent être affranchis de toute espèce de perception autre que celle que la propriété doit supporter à la décharge de l’Etat. Art. 24. S’il est juste que de vieux -militaires peu fortunés, qui ont vieilli au service de leur prince, bien mérité de la patrie, versé leur sang pour la défendre, soient, sur la fin de leur carrière, assurés d’une récompense qui leur appartient à tant de titres ; n’est-il pas abusif que des ministres, disgraciés presque toujours pour avoir été les ennemis de l’Etat, qu’ils devaient soutenir , emportent à leur retraite des pensions considérables. Celle d’un chancelier, par exemple, est de 12,000 livres par mois ; cette charge immense que l’Etat acquitte actuellement serait suffisante pour stipendier les soldats de deux régiments. La retraite d’un contrôleur général est de 40,000 livres par an ,et comme l’embarras des finances a forcé le Roi de faire l’essai de beaucoup de contrôleurs généraux, l’Etat doit être grevé envers eux d’une dette considérable. Il y a bien d’autres sujets sur lesquels tombent indistinctement les faveurs du monarque, aux dépens du pauvre, éloigné de ses regards, et auxquels il ne peut atteindre, comme il le dit lui-même, que par sa bienveillance et son amour. L’on croit donc que les Etats doivent fixer leur attention sur tous ces pensionnaires du gouvernement, et supplier Sa Majesté d’en diminuer le nombre, ainsi que la valeur du bienfait. Art. 25. La liberté est sans doute, après l’honneur, le bien le plus précieux de l’homme ; il n’en doit être privé que lorsque ses écarts troublent l’ordre de la société, et il n'appartient qu’à elle d’y mettre un frein à l’aide des lois qui la gouvernent. Le monarque, tout-puissant qu’il est, en viole lui-même les droits, s’il étend son pouvoir jusqu’à priver le citoyen de cette liberté, qui lui est si chère, sans être déterminé par d’autres motifs que sa seule volonté. TelsétaientlessentimentsdeCharlemagne, ce roi qui a affermi l’empire des Français ; sentiments bien énergiquement manifestés dans ses Capitulaires. Tels étaient ceux d’Henri IV, qui reconnaissait, disait-il, au-dessus de lui deux souverains : Dieu et la loi. Les lettres de cachet sont l’effet le plus immédiat du pouvoir despotique. C’est un abus de l’autorité qui jette le trouble dans l’ordre social, sans en réparer les maux. Il est cependant des cas où les lettres de cachet tendent à prévenir les crimes et à purger la société des membres qui en dérangent l’harmonie, et à renfermer dans le secret des familles les traces de leur inconduite. Alors, sur le vœu bien clairement manifesté de ces familles, il serait juste de venir à leur secours par un acte d’autorité qui, en procurant le repos dans leur sein, donnerait cependant les formes nécessaires pour ne pas consommer une injustice. Ces formes seraient, suivant l’opinion de cette assemblée : que la famille qui voudrait solliciter une lettre de cachet convoquât préalablement la réunion de six parents paternels et gix autres maternels, les plus proches de celui qui serait l’objet de leur plainte, qui rédigeraient un acte contenant les motifs de leur demande; un des parents serait député pour porter cet acte au ministre chargé de ce département, lequel délivrerait un ordre signé du Roi, pour la détention provisoire du sujet, dans telle maison de force qui serait indiquée, et où le détenu serait nourri et [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Évreux.J 309 gouverné à ses dépens, ou à ceux de sa famille dans le cas où il n’aurait pas une fortune suffisante, et à cet effet, sa pension serait par elle fixée dans le même acte qui resterait déposé au bureau du ministre. Mais comme il est injuste de punir qui que ce soit sans l’entendre, il faudrait que celui qui serait frappé de la lettre de cachet eût la liberté d’user des moyens propres à sa justification ; il lui serait à cet effet signifié, immédiatement après sa détention, copie de la lettre de cachet et de l’acte de délibération de sa famille, par l’officier chargé de sa conduite, et par cet officier rédigé du tout procès-verbal renvoyé au comité qui serait spécialement établi par lès Etats généraux, auquel comité le détenu pourrait adresser ses moyens justificatifs et être ensuite, sur le rapport des membres qui le composeraient, prononcé par le Roi, dont le comité serait tenu de requérir et faire exécuter la volonté. Art. 26. C’est par une suite de cet amour de la liberté, qui repose dans le cœur de tout Français, que l’assemblée a considéré que le pouvoir des gouverneurs de province de faire emprisonner (et souvent sur la délation d’un seigneur prévenu) un citoyen suspecté de braconnage, est un abus révoltant de l’autorité. La punition d’un crime quelconque ne peut être encourue que d’après le vœu de la loi ; à plus forte raison lorsque le moment d’effervescence de la jeunesse, ou le besoin et l’indigence ont mis un citoyen à la poursuite d’un lièvre, ne doit-il être jugé et puni que par les juges compétents du délit. Cette assemblée croit donc qu’il est juste de ne permettre à qui que ce soit de donner des ordres pour la détention à cause du braconnage qu’ après un jugement judiciaire. Art. 27. Retenus dans les justes et étroites limites que nous nous sommes prescrites pour ne point porter atteinte aux propriétés, nous ne pouvons réclamer qu’avec certaines modifications sur l’inutilité des fiefs et droits honorifiques appartenant aux communautés religieuses abbayes, etc. Quelques-uns en ont proposé la vente au profit de l’Etat; ils conservaient les droits utiies, comme colombiers, rivières, moulins, rentes considérables, etc. Plus réservés, nous demanderons que tous ces fiefs et seigneuries rentrent dans le commerce ; qu’il soit sollicité une loi qui oblige tous les gens de mainmorte, excepté les évêques, à mettre ces objets hors de leurs mains, dans les cinq ans qui suivront la promulgation de la loi. Cette loi se rapproche des principes certains qui leur interdisent l’usage du retrait féodal, qui leur enjoignent de mettre hors leurs mains, dans l’an, tous les biens qui leur échoient aux droits de leurs fiefs. Toutes ces seigneuries rentrées dans le commerce y feraient une circulation avantageuse à l’Etat ; elles feraient opérer des droits de mutation, etc. Art. 28. Les inconvénient de la féodalité se sont trop multipliés depuis sa naissance pour que cette assemblée ne prenne pas en considération les plaintes générales qui retentissent sous la voûte du temple où elle délibère. De malheureux cultivateurs, qui supportent la plus grande part dans la masse des impôts, tombent dans le découragement lorsqu’ils se voient obligés de faire le sacrifice d’une portion de leur récolte pour le plaisir des grands, ou la sensualité des riches. Combien chaque année ne perdent-ils pas de grain par la dent du lièvre, la voracité du lapin, l’ excursion des cerfs et le dégât brutal du sanglier ! Il faut être riverain des forêts ou vassal d’un grand seigneur pour sentir la vérité de ce fait. Le laboureur confie sa semence à la terre qui le