140 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. dissements militaires, confiés à la surveillance d’un commissaire-ordonnateur. Chacun d’eux prendra désormais le titre de grand juge militaire, commissaire ordonnateur des guerres. « Art. 8. Les commissaires ordinaires des guerres prendront le titre de commissaires auditeurs des guerres. Chacun d’eux sera chargé spécialement de la poursuite des délits militaires commis dans l’étendue de son arrondissement particulier. Indépendamment de cette fonction locale, tous seront les assesseurs du grand juge dans l’arrondissement duquel ils seront employés. Deux d’entre eux l'assisteront lorsqu’il tiendra la cour martiale; ce seront ceux dont la résidence sera la plus voisine du lieu où elle siégera. « Art. 9. Dans le cas où le grand juge militaire serait empêché de remplir ses fonctions, il sera remplacé par le plus ancien commissaire auditeur de son arrondissement, autre que celui chargé, par l’article précédent, de la poursuite du délit. « Art. 10. Afin de rendre leservice plus prompt et plus sûr, notamment dans l’intérieur du royaume, où les troupes sont à de grandes distances les unes des autres, il sera nommé par le roi un nombre suffisant et déterminé de « juges militaires suppléants », parmi les officiers retirés du service, ayant au moins dix ans de commission de capitaine, et domiciliés dans l’étendue du département ou du district, pour lequel ils seront établis, fies suppléants seront inamovibles, et rempliront les fonctions d’assesseurs à la cour martiale, lorsqu’ils seront plus près que les commissaires auditeurs du lieu où elle devra siéger : ils n’auront point de traitement, mais leurs frais de voyage et de séjour leur seront remboursés. « Art. 11. L’écrivain de la place, dans les villes où il y en a d’établis, fera les fonctions de greffier de la cour martiale ; dans les autres villes et lieux, ce sera le greffier de la commune. Ni les uns ni les autres n’auront pour cet objet de traitement fixe; mais ils seront payés de leurs vacations, à proportion des affaires et du travail. Lorsque l’armée sortira du royaume, le roi nommera le nombre d’écrivains nécessaires pour y remplir les fonctions de greffiers des cours martiales. « Art. 12. Tout commandant en chef, dans une garnison ou dans un quartier, sera tenu de former un tableau de jurés pour sa garnison ou pour son quartier. « Art. 13. Ce tableau sera divisé en sept colonnes; savoir : 1° celle des officiers généraux et des officiers supérieurs; 2° celle des capitaines ; 3° celle des lieutenants ; 4° celle des sous-lieutenants et des adjudants; 5° celle des sergents ou maréchaux des logis; 6" celle des caporaux ou brigadiers; 7° enfin, celle des simples soldats de quelque arme qu’ils soient. Les officiers et sous-ofliciers employés sans troupe, tels que ceux du génie et de l’artillerie, seront placés à leur rang dans la colonne de leur grade. « Art. 14. Les officiers généraux et supérieurs en activité, ayant autorité et commandement sur plusieurs garnisons ou quartiers, seront compris dans la première colonne du tableau de toutes ces garnisons ou quartiers, avec les officiers supérieurs employés dans chacune d’elles. « Art. 15. Dans la seconde colonne seront compris tous les capitaines de la garnison ou du quartier quel que soit leur nombre; il en sera de même dans la troisième colonne, par rapport aux lieutenants; et dans la quatrième, par rapport aux sous-lieutenants et adjudants. « Art. 16. Il ne sera pas nécessaire de comprendre dans la cinquième colonne tous les ser-]22 septembre 1790.] gents ou maréchaux des logis; il suffira d’en prendre jusqu’à concurrence du nombre le plus approchant de cent, soit en plus, soit en moins, en observant de les tirer également de toutes les compagnies. « Art. 17. On observera la même règle à l’égard des caporaux ou brigadiers, et encore par rapport aux simples soldats de toute arme, à cela près qu’autant qu’il sera possible, le nombre de ces derniers devra être porté au moins jusqu’à deux cents. « Art-. 