ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1« août 1790.] [Assemblée nationale.] incendiaires. Je demande qu’il soit ajouté, «et tous écrits qui inviteraient les princes étrangers à faire des invasions dans le royaume. » (Cette addition est décrétée.) M. Raband. En portant un décret contre ceux qui exciteraient le peuple à l’insurrection contre les lois, vous n’avez pas prétendu laisser aux juges la faculté de devenir des inquisiteurs. Comme vous n’avez pas encore décrété les nouvelles formes de la procédure criminelle, je demande qu’il soit nommé un jury pour connaître des délits de ce genre. Il faut prendre garde que la trop grande extension de notre décret puisse avoir des suites funestes; ce n’est pas du sein de cette Assemblée qu’il peut s’élever un tribunal inquisitorial. Je crois donc être dans les principes de la justice, j’ajouterai même de tous les partis, en demandant qu’il soit nommé un jury. M. Garat l'aîné. L’imtilution des jurés, en matière criminelle, a déjà été décrétée; il est bien évident que la connaissance de ces délits leur appartient. Mais pourquoi ne sont-ils pas encore en activité? C’est qu’il faut auparavant vune procédure au fait de laquelle ils puissent se mettre. Le comité de Constitution est chargé de la présenter, et il ne l’a point fait encore ; je demande donc qu’en attendant ce modèle on suive, pour les délits qui font la matière de cette délibération, la marche ordinaire des affaires. (On demande l’ordre du jour.) M. Mougfns. La procédure par jurés, en matière criminelle, est un bienfait que la justice et l’équité ont dicté à l’Assemblée nationale ; il ne faut pas en retarder l’effet et tout accusé a le droit de réclamer l’effet d’une loi qui a été portée : il ne s’agit ici que de quelques détails de forme, pour que cette procédure puisse être suivie; je demande, en conséquence, que le comité de Constitution fasse un rapport dans deux jours, parce que c’est le moyen de concilier les opinions qui viennent de se produire. J’ajoute que cette procédure n’exige pas autant d’embarras que le préo-pina'nt en annonce ; il suffit de présenter un plan simple, uniforme, pour que l’accusé soit jugé par ses pairs. Mou opinion n’a pas pour objet de retarder l’accusaiion portée contre les libellistes ; il convient, au contraire, qu’ils soient punis par la rigueur des lois, parce que ceux qui déchirent la réputation des autres par des écrits scandaleux font un mal injuste et que l’honneur est plus recommandable que la vie. Mais comme la procédure par jurés n’empêche pas la punition des coupables, j’appuie l’amendement de M. Rabaud. M. Rrillat-Savarin. La procédure par jurés doit être exécutée, mais je ne suis pas d’avis que Ton s’occupe si précipitamment de son exécution. Ge qui est nécessaire, ce qui exige beaucoup de célérité, c’est la punition des libellistes coupables. Pour le moment, nous devons nous borner à prendre en considération les motifs développés par M. Mougins et inviter le comité de Constitution à proposer bientôt la forme de la procédure .par jurés. M. Dubois (ci-devant de Crancé). Je demande l’A semblée fixe un jour pour recevoir ladé-diôûfoiaitioa des écrits incendiaires. Cette proposition est adoptée et il y aura à cet effet une séaüce extraordinaire lundi soir. La proposition de M. Rabaud est rejetée. M. de Sabran, évêque de Laon , député de Ver-mandoüy demande un congé pour aller aux eaux» M. Hébrard, député de Saint-Flour , demande un congé de quinze jours pour aller aux eaux du Mont-Dore. M. l’abbé Rozé, dépit, té de Caux , demande un congé de cinq semaines pour des affaires. Ces congés sont accordés. M. le Président fait lecture d’une lettre des vainqueurs de la Bastille. Ils invitent les bons patriotes, et notamment les écrivaius qui se sont consacrés à la défense de la liberté, MM. Camille Desmoulins, Loustalot, Carra, etc., etc., à assister au service qui sera célébré pour le repos de l’âme de leurs camarades décédés au siège de cette forteresse. Ils demandent si l’Assemblée nationale ne trouverait pas convenable d’envoyer une députation à cette cérémonie. Un membre demande si Marat n’est pas sur la liste des invités. ■ M. le Président. 