[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 décembre 1789.] 33 ments, sans être à charge au Trésor public. Pour y parvenir, j’avais formé le projet d’aliéner des contrats pour la somme qui m’était nécessaire : on m’a représenté qu’il serait moins onéreux à mes finances de faire un emprunt. M. de Favras m’a été indiqué, il y a environ quinze jours, par M. de la Châtre, comme pouvant l’effectuer par deux banquiers, MM. Schaumel et Sartorius. En conséquence , j’ai souscrit une obligation de 2 millions, somme nécessaire pour acquitter mes engagements du commencement de l’année, et pour payer ma maison ; et cette affaire étant purement de finance, j’ai chargé mon trésorier de la suivre. Je n’ai point vuM. de Favras ; je ne lui ai point écrit, je n’ai eu aucune communication avec lui. Ce qu’il a fait d’ailleurs m’est parfaitement inconnu. « Cependant, Messieurs, j’ai appris hier que Jon distribuait avec profusion dans la capitale un papier conçu en ces termes : « Le marquis de Favras (place Royale) a été « arrêté avec madame son épouse, la nuit du « 24 au 25, pour un plan qu’il avait fait de faire « soulever 30,000 hommes, pour faire assassiner « M. de La Fayette et le maire de la ville, et ente suite de nous couper les vivres. Monsieur, frère « du ROI, était à la tête. « Signé : BàRAUX. » « Vous n’attendez pas de moi, sans doute, que je m’abaisse jusqu’à me justifier d’un crime aussi bas; mais, dans un temps où les calomnies les plus absurdes peuvent faire aisément confondre les meilleurs citoyens avec les ennemis de la Révolution, j’ai cru, Messieurs, devoir au Roi, à vous et à moi-même, d’entrer dans tous les détails que vous venez d’entendre, afin que l’opinion publique ne puisse rester un seul instant incertaine. Quant à mes opinions personnelles, t’’en parlerai avec confiance à mes concitoyens. lepuis le jour où, dans la seconde Assemblée des notables, je me déclarai sur la question fondamentale qui divisait encore les esprits, je n’ai pas cessé de croire qu’une grande révolution était prête; que le Roi, par ses intentions, ses vertus et son rang suprême, devait en être le chef, puisqu’elle ne pouvait pas être avantageuse à la nation, sans l’être également au monarque; enlin, que l’autorité royale devait être le rempart de la liberté nationale, et la liberté nationale la base de l’autorité royale. « Que l’on cite une seule de mes actions, un seul de mes discours qui ait démenti ces principes, qui ait montré que, dans quelques circonstances où j’aie été placé, le bonheur du Roi, celui du peuple ait cessé d’être l’unique objet de mes pensées et de mes vœux : jusque-là, j’ai le droit d’être cru sur ma parole. Je n’ai jamais changé de sentiments ni de principes, et je n’en changerai jamais. » A la suite de la copie de ce discours est une note par laquelle Monsieur annonce qu’il fera remettre à l’Assemblée nationale l’état des dettes qu’il se proposait de payer avec les 2 millions dont il a souscrit l’obligation. L’Assemblée nationale a ordonné que la lettre et le discours de Monsieur seraient insérés dans le procès-verbal de la séance du jour, et que M. le président écrirait à ce prince pour lui témoigner la satisfaction avec laquelle elle a entendu l’expression de ses sentiments patriotiques. M. le duc de Lévls propose le décret suivant : lre Série, T. XI. « L’Assemblée nationale décrète que son comité des recherches se concertera sur-le-champ avec celui de la commune pour être en état de faire, dans le plus court délai, le rapport de l’affaire de M. de Favras, afin qu’une affaire aussi grave soit exposée dans son plus grand jour, et connue dans tous s, es détails. » c La question préalable est demandée. L’Assemblée décrète qu’il n’y a lieu à délibérer. M. Charles de Lameth observe, sur ce décret, qu’il ne pense pas que l’Assemblée ait voulu interdire à son comité des recherches la connaissance de cette affaire, mais qu’elle a seulement cru inutile de l’y autoriser pas un décret. L’Assemblée témoigne, sans cependant délibérer, que telle a été son intention. L'affaire de Toulon, ne pouvant être reprise parce que l’heure est trop avancée, est ajournée à demain, une heure. