g74 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 septembre 1791. Messieurs, vous vous souviendrez de la ville de Paris, vous direz que la première elle a adhéré à vos décrets, et que, malgré les troubles dont elle a été agitée, toujours appui de la Constitution et du trône, elle sera toujours fidèle à la nation et au roi. » (Applaudissements.) M. le Président répond : « L’Assemblée nationale a eu pour constant objet de ses travaux le bonheur du peuple; le seul prix qu’elle puisse recevoir, et qui soit digne d’elle, est le témoignage de la satisfaction générale. « L’Assemblée reçoit avec un vif intérêt l’expression des sentiments de la commune de Paris; elle ne peut pas oublier combien cette grande cité a été utile au succès de la Révolution, et ne doute pas que, secondant le zèle de ses administrateurs, elle va concourir avec la même ardeur et le même patriotisme, au prompt établissement de Pordre constitutionnel : elle vous invite à sa séance. » ( Applaudissements .) (L’Assemblée décrète que le discours de la municipalité et la réponse du Président seront imprimés et insérés dans le procès-verbal.) M. le Président donne lecture d’une lettre du directoire du département de Paris qui demande à être admis à présenter ses hommages à l’Assemblée avant sa séparation. (L’Assemblée décrète que le directoire sera admis à la barre.) M. d’André. Messieurs, le comité des rapports vous avait rendu compte des troubles qui s'étaient élevés à Arles et des mesures que le département avait prises; et, sur ce rapport, vous avez jugé qu’il était convenable de casœr les arrêtés du déparlement. Mais je dois vous annoncer qu’avant que le département eût connu votre décret, aussitôt que le corps électoral eût terminé ses séances, le département a révoqué lui-même les ordres donnés aux gardes nationales de marcher vers Arles, et toutes les gardes nationales sont tranquillement rentrées dans leurs foyers. ( Applaudissements .) M. I�e Chapelier, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 28 septembre au matin , qui est adopté. M. Cm mer y. Messieurs, vous avez décrété une amnistie générale. Il est bien dans l’intention de l’Assemblée d’absoudre ceux qui ont été pris dans des émeutes; je demande qu’il soit ajouté au procès-verbal un décret portant que ceux qui sont aux galères, et qui y ont été condamnés pour crime de sédition, émeute, attroupement, depuis le mois de mai 1788, seront tous élargis. Voici mon projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète que tous ceux qui, pour fait d’émeute ou de révolte, ont été enfermés, bannis ou condamnés aux galères depuis le 1er mai 1788, seront incessamment délivrés. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) Le directoire du département de Paris est admis à la barre. M. Pastorel, procureur général syndic , s’exprime ainsi : « Messieurs, « Les enfants de la Constitution viennent encore rendre hommage à ceux qui l’ont créée;. et quand la postérité va commencer pour vous,. ils peuvent, sans flatterie comme sans crainte, vous en faire entendre le langage. « La liberté avait fui au delà des mers, ou s’était cachée dans les montagnes; vous relevâtes parmi nous son trône abattu. Le despotisme avait effacé toutes les pages du livre de la nature; vous y rétablîtes cette déclaration immortelle, le décalogue des hommes libres. La volonté de tous était sujette de la volonté d’un seul, qui lui-même, déléguant le pouvoir suprême à ses ministres, était moins le possesseur que l’éiec-teur de la souveraineté. Vous créâtes une représentation politique, qui, d’une extrémité de l'Empire à l’autre, fait de la loi l’expression générale du vœu des Français. On ne parlait jamais au peuple que de ses devoirs; vous lui parlâtes aussi de ses droits. La protection était pour le riche, et l’impôt, qui en est le prix, n’était payé que par le pauvre : on le doublait même quelquefois pour lui, comme si la terre eût produit deux moissons. Vous le vengeâtes de cette longue injustice, et vous brisâtes en même temps tous les anneaux de la chaîne féodale, sous laquelle il vivait oppressé. L’orgueil avait séparé les hommes; vous cherchâtes à les réunir. L’égalité était tellement altérée, qu’on regardait même comme un privilège la défense de la patrie. Tous les citoyens sont devenus soldats; et ce qui fait le patrimoine du hasard deviendra celui du travail et du courage. Vous rendîtes plus vénérable le ministère des autels, tour à tour dégradé par l’indigence des pasteurs et la richesse des pontifes. Vous affranchîtes le commerce, l’agriculture, l’industrie, la pensée. Peu contents, enfin, d’avoir établi la plus belle Constitution de l’univers, vous vous livrâtes à des travaux si immenses sur les lois, que ceux qui aspiraient à la gloire de vous imiter un jour, ont peut-être dit quelquefois, dans l’élan jaloux d’une ambition honorable, ce qu’Alexandre disait de Philippe : Il ne me laissera rien à conquérir. « Cependant, Messieurs, une grande carrière s’ouvre encore devant vos successeurs. Vous fondâtes la liberté, ils en seront les gardiens. Ils veilleront sur ces finances publiques, qui ne sont qu’une portion des propriétés particulières : leur épuisement concourut à hâter la Révolution, leur embarras pourrait non la détruire (car rien ne détruit l’empire de la raison, il est éternel comme Dieu même), mais en retarder les effets, en troubler les jouissances.. Ils fonderont l’ordre public, et achèveront de comprimer l’anarchie : caria liberté constitutionnelle n’est pas la liberté de quelques-uns, mais la liberté de tous; et ce n’est pas l’absence des lois, mais leur sagesse qui constitue cette liberté. St on leur suscite des orages, comme vous ils les vaincront toujours. Périsse l’homme sacrilège qui, se laissant égarer par la crainte, ou avilir par la corruption, oserait trahir un instant la cause du peuple dont il sera le dépositaire ! Des remparts de citoyens briseront les efforts des ennemis de la patrie; et, si les soldats étrangers pénétraient dans nos villes, ils ne presseraient pas en vain la terre hospitalière de la liberté. Plus d’une nation commence à se réveiller de l’esclavage ; partout on va sentir cette grande vérité révélée par la philosophie, que la force des tyrans est tout entière dans la patience des peuples. » (Applaudissements.)