nourrit; mais il y met la part du gibier; et cette part dans une paroisse en substenterait pour ainsi dire les pauvres. Qu’on régénère les lois qui restreignent le lapin dans l’enceinte des garennes, que Don permett : au colon d’exterminer ceux qui s’en échapperont et de détruire leurs demeures souterraines; qu’on autorise les riverains des bois et forêts à porter leurs plaintes aux juges compétents, contre les dommages causés à leurs grains par les bêtes fauves, et à solliciter une indemnité contre les seigneurs qui les protègent s’ils ne veulent pas les détruire : voilà le vœu général que les députés de cette assemblée porteront au bailliage d’E-vreux. Art. 29. Mais ils y joindront leurs plaintes contre l’existence trop étendue des pigeons. Tous les champs sont à eux, tous les grains sont leurs tributaires, et l’on n’en sème aucun qu’ils n’y exercent rigidement leurs droits, dans l’automne, au printemps, et au moment de la récolte. Ce qui échappe à leur satiété, est par eux foulé, mêlé et engrainé, et plus encore lorsque les grains sont versés. Il faut en outre des gardiens dans les semailles et aux approches de la moisson. Que de pertes, que d’embarras cause un oiseau peu ou point nécessaire ! Demander leur destruction paraîtrait sans doute rigoureux ! Les restreindre au plein fief Haubert, ce serait peut-être une indiscrétion! Que du moins on les enferme, dans les temps de semailles des blés, des menus grains et de la récolte. On objectera sans doute qu’ils périraient par le défaut d’air ou de liberté. La liberté n’est point pour eux d’une nécessité absolue; on en nourrit bien en cage. De l’air, on leur en procurera en faisant des colombiers sans toit et seulement couverts d’un réseau pendant les instants de leur réclusion. Art. 30. Nous ne pouvons nous empêcher de nous rendre un instant à la réclamation des habitants des campagnes, contre la multiplicité des moineaux. Ils assurent qu’il n’est pas un seul de cette légère espèce d’oiseaux qui ne consomme en son année un boisseau de blé ! Si le calcuf�en était strictement vérifié, que de boisseaux de blé dans un royaume, enlevés à la subsistance de l’homme ! La matière qui fait cet article paraît aussi petite que l’oiseau même : mais cependant pourquoi plusieurs de nos voisins spéculateurs l’ont-ils prise en considération? Trouver le moyen de détruire les moineaux et les corneilles qui déciment les blés, ce serait rendre à cette classe des peuples, qui ne rougit pas de descendre dans les plus petits détails, un service qu'elle croirait bien important. Art. 31. La banalité et les corvées ne durent leur existence qu’au régime féodal , cet emblème du gouvernement despotique. La liberté des actions comme celle des personnes est de droit général et imprescriptible. Nous ne sommes plus dans ces temps d’ignorance où la complication des machines les rendait infiniment coûteuses et où la servitude du moulin était l’intérêt du capital que le seigneur avançait pour sa construction. Cet intérêt est 310 (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d'Êvreux.] d’ailleurs bien usuraire main tenant que le seigneur dépense peu et reçoit beaucoup. Nous ne sommes point dans ces contrées où l’homme est attaché à la glèbe qui l’a vu naître. La corvée est un reste de cette distinction humiliante qui existait entre l’homme et l’homme, ou le seigneur et le vassal. La banalité enchaîne la liberté du consommateur, encourage les déprédations du meunier, fomente les procès. La corvée gêne trop les culti vateurs, ou les met pour ainsi dire à la merci du féodiste. Coupons ces deux têtes de l’hydre de la féodalité. Mais pour qu’on ne dise pas qu’on enlève .au seigneur sa propriété, qu’il soit permis de lui rembourser le capital des droits intrinsèques que la banalité en général et les corvées lui fournissent ; et que les Etats généraux veuillent bien en déterminer le denier. Art. 32. 11 est des idées que les circonstances enfantent. Une carie générale et successive des blés, pendant ces dernières années; un hiver dont la rigueur a surpassé celle des temps les plus, reculés ; le ravage des campagnes qui entourent la capitale du royaume ; une disette certaine des blés, la perspective la plus affligeante de la récolte future ; des rumeurs populaires qui excitent la défiance des approvisionneurs : voilà certainement plus de calamités qu’il n’en faut pour exciter notre prévoyance. La fourmi nous donne une leçon bien sage: elle emmagasine ; pourquoi ne le ferions-nous pas aussi ? La construction de dépôts publics dans chaque ville de bailliage principal , leur garnissement fait dans des temps d’abondance serait une ressource contre ce premier malheur des peuples, la disette du grain que leur fournit la nature. Nous prions instamment MM. les députés aux Etats généraux de ne pas oublier cette partie de notre intérêt commun. Art. 33. Les bois forment dans l’Etat une branche de propriété précieuse, surtout dans les circonstances où notre marine s’est accrue et est devenue redoutable; le prix en est aussi graduellement excessif, et l'espèce beaucoup plus rare. Les bois de haute futaie sont immeubles. C’est un point de droit que personne ne conteste ; aussi les Lois de cette qualité appartenant au bénéfice sont un fond du bénéfice même. Or, les bénéficiers n’étant que simples usufruitiers, il est évident que s’ils viennent à couper ces bois, il ne leur est pas plus permis de sœn approprier le produit, que le prix d’une maison, ou a un autre héritage quel qu’il soit, qu’ils aliènent même avec toutes les formalités requises. Le produit des coupes des bois de haute futaie doit donc être placé au profit des bénéfices ; tout autre emploi est proscrit par les. lois, sans en excepter même celui qui serait fait pour les réparations ordinaires, parce que ces réparations ne sont pas à la, charge du bénéfice, mais, du bénéficier. C’est-à-dire que les frais en doivent être pris, non sur les fonds, mais sur les fruits, dont le tier� est. destiné à l’acquit des charges. Si on doit permettre quelquefois à des bénéficiers de faire, des coupes de bois de haute futaie pour des réparations, ce n’est que dans des cas rares et extraordinaires, comme d’incendie ou autres événements imprévus et occasionnés par une forcé mnjepre. On verrn toujours avec peine que les titulaires des bénéfices, obtiennent très-facilement la liberté de, disposer du quart de réserve, soqg le prétexte de réparations à faire aux bâtime. s du bénéfice : réparations qui souvent sont arrivées pendant leur jouissance et qui en sont une charge inséparable. Souvent , dans les cas prévus et autorisés par la loi, il arrive que les bénéficiers obtiennent des coupes dont le produit est beaucoup plus considérable que les reconstructions ou réparations pour lesquelles les coupes ont été accordées; que, sous des noms empruntés, ils se rendent adjudicataires desdits bois, au-dessous de leur juste valeur, et qu’ils se rendent pareillement adjudicataires des réparations ou reconstructions, pour une somme bien supérieure à celle qui est