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER. Séance du mardi 29 décembre 1789, au matin (1). La séance est ouverte parla lecture des adresses, ainsi qu’il suit : Adresses de la ville de Mont-de-Marsan et des 32 paroisses formant la banlieue, qui se soumettent avec transport à tous les décrets de l’Assemblée nationale, renoncent à tous leurs privilèges, et jurent une fidélité inviolable à Louis X.VJ, restaurateur de la liberté. Adresse de renouvellement d’adhésion de la ville d’Illiers en Beauce. Adresse de la ville de Gréon contenant l’adhésion la plus entière à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et notamment à ceux qui ont pour but la paix, la tranquillité publique et la restauration des finances; elle demande d’être le chef-lieu d’un district et le siège d’une justice royale. Adresse de renouvellement d’adhésion de la ville de Tremblade en Saintonge; elle, demande que la ville de Saintes soit le chef-lieu d’un département et le siège d’un tribunal souverain, de préférence aux villes de La Rochelle et de Saint-Jean d’Angély. Adresse du même genre de la ville de. Draguignan en Provence; elle supplie l'Assemblée d’avoir égard à son heureuse position, lors de la distribution des nouveaux établissements qu’elle fera dans cette province. Adresse du même genre de la ville de Redon en Bretagne; elle s’élève avec force contre la conduite du parlement de Rennes; elle demande avec instance sept départements pour cette province, et pour elle-même le siège d’une assemblée de district, d’une justice royale, d’un tribunal d’amirauté et de consulat. Adresse du même genre de la ville de Saint-Chamond en Lyonnais; elle demande une assemblée de district et une justice royale. Adresses du même genre de la ville d’Issoire en Auvergne, et de celle de Dieuze en Lorraine; (1] Cette séance est incomplète au Moniteur, 3 34 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 décembre 1789.} elles s’engagent de mettre tout en œuvre pour opérer l’entière exécution des décrets de l’Assemblée nationale. Adresse du même genre de la ville d’Azile en Languedoc; elle demande d’être un chef-lieu de district. Adresse du même genre de la ville d’Epinal en Lorraine; elle demande d’être un chef-lieu de département ou de district et le siège d’une justice royale. Adresse de la municipalité de Neuf-Brisach en Alsace, contenant ses respectueux remerciements au sujet du décret du 10 de ce mois, qui prononce la suppression des intendants. Adresse de la communauté de Doulaincourt en Champagne, qui, en adhérant avec une soumission respectueuse à tous les décrets de l’Assemblée nationale, s’engage de faire remettre incessamment entre ses mains la somme de 3,000 livres pour le montant de la contribution patriotique de cette communauté; elle déclare que cette somme excède la proportion péterminée par l’Assemblée, et qu’elle renonce à tout espoir de remboursement. Adresse d’adhésion de la communauté de Cam-pagnac, province de Rouergue; elle demande d’être le chef-lieu d’un canton et le siège d’un juge de paix, lequel canton sera une dépendance du district à établir dans la ville de Séverac. Adresses de félicitations, remerciements et adhésions de la ville de Fécamp en Normandie, de la ville de Jussey en Franche-Comté, de celle de Bourbon-l’Archàmbaud en Bourbonnais, de celle de Saint-Porquier en Languedoc, de celle de Cerilly en Berry, et de celle de Toucy en Bourgogne; toutes ces villes demandent d’être le chef-lieu d’un district et le siège d’une justice royale. Celle de Bourbon-l’Archambaud exprime le vœu de l’établissement d’une cour souveraine à Moulins. Délibération de la ville de Lesneven en Bretagne, qui proscrit, comme traître à la patrie et ennemi du nom français, quiconque oserait contrarier, résister, ou mettre obstacle aux décrets de l’Assemblée nationale, quiconque, par des interprétations perfides et criminelles, par des trames sourdement ourdies, et trompant le peuple sur le but proposé, tenterait de le soulever contre ses vrais défenseurs; renouvelle, au nom des communes, le pacte fédératif qui, unissant les villes de la province et du royaume entier, a fait de l’empire français une famille de citoyens libres et de frères. Les jeunes