11 y a un nom d’effacé, mais je ne sais pas si c’est celui de Marat. M. Robespierre demande la parole et se présente à la tribune. De tous côtés on demande l’ordre du jour . L’Assemblée décide que M. Robespierre ne sera pas entendu. M. de Vismes continue et achève la lecture du projet d’instruction aux municipalités pour les corps administratifs. L’impression est ordonnée et la discussion ajournée. M. Alquier, secrétaire , lit la lettre suivante de M. Bailly à laquelle est joint le bulletin de la santé du roi . « Monsieur le président, « J’ai l’honneur de vous envoyer copie de la lettre que M. d’Aumont, premier gentilhomme de la chambre du roi, vient de m’adresser. Je vous serai obligé d’avoir la bonté d’en faire part à l’Assemblée nationale. « Je suis avec respect, etc. « Signé : BAILLY. » BULLETIN. « Depuis quelques jours le roi est incommodé d’une flux'ion occasionnée par une douleur de la dent incisive supérieure. Sa Majesté a le visage gonflé. Il s’est joint quelque mouvement de fièvre et un peu de chaleur d’entrailles ; ces symptômes continuent aujourd’hui ; la fièvre nous parait plus modérée et le dentiste juge qu’il y a un peu de fluxion autour de la gencive. « À Saint-Cloud le l8r août 1790. » « Signé : LEMONNTER, Vig d’AziR. » Lettre de M. d'Aumont, « Saint-Cloud, le 1er août 1790. « J’ai l’honneur de vous envoyer, monsieur, un [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l'r août 1790.] 487 bulletin de l’état du roi; il parait intéressant que le public soit journellement informé de sa santé, dans le cas où elle ne lui permettrait pas d’aller à Paris jeudi, comme c’est son projet; Sa Majesté désire que vous donniez vos ordres pour faire imprimer ce bulletin dans les papiers publics. « Quoique au commencement du voyage de Saint-Cloud, il ait été décidé que Leurs Majestés n’y recevraient que les personnes attachées à leur maison, la reine, pensant que beaucoup de députés et autres hommes désireraient savoir plus en détail des nouvelles du roi, a décidé hier qu’à commencer de demain, elle recevrait du monde depuis six heures jusqu’à sept heures. J’ai cru devoir vous en prévenir, afin que vous puissiez en prévenir MM. les députés et autres personnes dans le cas de profiter de cette facilité, de savoir plus particulièrement des nouvelles du roi. « J’ai l’honneur d’être, etc. « Signé : Alexandre d’ Auront, ci-devant duc de Villequier. » M. Lucas. Je fais la motion que l’Assemblée envoie ce soir une députation de six de ses membres à Saint-Cloud, pour nous apportera l’ouverture de la séance de demain des nouvelles de la santé du roi. (Cette motion est acceptée par acclamation.) M. le Président désigne pour cette mission : MM. d’Ambly, Régnault (de Nancy), Lucas, Rew-bell, Carrère, Démeunier. M. le Président. J’ai reçu de M. Neeker, un mémoire relatif aux prétendus payements faits à M. le comte d'Artois (1). On demande la lecture du mémoire qui est ainsi conçu : Messieurs, Deux allégations d’un membre de l’Assemblée nationale, à la séaDce de dimanche dernier, exigent, m’assure-t-on, un éclaircissement de ma part. J’ai fait remettre, a-t-on dit, des fonds à M. le comte d’Artois, sans autorisation de la part de l’Assi mblée nationale, et je dois être tenu dérembourser cette avance de mes propres deniers. Je n’ai rien à redire au choix entendu de ce reproche; il était bien du nombre de ceux qui peuvent faire impression; aussi l’a-t-on publié partout avec des intentions malveillantes. On a tâché de persuader que je fournissais obscurément des fonds à M. le comte d’Artois; et, malgré l’invraisemblance et la fausseté d’une pareille insi nuation, l’on a égaré pour un moment une portion du peuple, et on lui a inspiré de la défiance sur les principes éprouvés de son ami le plus ancien et le plus fidèle. Je ne dis rien de plus : je dois réprimer les