162 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791.] puisse acheter la matière nécessaire pour faire la nouvelle monnaie. Et, Messieurs, à cet égard, je vous rappellerai l’article 13 de votre décret du 11 janvier dernier sur la petite monnaie; il est ainsi conçu : « Pour accélérer l’exécution du présent décret, les cloches des églises supprimées seront incessamment vendues à l’enchère ; et les comités des finances et d’aliénation proposeront à l’Assemblée nationale les charges et les clauses qu’ils jugeront convenable d’employer dans l’adjudication. » Pour faciliter cette adjudication, votre comité n’a pas négligé de s’occuper des différents procédés que les artistes ont communiqués et communiquent encore journellement pour l’opération. Il y a à cet égard un cours d’expériences et, dans la semaine, elles seront totalement terminées, de manière que celles qui auront eu du succès et l’instruction qu’elles présenteront pourront être jointes au programme que vos comités vous présenteront pour la vente des cloches et serviront d’autant à éclairer les artistes sur la manière de tirer le meilleur parti possible de leur métal et à leur faciliter les moyens d’en augmenter le plus la valeur. Votre comité qu’on inculpe toujours, qui tant de fois a demandé la parole sans l’obtenir, s’est occupé de tous les moyens propres à accélérer ces ventes. U est dès à présent certain que, du moment où vous aurez pris un parti définitif sur les cloches, 8 ou 10 jours après, la vente des cloches s’effectuera; et, d’après les renseignements que votre comité a pris, il en résultera que, 8 ou 10 jours après, on sera en état de vous livrer du cuivre qui en proviendrait. Ainsi, en commençant une fabrication de gros sols dès demain avec le cuivre qui se vend actuellement dans le commerce, vous avez la certitude que ces mesures seront constamment soutenues dans l’espace de 15 jours, c’est-à-dire que les fabrications, quelque considérables qu’elles soient, qne vous pourrez ordonner, ne seront point interrompues. Nos vues se sont également tournées vers cette fabrication et, à l’égard des moyens d’exécution, nous devons vous soumettre quelques observations. Pour fabriquer le cuivre, vous avez un grand nombre d’hôtels des Monnaies ; cependant nous devons vous prévenir d’un grand inconvénient : c’est que le décret qui a prononcé la suppression de la vénalité des offices a arrêté la marche de l’administratiou des monnaies. Tout ce qui y était attaché s’est dispersé, s’est découragé, comme il arrive toujours lorsqu’on sait sa perte certaine. Il n’y a donc plus en ce moment, à vrai dire, d’hôtels des Monnaies. Il existe deux genres de mesures à prendre : une mesure générale et une mesure provisoire. Cette dernière, ne devant avoir qu’une exécution de quelques jours, ne peut avoir d’inconvénients. Voulez-vous aller vite? (Oui! oui!)... voulez-vous aller sûrement? (Oui! oui!)... Il faut prendre le chemin le plus court, le plus solide (Oui! oui!)... Ce qui nous a paru présenter la marche la plus rapide et la plus certaine, c’est de prier le roi de prendre provisoirement les mesures les plus convenables, d’une part pour presser l’exécution du décret que nous allons vous proposer pour la fabrication de monnaie de cuivre, et de l’autre pour prévenir les abus qui pourraient s’y introduire et résulter du défaut d’organisation des Monnaies. Par ce moyen, l’administration des Monnaies, qui connaît fort bien ces inconvénients-là, qu’elle-même n’a cessé de dénoncer, prendra toutes les mesures urgentes qui peuvent être nécessaires, jusqu’à ce que vous ayez pris, par des décrets subséquents, des moyens permanents et plus efficaces, ce qui peut se faire très promptement si vous voulez nous accorder une séance dans la semaine, pour délibérer sur son plan d’organisation qui vous a été soumis il y a six mois. Si vous voulez adopter le premier article que je vais vous soumettre, alors rien ne peut retarder le succès de vos opérations. Le gouvernement aura un point fixe dont il pourra partir ; il agira avec célérité, mais avec force, parce qu’il aura la loi derrière lui. Dès demain, on pourra commencer à travailler à la fabrication; les nouvelles empreintes ne pourront servir que dans un mois ; en attendant, on se