nécessaire pour la confection des ouvrages; alors, dans lescircon-s tances où ces fraudes sont découvertes, on poursuit quelquefois les héritiers des bénéficiers, Suand il s’en présente, et on parvient, après bien es procédures, à leur faire restituer les sommes que les titulaires se sont indûment appropriées. Pour prévenir de semblables abus, qui touchent essentiellement à l’intérêt public, il paraîtrait convenable de n’accorder aux gens de mainmorte des coupes de futaie que dans les seuls cas d’incendies, ruines ou démolitions arrivées par accident extraordinaire, ou force majeure, ou quand leurs bois sont jugés dépérissants et sur leur retour, par des procès-verbaux rédigés en présence du procureur du Roi du lieu et des représentants des fondateurs. Qu’avant d’accorder cette permission, il fût fait, en présence des mêmes personnes, un devis estimatif des reconstructions à faire et des causes qui les auraient nécessitées , afin de proportionner la coupe aux frais de la reconstruction ou de la nécessité de les couper pour cause de vétusté ; qu’alors la vente desdits bois fût judiciairement faite par adjuication et sans frais; que le prix en fût provisoirement déposé aux mains du notaire le plus proche , à qui il serait accordé un denier pour livre de remise. Que, dans le premier cas prévu de reconstruction pour laquelle la coupe aurait été accordée, si ladite reconstruction n’absorbait pas tout le produit, le surplus serait employé, à la diligence du bénéficier, en présence du ministère public et des représentants des fondateurs, à faire un fonds au profit du bénéfice. Que, dans le second cas, on placerait le prix total avec de semblables précautions ; parce que néanmoins, pour perpétuer l’espèce de bois, il serait prélevé la somme nécessaire pour une nouvelle plantation sur un terrain du bénéfice d’une semblable ou plus grande étendue, mais jamais moindre, qui serait choisie par le titulaire, et dont il justifierait de l’emploi au procureur du Roi, dans un délai fixe et déterminé ; sans que, dans aucun cas, le produit des bois vendus pût être appliqué à aucune espèce de réparations, mais seulement le revenu qui eu résulterait. De semblables précautions rempliraient, au surplus, le vœu de l’article 5 du titre XXIV de l’ordonnance de 1669. Art. 34. Ce serait mettre des entraves à l’agriculture, que d’autoriser plus longtemps la résiliation de baux des gens de mainmorte, à chaque mutation des bénéficiers, soit au cas de mort ou de permutation. Un fermier qui a éprouvé des pertes dans le courant de son bail, qui a fait des frais dispendieux et qui a presque toujours payé un pot-de-vin considérable, se voit souvent privé, à la veille d’une récolte abondante, du fruit de ses travaux. C’est une injustice criante : il parait nécessaire [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Évreux.] 311 d’y pourvoir; et pour cet effet d’arrêter que, dans tous les cas de mutation des bénéfices , même lorsque les bénéfices seront mis en économat, les baux continueront d’avoir leur effet jusqu’à leur expiration ; et comme il y aura lieu de craindre que les dispositions d’une loi aussi sage ne devinssent illusoires, par le pot-de-vin considérable que les titulaires ne manqueraient pas d’exiger pour diminuer le prix des baux, ce qui occasionnerait un dommage sensible et préjudiciable à leurs successeurs , alors il paraîtrait indispensable d’ordonner que tous les baux concernant les biens de leurs bénéfices ne pourraient être faits que par adjudication, devant le notaire du lieu, sur de simples affiches, dans les villes et paroisses voisines de leur bénéfice. Art. "35-. Le curés son t obligés à l’entretien de leurs presbytères, et les paroissiens ont sur eux la voie de l’inspection et de coaction ; mais dans les campagnes surtout, où les pasteurs ont sur leurs ouailles un ascendant mérité, que leur donne le caractère sacré de la religion, quelques-uns négligent les réparations usufruitières des lieux au’ils habitent, et insensiblement arrive la ruine es bâtiments : il en est dont la succession est renoncée à leur décès, et les habitants sont seuls chargés non-seulement de la reconstruction, mais même des réparations d’usufruit. Ne serait-il pas juste d’astreindre tous les déci-mateurs de chaque paroisse, soit curés, soit titulaires de bénéfices ou autres, à reconstruire les presbytères et objets en dépendant ainsi qu’à les entretenir de grosses réparations , et cela dans la proportion que chaque codécimateur percevrait de dîme dans la paroisse? Et à l’égard des réparations d’entretien, de les en charger subsidiairement, dans le cas où les successions des curés seraient abandonnées et ne pourraient pas les supporter? Quant aux presbytères des bourgs et villes où il n’y a point de dîme, on pourrait prendre les deniers suffisants aux coffres des fabriques, et à ce défaut sur les habitants. Art. 36. Par les dispositions du droit général et commun, c’est aux curés qu’il appartient de choisir et nommer leurs vicaires. Ce ne peut être que par une entreprise manifeste sur leurs droits, qu’on les a privés de cette faculté. Ce droit leur est spécialement attribué par l’article 190 de la coutume de Paris, et par plusieurs conciles, et particulièrement par les dispositions du concile de Trente, session XXI, De reformatione , chapitre IV, qui leur accorde ce droit en termes exprès. Les vicaires sont destinés par état à travailler sous les curés, et à les soulager dans les fonctions pénibles de leur ministère. Il est donc juste qu’ils choisissent ceux qu’ils croient les plus dignes et les plus capables de coopérer avec eux au gouvernement de leur paroisse. Aussi il serait du bon ordre et de l’intérêt public de rétablir les curés dans l’exercice de leurs droits, qui sont à cet égard imprescriptibles. Art. 37. Nous serait-il permis de demander la résidencede MM. les évêques dans leurs diocèses? Ne nous reprochera-t-on point de mettre ici la main à l’encensoir ? Quel que soit notre droit et notre qualité, il suffit que notre vœu soit l’expression de l’intérêt des peuples et du salut de nos âmes pour légitimer la demande que nous insérons en cet article. C’est sous ce double résultat que nous la formons. La résidence des évêques dans leurs diocèses y fait consommer les revenus de leurs évêchés. Ces revenus ne vont pas s’engloutir dans ce gouffre immense de la capitale pour n’en point ressortir. Voilà pour l’intérêt des bourses. Leur présence est le frein des mœurs ecclésiastiques, leur conduite est l’édification des fidèles ; tout s’échauffe aux rayons de leurs vertus chrétiennes. Voilà pour l’intérêt moral. Enjoindre à ces pasteurs du premier ordre de résider au milieu de leur troupeau ne serait pas une loi nouvelle ; différents canons , plusieurs conciles l’ont ainsi disposé, mais régénérer une institution si pure ne serait pas un acte indifférent que le monarque dût rejeter ; et les trois ordres de l’Etat assemblés s’empresseront sans doute à le solliciter. Art. 38. Les dîmes insolites ont causé une réclamation