citoyens de cette ville font éclater, dans une délibération séparée, les mêmes sentiments; ils déclarent vouloir soutenir par la force la liberté, la nation, la loi et le Roi, de concert avec les jeunes citoyens de cette province, auxquels ils jurent l’union la plus étroite. Adresse des abbesse et religieuses de Saint-Désir, ordre de Saint-Benoît, diocèse de Lisieux, qui réclament avec instance la conservation de leur maison ; elles assurent qu’elles ne cesseront de trouver leur bonheur dans l’accomplissement du devoir religieux et patriotique, celui de l’éducation de la jeunesse auquel elles se se sont consacrées. Adresse d’adhésion de la municipalité de Reg-malard ; elle dénonce une dégradation des bàti-timents du prieuré situé dans cette communauté, faute de réparations indispensables. Adresse des onze curés de la ville de Poitiers, contenant l’expression des sentiments d’admiration, de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétrés pour l’Assemblée nationale ; Ils se plaignent du défaut de dotation de leurs bénéfices, et indiquent, pour y suppléer, un grand nombre de chapitres, abbayes et communautés que cette ville renferme dans son enceinte. Adresse des religieux capucins de la société hébraïque, en leur couvent à Paris, qui présentent à l’Assemblée nationale le prospectus d’un dictionnaire c arménien littéral, arménien vulgaire, italien, latin et français », dont Sa Majesté a daigné agréer la dédicace. Adresse de la ville de Seyne en Provence, contenant l’adhésion la plus entière aux décrets de l’Assemblée nationale; elle demande d’être le chef-lieu d’un district, le siège d’une justice royale, et que la ville de Digne soit le chef-lieu d’un département. Adresse d’un député extraordinaire de la ville de Montargis, qui présente, au nom de cette ville, l’abandon des privilèges distingués dont elle jouit depuis près de trois siècles, et demande la conservation de son présidial et alternation du département. Adresse des trois chapitres collégiaux, la Sainte-Trinité, Saint-Sauveur, et Sainte-Anne, réunis dan s la ville de Montpellier, contenant les réclamations les plus respectueuses, relativement aux décrets sur la disposition des biens ecclésiastiques; ils supplient avec instance l’Assemblée de faire en sorte que les dîmes, destinées à leur subsistance, leur soient payées jusqu’à remplacement. Adresse des chanoines réguliers de la Trinité de Saint-Laurent de Médoc, qui applaudissent avec transport aux décrets de FAssemblée natio-tionale sur la disposition des biens ecclésiastiques ; ils réclament la liberté et une pension suffisante. M. le Président rend compte à l’Assemblée que, conformément à ses ordres, il a présenté au Roi deux de ses décrets, l’un concernant la caisse d’escompte et les finances, l’autre relativement à l’autorisation donnée aux municipalités pour exercer, comme par le passé, la juridiction volontaire et contentieuse, jusqu’à l’organisation du - pouvoir judiciaire. Le Roi a répondu qu’il examinerait le plus promptement possible ces deux décrets, et qu’il ferait connaître ses intentions à l’Assemblée. M. le Président lit une lettre de M. d’Ogni, intendant général des postes, qui renvoie plusieurs lettres portant Te cachet de l’Assemblée nationale, mais sans adresses. Il est décidé qu’elles seront ouvertes par M. le président, qui les rendra à ceux qui les auront signées ; et que dans le cas où elles ne le seraient pas, elles seront brûlées. Ensuite on lit une adresse de félicitations et de respect de la ville d’Alençon, qui adhère avec reconnaissance à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et promet d’employer tous ses moyens et toutes ses forces pour maintenir la constitution. Elle demande d’être autorisée à faire un emprunt de 80,000 livres pour subvenir à son approvisionnement, ensemble un secours extraordinaire de 30,000 livres sur le prix des adjudications de bois de main-morte qui se trouvent dans le département d’Alençon, et que sa demande soit renvoyée, comme l’ont été toutes celles du même genre, au comité des finances, qui sera chargé d’en faire le rapport à l’Assemblée. On lit une adresse des volontaires de la ville de Dunkerque, dont suit la teneur :