SÉANCE DU 26 THERMIDOR AN II (13 AOÛT 1794) - N° 13 31 TALLIEN : Puisque l’on veut faire imprimer la liste de ceux qui ont été mis en liberté, je demande qu’on imprime aussi les noms de ceux qui les ont fait incarcérer; il faut que le peuple connaisse ses véritables ennemis, ceux qui ont dénoncé des patriotes et les ont fait incarcérer. La proposition de Tallien, appuyée par plusieurs membres, est à l’instant même mise aux voix et adoptée. Quelques membres réclament. - On entend plusieurs voix : « C’est la guerre civile! » (1). [Ici de grands débats s’élèvent; le haut de la montagne s’écrie que l’on veut la guerre civile. Cette exclamation d’Audouin excite de violens murmures (2)]. TALLIEN : Je déclare à la Convention que ma proposition n’a eu d’autre but que de lui faire voir combien est dangereux le décret qu’elle a précédemment rendu. Je n’ai pas voulu la faire adopter. Si l’on rapporte le premier décret, je demande aussi le rapport de celui que la Convention vient de rendre sur ma proposition. Plusieurs voix : Le rapport des deux décrets! AMAR : Nous sortons d’une convulsion politique qui devait anéantir l’égalité et la liberté, et la Convention avec elle; nous sortons des orages : prenons garde d’en exciter d’autres. Une conséquence nécessaire du décret qui ordonne l’impression de la liste des personnes sorties de prison était de faire imprimer celle de leurs dénonciateurs. Voyez comme une proposition en entraîne ou amène une autre; car la seconde mesure est la garantie de ceux qui sont inculpés par la première. Voyez comme, en déchirant le voile qui doit exister sur certaines opérations du gouvernement, on peut nuire à la chose publique. Si nous allons ainsi d’une proposition à l’autre, en suivant les extrêmes, nous arriverons à un déchirement effroyable. Le premier décret, qui mettrait pour ainsi dire à l’index tous les citoyens bons ou mauvais qui ont pu sortir, aurait encore d’autres inconvénients; il ferait croire que dans un moment d’effervescence on aurait indistinctement mis en prison toutes sortes de personnes, et il en pourrait résulter un choc dangereux. Si, d’un autre côté, vous publiez la liste de ceux qui ont dénoncé, vous ne trouverez plus, dans ce passage du gouvernement révolutionnaire, qui veut une marche rapide et ferme, un seul homme probe et courageux qui viendra vous découvrir des secrets important à la chose publique, et dont lui seul a connaissance. Vous donnez aux méchants les moyens de conspirer dans l’ombre pour égarer les bons. Je crois vous avoir démontré combien cette mesure précipitée compromettrait la liberté; je crois enfin qu’il est bon de rapporter les deux décrets. Que les représentants du peuple viennent au comité de sûreté générale; il écoutera toujours les observations qui lui seront faites sur ses opérations. MONESTIER : Je crois en général que le bien et le mal dans l’intérieur de la République peuvent venir de la Convention. Toutes les fois (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 487-488. (2) C. Eg., n° 725; Ann. R.F., n° 255. que la République ne court pas de troubles ni de dangers dans l’intérieur, il n’y en a point à craindre à l’extérieur. Je crois qu’il n’est pas un seul de nous qui puisse assurer que l’impression ou la non-impression des listes puisse sauver la chose publique au dedans ou au dehors; je crois encore qu’un homme qui aime sa patrie aime la paix; en conséquence, je demande le rapport des deux décrets (1). [Le président met aux voix le rapport de l’une et l’autre proposition. La moitié de la salle se lève pour; l’autre moitié ne se lève ni pour ni contre : en conséquence, les deux décrets sont rapportés (2)]. 13 Les commissaires de l’attelier patriotique de Montpellier (3), établi dans le local des ci-devant Augustins, font part à la Convention du total du salpêtre montant à 12 301 livrets]. Mention honorable, insertion au bulletin (4). Etat des diverses remises de salpettre qui ont été faittes par les commissaires de l’attelier patriotique de Montpellier, étably dans le local des cy-devant Augustins (5) : Total ...................................... 12301,18 marcs Je soussigné, agent du district pour l’exploitation révolutionnaire, certifie l’état ci-dessus conforme à mes regîtres. A Montpellier, le 1er thermidor de l’an 2 de la République française, une et indivisible. VlRENQUE. Je soussigné, administrateur du district de Montpellier, et commissaire pour la partie des (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 488. (2) Ann. R.F. , n° 255. La plupart des journaux donnent un compte-rendu détaillé de cette discussion; ils signalent plusieurs grands tumultes, des cris, des injures. Dans leur suppl1 au n° DXC, les Ann. patr. font dire au représentant Monestier : quand il ne seroitt pas bien prouvé que ce décret est la création d’une liste ; de proscription, il faudrait le rapporter, seulement parce qu’il est l’occasion de scènes scandaleuses dans cette enceinte. Le journal ajoute : Il a régné dans l’assemblée, pendant toute cette séance, une effervescence extraordinaire. Le haut de la montagne deman-doit les listes et traitait le bas de modérés. Voir le décret, ci-dessous, n° 20. (3) Hérault. (4) P. V., XLIII, 209. (5) C 316, pl. 1266, p. 48.