générale, et la plupart de ces dîmes décimales avaient été retranchées par un arrêt de règlement du tribunal supérieur de cette province ; il serait à désirer, pour l’avantage et le progrès de l’agriculture, que toutes les dîmes insolites fussent anéanties, ou au moins réformées ; mais si l’on ne parvient pas à la suppression des dîmes insolites de toute espèce, au moins demandera-t-on avec confiance l’abolissement de cette partie de dîme de charnage. Cette dîme, qui n’a sûrement d’autre fondement que la générosité et la politesse des paroissiens envers leurs curés, est d’une injustice manifeste et est une répétition du droit de la dîme. En effet, les bestiaux du cultivateur sont nourris et multipliés à grand frais par les récoltes du cultivateur, aux dépens ae productions qui ont déjà payé la dîme. Les prairies artificielles, telles que les luzernes, sainfoins , trèfles et bourgognes, mériteraient la même faveur. Ces herbes faciliteraient au cultivateur les moyens d’élever un plus grand nombre de bestiaux, aux dépens d’une très-petite quantité de terrain. Les terres qui resteraient en culture recevraient plus d’engrais, et l’abondance des récoltes sur ces terres cultivées compenserait pour le moins le défaut de récoltes sur celles qui ne produiraient que les foins artificiels, qui sont uniquement employés par le cultivateur à la nourriture et entretien de ses animaux. Art. 39. La mendicité est un fléau bien affligeant pour l’humanité. La charité chrétienne, l’honneur et le gouvernement en ont souvent sollicité la destruction; différentes lois ont indiqué des réformes, mais elles sont toujours restées sans vigueur, parce que probablement l’exécution n’en était pas possible. Ce serait bien là le moment sans doute d’assurer à la classe la plus malheureuse des peuples une existence moins dure. Un hiver désastreux doit nous porter pour ainsi dire, malgré nous, vers cet objet ; mais l’anéantissement de la mendicité présente tant de difficultés dans ses moyens, l’espace que rassemblée a à parcourir pour y donner toute son attention est si court, qu’elle ne peut qu’indiquer en gros les ressources qu’elle envisage, pour atteindre à un but si généralement désiré, et charger ses députés de se réunir à l’assemblée du bailliage principal d’Evreux, pour traiter une matière si importante. 11 paraît juste que chaque paroisse nourrisse ses pauvres. L’assemblée municipale ferait chaque année un rôle d’imposition sur chaque famille, laquelle 312 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Êvreux.] imposition serait proportionnée à ses facultés, soit foncières où d’industrie. Le produit total serait perçu par un des membres qui serait élu tous les ans. Les gros décimateurs devant contribuer aux charges de la paroisse qui les nourrit, seraient imposés au dixième ou au quinzième de leur revenu net. On diviserait les pauvres en deux classes; dans l’une seraient compris les enfants, les gens âgés ou invalides, et dans l’autre les gens valides qui n’auraient point de travail. Aux premiers on distribuerait les secours pro-ortionnés à leur étal, à leur âge et à leur sexe. e serait à l’assemblée municipale à entrer dans les détails à cet égard. Aux autres on procurait du travail. Les travaux tourneraient à l’utilité publique; par exemple, on établirait des ateliers de charité, soit pour l’entretien ou la façon à neuf des grandes routes. Si le canton n’en fournissait pas, les communications vicinales offriraient des réparations; enfin on enverrait les travailleurs partout où les calamités locales appelleraient des secours. Les mendiants de profession qui ne voudraient pas travailler seraient enfermés dans des dépôts publics, où l’on pourrait les employer à la filature des lins, laines et coton, ou à d’autres ouvrages de commerce et même d’utilité publique. Et nulle part on ne permettrait aux pauvres de quêter ni de sortir de leurs paroisses, si ce n’est pour aller gagner les travaux publics qui leur seraient désignés, et en les munissant auparavant d’un passe-port du syndic de l’assemblée municipale. Art. 40. Il serait essentiel d’abréger les délais et les formes de procédure qui sont infiniment trop longs et trop dispendieux, de les réduire à un état de simplicité et de clarté qui tournerait au soulagement des plaideurs et à la prompte expédition des affaires. Il ne le serait pas moins d’apporter une réforme dans la procédure criminelle, et de diminuer les peines des condamnés. Mais Sa Majesté ayant manifesté son désir de corriger les abus de différentes espèces qui régnent dans ces deux parties de l’administration de lajustice, et l’assemblée étant instruite par la notoriété publique que le Roi a nommé des commissaires pour opérer cette réforme utile, elle ne fait qu’applaudir aux intentions bienfaisantes du souverain, et recommander à ses députés de solliciter la plus prompte expédition dans l’opération des commissaires nommés par le Roi. Art. 41.11 paraîtrait nécessaire de supprimer, aux termes de l’article 34 de l’ordonnance de Charles IX aux Etats d’Orléans, toutes sortes d’évocations en vertu de lettres de committimus , de garde-gardienne et d’autres privilèges qui ne tendent qu’à perpétuer les abus, et à contraindre à un déplacement dispendieux les citoyens forcés d’aller plaider hors leur province, sous l’empire d’une coutume qui souvent méconnaît les statuts de celle qui la régit. Par exemple, il est des charges ou commissions de messagers de l’Université de Paris, dont les pourvus résident pour la plupart dans des provinces étrangères aux diocèses pour lesquels leurs offices sont créés. Cependant, à la faveur de leur privilège, ils évoquent leurs causes, tant en demandant qu’en défendant, au Châtelet de Paris. Ces évocations n’ont d’autre objet que de fatiguer leurs parties, de les intimider et souvent de les réduire à l impossibi-lité de se défendre, à cause de la longueur des voyages et de la dépense qui en est une suite nécessaire. Il en est de môme des grands seigneurs de nombre de communautés religieuses, et particulièrement des commensaux de la maison du Roi, qui ne font qu’un service momentané auprès de sa personne, qui souvent même n’en font point du tout, et qui évoquent leurs procès à différents tribunaux d’attribution, au mépris des privilèges attribués à la province de Normandie, spécialement par la Charte normande. Art. 42. Ge serait une époque à jamais mémorable que celle où l’on supprimerait la vénalité des charges de judicature dans tous les tribunaux du royaume. Ce projet tant de fois présenté, et tant de fois abandonné, serait conforme dans son exécution aux articles 100 et 101 de l’ordonnance d’Henri III aux Etats de Rlois. Il serait juste de rembourser les héritiers des . titulaires qu’on laisserait mourir dans la possession de leurs offices ; mais le remboursement se ferait sur l’évaluation portée sur les états du Roi. Les charges ou offices des tribunaux supérieurs seraient conférés à des lieutenants généraux et autres officiers des bailliages, sénéchaussées et autres justices