18. Ce sera le commandant de chaque compagnie qui remettra au commandant en chef la liste des sous-officiers et soldats de chaque compagnie, qu’il jugera les plus dignes d’être sur le tableau des jurés. « Art. 19. Néanmoins, aucun militaire, de quelque grade ou état qu’il soit, ne pourra être porté sur fe tableau des jurés, s’il n’est âgé de 25 ans accomplis, s’il ne sait lire et écrire, et s’il n’a pas plus de deux ans de service. « Art. 20. Tous les ans au mois de novembre, et dans le cours de l’année, toutes les fois qu’il y aura lieu de changer la moitié du tableau des jurés, il sera renouvelé en entier par les soins du commandant en chef, qui en remettra une copie certifiée et signée de lui, au greffier de la cour martiale, pour être conservée dans son dépôt. « Art. 21. On prendra sur le tableau des jurés les personnes nécessaires pour former le juré de l’accusation, et le juré du jugement, suivant les règles qui vont être prescrites. « Art. 22. Le juré de l’accusation est celui qui doit déterminer s’il y a lieu à accusation : il sera composé d’une personne prise sur chacune des colonnes du tableau, et de deux personnes de plus prises sur la colonne du grade ou de l’état de l’accusé, ce qui fera en tout neuf personnes.» M. Emmery, rapporteur , donne lecture de l’article 23. M. d’Ambly demande que le comité soit tenu de présenter une nouvelle rédaction de l’article, attendu que ses dispositions sont trop compliquées. M. Prieur appuie l’observation du préopinant et déclare qu’il va rédiger l’article en le simplifiant. M. Goupil de Préfeln fait remarquer que le droit de récusation qui est accordé à l'accusé est peut-être trop étendu ; qu’il y aurait lieu de le limiter en lui accordant de faire connaître ses motifs. Divers membres demandent la question préalable sur tous les amendements. Elle est pronon-C66* Les articles 23 à 28 sont ensuite décrétés ainsi qu’il suit : « Art. 23. Le juré du jugement est celui qui doit déterminer la condamnation ou la décharge de l’accusé; il sera formé de quatre personnes prises sur chacune des sept colonnes, et de huit de plus prises sur la colonne du grade, ou de l’état de l’accusé, ce qui fera en tout trente-six personnes, qui seront ensuite réduites à neuf au moyen des récusations que l’accusé sera tenu de faire sans pouvoir alléguer aucun motif, et qui s’opéreront par la voie du sort, si l’accusé refuse de les proposer. « Art. 24. Chaque colonne doit être réduite au [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. . [22 septembre 1790.] 141 guart. Les récusations s’opéreront successivement sur chacune d’elles, en commençant par la première. « Art. 25. Lorsqu’il y aura plusieurs accusés, il sera ajouté au premier nombre de trente-six jurés, autant de huit personnes qu’il y aura de coaccusés, et ces huit personnes seront toujours prises sur la colonne du grade ou de l’état du coaccusé. « Art. 26. En pareil cas, chaque accusé,, à commencer par le plus jeune, récusera d’abord huit personnes sur toute la colonne de son grade ou de son état, ce qui réduira le nombre des jurés à trente-six ; alors les récusations se proposeront sur chaque colonne, et d’une colonne à l’autre, par chacun des coaccusés alternativement, à commencer par le plus jeune, et ainsi de suite, jusqu’à ce que chaque colonne soit réduite au quart. « Art. 27. Lorsqu’il s’agira de former, soit le juré de l’accusation, soit le juré du jugement, îe commandant militaire en chef du lieu où se fera l’instruction du procès et où se tiendra la cour martiale désignera le nombre de jurés nécessaires dans chaque colonne, en suivant l’ordre de l’inscription sur chacune, et sans pouvoir l’intervertir. En cas d’absence, de maladie ou d’autre légitime empêchement de quelqu’une des personnes désignées pour former le juré, son tour sera passé, mais sensé rempli. « Art. 28. Il sera suppléé au défaut d’une colonne, d’abord par la colonne immédiatement inférieure, et ensuite parla colonne immédiatement supérieure, sans qu’on puisse descendre plus bas ni monter plus haut, Si ce moyen est insuffisant, on aura recours à la garnison ou au quartier voisin, pour avoir un suppléant ou des suppléants du grade ou de l’état de ceux qu’ils seront appelés à remplacer. » M. Emmery, rapporteur , lit l’article 29. M. Eanjuinais. Je propose un amendement à l’article et je demande qu’il soit spécifié que la dénonciation soit signée par le dénonciateur et que, dans