servira des anciens coins. C’est dans ces vues, Messieurs, que le comité des monnaies, joint à des commissaires du comité des finances, ont rédigé le projet que vous allez entendre : « L’Assemblée nationale décrète : « Art. 1er. Le roi sera prié de donner les ordres les plus prompts pour faire fabriquer, dans les différents hôtels des Monnaies , la quantité de monnaie de cuivre suffisante pour satisfaire aux besoins du royaume et faciliter l’échange des petits assignats. » On avait proposé, dans le comité, de faire fabriquer dès à présent une somme déterminée de gros sols ; votre comité a été partagé d’avis sur cette question. Peut-être la somme de4(J millions, qui vous a été proposée, excéderait-elle vos besoins; vous seriez forcés de revenir sur cette disposition et vos décrets auraient un air d’instabilité qui ne convient pas à la dignité du Corps législatif. D’un autre côté, si vous en décrétiez une quantité moindre, vous ne tranquilliseriez peut-être pas assez les esprits. Nous pensons donc qu’il convient mieux de ne pas décréter dans ce moment la quotité de la somme, alors que l’étendue des besoins n’est pas parfaitement connue ; et nous croyons que vous aurez tout fait, quand vous aurez pris les mesures nécessaires pour une prompte fabrication de pièces de cuivre, poursuivie indéfiniment, sauf à en ordonner la cessation, lorsqu’on s’apercevra soit par les avis qui vous seront donnés, soit par les réclamations des départements, que la mesure de vos besoins est remplie. (Mouvement.) « Art. 2. Cette fabrication se fera à la taille décrétée le 11 janvier de cette année, avec les empreintes qui sont en usage, jusqu’à ce que celles qui ont été décrétées le 9 avril dernier soient en état de servir. « Art. 3. Le roi sera également prié de prendre provisoirement les mesures convenables pour hâter l’exécution du présent décret et prévenir les abus qui pourraient résulter du défaut actuel d’organisation des Monnaies. » Enfin, Messieurs, — et ceci n’est pas dans le projet de décret — c’est de nous accorder le plus promptement possible une séance. Plusieurs membres : Demain au soir I M. Populus. Je demande qu’on détermine la quotité de la fabrication. M. de Virieu, rapporteur. Il nous reste une (As&emblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791.] 163 dernière observation à présenter. Si vous décrétez indéfiniment la monnaie de cuivre, ou même si vous en décrétez une très grande somme, il est à craindre que les accapareurs s’en emparent et par conséquent la fassent renchérir. (Murmures.) Cependant, si on entreprenait de faire hausser la monnaie de cuivre, vous avez, dans les cloches, une mine très effective que personne ne peut vous ôter et avec laquelle vous feriez tomber les spéculations. A cet égard, il y a des calculs très exagérés sur la quantité de matière de cloches à votre disposition. 11 y en a qui la portent jusqu’à 100, 150 et 200 millions de livres pesant; pour ma part, je suis loin de croire que cela aille si loin. (Murmures.)... En supposant qu’il y ait 30 millions pesant de ce métal, il en résulterait une quantité de 20 à 25 millions de cuivre pesant dans cette quotité de cloches. Or, avec 25 millions de cuivre pesant, vous feriez pour 50 millions de monnaie à la taille de 40 sols à la livre. Ainsi, Messieurs, dans le cas où vous seriez obligés d’acheter du cuivre chez les marchands, il en résulterait que vous trouveriez dans vos cloches une ressource plus que suffisante pour faire tomber toutes les spéculations. M. l’abbé Maury (1). Je pense, Messieurs, que le rapport qui vient de vous être fait n’a pas répandu assez de lumières pour que la discussion puisse s’ouvrir dès ce moment; je vous propose donc de la renvoyer (Non! non !)