qui auraient exercé pendant dix à douze ans à la satisfaction et à l’applaudissement de leurs concitoyens. Ceux des tribunaux du second ordre seraient accordés à des avocats qui auraient plaidé pendant le même temps, avec distinction et désintéressement, et dont la probité serait universellement reconnue. Tel était encore le vœu de la même ordonnance dans l’article 105. Art. 43. Ce serait rendre un service à la nation que de supprimer dans tous les tribunaux les offices de procureurs, dont les droits sont excessifs et les fonctions inutiles. Les avocats suffiraient pour plaider et instruire les affaires de toute espèce, mais il serait juste en même temps de rembourser ces officiers supprimés sur le pied de la finance de leurs charges. Art. 44. Déjà le Roi, pour diminuer les frais de procédure dans les procès de peu de conséquence, et épargner aux plaideurs un degré de juridiction où les dépens vont bien au delà du principal, a accordé aux bailliages, par son édit du mois de mai 1786, le droit de juger en dernier ressort jusqu’à la somme de 40 livres, dans toutes les affaires personnelles. Les mêmes motifs déterminent l’assemblée à supplier Sa Majesté de vouloir bien étendre ce privilège en faveur des mêmes tribunaux jusqu’à concurrence de 100 livres. Art. 45. L’existence des jurés-priseurs créés par l’édit de 1771, est un mal réel dans l’ordre judiciaire : elle enchaîne la confiance publique ; elle apporte souvent du retard à toutes les prisées et ventes qu’un seul homme et un petit nombre d’adjoints ne peuvent faire au même instant. '• Les lettres patentes du 24 mai 1784 leur accordent 12 sous par feuille d’écriture en grosse et 30 sous pour chaque extrait de leurs procès-verbaux. Ces droits sont exorbitants et la finance de leurs charges trop modique, en raison du bénéfice qu’ils en retirent. Leur suppression serait un bien; l’Etat y retrouverait, par la perception des 4 deniers pour livre, un revenu considérable ; mais il faudrait rembourser la finance de ces offices. Les moyens en seraient aisés : cette perception graduelle des 4 deniers pour livre, fournirait de [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage cl’Évrenx. 313 uoi faire face au remboursement, et dans peu 'années l’extinction serait totale. Si cependant ces moyens, qui paraissent simples à l'assemblée, n’avaient pas le même degré d’évidence aux yeux de la nation, ce serait du moins un soulagement pour les peuples que de réduire les salaires des priseurs aux taux accordés aux huissiers par les règlements de justice émanés du parlement de chaque provincev l’objet de leur création et leurs fonctions étant absolument les mêmes. Art. 46. La délivrance en parchemin des sentences pour une somme médiocre aggrave le sort des malheureux débiteurs et est quelquefois un obstacle à la réclamation des droits des créanciers; il serait donc juste, dans le cas où le Roi n’étendrait pas les dispositions de l’édit du mois de mai 1786 jusqu’à la somme de 100 livres, d’enjoindre aux greffiers de délivrer en papier les-dites sentences qui ne porteraient pas condamnation au delà de la somme de 100 livres. Il serait également juste de supprimer dans tous les cas les droits de contrôle tiers et parisis, qui doivent leur naissance à des temps calamiteux, et dont la finance a été extrêmement modique. Les propriétaires de ces offices sont d’ailleurs suffisamment remplis par le bénéfice considérable qu’ils en sont retiré depuis leur établissement. Art. 47. La rétribution accordée aux receveurs des consignations est excessive, si on considère surtout la modicité de leurs finances et la simplicité de leurs fonctions. Leurs droits absorbent une portion considérable des capitaux déposés en leurs bureaux; ils sont encore accrus depuis l’édit des hypothèques de 1771. Il leur a été accordé jusqu’à présent 18 deniers pour livres sur les sommes provenant des immeubles, et 9 deniers pour toute somme mobilière ; il semblerait indispensable de réduire leur perception, sur les sommes consignées en leurs bureaux à 6 deniers pour livre au premier cas et à 3 deniers pour livre au second. Art. 48. Il est autant préjudiciable à l’intérêt du commerce que contraire à l’ordre social, d’accorder indifféremment des arrêts de surséance aux marchands qui sont en faillite, et même en banqueroute, et encore plus de les autoriser à percevoir leurs revenus, et disposer de leurs meubles, parce que, à la faveur d’une surséance qu’ils font successivement accorder et prolonger pendant plusieurs années, ils dissipent leurs effets au grand détriment de leurs créanciers. 11 serait beaucoup plus naturel de les renvoyer devant les juges-consuls les plus proches des lieux, qui feraient une information sommaire, constateraient si les débiteurs ont essuyé des pertes et feraient droit sur leurs demandes, après avoir en tendu le syndic de leurs créanciers, et ne pourraient accorder mainlevée des saisies mobilières qu’en fournissant une caution solvable; ce serait remplir les vues de l’article 61 de l’ordonnance de Charles IX, aux Etats d’Orléans. Il existe encore dans différentes villes des lieux de franchise, où les débiteurs vont se réfugier pour éviter les contraintes de leurs créanciers. On conçoit facilement combien de semblables privilégiés sont abusifs; et la nécessité de les supprimer paraît indispensable à Rassemblée. Art. 49. Dès que nous sommes occupés de réformes salutaires, nous ne pouvons nous dispeaser d’en solliciter encore, pour parvenir à des arrondissements des justices et des notariats. Il n’est presque point de bailliages de vicomtés, I ni de hautes justices dont les territoires ne s’em-I branchent les uns dans les autres. La même pa-; roisse, la même mesure, la même maison ressor-j tiront partiellement à plusieurs juridictions. De ; là l’incertitude des officiers ministériels; de là ! ces réclamations, ces déclamations qui occasionnent des frais préjudiciaux, prolongent les délais et ruinent les plaideurs. Ces sortes d’accessoires étouffent pour ainsi dire le principal par mille moyens que la chicane sait inventer. Il en est de même des notariats ; il faut qu’un notaire s’applique à de minutieux détails de topographie s’il ne veut pas commettre des erreurs préjudiciables aux contractants, tandis qu’il emploierait mieux son temps à l’étude du droit de son pays. Il serait sans doute d’un intérêt général de circonscrire chaque juridiction , chaque notariat dans un espace donné, mais exact, mais invariable, mais sans mélanges. Telle paroisse où les juridictions sont embranchées appartiendrait en entier à un bailliage, parce que, pour dédommagement, on donnerait une autre paroisse à tel autre bailliage qui aurait des extensions dans la première. Il en serait ainsi par toutes les autres justices, excepté les basses, qui n’ont presque d’exercice que pour le vassal et le seigneur. On agirait encore de même pour les notariats, et ces opérations retireraient du moins une griffe au démon de la chicane. Art. 50. Si le régime des assemblées provinciales sanctionnées par