sentiments qui pèsent sur mon cœur, atin de donner ici tranquillement les éclaircissements les plus simples. L’Assemblée a connaissance d’un engagement pris par le roi, à latin de l’année 1783, pour l’acquit des dettes deM. le comte d’Artois, à raison de 1,600,000 livres par an, jusque etcompris 1791. Cette disposition, ponctuellcmentexécutée depuis 1784, se trouve daus les états instructifs fournis aux notables en 1787. Elle forme, de plus, un article de dépenses dans le compte des finances im-(1 ) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du mémoire de M. Neeker. primé sous le ministère de M. l’archevêque de Sens; enfin, le Bon du roi, qui constate l’engagement de Sa Majesté, fait partie des pièces imprimées par ordre du comité des pensions. Le payement de l’année 1789 avait été exécuté à l’avance en assignations sur le domaine, peu de temps avant ma rentrée dans le ministère au mois d’août 1788. Ces assignations à un an de terme ayant été comprises dans lasuspension des remboursements ordonnée vers la fin de l’administration de M. l’archevêque de Sens, on me pressa d’échanger ces assignations contre des valeurs actives, et je me défendis d’une exception à la loi générale. ' On me demanda d’autant plus tôt le payement de l’année 1790; et j’aurais pu, sans faveur nouvelle, y consentir dès l’année dernière, puisque le payement de l’année 1789 avait été fait à l’avance, au milieu de 1788. J’opposai encore à cette sollicitation la situation des finances et l’importance du maintien, ou plutôt, du retour aux règles. Enfin, après m’être défendu d’aucun échange de valeur en 1788, et d’aucun payement en 1789, arrivé en 1790, je plaçai les 1,600,000 livres destinées à l’acquittement des dettes de M. le comte d’Artois, dans l’aperçu des dépenses des huit derniers mois de cette année; et en formant ensuite l’état particulier des payements à faire pendant le cours de juillet, j’y compris un premier acompte de 200, 000 livres sur la susdite somme de 1,600, 000 livres. Ce dernier état a été remis au comité de finances au commencement du mois qui vient de finir : et le tableau spéculatif des dépenses des huit derniers mois de cette année, où la somme entière des 1,600,000 livres se trouve portée, je l’ai présenté moi-même au mois de mai à l’Assemblée nationale, et il a été rendu public ensuite par la voie de l’impression. Tous les comités de l’Assemblée nationale, celui des pensions, celui de liquidation, celui des finances, enfin, chacun des membres individuels de l’Assemblée nationale, ont donefété instruits que les 1,600,000 livres, suite de l’engagement formel contracté par le roi envers les créanciers de M. le comte d’Artois, étaient portées sur l’état des dépenses des huit derniers mois de cetle année. Nulle objection, nulle critique, nulle observation n’a été faite de la part de personne ; et c’est au moment où l’on croit que le payement du premier acompte doit avoir eu son exécution, qu’un membre de l’Assemblée nationale propose d’intenter une action contre moi, pour raison de ce payement! Une telle marche, je l’âvoue, a de quoi me surprendre, et il doit m’être permis de faire observer que les communications nécessaires de l’administration des finances à l’Assemblée nationale le transformeraient en occasions ou en sujets de piège pour le ministre, si, lorsque cette administration expose le tableau spéculatif des dépenses du mois, du semestre, ou de l’année, aucune observation n’était faite sur les payements projetés, et si l’on en gardait simplement note pour les censurer lorsqu’ils seraient exécutés. Maintenant, et l’on ne s’y attend pas sans doute, maintenant je finis par dire qu’aucun acompte encore n’a été fourni, qu’aucun payement n’a eu lieu sur les 1,600,000 livres comprises dans l’état spéculatif des dépenses des huit derniers mois de l’année, et sur lesquelles je viens de fixer l’attention de l’Assemblée nationale; ainsi, la dénonciation dirigée contre moi se trouve encore, dans le fait, entièrement erronée.