... En ce cas, je vais parler, car je suis prêt. Le projet de décret qui vous est soumis peut se diviser eu deux parties : dans la première on vous invite à ordonner la fabrication d’une quantité indéfinie de monnaie; l’autre partie concerne l’exécution de la première. C’est donc sur cette première partie, qui constitue l’article 1er du projet de décret, que doit se porter toute votre attention. Je pense que ce n’est pas sérieusement que votre comité des monnaies propose à une assemblée délibérante d’ordonner la fabrication indéterminée d’une quantité de monnaie quelconque; c’est peut-être ainsi que les grands seigneurs donnaient des ordres à leurs int-néants, mais les grands seigneurs se ruinaient. (Pares.) M. le rapporteur nous a dit qu’il y avait eu deux avis dans le comité sur la question de savoir si l’on fixerait ou si l’on ne fixerait pas la quotité de la fabrication. C’est sans doute de celte indétermination du comité qu'est venue celle de son projet de décrel ; c’est sans/ioute pour c< laaussiqu’il semble avoir mis à l’écart plusieurs questions d’ordre public. En effet, il aurait dû nous dire d’abord d’où nous tirerons le cuivre dont nous avons besoin pour fabriquer de la monnaie. Cette question est d’autant plus importante que, si vous vouliez le tirer du Nord, de la Suède par exemple, il faudrait donner de l’or ou de l’argent en échange, et ce n’est peut-être pas là votre inten ion. (Rires.) Dans ce moment, nous n’avons véritablement aucun moyen de nous procurer du cuivre; on peut en imaginer d’excellents, mais je n’en ai point entendu proposer dans le rapport qui nous a été fait. Il me semble donc que, quelque détermination que prenne l’Assemblée nationale, elle doit porter sur des bases certaines et incontestables; et que, jusqu’à ce que nous sachions quelle est la quantité de cuivre que nous devons acheter, quels sont les fonds que nous devons destiner à cet (1) Ce discours est incomplet au Moniteur. achat, nous ne pouvons rien faire, rien statuer. Ces deux questions indéterminées nous prouvent que la matière n’est pas assez préparée dans votre comité. Ensuite, Messieurs, un autre objet digne de votre attention, c’est qu’il me semble que des législateurs qui s’occupent d’objets aussi importants que la mise en circulation d’une grande quantité de monnaiede cuivre, aient négligé de voir quels sont les effets d’une trop grande quantité de cette monnaie. Cette monnaie a déjà ruiné plusieurs nations de l’Europe qui ont trop voulu l’exagérer : car c’est la monnaie de cuivre qui a fait disparaître le numéraire en Suède; c’est la monnaie de cuivre qui a rendu si rares en Suisse, pendant si longtemps, l’or et l’argent, et qui a fait que l’on n’a commencé à en voir sur les hautes montagnes que depuis que nos émigrants y ont transporté notre numéraire avec leurs fortunes. Ce n’est pas sans raison que je vous présente cette observation ; elle n’est pas de moi; elle est d’un grand homme dignede toute votre confianceet dont vous n’attaquerez peut-être pas les calculs. Newton, l’immortel Newton, chargé de la direction des monnaies en Angleterre, a établi et démontré comme un principe fondamental de cette matière qu’un moyen sûr pour une nation de se ruiner, c’est d’exagérer son numéraire de cuivre, parce que le cuivre reste toujours dans le pays qui l’a fabriqué et facilite l’écoulement de l’or et de l’argent chez les nations étrangères. Voilà, Messieurs, le principe de Newton ; voilà, Messieurs, le grand principe de droit publicsur celte matière, principe confirmé par l’expérience constante de la circulation de l’argent dans tous les pays où l’argent est commun, où le commerce est florissant, où le crédit établi, les opérations du commerce sont indépendantes de la monnaie de cuivre ou de billon ; et nous avons vu, il y a 12 ans, dans ce royaume, qu’au moment où l’on voulut favoriser le rétablissement du crédit, où l’on voulait surtout persuader qu’il existait dans ce royaume une grande quantité de numéraire, on commença par interdire la circulation forcée des sols qui étaient admis dans les payements, parce que ce payement en sols indiquait i’absencede numéraire plus précieux. M. Germain. Gela ne venait pas delà. M. l’abbé Maury. Je suis loin de blâmer cette opération du gouvernement; je l’indique seulement comme pouvant répandre quelques lumières sur une qm siion qui ne paraît pas au moins bien éclaircie dans cette Assemblée. Une grande administration ne peut se permettre une expérience de hasard dans un objtri aussi intéressant et l’Assemblée, devant réunir aujourd’hui toutes les lumières de la nation, doit savoir quelles sont les véritables bases d’après lesquelles on peut adopter le projet proposé par le comité. N’allons pas appauvrir le peuple en nous proposant de