nos Etats particuliers de Normandie se consolide, nous ne voyons pas à quoi servirait la juridiction des intendants. C’est en matière de finance surtout qu’il faut restreindre la multiplicité des êtres. Un seul homme d’abord ne peut suffire à toute une généralité. Avec les meilleures vues du monde, il est sujet à l’erreur, exposé à la sur prise, parce qu’il est homme, et que l’homme, sans le secours des lumières de ses semblables, n’est qu’un être faible et isolé. En donnant aux assemblées provinciales un caractère d’invariabilité et d’organisation parfaite, quâ leur manque encore, en retirant d’après cela aux intendants toute espèce de juridiction, en ne leur laissant que leurs autres fonctions de commissaires qui sont indispensables, on remplirait à ce que nous nous imaginons l’attente générale de la nation. Art. 51. La consistance désirée des Etats provinciaux rendrait inutile l’existence des tribunaux d’exception. MM. les députés aux Etats généraux sont priés de s’occuper de leur réforme et de pourvoir au remboursement de leurs finances, au taux de leur évaluation, en attribuant la juridiction contentieuse aux bailliages royaux. Art. 52. On croit inutile de réclamer contre les privilèges exorbitants des maîtres de postes extraordinaires, puisqu’on sollicite la suppression de toute espèce d’exemptions personnelles; cependant il paraîtrait juste de leur accorder une légère augmentation sur les courses, dans les routes de traverse seulement. Art. 53. Suivant l’opinion de l’assemblée, il serait avantageux d’aviser aux moyens de prévenir les conséquences d’un procès dispendieux , souvent pour de simples matières de fait, dont les frais d’instruction excèdent le résultat du principal. Elle propose l’établissement d’un tribunal de conciliation dans chaque paroisse, où le demandeur sera tenu de citer sa partie, pour être l’un et l’autre entendus et renvoyés en justice réglée 314 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’ÉvreuxJ dans le cas d’une mésintelligence inconciliable. Ce tribunal pourrait être présidé par le seigneur, et en cas d’absence, par le curé, et composé des membres de la municipalité. Art. 54. Les maréchaussées, par leur destination, sont des ministres exécuteurs des ordres de la justice. Etablies pour le maintien du bon ordre de la société, ils sont pour tous les cas qui troublent la tranquillité publique, et tous ces cas ne sont pas cas prévôtaux. Cependant ils sont actuellement sous un régime purement militaire : inspecteurs généraux, grands prévôts , lieu tenan ts, sous-lieutenants, maréchaux des logis, etc. Ce régime est absolument contraire à la destination des fonctions qu’ils ont à remplir, il multiplie considérablement les frais. Arrêtent-ils une personne transport de prison en prison, jugement de compétence, nouveaux transports, et après bien du temps, bien des courses, le coupable, le prévenu est ramené à son véritable juge. Par cette formation militaire, ils n’ont aucune relation, aucune subordination a la justice réglée, l’unique qui doive exister. La multiplication des grades, pour rapprocher d’autant plus ce corps du militaire, est une charge à. l’Etat : Cent soixante-quatorze sous-lieutenants inutiles, jouissant de 1,500 livres chacun d’appointements. Cent soixante-seize lieutenants , pareillement inutiles, à 2,110 livres. Trente-quatre grands prévôts, à 4,120 livres. Cinq à six inspecteurs, à 10,000 livres. Il serait donc utile de supprimer les inspecteurs et de leur substituer des officiers généraux retirés dans leurs provinces, pourvus d’une commission du Roi, pour les inspecter comme militaires, et de subordonner les fonctions civiles des maréchaussées à MM. les procureurs généraux et à la magistrature. Le grand prévôt serait fixé à 2,400 livres d’ap-pointement, sans aucune crue. De même les lieutenants 1,800 livres. C’est rappeler les dispositions de l’ordonnance de Moulins, du mois de novembre 1566, article 45. Ce serait encore un retranchement économique pour l’Etat, de plus de 228,540 livres, et on attribuerait aux syndics des municipalités une surveillance dans les lieux où il y a résidence de brigade. Art. 55. Le premier avantage de la paix serait sans doute de retrancher les dépenses que la guerre entraîne avec elle; outre le nombre des troupes sur pied, on lève encore des milices, et chaque année ramène au tirage. 11 faut l’avoir vu, pour être persuadé et convaincu des dépenses considérables que ce tirage occasionne à la classe malheureuse du peuple qui se voit enlever son fils, son unique espérance. La conservation des troupes réglées assure des défenseurs respectables par leur nombre, leur discipline, contre les surprises hostiles de nos voisinsi Les engagements libres sont plus que suffisants pour en maintenir le complet. On peut donc laisser reposer le peuple, et goûter les avantages d’une paix qu’il a acquise aux dépens de ses facultés et de sou sang, et ne pas tous les ans rouvrir ces plaies. L’amour duFrançais, sa, belliqueuse et martiale ardeur le fer a,, voler sous les drapeaux au seul bruit de guerre, et les enrôleurs n’auront plus que l’embarras dùchoix. Alors nos frontières dégarnies exigeant en remplacement une levée de milice pour garder leurs murailles, II n’y aura point d’exception pour tout ce qui est compris au rôle, ou qui doit l’être. On tirera dans chaque bailliage au lieu de son assiette, ou par district, suivant l’organisation qui sera arrêtée aux Etats provinciaux. Il est plus facile qu’un commissaire se transporte à différents lieux, que les habitants de différents lieux se transportent devant le commissaire. Peut-être n’a-t-on pas bien calculé quand on a compté trois livres de dépense par chaque tête d’individu allant attendre son sort. Art. 56. Un grand bien à produire pour la prospérité du royaume dont le commerce est si étendu, ce serait de détruire V usure, ou dtt moins d'affaiblir l’influence que cette hydre désastreuse a sur toutes les classes des citoyens. Nos pieux ancêtres, persuadés que c’était un crime que de tirer un produit, quelque médiocre qu’il fût, de leur argent, ont appelé ce produit usure , et ce mot qui, dans son acception étroite, ne signifie rien autre chose que service, usage, est devenu, par la force des préjugés, une qualification déshonorante, et sous le nom d’usurier, l’on a confondu l'homme avare, dur et inhumain qui profite de la détresse où se trouve son semblable pour le rançonner impitoyablement, par une usure exorbitante et arbitraire, avec des nommes justes qui se contentent de l’intérêt courant du royaume. Mais il y a peu de ces prêteurs équitables, et comme on ne leur tient aucun compte de leur désintéressement, qu’ils sont forcés de faire un effort sur eux-mêmes pour braver le préjugé, d’honnêtes qu’ils sont en commençant, ils finissent quelquefois par devenir de durs usuriers. Le moyen de remédier aux maux que produit l’usure, serait d’autoriser le prêt à intérêt ; par ce moyen beaucoup d’honnêtes gens que le respect humain retient et qui renferment dans leurs coffres des