342 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]4 août 1789-1 M. le Président. C’est dans une Assemblée nationale que les commerçants de la première ville du royaume sont sûrs d’etre reçus avec intérêt. Le commerce est la source la* plus abondante des richesses, et ceux qui rendent tributaires toutes les nations sont les premiers citoyens. L’Assemblée nationale s’occupera des moyens qui peuvent débarrasser le commerce des entraves qui le gênent. Elle reçoit avec satisfaction l’hommage de votre reconnaissance. Le lieutenant général de la Table-de-Marbre entre ensuite. U reste à la barre. Son discours contient une espèce de dénonciation contre le pouvoir ministériel, qui jusqu’ici a entretenu les déprédations dans les forêts, et finit par un tribut d’hommages à l’Assemblée. M. le Président. L’Assemblée s’occupera des parties de l’administration dont la réforme ou l’amélioration peut rendre à l’Etat sa première splendeur; elle ne doute pas qu’en entrant dans ces détails elle verra avec quelle exactitude votre compagnie a rempli ses fonctions. L’Assemblée nationale reçoit l’hommage de vos respects. M. le Président consulte l’Assemblée pour savoir si elle veut entamer la discussion sur la déclaration des droits de l’homme. L’Assemblée, vu le peu de temps qui reste, décide qu’elle entendra un rapport sur l’état de la ville de Brest. Un des membres du comité des rapports entame le récit de ce qui s’est passé à Brest, et détaille spécialement la: difficulté qui est née entre la bourgeoisie et la garnison, au sujet de la garde des magasins à poudre. Cette division, accrue et étendue par l’arrivée de la nouvelle du renvoi de M. Necker, a déterminé deux mille jeunes gens de Nantes à partir armés, pour appuyer la cause des habitants de Brest. La formation d’un conseil général et permanent ira rétabli le calme que momentanément ; et la dernière résolution de la bourgeoisie a été d’adresser à l’Assemblée nationale un mémoire détaillé, explicatif des causes de cet événement, et apporté par un courrier exprès de la part du comité permanent. L’objet principal du mémoire est la demande d’un général de toutes les lorces existantes dans la province, avec désignation de M. le comte d’Es-taing, comme réunissant la conliance de la Bretagne, l’intégrité et la capacité. M. le Président lit deux lettres, une de M. le comte de Montmorin, et l’autre de M. le duc de Dorset, relative aux dispositions de la cour de Londres. Les voici : « Versailles, le 4 août 1789. «< Monsieur le président, M. l’ambassadeur d’Angleterre me prie encore dedonner connaissanceà l’Assemblée nationale de la lettre qu’il vient de m’écrire. Comme cette lettre est une suite de celle que j’ai déjà eu l’honneur de communiquer à l’Assemblée la semaine dernière, par l’organe de son président, j’ai pris les ordres de Sa Majesté, qui m’a autorisé à suivre la môme marche à l’égard de celle-ci. » c J’ai l’honneur d’être avec respect, etc. « Signé : le comte de Montmorin. » « Paris, le 4 août 1789. « Monsieur, ma cour, à qui j’ai rendu compte de la lettre que j’ai eu l’honneur d’écrire à votre Eminence le 26 de juillet, et qu’elle a eu la bonté de communiquer à l’Assemblée nationale, vient, par sa dépêche du 31, que je reçois à l’instant, non-seulement d’approuver ma démarche, mais m’a autorisé spécialement de vous renouveler, dans les termes les plus positifs, le désir ardent de Sa Majesté britannique et des ministres de cultiver et d’encourager l’amitié et l’harmonie qui subsistent si heureusement entre les deux nations. « 11 m’est d’autant plus flatteur de vous annoncer ces nouvelles assurances d’harmonie et de bonne intelligence, qu’il ne peut que résulter le plus grand bien d’une amitié permanente entre les deux nations, et qui est d’autant plus à désirer, que rien ne peut contribuer davantage à la tranquillité de l’Europe que le rapprochement des deux cours. « Je vous serai obligé de communiquer àM. le président de l’Assemblée nationale cette confirmation des sentiments du Roi et de ses ministres. « J’ai l’honneur d’être bien sincèrement, etc. « Signé : DoRSET. » M. le Président invite le comité de rédaction à se rendre au bureau de bonne heure, à l’effet de rédiger la déclaration arrêtée hier, et l’adresse au Roi. 11 presse les membres du comité de vérification de se réunir, pour que, le travail étant fini, l’Assemblée arrête irrévocablement le sort des députés dont les pouvoirs sont en suspens. M. le président propose de nommer à la place de M. l’archevêque de Bordeaux, de M. de la Tour-du-Pin, de M. Fréteau et de M. Emmery, des membres nouveaux pour les comités de constitution, d’information, des rapports, de finances, etc. M. le Président observe néanmoins ,à l’Assemblée que l’article XI du règlement, relatif à l’incompatibilité de la place de secrétaire avec toutes les autres fonctions, et notamment avec le travail des comités, n’est pas assez clairement exprimé, pour qu’on puisse l’étendre aux membres qui étaient déjà de quelque comité, lorsqu’ils sont appelés au secrétariat. La délibération est remise à demain sur cet objet. On lit la liste suivante de MM. les présidents et secrétaires nommés dans les ditférents bureaux : [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 août 1789.] 