l’enrichir; n’allons pas surcharger les comptoirs du commerce d’une monnaie apparente qui, en paraissant favoriser la circulation, la rendrait impossible jusque dans nos fabriques. Je désire donc que l’on dise nettement quelle quantité de cuivre est nécessaire pour l’échange de petits assignats et qu’on présente des bases quelconques : une expérience encore naissante peut les livrer à la confiance de la nation. Je trouve donc le rapport du comité vague, : insignifiant, et il m’est impossible de donner mon (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n mai 1791.] assentiment à un projet dans lequel je n’aperçois que des dangers et où il n’est pas possible que l’Assemblée nationale puisse justilier aux yeux de la nation la délibération qu’elle aurait prise, puisqu’on ne vous y présente ni la quotité des besoins, ni les moyens de l’extraction du métal, ni les sommes nécessaires pour l’acheter. Je ne combats pas les moyens; je me plains, au contraire, de ce qu’on ne nous a pas instruits. (Aux voix ! aux voix !) M. Belzaïs-Courménil (1). Le préopinant, avec l’envie assez marquée de faire la critique de votre comité des monnaies, n’a pas laissé de faire son apologie. Il est aisé, en répondant à ses principales objections, de vous prouver que votre comité s’était occupé des principes qu’il a jetés en avant. D’abord, Messieurs, on vous a dit avec raison, je l’avoue, que l’Assemblée nationale ne doit point se comporter comme ces grands seigneurs, qui, se fiant sur la bonne foi de leurs intendants, finissent par se ruiner. Nous ne devons pas faire la même chose ; aussi je comptais présenter un amendement qui doit à cet égard vous tranquilliser. Je vais vous demander d’ordonner que le ministre des contributions soit tenu de vous rendre compte, tous les quinze jours, de l’état de la fabrication. D’après cela, on vous a dit que le grand Newton avait pensé qu’une manière certaine de faire disparaître la monnaie d’or et d’argent était de multiplier à l’infini la monnaie de cuivre. Vous sentez, Messieurs, sans examiner si ce grand homme s’est trompé, vous sentez que la difficulté va disparaître par l’amendement que je présente, parce qu’une fois que le Corps législatif sera instruit, tous les quinze jours, de la fabrication, il aura donné avec précision ce que les besoins du commerce indiqueront. On reproche au comité des monnaies de n’avoir pas calculé avec exactitude quels pouvaient être les besoinsduroyaume ; à cela, je réponds que le préopinant ni moi ne le savons, et j’ajoute qu’il n’est pas dans la puissance humaine de le calculer. On vous a dit que votre comité devait se servir de l’cxemule du passé; que le passé devait servir de base aux calculs qu’il y avait à faire là-dessus ; mais on ne pensait pas alors que le temps où vous vous trouvez ne ressemble pas du tout à celui qui s’est passé, parce que le temps de liberté ne se calcule pas sur les temps d’esclavage. Dans cette position, que devez-vous faire ? Les besoins du commerce doivent vous servir de thermomètre. Vuus devez avec une scrupuleuse attention voir les mouvements et les passions. Le préopinant aurait mieux aimé , ce me semble, que l’on eût décrété 40 millions. M. l*ablté Maury. Non pas, Monsieur, j’en serais bien fâché. M. Belzais-Courménil. En ce cas, je vais dire que j’en serais aussi fâché que lui, et puisque 40 millions vous effrayent, puisque 10 vous paraîtraient peu suffisants,” il faut bien nécessairement que vous attendiez les événements qui fixeront le jour où vous devez vous arrêter ; d’ailleurs, c’est le moyen de déjouer les monopo-(1) Le Moniteur ne donne que la conclusion de ce discours. leurs et de laisser au commerce son cours entier. Le préopinant a demandé où vous prendriez le cuivre ; il y a deux moyens de détruire ses sollicitudes à cet égard : le premier c’est que l’on peut vendre les cloches à la charge par l’acquéreur de fournir du cuivre en échange; le second, c’est que l’on s’occupe avec franchise des moyens chimiques d’en extraire directement le cuivre. Vous voyez que, dans l’une et l’autre de ces hypothèses, vous n’avez qu’à puiser abondamment dans cette mine précieuse que le Ciel vous a envoyée dans sa bonté. ( Rires et applaudissements.) Je dois tranquilliser par un seul mot les