métaux inutiles, les feraient circuler. Le commerçant, le laboureur et l’artisan en profiteraient, et comme la félicité publique est l’assemblage du bonheur individuel, il en résulterait un bien pour toutes les classes des citoyens. Les usuriers seraient forcés de donner leur argent au taux qui serait réglé, ou ils encourraient la peine que la loi aurait prononcée contre l’usure, s’ils en étaient convaincus. Art. 57. L’encouragement que nos rois ont donné aux défrichements, et particulièrement la déclaration du 13 août 1766, la nécessité qu’il y a à mettre en valeur toutes les terres que l’habitude, les préjugés et les coutumes abandonnent aux seules ressources de leurs natures, portent cette assemblée à solliciter le partage et le défrichement des biens communaux. L’expérience démontre que leur produit est d’un modique avantage pour les habitants auxquels ils appartiennent. S’ils sont en pâturage, les herbes en sont dépouillées en un instant, parce que chacun ne songe qu’à la jouissance du moment et que les bestiaux qui les paissent sont toujours dans une proportion exorbitante ; aussi sont-ils pour la plupart du temps dans un état de maigreur qui altère les espèces et diminue les avantages qu’on devrait en attendre. S’ils sont en bois ou landes, ils sont abandonnés à la merci des troupeaux du canton, et à l’hostilité des indigents, parce que l’intérêt parti- [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’Évreux.J 315 culier étant presque nul, ou du moins trés-fai-ble, le bien général est toujours négligé. En cultivant les biens communaux, on mettrait en valeur une partie considérable de la surface du royaume -, ifs entreraient dans le commerce et contribueraient à la charge des impôts. Le produit accroîtrait considérablement. Le dessèchement des terrains aquatiques et fangeux détruirait ces exhalaisons pestilentielles* qui ont si souvent moissonné les habitants et leurs troupeaux. Enfin il en résulterait une infinité d’autres avantages que différents auteurs ont indiqués, que plusieurs assemblées provinciales ont également aperçus et qu’il serait inutile de répéter. Il paraît donc à cette assemblée d’une évidente utilité de partager et cultiver les communes dont la propriété indivise appartient aux habitants des paroisses. Les sentiments n’ont pas toujours été uniformes sur le mode du partage ; mais celui qui semble se rapprocher le plus du but des concessions de ces sortes de biens, serait de les partager par feux et dans une égale proportion. Ce n*est pas celui qui possède le plus qui doit être le mieux loti ; cette préférence serait injuste, et répugnerait même à l’étymologie du mot communes. Le seul argument qu’on peut faire, et qu’on a effectivement fait contre l’égalité des partages, est de dire que les moins aisés d’une paroisse laisseraient inculte la portion qui leur serait échue, et que l’intention du triage ne serait pas remplie. Mais cet argument n'est pas sans réplique. On pourrait obliger chaque copartageant à défricher sa part, dans un temps fixé par rassemblée de paroisse, eu égard à son étendue et à ses difficultés locales ; l’obliger encore à lui donner le genre de culture et de production la plus convenable à la nature de son sol, qui serait également déterminé par l’assemblée. Sinon la fabrique serait autorisée de s’en emparer à perpétuité, et d’y faire les frais nécessaires; et après qu’elle serait remplie de ses avances, elle verserait le produit net dans la caisse des pauvres, ou en ferait l’emploi à des ouvrages publics de la paroisse. Mais cependant il serait à la liberté de chaque habitant de louer ou mettre hors de sa main la portion de terrain avant l’expiration du délai accordé pour le défrichement. Si les biens communaux étaient si modiques qu’on ne pût les partager, il serait alors au choix des habitants de procéder à une licitation entre eux de leurs parts indivises, dont le produit serait de même réparti par feux. Si les communes consistaient en prairies fertiles ou gras pâturages, on ne les dénaturerait pas. Soit que les terrains fussent de la concession gratuite ou onéreuse des seigneurs, on leur en laisserait le tiers en propriété, à la charge du défrichement, le cas échéant, sous les peines ci-devant indiquées, et en renonçant par eux à leurs droits de cens, mais en conservant toujours la directe. Si cependant ils préféraient conserver leurs redevances seigneuriales, ils abandonneraient la propriété de leurs tiers à la communauté. Les gens de mainmorte seraient exclus du bénéfice au triage et conserveraient seulement l’intégrité de leurs droits seigneuriaux. Les communes, ainsi partagées, seraient exemptes de toutes dîmes, charges et impositions pendant dix ans, si elles étaient en pâturages, prés, bois et autres espèces qui ne changeraient pas de nature, et qu’il s’agirait seulement d'améliorer, pendant vingt ans pour celles qu’on serait obligé de défricher et d’ensemencer en grains, et pendant trente ans si on les replantait en bois et autres espèces de productions dont le développement serait lent et d’un mince bénéfice pour le propriétaire. Art. 58. Il est de la gloire de la nation, de la justice du souverain et de son humanité, de chercher tous les moyens propres à déraciner le préjugé qui fait considérer la famille la plus honnête comme notée d’infamie, par le supplice d’un de ses membres. Tout le monde convient que les fautes sont personnelles, que la honte ne doit en rejaillir que sur celui qui les a commises : cependant, par l’effet de ce préjugé national, ceux qui sont attachés au criminel par les liens du sang se trouvent enveloppés dans sa disgrâce et son déshonneur et jugés incapables de posséder aucuns emplois distingués dans la société. Il en résulte un mal plus réel ; la population souffre de cette distinction ; chaque membre de la famille notée ne trouve que très-difficilement, et même après une série de générations, l’occasion de se reproduire par les nœuds sacrés du mariage. Plusieurs nations, convaincues de l’absurdité de ce préjugé, et éclairées sur ses dangereux effets, se sont empressées à le secouer. On convient que l’opinion est indépendante des lois; cependant elle en est quelquefois le résultat ; et en voulant, par Sa Majesté, que tout sujet honnête pût remplir et occuper toutes charges, places, emplois, dans les trois ordres de l’Etat, selon qu’il y serait appelé par ses vertus, ses talents ou sa naissance, bientôt le préjugé serait anéanti, la population accroîtrait insensiblement, et la nation ne serait pas privée des lumières d’un nombre de citovens auxquels on n’aurait d’autres reproches A faire que d’avoir appartenu à un homme proscrit ou sacrifié pour la sûreté publique. Telles sont les doléances et humbles remontrances que présentent les députés du bailliage de Beaumont-Ie-Roger. Pour être moins étendues que les circonstances désastreuses de la province r auraient exigé, ils ont déployé toute l’énergie de leur patriotisme, leur tendre amour pour le meilleur des rois; ils osent espérer de sa bonté