343 De La Luzerne, évêque Régnault. duc de Langres. XIII. Le marquis de Vaudreuil. Gleizen. Troncbet Lapoule. XIV. De Lubersac, évêque de Lanjuinais. Chartres. Le comte de Crillon. Thibault. XV. Le cardinal de la Ro-Martineau. chefoucault. XVI. Palasne de Champeaux. Le Noir de la Roche. XVII. Le comte de Latouche. Guillotin. L’abbé de Dolomieu. XVIII. Le Clerc de Juigné, ar-Treilhard. chevêque de Paris. D’Ailly. Gillet de la Jacquemi-nière. XIX. D’Aguesseau. De la Borde. Le marquis de Gouy d’Arcy. XX. De Lastic, évêque de Desmeuniers. Couserans. Arnoult. XXL Le duc d’Havré de Gauthier de Biauzat. Croï. Garnier, de Paris. XXII. Le duc de Croy. Francoville. Bouchotte. XXIII. De La Rochefoucauld,. Vaillant évêque de Beauvais. XXIV. Le comte de Virieu. Dosfand. Le Coûteux de Can-teleu. XXV. De Lafare, évêque de Henry de Longueve. Nancy. L’abbé de Champeaux. XXVI. Le comte de Montmo-Grégoire. rency. Rabaud de St-Etienne. XXVII, Talaru de Chalmazel, L’abbé de Barmond. évêque de Coutances. Voulland. XXXVIII. Mounier. Redon. Buzot. XZIX. Le duc de La Rochefou-Crénière. cauld. Delacour d’Ambesieux. XXX. Le duc de Lévis. Daude. Dillon. M. le Président lève la séance et l’indique pour ce soir à six heures. Séance du soir. Les bureaux s’étant réunis sur les six heures, pour l’élection des présidents et des secrétaires de chaque bureau, et pour la nomination d’un archiviste de l’Assemblée, ainsi que pour celle des membres destinés à remplacer les nouveaux ministres dans les comités dont ils faisaient partie, l’Assemblée générale ne s’est formée que sur les huit heures. M. le Président fait d’abord lecture du projet d'arrêté relatif à la sûreté du royaume , qui avait été renvoyé au comité de rédaction. M. Target le lit ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, considérant que, tandis qu’elle est uniquement occupée d’affermir le bonheur du peuple sur les bases d’une constitution libre, les troubles et les violences qui affligent différentes provinces répandent l'alarme dans les esprits, et portent l’atteinte la plus funeste aux droits sacrés de la propriété et de la sûreté des personnes ; « Que ces désordres ne peuvent que ralentir les travaux de l’Assemblée, et servir les projets criminels des ennemis du bien public ; « Déclare que les lois anciennes subsistent et doivent être exécutées jusqu’à ce que l’autorité de la nation les ait abrogées ou modifiées; « Que les impôts, tels qu’ils étaient, doivent continuer d’être perçus aux termes de l’arrêté du 17 juin dernier, jusqu’à ce qu’elle ait établi des contributions et des formes moins onéreuses au peuple ; « Que toutes les redevances et prestations accoutumées doivent être payées comme par le passé, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné par l’Assemblée ; « Qu’enün les lois établies pour la sûreté des personnes et pour celle des propriétés doivent être universellement respectées. « La présente déclaration sera envoyée dans toutes les provinces, et les curés seront invités à la faire connaître à leurs paroissiens, et à leur en recommander l’observation. » M. le vicomte de Houilles. Le but du projet d’arrêté que l’Assemblée vient-d’entendre est d’arrêter l’effervescence des provinces, d’assurer la liberté publique, et de confirmer les propriétaires dans leurs véritables droits. Mais comment peut-on espérer d’y parvenir, sans connaître quelle est la cause de l’insurrection qui se manifeste dans le royaume? et comment y remédier, sans appliquer le remède au mal qui l’agite? Les communautés ont fait des demandes : ce n’est pas une constitution qu’elles ont désirée ; elles n’ont formé ce vœu que dans les bailliages : qu’ont-elles donc demandé? que les droits d’aides fussent supprimés; qu’il n’y eût plus de subdélégués; que les droits seigneuriaux fussent allégés ou échangés. Ces communautés voient, depuis plus de trois mois, leurs représentants s’occuper de ce que nous appelons et de ce qui est en effet la chose publique; mais la chose publique leur paraît être surtout la chose qu’elles désirent et qu’elles souhaitent ardemment d’obtenir. D’après tous les différends qui ont existé entre les représentants de la nation, les campagnes n’ont connu que les gens avoués par elles, qui sollicitaient leur bonheur, et les personnes puissantes qui s’y opposaient. Qu’est-il arrivé dans cet état de choses? Elles ont cru devoir s’armer contre la force, et aujourd’hui elles ne connaissent plus cle frein : aussi résulte-t-il de cette disposition que le royaume flotte, dans ce moment, entre fi alternative de la destruction de la société, ou d’un gouvernement qui sera admiré et suivi de toute l’Europe. Gomment l’établir, ce gouvernement? Par la tranquillité publique. Comment l’espérer, cette tranquillité? En calmant le peuple, en lui montrant qu’on ne lui résiste que dans ce qu’il est intéressant pour lui de conserver. Pour parvenir à cette tranquillité si nécessaire, je propose : lo Qu’il soit dit, avant la proclamation projetée par le comité, que les représentants de la nation ont décidé que l’impôt sera payé par tous les individus du royaume, dans la proportion de leurs revenus; 2° Que toutes les charges publiques seront à l’avenir supportées également pur tous ;