inquiétudes patriotiques de M. l’abbé Maury. C’est qu’avant qu’on ait pu me prouver combien les cloches des églises supprimées devaient produire de milliers de cuivre, on est parvenu, par approximation du moins, à savoir que le résultat sera au moins de 160 millions pesant. Si vous trouvez dans vos cloches du cuivre de la manière dont on vous le propose, quand vous feriez des pertes dans ce moment-ci sur cette mine qui est venue d’en haut, il est certain que, puisque vous ne pouvez trouver d’autres moyens de donner de la confiance à vos assignats, ce n’est véritablement pas la peine de discuter sur quelques millions de cuivre. On vous a peint les comptoirs de vos marchands, couverts de cuivre stagnant et ne pouvant plus servir. Messieurs, ce que l’on vous présente comme une chose si à craindre est peut-être une chose très salutaire. A l’instant où le cuivre aura de la peine à circuler, vos assignats circuleront bien ; parce qu’au moment où le cuivre sera décrété, vos assignats reprendront toute leur valeur, et la rivalité de leur circulation vous ramènera l’abondance. Quel est l’état actuel des manufactures de France ? C’est d’être pressées et gênées par le défaut de monnaie; alors elles sont dans un état de stagnation qui diminue infiniment vos rapports commerciaux avec l’étranger, ce qui rend constamment la balance de votre commerce défavorable. Lorsqu’au contraire, par l’émission éiendue d’une petite monnaie, elles seront en état d’augmenter le nombre de leurs ouvriers : plus on fera d’ouvrage, plus l’on�vendra à l’étranger. Je vous propose, par amendement, de décréter que le ministre des contributions rendra compte, tous les 15 jours à l’Assemblée, de l’état de la fabrication. M. «le Montesquiou . Il me semble que M. l’abbé Maury a raisonné sur le projet de décret qui est soumis à l’Assemblée, comme si dans la plus grande abondance, dans la circulation la plus favorable de matière d’or et d’argent, on vous proposait tout à coup, sans autre motif, d’émettre pour 40 millions de monnaie de cuivre; alors je crois que véritablement ses raisonnements seraient bons, et que l’on vous proposerait une chose absurde. Mais c’est au contraire au moment où les monnaies d’or et d’argent sont devenues d’une rareté qui rend la circulation absolument impossible, qu'on vous propose d’y suppléer; c’est au moment où vous reconnaissez que la mesure des petits assignats est d’une nécessité indispensable, où vous reconnaissez que cette mesure ne sera utile que lorsque les porteurs d’assignats pourront en obtenir partout l’échange, sans aucun péril, et lorsque ces petits assignats eux-mêmes trouveront partout des dépôts dans [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791. J 165 lesquels l’échange juste et légal pourra se faire à volonté. Il est impossible d’arriver à cette mesure autrement que par une monnaie de cuivre; son incommodité même fait la sûreté de celle opération ; car il suffit que l’on ait toujours la certitude de trouver dans un dépôt un échange libre, pour que les échanges se fassent librement dans le commerce et sans aucune perle. M. l’abbé Maury vous a cité Newton. Eh bien, je citerai aussi Newton, et je citerai le passage qu’il a cité. Newton, vous a-t-il dit, assure que l’émission des monnaies de cuivre fait disparaître la monnaie d’or et d’argent, parce que la monnaie de cuivre reste dans le pays où elle est. Or, Messieurs, que cherchons-nous, une monnaie qui reste. (Applaudissements.) M. faoné Maury demande sur quelle base on peut établir la quotité de l’émission proposée; c’est moi qui ai eu l’honneur de vous proposer 40 millions, et j’insisterai encore sur cette somme. Ce n’est pas sans base, je ne dis pas certaine, car personne n’en a, mais au moins vraisemblable, que j’ai proposé cette somme. 