paternelle, secondée du génie du chef de la magistrature et du chef de l’administration des finances, que l’amélioration desdites finances se fera successivement , les dettes réformées, un ordre constant établi. Nous avons un avantage bien précieux pour la présentation de notre cahier, les qualités brillantes de M. le président ; son amour de l’ordre, sa tendre compassion pour les malheureux, dont nous faisons retentir ici les justes plaintes, nous sont un présage assuré de l’accueil que nous en espérons. Ses qualités conciliantes réuniront les suffrages, banniront les dissensions, la vivacité sera contenue par l’honnêteté, les justes égards qu’il mérite à tant de titres formeront les iiens de la concorde qui doit régner entre les membres d’un ordre qui sait se respecter. Arrêté àTassemblée générale lesditsjour et an ue dessus, collationné et certifié véritable, conorme à l’original, signé de tous les députés des quatre-vingt-treize paroisses et de M» le président, 316 [États gén. 1789. Gabiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage d’ÊyreuxJ tant à la fin de la séance du mardi 10 qu’à celle du samedi 14, par nous, greffier du bailliage de Beaumont-le-Roger, ce 10 avril 1789. Signé MARCEL. CAHIER Des doléances , instructions et pouvoirs des habitants composant le tiers-état au bailliage d’Orbec-Bernay (1). 14 mars 4789. Appelée par la justice du Roi à proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins dé l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et de chacun des sujets de Sa Majesté, l’assemblée du tiers-état, que des événements désastreux, que de longs malheurs que souvent l’impuissance de l’administration n’a pu prévenir menaçaient de plonger dans l’excès ae la douleur et du découragement, s’empresse de consacrer les premiers élans de l’espérance et de la raison éclairée, à offrir à son souverain le sacrifice de tous ses moyens, de toutes ses facultés, pour soutenir l’autorité du monarque, contribuer à l’accroissement de sa puissance, fermer les plaies de l’Etat, assurer sa prospérité et prévenir tout ce que pourrait introduire de nouveau le désordre et la confusion dans l’administration et replonger la France dans les maux qu’elle ne parviendrait à détruire que par l’immensité des efforts et des sacrifices que lui inspirent l’amour et la confiance. Les objets qui ont occupé l’assemblée embrassent : 1° La nécessité du concours de tous les ordres et de leur contribution égale et proportionnelle à toutes les charges publiques. 2° La grande administration. 3° L’administration particulière ou les Etats provinciaux. 4° Les devoirs des représentants de la nation aux Etats généraux. 5° Les pouvoirs, les fonctions des États provinciaux. 6° Les domaines. 7° Le clergé, l’emploi d’une partie de ses revenus. 8° L’administration de la justice, l’édit du mois de juillet 1771, l’examen de quelques droits déri-. vés de l’exercice de la justice. DE LA NÉCESSITÉ DU CONCOURS DE TOUS LES ORDRES ET DE LEUR CONTRIBUTION A TOUTES LES CHARGES PUBLIQUES. Lorsque la monarchie était divisée, que les droits de la souveraineté étaient partagés, les seigneurs qui s’étaient saisis d’une portion de ses droits exerçaient une portion de la puissance publique : loin qu’on pensât à les assujettir à contribuer aux dépenses de la grande administration, on ne pouvait se dispenser de leur offrir à eux-mêmes ou de les laisser s’appliquer les contributions du peuple, puisqu’on s’était accoutumé à les envisager comme les administrateurs-nés de l’Etat dans les provinces et les districts qu’ils avaient soumis à leur autorité sous la suprématie ou la souveraineté territoriale des Rois. (4) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. Ces administrateurs, se regardant comme les propriétaires des contrées quyils s’étaient soumises, établirent, sous le nom de féodataires, des administrateurs particuliers où ils laissèrent les grands propriétaires établir leur administration particulière dans leurs districts, à la charge de reconnaître leur domination et de contribuer à l’affermir ou à la soutenir. ’ Tel fut le résultat de l’institution des bénéfices militaires et des fiefs, telle fut l’anarchie du régime féodal. On ne peut assigner d’autres causes ni d’autre origine à l’exemption dans laquelle la noblesse a pu être de se dispenser de contribuer aux charges et aux dépenses de l’administration. Les propriétaires des fiefs avaient tous les droits de justice, ils étaient dépositaires de la puissance publique; on ne doit pas s’étonner qu’ils fussent exempts de contribuer aux impôts et aux charges publiques, puisque le motif de soutenir la puissance et l’autorité de ces administrateurs était une des considérations qui portaient à augmenter les charges publiques. Depuis que les rois se sont ressaisis de la puissance publique, qu’il n’y a qu’un souverain et qu’une administration dans le royaume, peut-on concevoir qu’il existe un ordre qui se refuse de contribuer aux charges et aux dépenses de cette. administration qui, embrassant tout le royaume, doit délivrer toutes les provinces des charges que ces anciens administrateurs leur avaient imposées pour soutenir une puissance qui n’existe plus, ou qui s’est précipitée vers sa source et ne réside plus que dans la souveraineté? Art. 1er. La noblesse et le -clergé, donnant l’exemple de la soumission et du dévouement pour la défense de l’Etat, la prospérité de la nation, et de l’amour et de rattachement pour la personne des rois, doivent contribuer sans distinction à toutes les dépenses de la grande administration et des administrations particulières. Art. 2. Tous les ordres, tous les citoyens de chaque ordre doivent renoncer à tous privilèges et à toutes distinctions pécuniaires. Art. 3. Tous doivent s’engager à n’apporter aucun obstacle à ce que les subsides que les Etats généraux accorderont soient répartis sans aucune distinction, sans privilège et sans exemption, afin que nul ne puisse s’y soustraire, et que l’on n’éprouve jamais l’înconvénient des répartitions arbitraires et incertaines. Art. 4. Que cette déclaration que le tiers-état attend de la justice et des sentiments déjà manifestés de la noblesse et du clergé, soit la base de la confiance et delà tranquillité publique; qu’elle soit reçue et sanctionnée par l’autorité du monarque et le vœu unanime des trois ordres ; qu’elle ne reçoive aucune exception ni modification, sans quoi l’effet en serait éludé; une seule exception autoriserait par l’exemple, par la comparaison, par l’amour inné des distinctions, l’abrogation d’une loi qui doit servir désormais de base à la puissance et à la prospérité de la nation. DE LA GRANDE ADMINISTRATION. Depuis que le gouvernement s’est privé du secours des assemblées nationales, l’administration a souvent eu lieu de se convaincre de la faiblesse et de l’insuffisance des moyens et des facultés qui la Providence lui avait départis pour se charger du bonheur d’une grande nation; un Roi que donne à tous les souverains du monde L'exemple des vertus les plus chères et les plus