le cas où la chose ne pourrait avoir lieu, la dénonciation soit faite en présence de deux témoins qui sauront signer. (Cet amendement est adopté.) Les articles 29 à 35 inclusivement sont décrétés en ces termes : « Art. 29. Chaque commissaire-auditeur des guerres recevra les dénonciations qui lui seront faites par les chefs ou par toutes autres personnes, de tout délit prétendu commis par des militaires en activité; il aura soin d’exiger du dénonciateur la déclaration circonstanciée des faits, la remise des pièces servant à conviction, et l’indication des témoins qui peuvent servir à la preuve. La dénonciation sera signée par le dénonciateur, s’il sait signer, et s’il ne sait pas signer, par deux témoins, en présence desquels elle devra être faite en pareil cas. « Art. 30. Le commissaire-auditeur des guerres sera tenu de rendre plainte, dans les vingt-quatre heures, de tous délits militaires prétendus commis dans l’étendue de son arrondissement, et qui seront parvenus à sa connaissance par voie de dénonciation, par la clameur publique ou autrement, comme aussi de constater immédiatement par procès-verbal le corps et les circonstances du délit, s’il a laissé des traces permanentes. « Art. 31. Le commissaire-auditeur qui aura connaissance d’un délit militaire commis hors de son arrondissement, sera tenu d’en avertir, sans aucun délai, celui de ses confrères dans l’arrondissement duquel ce délit passera pour avoir été commis, et de lui envoyer tous les renseignements qu’il aura pu se procurer, notamment copie de la dénonciation, s’il en a reçu une. « Art. 32. Sera pareillement tenu le commissaire-auditeur, qui aura connaissance d’un délit civil commis par des militaires en activité dans son arrondissement, d’en avertir immédiatement tel magistrat civil qu’il appartiendra, du lieu dan3 lequel ce délit passera pour avoir été commis, et de lui envoyer tous les renseignements qu’il aura pu se procurer, notamment copie de la dénonciation, s’il en a reçu une. « Art. 33. Le commissaire-auditeur qui sera dans le cas de porter une plainte, la rédigera par écrit, faisant mention du dénonciateur, s’il y en a un; il la présentera au commandant militaire en chef de la garnison ou du quartier dans lequel le délit aura été commis, et requerra de lui la convocation du juré de l’accusation, que le commandant sera tenu de convoquer sans délai. « Art. 34. Le juré de l’accusation s’assemblera dans la maison du commandant, mais hors de sa présence. Il se rangera autour d’une table disposée à cet effet, à l’une des extrémités de laquelle se placera le commissaire-auditeur, ayant en face le greffier. « Art. 35. Le commissaire-auditeur annoncera que l’objet de cette assemblée est de déterminer si, ou non, il y a lieu à accusation contre un tel, à qui on impute tel crime, ou délit militaire, qu’il énoncera dans les termes les plus précis et les plus clairs; ensuite il requerra des jurés, le serment de donner leur avis en honneur et en conscience, ce que tous les jurés seront tenus de faire à l’instant en levant la main, et prononçant : je le jure. M. Emmery, rapporteur , donne lecture de l’article 36. Un membre demande l’ajournement de cet article afin que l’Assemblée ait le temps de le méditer. M. Prieur propose un amendement pour que « les dépositions des témoins soient , comme par le passé , rédigées par écrit. » Il fait sentir combien il est difficile de retenir les diverses parties des dépositions orales et d’en combiner avec précision l’ensemble et le résultat. M. Emmery répond qu’on peut dès à présent voter l’article en ajournant l’amendement et la forme des dépositions des témoins. L’amendement est ajourné et l’article est décrété en ces termes : « Art. 36. Gela fait, le commissaire-auditeur fera entrer les témoins qu’il voudra produire à l’appui de sa plainte ; il fera connaître leurs noms, leur âge, leur état et qualité ainsique leur domicile, et requerra d’eux le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, ce qu’ils seront tenus de faire à l’instant en levant la main, et prononçant : je le jure. M. Emmery lit l’article 37. M. Goupil de Préfeln demande si les témoins seront entendus ensemble ou séparément? Un membre propose de dire que les témoins