40 millions de monnaie de cuivre donnent à peu près 400,000 livres par département. Je crois que la circulation de chaque département n’emploiera pas 400,000 livres de monnaie de cuivre, mais comptez que pour entrer dans le système que vous avez paru approuver, il faut que dans tous les chefs-lieux de district, et peut-être dans d’autres endroits, il y ait un dépôt public d’une somme assez considérable de monnaie de cuivre pour qu’à chaque instant l’échange puisse se faire. Or, pour qu’il se trouve cette quantité suffisante, il faut qu’il y en ait une quantité excé-dente ; car ce qui sera dans le dépôt doit y rester, quoiqu’il y en ait une grande quantité dans la circulation : et ce n’est que la surabondance qui vous répondra d’un échange libre, facile et au pair de vos besoins. Or, c’est ce que nous demandons. ( Applaudissements .) Je sais bien qu’no jour arrivera où une somme de monnaie de cuivre répandue dans tout le royaume serait surabondante, incommode et inutile, mais le moyen de retirer cette surabondance dans les temps de prospérité ne doit pas être alarmant, car enfin ce métal lui-même aura toujours une valeur intrinsèque. Quant à l’amendement du préopinant, il fait l'objet d’un article que j’avais proposé ce matin et que je vous proposerai d’adopter additionnel-lement au projet de décret de vos comités. Je crois effectivement qu’il est très nécessaire que le ministre, chargé d’exécuter les ordres du roi, rende compte tous les quinze jours à l’Assemblée du progrès de la fabrication. Bn conséquence, je demande que le décret soit mis aux voix et qu’on y ajoute cet article additionnel. M. d’Aubergeon de Murinais. On a souvent cité le patriotisme des Français et leur empressement à faire des dons patriotiques. En voici une nouvelle occasion. Gomme l’Assemblée a beaucoup renversé de marmites, elle peut demander en dons patriotiques les casseroles. ( Rires ironiques.) (La discussion est fermée.) M. de Wirieu, rapporteur , donne lecture des articles 1 et 2 du projet-de décret, ainsi conçus : « L’Assemblée nationale décrète ; Art. 1er. « Le roi sera prié de donner les ordres les plus prompts pour faire fabriquer, dans les différents hôtels des Monnaies, la quantité de monnaie de cuivre suffisante pour satisfaire aux besoins du royaume, et faciliter l’échange des petits assignats. » (Adopté.) Art. 2. « Cette fabrication se fera à la taille décrétée le 11 janvier de cette année, avec les empreintes qui sont en usage, jusqu’à ce que celles qui on été décrétées le 9 avril dernier soient en état de servir. » (Adopté.) M. de Airleu, rapporteur. L’amendement de M. Belzais-Gourménil pourrait devenir l’article 3; il serait ainsi conçu : Art. 3. « Le ministre, chargé de l’exécution des ordres du roi, rendra compte tous les 15 jours à l’Assemblée nationale des progrès et de l’état de la fabrication. » (Adopté.) M. de Airieu, rapporteur. Enfin l’article 3 de notre projet deviendrait l’article 4, ainsi conçu ; Art. 4. « Le roi sera également prié de prendre provisoirement les mesures convenables pour hâter l’exécution du présent décret, et prévenir les abus qui pourraient résulter du défaut actuel d’orga sation des Monnaies. » (Adopté.) ni* M. de Wirieu, rapporteur. Je demande, Messieurs, que le décret que vous venez de rendre soit présenté dans les 24 heures à la sanction du roi. (Cette motion est décrétée.) M. Gombert. Nous venons de décréter la fabrication des gros sols; je demande actuellement à MM. les commissaires qui sont chargés de la fabrication des assignats de 5 livres, en quel état est cette fabrication. M. Rabaud-Safnt-Etlenne. Le comité des finances a nommé MM. de Gernon et de Beaumetz qui s’occupent avec beaucoup d’activité de cette fabrication; je remarquerai d’ailleurs que l’Assemblée a chargé ce comité de lui proposer in-ce samment le mode d’exécution. (L’Assemblée, consultée, décrète que le rapport du comité des finances lui sera présenté à la séance de jeudi soir.) M. BouUevilIe-Dumetz . Je demande que l’Assemblée fixe à jeudi soir le rapport de son comité des monnaies sur l’organisation des Monnaies. (Gette motion est décrétée.) M. Belzais-Courménil. La chose la plus importante que vous puissiez faire, c’est de charger le comité de l’imposition de vous présenter au plus tôt son travail sur ! 'impôt foncier. On cherche à répandre des alarmes sur ce que l’impôt ne s’établit pas ; mais j’observe que presque toutes les municipalités ont fait tous les travaux préparatoires et on espère que cet impôt s’établira très promptement. Je vous invite en bon citoyen de vouloir bien vous pénétrer d’avance que cet objet ne doit pas être susceptible de grandes contestations : ce n’est pas là un objet constitutionnel ; chaque an